Jean Moulin. La République des catacombes (Coffret 2 volumes : Tome 1 et 2)

Daniel Cordier était le secrétaire de Jean Moulin. Il fait partie des derniers témoins de la France Libre et de la Résistance que nous avons eu la chance d'entre parler ces dernières années avant qu'ils nous quittent. Avec lui, nous avons connu Stéphane Hessel, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Lucie et Robert Aubrac, et quelques autres.

Le livre est en deux volumes, le premier étant consacré à Jean Moulin, le deuxième s'élargissant sur l'histoire de la France Libre et de la Résistance, notamment après l'arrestation et la mort de Jean Moulin.


La mission
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Au moment de la Drôle de guerre, jusqu'au début du régime de Vichy, Jean Moulin est préfet de l'Eure-et-Loir, à Chartres. Il démissionne alors, et rejoins la France Libre et le Général de Gaulle, à Londres.

Le Général de Gaulle confit à Jean Moulin la mission de fédérer les mouvements de résistance. On assiste en effet, en France métropolitaine, à une certaine concurrence larvée entre les mouvements, on fait presque les mêmes opérations de sabotage, quand on n'écope pas pour un autre, suite aux représailles du régime. Tout cela est très désordonné et pas très efficace.

Après que le Général lui ait défini assez précisément sa mission, Jean Moulin rejoint la France, par un de ces transports aéroportés clandestins financés par la Grande-Bretagne.

Depuis qu'il est en Angleterre, c'est-à-dire depuis juin 40, le Général s'emploie à obtenir du matériel, des armes et de l'argent, auprès de la Grande-Bretagne d'abord, puis auprès des Alliés. Et il va charger Jean Moulin de redistribuer ces moyens aux « Mouvements », en France.

La péréquation permettant de savoir combien on donne à tel mouvement, plus ou moins qu'à tel autre, selon leur « réputation ou importance », n'est pas la moindre des difficultés que rencontre Jean Moulin. Les communistes ont l'avantage d'avoir une infrastructure très organisée dès avant la guerre, il faut donc compter avec eux. Mais si on leur donne trop, les alliés coupent le robinet, et accusent le Général de vouloir instaurer en France un régime d'une couleur indésirable après la Libération.

Si le Général a du mal a faire reconnaître sa légitimité auprès des Alliés, Jean Moulin rencontre la même difficulté, mais d'une toute autre mesure, pour se faire accepter par les « Mouvements ». Qu'est-ce que c'est que ce planqué de Londres qui veut nous commander ?

Certains dirigeants de la Résistance, ainsi bien sûr que des résistants de base, n'ont accepté l'importance du rôle de Jean Moulin et de son successeur que bien après la Libération.

La plus grande partie de l'ouvrage est consacrée à la description des rouages de cette politique, dans le bon sens du terme, où il faut convaincre de la nécessité d'un leader, déjouer les entraves, faire des rappels, des mises au points, à une époque où les communications sont très difficiles.


La trahison
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Le deuxième volume commence avec cette arrestation de Jean Moulin à Caluire par la Gestapo, et va se poursuivre jusques après la Libération, avec notamment le procès de Hardy.

Une réunion des cadres de la Résistance est organisée, en 1943, à Caluire, dans les hauteurs de Lyon, dans la résidence d'un médecin.

Moulin s'y rend à pied en partant de la gare de Perrache. On connaît l'heure d'arrivée de son train, si bien qu'on sait qu'à telle heure il se trouvait à tel endroit, et donc qu'il n'a pas pu faire telle chose ou avoir eu connaissance de tel fait.

Un cadre de la résistance, un nommé Hardy, responsable des sabotages ferroviaires, je crois, rencontre une autre personne dans les rues de Lyon. Hardy n'est pas invité à la réunion, mais cette autre personne (j'ai oublié le nom), l'est, et, contre toute règle de sécurité, dit à Hardy : « pourquoi ne viendrais-tu pas ? ».

Moulin arrive à Caluire en même temps… que la Gestapo. Ils ont été trahis. Moulin est en retard d'un quart d'heure, la Gestapo… aussi.

La plupart des participants à la réunion sont arrêtés, certains tentent de fuir et sont fusillés. Mais on s'aperçoit que Hardy s'en sort un peu trop facilement.

Une grande partie de ce deuxième volume est consacrée à la trahison. Les interrogatoires contradictoires de Hardy, les procès (il y en a eu deux), les convictions de certains, les aveuglements d'autres.

Hardy n'est pas n'importe qui, il s'est donné à fond dans la Résistance, au risque de sa vie, jusqu'à cette année 43. On se refuse à dire que c'est « l'un des nôtres » qui nous a trahis.

Certains, comme les Aubrac, sont convaincus de la culpabilité de Hardy dès le début, d'autres doutent très longtemps, comme Daniel Cordier lui-même, d'autres encore seront convaincus de son innocence jusqu'à la fin de leur vie, comme ce fut le cas, je crois, de son compagnon des premières années de la Résistance.

Daniel Cordier juge utile de répondre à ces polémiques honteuses des années 80, émanant de gens qui n'étaient pas nés à l'époque, où on accuse Moulin lui-même. Il est bien bon, j'aurais été plus méprisant.
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