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Noemie Lvovsky (Autre)
EAN : 9782073031716
4 pages
Gallimard (07/09/2023)
3.67/5   891 notes
Résumé :
J'ai toujours eu envie d'écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler, qui rendent le regard d'autrui insoutenable. Mais quelle honte pourrait m'apporter l'écriture d'un livre qui soit à la hauteur de ce que j'ai éprouvé dans ma douzième année. A.E.
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sur 891 notes
Honte : « Sentiment pénible excité dans l'âme par la conscience d'une faute commise et la confusion, le trouble qu'on en ressent ».

Premier livre d'Annie Ernaux que je lis et mes impressions sont mitigées, à l'image de cette confusion entre ce que je m'attendais à lire et ce que j'ai lu. L'auteure se souvient d'une drame survenu dans sa maison familiale en juin 1952, j'aurai imaginé que la suite allait tourner dans la honte de cette image mais l'auteure part dans les souvenirs des années cinquante. Elle pointe du doigt les us et coutumes de cette époque sans lien apparent avec le 15 juin 1952. Quelque chose m'échappe et me dérange dans ce récit. Où est la honte d'avoir habité une époque et de la voir évoluer, grandir avec son temps. Il n'y a pas vraiment de jugement, juste une suite de moralité, de bonne conduite, de schéma propre à ces années. Chaque temps a ses avantages et inconvénients. le tout est d'avoir le recul nécessaire pour vivre en accord avec soi-même.

En conclusion, je n'ai pas compris où voulait en venir Annie Ernaux, honte à moi! Quant à la plume, elle m'a plutôt laissée de marbre, je n'ai pu m'attacher au récit ni aux images, une espèce de litanie en arrière sans réel rapport avec la honte telle que je la définis moi personnellement.
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Lorsque j'étais en formation d'éducateur spécialisé, on m'a beaucoup demandé de raconter mon parcours de vie, ce qui m'avait amené à choisir ce métier. Sans doute parce qu'il y a ce qui est considéré comme des "mauvaises raisons" de choisir ce métier, comme par exemple résoudre ses soucis personnels, les traumatismes en lien avec sa propre histoire. A l'occasion d'un entretien avec ma référente de formation, et après que j'ai retracé mon parcours familial, elle m'avait conseillé la lecture de la honte d'Annie Ernaux pour mieux comprendre et analyser mes motivations. Ce devait être en 2008 ou 2009...

Comme vous le voyez, je suis prompt à suivre les recommandations de mes formateurs puisque je viens enfin de terminer ma lecture (130 pages, j'ai toujours eu du mal avec les pavés...). Trêve de plaisanterie, malgré l'écart des années, l'envie de savoir ce qui avait motivé cette recommandation m'intéressait en commençant cette lecture. La révélation ne fut pas transcendantale ! le fait que cette formatrice soit sociologue avait dû beaucoup jouer, la démarche d'ethnologue de soi-même que revendique Ernaux devait beaucoup lui plaire... à elle...

Je n'y ai pas été indifférent non plus, l'idée de s'auto-examiner, d'explorer ses souvenirs, son passé comme on le ferait avec un sujet universitaire est plutôt géniale. J'ai retrouvé dans le projet des parallèles avec Modiano et son obsession de la mémoire avec une différence certaine de style tout de même. Ernaux revendique une écriture plate, neutre, sans métaphores, recherchant l'objectivité dans l'analyse des faits. Il y a également une certaine volonté d'exhaustivité, de précision qui aboutit parfois à un sentiment d'exagération quand elle explicite des comportements qui nous semblent des évidences... jusqu'à ce qu'on se rende compte que ce ne sont des évidences que parce que l'on partage avec elle précisément ces mêmes expériences. Et la boucle est ainsi bouclée peut-être des raisons qui ont poussé ma formatrice à m'inciter à cette lecture : une éducation dans la religion catholique, une origine plutôt modeste (mais loin du dénuement de celle d'Ernaux) une volonté parentale de progresser hors de ses origines sociales... le parallèle s'arrête là puisque la honte ressentie par l'auteur est plutôt une fierté de mon côté du parcours familial, avec peut-être seulement une légère culpabilité de ne pas avoir continué l'"ascension" en réalisant mon projet initial de devenir avocat.

La culpabilité justement, c'est sans doute ce qui manque dans l'analyse. Annie Ernaux évoque ce sentiment de honte qui l'aurait bloqué et dont elle fait remonter l'origine à un évènement traumatisant qui aurait en quelque sorte "déclenché" ce sentiment chez elle et aurait fait qu'elle aurait alors systématiquement ressenti l'écart entre ce que sa vie était censée être selon les standards de l'éducation catholique et donc forcément bourgeoise qu'elle suivait... et ce qu'elle vivait au quotidien dans son milieu populaire. Mais je pense que cette "honte" est renforcée par la culpabilité générale que la religion nous incite à ressentir, puisque nous sommes toujours à la recherche des choses que nous avons mal faites afin de nourrir la confession de nos pêchés, confession dont elle relate d'ailleurs bien le mécanisme au sein de son établissement scolaire.

Au final, l'expérience de lecture a été plutôt intéressante mais je n'ai pas non plus accroché totalement à l'écriture, cette platitude revendiquée créant pour moi une distance alors que je suis habitué professionnellement à m'intéresser humainement aux personnes et aux parcours. L'idée de transformer les êtres humains en objets universitaires me frustre sans doute trop, j'ai besoin de sentiments, de chair, ce que ne m'a pas offert ici Ernaux. Expérience à renouveler, j'ai mis du temps à m'accrocher aux propositions de Modiano, cela sera peut-être comparable avec Ernaux.
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Croisée il y a quelques temps à la télé, cette femme détonnait. Envie de lire à quoi ressemblait ce qu'elle écrivait. Mais l'auto-fiction, ce n'est pas vraiment mon truc. Finaud, j'en ai choisi un pas épais, écrit gros.

Et puis ce matin, je la découvre prix Nobel. Alors pour ne pas avoir l'air sot dans les salons de Babelio, j'ai lu La honte. Où elle raconte en détail l'année de ses douze ans, quand elle a découvert à son désavantage les différences sociales.

Déjà, elle est pas gênée celle-là, elle nous raconte sa petite cuisine d'écrivain en train de faire son livre. Ce sont des paragraphes intercalés, mis entre parenthèses. Qu'est-ce que j'm'en fous, moi, j'veux qu'on m'raconte une histoire, pas comment on l'a écrit.

Mais ce n'est pas si bête, finalement, cela nous rapproche de la fillette qu'elle fut en nous rapprochant de sa difficulté à s'en souvenir plus de quarante ans après.
Mine de rien, elle atteint une précision impressionnante, entre les détails factuels et les souvenirs de sentiments qu'ils font remonter. Dans un style sans affect, le plus neutre possible en apparence. Et pourtant, on finit par ressentir les émotions de cette fillette.
Remarquable.

Bon, cela fait et cela dit, je retourne aux oeuvres complètes de Flannery O'Connor qui ont beaucoup plus d'intérêt à mes yeux.
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C'est un livre tout petit, tout modeste et que j'ai apprécié et dévoré très rapidement, trop sans doute car je pense reprendre cette lecture en réfléchissant à tout ce qui y est dit. La honte, c'est ce sentiment que beaucoup d'entre nous ( génération 50/60) connaissent, quand on a été élevé par des parents très moralistes, et dans des institutions où le "péché" occupe la plus grande place: Honte de son corps, honte de la modestie de ses parents, honte des faits dont on est témoin et qui ne nous sont pas expliqués au moment où cela devrait être. Cette "honte" a fait très rapidement place à la culpabilité... Annie Ernaux s'en fait le porte parole. un très beau livre.
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L'idée d'Annie Ernaux est que le fait d'écrire est une action interdite devant entrainer un châtiment. Peut être celui de ne plus pouvoir écrire quoi que ce soit ensuite.
La pub, quoi, c'est interdit, donc je le fais.
On est tous pendus à ses lèvres : va-t-elle y arriver, ou non ?
Sauf que depuis qu'elle a réussi à écrire ce récit, elle a l'impression qu'il s'agit d'un événement banal, plus fréquent que l'on ne pense dans les familles : son père a voulu tuer sa mère quand elle avait 12 ans.
Pas cool pour celle qui veut choquer en écrivant.
Peut-être le récit, tout récit, rend normal n'importe quel acte, y compris le plus dramatique. Alors là, bam, ce qu'elle va écrire serait-il normal ?
Vous avez dit normal ?
Le récit ne crée pas la réalité, il la cherche, les mots doivent se plier dans cet acte auto-ethnologique qui est de chercher sa propre vérité.
Le sentiment de honte (social, un peu beurk, la chemise de nuit pleine d'urine de sa mère) est aussi un sentiment de honte éprouvée à 12 ans, : il lui a été impossible d'en parler, et sans doute aucun livre n'arrivera à être à la hauteur de ce que la petite Annie a éprouvé.
Lorsque le père s'emporte, et elle se sent responsable : « il n'y avait de faute ni de coupable nulle part. Je devais seulement empêcher que mon père tue ma mère et aille en prison. »
Comme d'habitude, ce qui l'intéresse en premier lieu c'est le fait non de l'avoir vécu, mais de pouvoir l'écrire.
Or personne ne peut entendre une chose aussi énorme, la possibilité d'un meurtre. Écrire, c'est rendre normal n'importe quel acte même dramatique.
« J'ai toujours eu envie d'écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler, qui rendent le regard d'autrui insoutenable. Mais quelle honte pourrait m'apporter l'écriture d'un livre qui soit à la hauteur de ce que j'ai éprouvé dans ma douzième année. »

Elle se fait pour cela l'ethnologue d'elle-même, son unique souci, et de son milieu, citant les expressions, qu'elle croit être «  de son milieu » alors qu'elles sont «  de notre temps. »
La honte, pour un ethnologue, ne pas savoir de quoi elle parle, avoir honte d'un passé pas du tout honteux (à part son histoire d'essai de meurtre) bref essayer de nous faire pleurer sur ce monde d'avant la consommation.
Nous ne coupons pas à l'évocation des règles désirées et des serviettes hygiéniques, c'est un grand leit motiv de notre autrice préférée et, qui sait, le secret succès vis-à-vis des jurés du Nobel ?
Allez savoir.


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Citations et extraits (96) Voir plus Ajouter une citation
"Tout de notre existence est devenu signe de honte. La pissotière dans la cour, la chambre commune - où, selon une habitude répandue dans notre milieu et due au manque d'espace, je dormais avec mes parents -, les gifles et les gros mots de ma mère, les clients ivres et les familles qui achetaient à crédit."
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En juin 52, je ne suis jamais sortie du territoire qu'on nomme d'une façon vague mais comprise de tous, "par chez nous", le pays de Caux, sur la rive droite de la Seine entre le Havre et Rouen. Au-delà commence déjà l'incertain, le reste de la France et du monde que "par là-bas" avec un geste du bras montrant l'horizon, réunit dans la même indifférence et inconcevabilité d'y vivre. Il semble impossible d'aller à Paris autrement qu'en voyage organisé, à moins d'y avoir de la famille susceptible de vous guider. Prendre le métro apparaît comme une expérience compliquée, plus terrifiante que monter dans le train fantôme de la foire et nécessitant un apprentissage qu'on suppose long et difficile. Croyance générale qu'on ne peut aller quelque part sans "connaître" et admiration profonde pour ceux ou celles "qui n'ont pas peur d'aller partout".
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Sur l’autre photo, petite, rectangulaire, je suis avec mon père devant un muret décoré de jarres de fleurs. C’est à Biarritz, fin août 52, sans doute sur la promenade longeant la mer qu’on ne voit pas, au cours d’un voyage organisé à Lourdes. Je ne dois pas dépasser un mètre soixante, car ma tête arrive légèrement au-dessus de l’épaule de mon père, qui mesurait un mètre soixante-treize. Mes cheveux ont poussé en trois mois, formant une sorte de couronne moutonnée, retenue par un ruban autour de la tête. La photo est très floue, prise avec l’appareil cubique gagné par mes parents dans une kermesse avant la guerre. On distingue mal mon visage, mes lunettes, mais un sourire large est visible. Je porte une jupe et un chemisier blancs, l’uniforme que j’avais lors de la fête de la jeunesse des écoles chrétiennes. Par-dessus, une veste, dont les manches ne sont pas enfilées. Ici, je parais mince, plate, à cause de la jupe plaquée aux hanches puis évasée. Dans cette tenue, je ressemble à une petite femme. Mon père est en veste foncée, chemise et pantalon clairs, cravate sombre. Il sourit à peine, avec l’habituel air anxieux qu’il a sur toutes les photos. J’ai sans doute gardé celle-ci parce qu’à la différence des autres, nous y apparaissions comme ce que nous n’étions pas, des gens chics, des villégiaturistes4. Sur aucune des deux photos je n’ouvre la bouche pour sourire, à cause de mes dents mal plantées et abîmées.
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Etre crâneuse est un trait physique et social, détenu par les plus jeunes et les plus mignonnes qui habitent le centre-ville, ont des parents représentants ou commerçants. Dans la catégorie des pas crâneuses figurent les filles de cultivateurs, internes, ou demi-pensionnaires venant à vélo de la campagne avoisinante, plus âgées, souvent redoublantes. Ce dont elles pourraient se vanter, leurs terres, leurs tracteurs et leurs commis, n'a, comme toutes les choses de la campagne, aucun effet sur personne. Tout ce qui ressortit à la "cambrousse" est méprisé. Injure : "Tu te crois dans une ferme" ! (p.92-93)
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Naturellement pas de récit, qui produirait une réalité au lieu de la chercher. Ne pas me contenter non plus de lever et transcrire les images du souvenir mais traiter celles-ci comme des documents qui s'eclaireront en les soumettant à des approches différentes. Être en somme ethnologue de moi-même.
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Vidéo de Annie Ernaux
En 2011, Annie Ernaux a fait don au département des Manuscrits de la BnF de tous les brouillons, notes préparatoires et copies corrigées de ses livres publiés depuis "Une femme" (1988). Une décennie et un prix Nobel de littérature plus tard, elle évoque pour "Chroniques", le magazine de la BnF, la relation qu'elle entretient avec les traces de son travail.
Retrouvez le dernier numéro de "Chroniques" en ligne : https://www.bnf.fr/fr/chroniques-le-magazine-de-la-bnf
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