Je suis une très grande fan de la série. Cette série qui revisite avec humour et intelligence la matière de Bretagne. Je ne pouvais donc qu'acheter les scripts des épisodes sortis en plus en livre de poche donc à un prix démocratique. Ce fut un réel plaisir de redécouvrir les textes par écrit même si ceux-ci sont ceux de base sans les ajouts de dernières minutes et les improvisations des acteurs.
Je me suis taper toute seule quelques fou rire rien qu'à la lecture du texte.
A recommander à tous les passionnés de cette série.
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KAAMELOTT
LIVRE I - Episode 28
LA BOTTE SECRETE
(Alexandre Astier)
Perceval et Karadoc finissent leurs verres. Le tavernier débarrasse les tables vides en soupirant.
LE TAVERNIER : Allez, une journée de plus en moins. On va dormir un peu, et demain on recommence. Je peux vous dire que « tavernier », c’est pas une sinécure.
KARADOC : C’est pas faux.
Le tavernier s’éloigne.
PERCEVAL (discrètement à Karadoc) : J’ai jamais su ce que ça voulait dire « sinécure.
KARADOC : Moi non plus. Quand vous comprenez pas, vous dites « C’est pas faux ». Comme ça vous passez pas pour un glandu. C’est ma botte secrète.
PERCEVAL (intrigué) : C’est pas faux.
*
Arthur et Perceval sont à table.
ARTHUR : Faudra quand même qu’un jour on se décide à mettre un poste de garde sur cette route. Trois fois qu’on se fait surprendre comme des bleus par les Vandales.
PERCEVAL : Le problème, c’est que quand on met des hommes à un poste de garde, la première semaine, ils jouent aux cartes, ils font leur petit rata, mais après, avec la solitude, ils sont beurrés du soir au matin. On les retrouve affalés sur la table…
ARTHUR : Ils se débrouillent ! Une relève toute les deux semaines, je me fous pas d’eux, quand même ! Je suis désolé, c’est ça « monter la garde », on n’a jamais dit que c’était une sinécure.
PERCEVAL, gardant son calme : C’est pas faux !
Arthur continue de manger. Perceval est rassuré.
ARTHUR : Alors du coup, les Vandales arrivent au poste de garde, ils sont surpris, et ils n’ont même pas le temps de donner l’alerte !
PERCEVAL : La première semaine, ça va.
ARTHUR : La première semaine… Vous irez leur dire, aux Vandales, qu’il faut pas qu’ils se pointent en deuxième semaine parce que nos gardes supportent pas la solitude.
PERCEVAL : Je sais bien.
ARTHUR ; Sans blague, vous trouvez pas que c’est paradoxal ?
PERCEVAL, inquiet, après une seconde d’hésitation : Ouais, c’est pas faux.
ARTHUR, satisfait de l’accord de Perceval : Et alors…
Perceval est ravi de sa nouvelle technique.
*
Arthur, Lancelot et Perceval sont retranchés derrière les arbres. Blessés, menacés de toutes parts par leurs ennemis, ils tentent de trouver une solution de repli, alors qu’au loin, la bataille fait rage.
ARTHUR : Il faut qu’on trouve une solution de repli, on va y rester !
LANCELOT : Ils ont coupé les deux issues au nord et au nord-est !
ARTHUR : Mais c’est pas sûr, ça !
LANCELOT : Les éclaireurs reviennent pas, vous allez pas me dire que c’est bon signe ?
ARTHUR : Et de rester là comme des noix à attendre de se faire dérouiller, vous trouvez que c’est bon signe ?
LANCELOT : On va pas courir vers des points de retraite en sachant qu’il y a neuf chances sur dix qu’ils soient exposés !
ARTHUR : Mais on en sait rien, venez pas me la jouer ! Les éclaireurs sont pas revenus, c’est tout ! ça veut rien dire, ça !
LANCELOT, paniqué, prenant une carte des mains de Perceval : Il faut trouver un autre point !
ARTHUR : Je croyais que les cartes étaient fausses ! Faudrait savoir !
PERCEVAL : Attendez, j’ai pas dit qu’elles étaient fausses ! On m’a dit qu’elles étaient pas d’hier, c’est pas pareil !
LANCELOT : Mais elles sont vraiment vieilles ?
PERCEVAL : J’en sais rien, moi, je vous répète ce qu’on m’a dit. De toute façon j’y comprends rien aux cartes !
ARTHUR : Ah, faites un effort, hein !
PERCEVAL : On m’a dit : « Attention, elles sont pas d’hier »
LANCELOT : D’accord, elles sont pas d’hier, mais est-ce que vous pensez qu’elles sont obsolètes ?
PERCEVAL, sans frémir : Euh !... C’est pas faux !
ARTHUR : Quoi « c’est pas faux » ?
PERCEVAL : De quoi ?
LANCELOT : On vous demande si vous pensez que les cartes sont obsolètes !
PERCEVAL : Bon, c’est pas faux.
ARTHUR : Bon, on s’est fait refiler des cartes d’il y a vingt ans, quoi…
PERCEVAL : J’ai pris ce qu’il y avait, moi.
ARTHUR : Vous vous êtes encore débrouillé comme un chef ! Je me demande vraiment ce qu’on peut vous confier…
LANCELOT : Ecoutez, on tente une passe triple, on est trois…
PERCEVAL : De quoi ?
ARTHUR : Une passe triple, c’est pas con, on a nos chances…
PERCEVAL, paniqué : Ouais, c’est pas faux !
LANCELOT : Convergente ?
ARTHUR, après une seconde de réflexion : Convergente, ouais… On est obligé à cause des arbres…
PERCEVAL, perdu : Ouais, c’est pas faux.
Arthur et Lancelot se préparent.
LANCELOT : Trois… deux… un…
Ils se lèvent et partent en courant. Perceval reste seul.
PERCEVAL, criant : Ouais, c’est pas faux !
*
Perceval et Angharad discutent.
ANGHARAD : C’est vrai qu’en ce moment ça va pas fort. Heureusement que vous êtes là pour me réconforter.
PERCEVAL : C’est bien normal.
ANGHARAD : Non, quand même… Combien il y en a qui se débinent dès qu’il y a quelque chose qui cloche ?
PERCEVAL : Vous me dites « ça va pas fort, il faut qu’on se voit », on se voit. Avec moi, vous savez, c’est carré.
ANGHARAD : Surtout qu’on s’est pas vus souvent ces derniers temps !
PERCEVAL : Ah bah !... Les responsabilités… Toujours sur la brèche…
ANGHARAD : Beaucoup d’envahisseurs à repousser ces temps-ci ?
PERCEVAL : C’est pas tellement ça, mais bon… Arthur a souvent besoin de moi pour des conseils stratégiques. Disons que je chapeaute un peu tout ce qui est action militaire sur le territoire breton. Ça fait du travail.
ANGHARAD : C’est d’autant plus gentil à vous d’avoir pris un peu de temps pour moi. Je sais pas ce qui m’arrive ces jours-ci… Je me regarde dans le miroir, j’ai l’impression d’être insipide !
PERCEVAL, ne comprenant pas : Ouais, c’est pas faux.
Angharad encaisse le coup.
ANGHARAD, dure : ça m’a fait du bien de parler, merci.
Elle s’en va. Perceval se félicite, lui-même.
*
Arthur et Perceval sont à table, ils mangent.
PERCEVAL : Les travers de porc, c’est pas mauvais, mais ça vaut pas les côtelettes. Les côtelettes, c’est plus savoureux.
ARTHUR : Ouais, c’est pas faux.
Perceval regarde Arthur sans y croire.
PERCEVAL : Sans blague, vous savez pas ce que ça veut dire « savoureux » ?
ARTHUR : Quoi ? Ben… Evidemment que si.
PERCEVAL : C’est « côtelettes » que vous ne comprenez pas ?
KAAMELOTT
LIVRE I - Episode 89
TEL UN CHEVALIER
(Alexandre Astier)
Le tavernier s'approche de la table de Perceval et Karadoc.
LE TAVERNIER : Ces messires, qu'est-ce qui leur ferait plaisir?
KARADOC : Heu, moi je sors de table, merci…. (à Perceval) Et vous?
PERCEVAL : Ah non, moi là aujourd'hui ça passerait pas
LE TAVERNIER: Moi ça me fait rien que vous consommiez pas, mais si la patronne vous voit, je vais me prendre une chasse!
PERCEVAL, soupirant : Bon bah, trois poulets.
KARADOC : Ouais, pareil.
LE TAVERNIER: Maman! Et six poulets qui vont bien!
*
Perceval et Karadoc sont attablés devant une coupe de vin.Perceval semble perturbé.
KARADOC : Qu'est-ce qui se passe? Vous avez pas l'air dans votre assiette…
PERCEVAL: C'est le seigneur Léodagan qui m'a fait une réflexion ce matin… Depuis ça tourne, je me monte le bourrichon…
KARADOC : Qu'est-ce qu'il vous a dit?
PERCEVAL : Ben c'est depuis cette histoire comme quoi le Roi veut me nommer responsable de la sécurité des postes frontières.
KARADOC : Eh ben?
PERCEVAL: Là-dessus Léodagan tape du poing sur la table et il fait comme ça que responsable, il préfèrerait encore nommer une vieille galeuse paralytique.
KARADOC : Du coup, vous l'avez mal pris.
PERCEVAL : C’était pas dit méchamment mais vous savez ce que c’est, on a son petit orgueil.
KARADOC : Moi je dis que vous êtes trop souvent victime des quolibets.
PERCEVAL : Des… ?
KARADOC : Des quolibets ! Il y a trop de gens à Kaamelott qui oublient que vous êtes un vrai chevalier.
PERCEVAL : Ça c’est sûr !
KARADOC : Moi je crois que vous devriez aller voir le Roi et lui dire qu’il faudrait qu’on commence à vous considérer en tant que tel.
PERCEVAL, sans comprendre : Ah bon ?
*
Arthur et Perceval déjeunent.
PERCEVAL, après un silence : Vous savez, Sire, j’aimerais bien qu’on commence à me considérer en tant que tel.
ARTHUR : Comment ?
PERCEVAL : Comment « comment » ?
ARTHUR : Vous considérer comme… J’ai pas compris.
PERCEVAL : Ben… Me considérer en tant que tel.
ARTHUR : En tant que tel quoi ?
PERCEVAL : Parce que je trouve que je suis trop souvent victime des colifichets, quand même ! C’est pas normal.
ARTHUR : Victime des… ? La vache, je suis désolé, je comprends pas un mot de ce que vous dites. (Dynamique) Allez-y reprenez, je vous écoute.
PERCEVAL : Je vous disais que j’étais victime des colifichets et qu’il faudrait qu’on commence à me considérer comme tel.
Arthur retourne la phrase dans sa tête en vain.
PERCEVAL : C’est pas clair, c’est ça ?
ARTHUR : Non, mais je sens bien que vous essayez de me dire quelque chose… C’est de vous la phrase ? ou vous l’avez entendu, ça ? « Colifichet » par exemple, qu’est-ce que c’est pour vous ? Comment vous vous le… ça se représente comment pour vous « colifichet » ?
PERCEVAL: Ben… Comment dire… Colifichet, c’est quelqu’un qui…
ARTHUR : Non, déjà non, pas du tout.
PERCEVAL : Quelqu’un qui dit du mal d’une personne.
ARTHUR : Non, mais non, c’est pas ça.
PERCEVAL : Comment on dit, alors ?
ARTHUR : Comment on dit quoi ? (D’un seul coup impatient) ça me… Non, j’en ai marre, là, ça y est !
PERCEVAL : Une personne qui dit du mal d’une personne qui commence par « coli… »
Arthur réfléchit et renonce.
ARTHUR : Non, moi je crois que vous devriez arrêter d’essayer de dire des trucs. Ça vous fatigue – déjà – et puis pour les autres, vous vous rendez pas compte de ce que c’est. Moi, quand vous faites ça, ça me fout une angoisse… Je pourrais vous tuer, je crois, de chagrin. Je vous jure, c’est pas bien ! Il faut plus que vous parliez avec des gens.
*
Perceval ne s’est pas résigné. Il cherche à se faire comprendre. Arthur, la tête dans les mains, souffre le martyre.
PERCEVAL : Non mais, je me goure de mot. C’est pas « colibri » ?
ARTHUR, presque en larmes : Qu’est-ce qui est pas « colibri » ?
PERCEVAL : Un type qui dit du mal d’un autre.
ARTHUR : Un colibri c’est un oiseau.
PERCEVAL : Eh ben, c’est peut-être une expression à base d’oiseau ! On dit bien « une alouette » pour une fille qui dépense et qui arrive pas à faire des économies.
ARTHUR, à Perceval : Mais personne dit ça…
PERCEVAL : Bah ! Vous avez jamais entendu dire « Oh la la ! Eh ben celle-là, tu parles d’une alouette ! »
ARTHUR, méprisant : Jamais de la vie.
PERCEVAL : Ou alors quelqu’un qui oublie toujours tout ; c’est bien une « tête d’épingle » ! Sauf que là, c’est pas un oiseau !...
ARTHUR : Une tête de linotte.
PERCEVAL : Qu’est-ce que c’est ça, une linotte ?
ARTHUR : Un oiseau.
PERCEVAL : Et bah, qu’est-ce que je disais !
*
Arthur dort à moitié, de façon à supporter Perceval qui ne démord pas de ses revendications.
PERCEVAL : Donc, pour résumer, je suis souvent victime des colibris
ARTHUR : Mmh !
PERCEVAL : Sous-entendu des types qu’oublient toujours tout. (Pris d’un doute) Non… (passant) Bref, tout ça pour dire, que je voudrais bien qu’on me considère en tant que Tel.
Arthur lance un regard éteint à Perceval.
ARTHUR : Bon, eh ben… je vais voir ce que je peux faire…
LEODAGAN - Un petit différend familial, vous pouvez supporter ça une fois de temps en temps, non ?
ARTHUR - "Une fois de temps en temps"? Eh ben, vous manquez pas d'air !
SELI - Tout dépend de ce que vous appelez un différend.
ARTHUR - Ah bah, à partir du moment où on commence à péter la vaisselle, je pense que le terme est pas excessif !
GUENIEVRE - N'exagérez pas quand même ! Il y a des soirs, c'est calme.
SELI - Hier, il y a pas eu un mot plus haut que l'autre.
YVAIN - Il y a père qui a dit qu'Arthur, c'était un emmerdeur et que des rois comme ça, il en faisait un tout les matins.
ARTHUR - Tiens ! Il y a pas eu un mot plus haut que l'autre ?
LEODAGAN - Je l'ai pas dit fort !
SELI - Comme ça, c'est sûr, sorti de son contexte...
LEODAGAN (à Perceval et Karadoc) - Ils ressemblaient à quoi, ces champignons ?
KARADOC - Ah, ils étaient beaux...
PERCEVAL - Ah oui ! Vous auriez vu ces couleurs... Rouge vif, tout tachetés...
KARADOC - Non, vraiment ils étaient beaux.
ARTHUR - Vous aussi, vous êtes beaux... Vous êtes magnifiques !
LEODAGAN - Mais tachetés comment ? Avec des points blancs ?
PERCEVAL - Mais qu'est-ce que ça change puisque vous les avez pas aimés ?
LEODAGAN - C'est pour savoir si en plus de la chiasse on s'apprête à crever dans la demi-heure !
KARADOC - Déjà, ils étaient pas tous pareils :il yen avait des blanc-crème.
LEODAGAN (aux autres) - Bon, laissez tomber, on est foutus !
LANCELOT - Et en dernier recours, Léodagan se tient prêt avec cent cinquante cavaliers qui arriveraient par la gauche.
PERCEVAL - Par la gauche ...
LANCELOT - Par la gauche, oui.
PERCEVAL - Mais par rapport au courant de la rivière ?
LANCELOT - Mais... mais j'en sais rien, moi...
ARTHUR - Qu'est que vous venez nous emmerder, avec votre rivière ?
PERCEVAL - Non mais bon, la gauche, la droite, c'est bien gentil, mais il me faut du concret, moi.
A l'occasion des cinquante ans du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême, nous avons eu le plaisir de rencontrer le Président du Grand Jury de cette année, Alexandre Astier, pour une courte mais intense interview. Il nous parle sans détour de son dixième album, "Karadoc et l'Icosaèdre", de sa série Kaamelott en bande dessinée en collaboration avec le dessinateur Steven Dupré. Cette série humoristique d'héroic-fantasy continue de marquer moult générations de lecteur. Alexandre nous confie quelques secrets sur la réussite de sa série, sur son devenir et bien plus encore.