Quand un divorce se passe mal, c'est l'enfant qui trinque.
Je le vois chaque jour dans mon métier, et je viens de le vérifier dans ce roman poignant de
Anne B. Ragde.
Celle-ci met en scène Lotte, une petite norvégienne de 8 ans, et nous suivons pas à pas les ravages que le départ de son père adulé a provoqués dans son coeur de petite fille. Non seulement elle affronte le désespoir et la défaite totale de sa maman, mais elle doit faire face aux moqueries des autres de son âge, ainsi qu' aux « monstres » nés de son imagination. Heureusement, heureusement, là-bas dans les fjords, enserré dans les montagnes qui soutiennent le ciel, étincelle le paradis de son enfance : la ferme de ses grands-parents où elle passe les grandes vacances, chaque année. Choyée et libre à la fois, elle peut s'abandonner à l'insouciance. du moins, c'est ce qu'elle croyait…
J'ai adoré le ton adopté par l'auteure, car il est entièrement du côté de la petite fille. Les paroles, les expressions, les pensées, tout se calque sur la manière de raisonner de l'enfance. Et c'est encore cela le plus poignant, le plus touchant, car nous nous rendons compte que l'enfant observe, comprend ou croit comprendre, et donc interprète. Par le filtre de l'enfance, nous apercevons avec horreur l'égoïsme des adultes, leurs faux-semblants.
Etre aimé, être protégé, aimer et protéger : difficile de faire la part des choses quand on n'a que 8 ans et qu'on voit sa vie voler en éclats.
Et pourtant, c'est le lot de beaucoup d'enfants…
Rythmé par la description de la nature, par les gestes quotidiens d'une époque où la voiture, où la télévision ne sont pas encore monnaie courante, époque où les femmes ne sont pas nombreuses à travailler et où le divorce est tabou, ce roman psychologique et faussement naïf m'a ébranlée fortement.
Décidément, ces auteurs du Nord sont particulièrement doués pour se tenir au plus près de l'âme humaine, quel que soit l'âge ! Quand ils y superposent, comme
Anne B. Ragde, la nature omniprésente, les animaux, les gestes si précis, si banals et pourtant si essentiels de la vie, on exulte.