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EAN : 9782864327356
70 pages
Verdier (06/06/2013)
4.29/5   7 notes
Résumé :
« Qu’est-ce qu’un grand peintre, au-delà des hasards du talent personnel ? Ce peut être un homme qui a cru assouvir par la maîtrise des arts la toute-puissance du désir, à ce divertissement noir a voué son œuvre, jusqu’à ce que son œuvre, ou sa propre conscience, lui dise que l’art est là justement où n’est pas la toute-puissance : j’ai appelé cet homme par commodité Watteau. »
P. Michon
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Je veux me divertir » c'est éditée, seule, une des quatre histoires de « Maîtres et serviteurs ». C'est Watteau dans ses dernières années, raconté par Charles Carreau, curé de Nogent où Watteau séjourna à deux reprises, où il mourut.

A leur première rencontre, Watteau aurait demandé au curé de poser pour lui, peignant son visage en deux jours, et le curé aurait découvert sa figure tout en haut du corps immense et nigaud du Gilles, du Pierrot blanc.
« Je veux me divertir, » ce serait la face cachée de Watteau imaginée par Pierre Michon, que le curé de Nogent révèlerait. Ce serait donc les oeuvres que Watteau refuserait de laisser à la postérité. Ce serait le côté sombre, très tôt malade, toujours insatisfait, du peintre qui aurait donné le change avec ses toiles inspirées de la commedia dell'arte et des fêtes galantes, mais que le curé aurait percé à jour :
« L'ombre rose du pommier se penchait sur lui ; et d'autres doucement l'entouraient, pommés, vastes et frissonnants comme des robes peintes ; le temps bleu régnait autour, fumait sur des feuillages neufs ; tout, cette fois, était ce qu'il peignait, sauf lui. »

Ecriture incomparable de Pierre Michon.
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C'est à travers un personnage, un curé, le modèle d'un Pierrot, que Pierre Michon - dans cette oeuvre d'imagination extraite de « Maîtres et serviteurs » parue en 1990 -, évoque Watteau.
Le curé narre sa rencontre avec le peintre, un homme qui lui apparait moqueur et taciturne à la fois, plus égrillard que séducteur, libertin en tout cas. le lecteur assiste donc à la confection des oeuvres et à la vie de Watteau sur les bords de Marne à Nogent, son travail de peintre, son attirance pour les femmes, sa bizarre horreur de la nature, sa maladie omniprésente et sa lente agonie.
La biographie de Watteau m'étant inconnue je ne sais pas qu'elle est la part de fiction donnée par Pierre Michon. Il y en a une, c'est certain, mais la fiction est parfois plus vraie que la réalité. L'importance qu'il donne au désir (qui n'a rien de doux, d'éthéré ou de champêtre) dans la conception des oeuvres de Watteau m'a parue plausible. Mais son écriture est tellement belle qu'il pourrait me faire avaler ce qu'il veut. Une esthétique impeccable qui se lit autant qu'elle se vit et se contemple, comme un Watteau.
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critiques presse (1)
Telerama
10 juillet 2013
Récit biographique donc, consacré au peintre du Pèlerinage à l'île de Cythère, raconté par la voix du curé de Nogent, dont la « terne gueule » servit de modèle au célèbre Pierrot, Je veux me divertir est une réflexion sur l'artiste, l'ambition, le génie, portée par la langue admirable que l'on connaît à Michon.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
(...) qu’on sache seulement qu’il effleurait la toile à petits coups brusques ; qu’il peignait court ; qu’il n’était pourtant pas un pouce de son corps qui ne participât à ce presque rien ; que ses grands mouvements de tout le bras, de tout le jarret, de loin jetés comme pour fouetter violemment la toile et jouir de cet éclat, se résolvaient dans un attouchement furtif, une caresse exaspérée, empêchée : il fomentait dans l’air un paraphe despotique et signait d’une petite croix tremblée ; il préparait une gigantesque gifle et ne posait qu’une mouche sur la joue d’une Colombine : tout cela l’irritait beaucoup, l’épuisait.
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Dans sa jeunesse, ne pas avoir toutes les femmes lui avait paru un intolérable scandale. Qu’on m’entende bien – lui, on ne peut plus l’entendre : il ne s’agissait pas de séduire ; il avait plu, comme tout un chacun, à ces deux, sept, trente ou cent femmes qui à chacun sont imparties, selon sa taille et sa figure, son esprit. Non, ce dont il enrageait, dans la rue, dans les coulisses et les échoppes, à la table de tous ceux qui l’accueillirent, chez les princes et dans les jardins, partout enfin où elles passent, c’était de ne pouvoir arbitrairement décider de disposer d’une, épouse du mécène, fillette ou vieille catin, de l’index la désigner, qu’à ce geste elle vînt et tout aussitôt s’offrît, et que la jetant là ou l’emportant ailleurs, tout aussitôt il en jouît. Qu’on m’entende encore : il n’était pas question de les y contraindre, qu’une loi ou quelque autre violence les y contraignit ; non, mais qu’elles le voulussent comme il les voulait, indifféremment et absolument, que ce désir leur ôtât tout discours comme à lui-même il l’ôtait, que d’elles-mêmes enfin elles courussent au fond du bois et muettes, allumées, sans le souffle, s’y disposassent pour qu’il les consommât, sans autre forme de procès. C’est bien là ce qu’il me dit, ce soir de juillet, entre deux quintes, et plus crûment que je ne le rapporte : il voulait un passe-droit ; le don multiple qu’il attendait était son dû, mais il ne me dit pas en paiement de quelle dette, qui ne lui fut jamais remboursée et dont l’énormité, l’outrecuidance, le faisaient rire de lui-même ; il n’en appela pas ; il voulait se taire, il voulait qu’on s’offrît à ce silence ; et que dans toutes ces robes il fût la seule main, avec pour tout commentaire celui, pétillant comme un langage, des retroussis de soie à l’instant forcené. Il n’en toucha pas un écu, évidemment, il voulait trop ou trop peu. Peut-être en cela était-il tous les hommes ; mon état ne me permet guère d’en juger et d’ailleurs, je vis retiré.
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