Cet ouvrage m'a été recommandé par un ami professeur universitaire qui maîtrise la langue d'origine de l'auteur. Par chance on a ici une belle traduction en Français.
Ce livre nous plonge dans la triste vie d'un personnage à l'âme sombre et égarée. Ceux qui cherche un peu de soleil dans leur lecture doivent passer leur chemin! La psychologie est fine, l'avancement savamment mené, et son style est a savourer! Un auteur sensoriel comme j'aime les appeler, un talent qui vous prend aux tripes...une des plus belle écriture néerlandaise à ne pas manquer.
Commenter  J’apprécie         82
L'origine de cette méconnaissance réside, à n'en pas douter, chez moi : je me méfie de toutes les femmes, l'intérêt qu'elles suscitent à mes yeux s'étiole vite, pour ce qui est de Sylvie, j'ai été simplement amoureux d'elle, six mois après c'était terminé, le chasseur ayant capturé la biche, la routine n'a pas tardé à s'installer, suivie de l'ennui, lui-même suivi de la résignation ou du refus de me résigner en raison de ma fébrilité et de ma nature remuante... pis que tout ça : au bout d'environ trois ans, notre mariage croupissait dans une indifférence réciproque totale, qui ne nous empêcha pas certes de demeurer prévenants et corrects l'un envers l'autre et de continuer à tenir en honneur les plaisirs de la chair jusqu'au jour où l'apathie s'est faufilée avec un grand bâillement dans le lit conjugal...
"[...] il lui arrivait de rester plusieurs jours sans manger, passait si nécessaire plusieurs nuits sans dormir, gérant ses rentrées d'argent avec la plus grande parcimonie afin de s'offrir le théâtre partout où il s'arrêtait, aux besoins en assistant aux représentations le ventre vide sur un des strapontins du poulailler. Le corps n'a pas à regimber, le mien fait sans rechigner ce que je lui commande.
Je l'entends encore prononcer ces paroles, le ton sémillant avec lequel il le fit.
Environ vingt ans plus tard, il devait m'annoncer tout à fait autre chose sur un ton bien différent. Le corps est le grand traître."
Il m'a dit : il faut accepter que la vie soit de temps à autre d'une idiotie à mourir, il faut pouvoir lui foutre parfois un coup de pied au derrière pour que tout aille de traviole, sinon on se retrouve devant une terne succession de dates sans signification aucune qui, au final, ne laissent aucun souvenir, bribes arbitraires d'existence sans la moindre cohérence, la vie comme enchainement d'anecdotes fortuites. De temps à autre, il faut oser, tu es d'accord avec moi?
Les femmes sont ainsi faites. Dès quelles se mettent à parler d'un bébé, c'est comme si il était né ; pour les hommes, aucun échappatoire et c'est peine perdue que d'argumenter. Les femmes sont pour ainsi dire des animaux, non équipés de raison ; elles obéissent à leur instinct qu'on appelle " horloge biologique ", lequel leur souffle de mettre au moins un enfant au monde sous peine de ne pas se sentir " parachevées ".
J'étais un animal qui n'avait pas reconnu sa progéniture, un chien qui ne flaire pas son propre fils alors qu'il a la truffe dessus.
7 février 2010 :
Mot de l'éditeur :
L'Eden Engloutie :
Dans L'Éden englouti, prélude à Rouge décanté, Brouwers se souvient de tempo dahulu, le paradis perdu des Indes néerlandaises qui dans son souvenir sont devenues « le pays des rêves ». Il y évoque son enfance merveilleuse, marquée par la présence de sa mère souveraine et celle de son formidable grand-père musicien, avant l'invasion japonaise des îles de la Sonde. Ce « temps de sa somnolence », où il était encore en bas âge, fut partagé entre l'épanouissement de ses sens devant le spectacle fascinant de la nature indonésienne et l'apprentissage du langage, crucial pour cet écrivain-né. Il prit fin brutalement lorsque Jeroen fut incarcéré au camp de Tjideng avec sa mère, sa grand-mère et ses soeurs.
Rouge décanté :
Rouge décanté est une évocation incantatoire des deux années de la Seconde Guerre mondiale que Brouwers a passées au camp de Tjideng, à Batavia, durant l'occupation japonaise de l'Indonésie néerlandaise, avec sa mère, sa grand-mère et sa petite soeur. Témoin de scènes effroyables, Jeroen Brouwers, qui y resta de quatre à six ans, ne faisait pas alors la part du bien et du mal. Ni le rire ni la fascination pour les Japonais ne sont absents de ces visions d'enfant. le portrait de sa mère est celui d'une femme admirable, quoique jamais héroïque. Tout le texte est, non seulement un éloge à son courage, à sa beauté, au sourire dont elle ne se défait jamais, mais aussi, sous couvert d'impassibilité, un magnifique et douloureux témoignage d'amour.
+ Lire la suite