AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782868535559
855 pages
Le Temps qu'il fait (20/10/2011)
4.62/5   33 notes
Résumé :
Première publication sous le pseudonyme de Jean Douassot, 1958.
Lauréat du Prix de Mai 1959.

''L'auteur nous a subjugués, envoûtés, et, au vrai, je le dis sans goût pour les paradoxes faciles, c'est peu de huit cents pages pour parvenir à un tel résultat.
D'autres n'y seraient pas parvenus en trois mille, et beaucoup par leur œuvre entier. Fred Deux a découvert une planète que nous pensions connaître : le monde du sexe et de l'organique,... >Voir plus
Que lire après La GanaVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Le récit autobiographique d'un enfant vivant dans l'entre-deux-guerres à Paris, dans une cave qui sert de conciergerie à ses parents. Confronté à une profonde misère sociale malgré son jeune âge, il côtoie de près alcoolisme, délinquance, insalubrité, sexe et prostitution, mort et maladie. Lui-même — est-ce une façon de se protéger ? — tombe malade au point d'être envoyé un temps en sanatorium. Il a des moments de délire et le lecteur l'accompagne aussi au gré de ces fièvres, de ses rêves et des discussions où il se fait les questions et les réponses. L'ouvrage est articulé en une nombreuse série d'anecdotes, de moments, vécus avec les uns ou les autres. Malgré l'épaisseur de l'ouvrage, il n'y a pas de répétition, l'appétit de poursuivre la lecture ne diminue jamais, et quand c'est fini, on en voudrait encore. L'écriture est d'une finesse, d'une sensibilité et d'une efficacité remarquables. Et sans qu'il y ait une totale ressemblance stylistique, ce roman m'a souvent rappelé « Mort à crédit » de Céline. Une pépite !
Commenter  J’apprécie          230
Lire La Gana, c'est avant tout, le vouloir. 950 pages en tout petit caractère. le livre n'est pas « confortable » ni dans la forme ni dans le fond. Il ne s'adresse pas à tout le monde. Il s'adresse à qui veut bien voir et à qui a le coeur bien accroché.
La Gana, c'est le récit romancé de l'enfance de Fred Deux, autrement nommé Jean Douassot, artiste peintre et écrivain né en 1924 et décédé en 2015. Il a traversé le siècle et lorsqu'il publie La Gana en 1958, il a 34 ans – seulement ! Car il faut la lucidité d'un vieux monsieur pour écrire un bouquin pareil. On y suit le quotidien d'un enfant qui a plus ou moins 10 à 15 ans selon les moments du récit. Il vit dans une cave avec ses parents et sa grand-mère maternelle. de temps en temps, il va à l'école. le plus souvent il écoute l'oncle que beaucoup croient fou. Tous se tuent à la tâche à l'usine, à la laverie, sur les trottoirs, de vols à l'étalage. de tout ce que la vie voudra bien leur laisser en sursis. Et c'est la tête dans le guidon, un jour après l'autre que l'on avance ou piétine à la suite du mouflet, en quête d'un bol d'air, d'une évasion. 950 pages condensées, cadenassées, compactées. Aucun avenir, peu d'espoir. Pas de fenêtre. Seulement les eaux qui remontent des égouts sous la table de la cuisine certains hivers, les rats qui fuient. Pour rêver d'autre chose, encore faut-il avoir l'intuition qu'autre chose est possible.

Alors voilà, La Gana marque son lecteur, le courageux qui osera s'y plonger et y rester des semaines durant, dans ce marasme sans fond. Dans cette misère sans misérabilisme, la lucidité est de mise, le sens rationnel frise le plus souvent avec la folie, la mort, les corps fatigués. Des plaintes, si peu. Des lâchetés, aussi. de l'amour, peut-être bien. Je crois sincèrement que cette plongée dans les bas-fonds parisiens de l'entre-deux guerres est une expérience nécessaire. de celles qui aident à penser l'humain et le voir tel qu'il est.

Le langage de Fred Deux fait preuve d'un tel réalisme, d'une telle lucidité, d'une telle capacité à rendre ces émotions compressées et si rarement exprimées verbalement que je ne peux qu'être séduite par ce mélange de fiction et d'éléments biographiques qui recomposent une vérité qu'aucun documentaire, qu'aucun roman conçu pour l'évasion n'aurait pu transmettre.
Lien : https://synchroniciteetseren..
Commenter  J’apprécie          123
Des trucs, comme ça, Dame ! Je te le dis…C'est quand même mieux qu' leur pain béni. C'est des écailles grosses de murailles, des globes pendus au soupirail, des portes arrachées aux silences des caves, des tâches qui effacent toute la connerie des armures et ouvrent la panse muette des âmes . Ça vous dénude le torse des larmes devant le mitard d'un mur.

Astrid Shriqui Garain
Commenter  J’apprécie          164
"La Gana" est de ces romans dont on ressort à la fois exsangue et comblé...

Avec cette autobiographie romancée, Jean Deux -également connu sous le nom de plume de Jean Douassot-, nous immerge dans le Paris populaire des bords de Seine des années 30, aux côtés d'Alfred, dix ans, qui évoque son quotidien de misère. Il vit dans une cave, entouré d'une mère tuberculeuse qui travaille sur les marchés et rêve pour son fils d'élévation sociale, d'un père alcoolique et ouvrier, d'une grand-mère aveugle et conciliante, et d'un oncle anarchiste, un peu voleur, un peu parasite, dont le tempérament libertaire, généreux et fougueux suscite chez son neveu une véritable vénération. Ses parents sont par ailleurs les gardiens de l'immeuble dont ils occupent la cave, sous laquelle coulent les égouts. En période de crue, les nuits sont hantées par la crainte que l'eau et les rats envahissent leur logis par la trappe placée en son centre, devenue pour Alfred un objet de terreur.

Les journées sont rythmées par l'école, souvent buissonnière, les incursions sur les berges de la Seine, en solitaire, ou en compagnie de camarades traîne-misère comme lui, par l'atmosphère tristement besogneuse et souvent orageuse du foyer familial...

De ce quotidien sordide, Alfred fait une épopée, qui suscite -et c'est un véritable tour de force- à la fois dégoût et émerveillement. Portant sur son environnement un regard sans filtre, à la fois candide et acéré, il évoque avec minutie une réalité de promiscuité et de dénuement, qu'il entremêle à une fantasmagorie enfantine nourrie de rêves si prégnants qu'on a parfois du mal à les distinguer du réel, d'où émergent démons et gorgones inspirés des membres de son entourage.

L'organique occupe une place prédominante dans le récit, ponctué de l'évocation continue du spectacle des corps et de leurs sécrétions, dégueulis, sang, merde..., et de la profusion des détails physiques -poils et boutons, plis, odeurs- alimentant les descriptions que livre Alfred, en observateur curieux que rien ne dégoûte, du spectacle des êtres déguenillés, sales, vieillis avant l'âge, se vautrant dans la fange, qu'il côtoie. le sexe y est de même omniprésent, à la fois effrayant et obsessionnel, notamment symbolisé par la "grosse Perny", une des locataires de l'immeuble qui le poursuit de ses assiduités, et peuple ses rêves avec régularité, sous la forme d'une répugnante et gigantesque créature assoiffée de sexe.

"La Gana" se déroule en un flux énergique et martelant, dont la crudité fascine et écoeure, qui n'est pas sans évoquer, par moments, la verve Célinienne... Jean Deux a une capacité à saisir l'instant qui donne l'impression de lire le journal que tiendrait, mentalement un enfant de dix ans. Et pourtant, il se dégage de l'ensemble une poésie qui émeut et enchante, liée à la sincérité du narrateur, et à sa faculté à tirer, du désespoir et de la violence, une énergie et une sensibilité salvatrices.

Aussi, malgré la noirceur du propos et l'aspect répétitif du texte -nécessaire car participant pour grande partie à sa véracité- qui rendent la lecture parfois ardue, découvrir "La Gana" est une expérience forte, originale, qui marquera durablement ma vie de lectrice.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          70
La Gana est une espèce d'autobiographie hallucinée d'un homme qui grandit dans le sous-prolétariat parisien des années d'entre deux guerres. C'est une plongée dans le sordide de l'extrême dénuement. Pour l'essentiel il s'agit de la vision d'un enfant avec ce qu'elle comporte de déformations et de fantasmes. C'est ainsi que surgissent des images puissamment inquiétantes, qui pourraient venir d'un tableau de Jérôme Bosch; le tout baignant dans une atmosphère d'un Paris qui laisse entendre l'écho de dialogues sortis des films de Jean Renoir.
C'est un livre pour les amateurs de poésie brutale.
Commenter  J’apprécie          120

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Face à la Samaritaine, vivait une famille de vieux ayant une fille aussi âgée que la Samaritaine et qui fut vite l'objet de mon attention. Elle était très gentille, légèrement bossue, et ma mère, qui la prenait en "pitié" pour sa bosse, la rendait plus amusante pour moi. Sa bosse, c'était quelque chose de très intrigant, et l'oncle, qui avait une idée sur chaque chose mystérieuse, me déclara quand je lui demandai ce qu'il y avait dedans, que c'était une sorte d'os qui poussait et que d'une bosse analogue sortaient les ailes des anges, qui sont bossus, comme chacun sait. N'ayant pas été choisie pour voler dans le ciel, couronnée de son auréole, elle errait sur la terre, précisément dans notre immeuble.
Commenter  J’apprécie          190
[Première page]
– Regarde toujours ton nombril et dis-moi ce que tu en penses, me demandait mon oncle.
L’oncle, frère du père, était dans la grande lignée de la famille. Comme les princes, il portait une cloche sur la tête et traînait toujours derrière lui un parfum violent.
Né sous un jour qui devait être aussi le mien plus tard, il n’avait pas d’autres amis que son frère, ma mère et moi.
Célibataire, très peu aimé des hommes, il passait sa vie à tirer ce qu’il pouvait d’elle.
Cela ne l’empêchait pas de tirer sur du vide et d’être toujours au bord du désespoir. il ne se rendait pas toujours compte qu’il vivait et c’était mon père qui devait discrètement le lui rappeler. Il est curieux de voir combien les gens peu causants se montrent discrets avec certains êtres. C’était le cas des deux frères. L’un, le père, devait, s’il voulait tenir un peu plus longtemps, déjouer tous les pièges, lorsqu’on veut vivre, même misérablement.
Surtout misérablement.
Le passe-temps favori de l’oncle était de regarder son nombril. ç’aurait pu être révoltant pour mon père qui n’avait pas un instant à lui pour ce genre de méditation. Il aurait pu aussi bien éloigner ce contemplateur d’une famille qui n’avait déjà que trop d’emmerdements à se caler une nourriture difficile à ramasser. Il aurait pu l’éloigner de moi. Le prétexte de l’exemple aurait suffi. Pourtant, j’eus l’impression que, loin de l’éloigner, il le retint avec nous et jamais avec un sentiment de pitié.
Commenter  J’apprécie          60
Puisqu'il fallait saluer les chefs, les infirmières (ils se mirent en tête pour nous dresser, alors que nous étions malades, de nous faire saluer tout adulte que nous croiserions), nous avions trouvé cette façon spéciale d'accepter de le faire. Saluer voulait dire : enculer. Ce devint une joie de saluer tous les enculés de la terre. Nous saluions même les parents, les curés qui venaient. Allant au village, nous nous campions devant des types que nous voyions pour la première fois, et au garde-à-vous, nous les enculions. Les types ne comprenaient pas, quand nous nous mettions à galoper pour saluer une femme, une infirmière. Ils devinrent légèrement maussades et énervés par nos saluts. Petit à petit, on mit un frein et on nous conseilla de ne saluer que les gens du sana.
Trop tard, mes chers amis. Les gosses avaient le feu au cul. Le salut était entré dans nos jeux, et les mouchards furent salués comme les autres, faisant partie de la famille des enculés.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Fred Deux (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Fred Deux
En librairie et sur https://www.lesbelleslettres.com/livre/4383-platon-a-rendez-vous-avec-darwin.
Un dialogue renouvelé entre les Deux cultures, les sciences et les humanités, permet-il d'aborder de grandes questions de philosophie politique sous un jour nouveau et fécond ? Vincent le Biez en fait le pari.
autres livres classés : roman autobiographiqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (135) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..