C'est l'amertume qui m'inonde. Je referme
La Mort à Venise, oeuvre d'un grand écrivain du siècle dernier jamais encore lu et que j'attendais de découvrir avec intérêt ; la connexion n'a pas eu lieu. le charme n'a pas opéré et je reste désillusionnée, incapable de trouver en ces lignes de quoi me raccrocher car, je l'avoue à ma grande honte, je n'ai même pas dépassé la 361ème page (sur plus de sept cent).
Après un début déjà fort rebutant et de gros efforts pour m'acclimater à un style très ampoulé (je suis pourtant une amoureuse inconditionnelle de la littérature classique !), j'ai été achevée par la nouvelle
Maître et Chien. Certes, la relation existant entre le narrateur et son fidèle Bauschan était décrite avec délicatesse et elle peut toucher si l'on aime le genre mais vingt pages de description géographique du milieu dans lequel la brave bête chasse le faisan ou le lièvre a terrassé le frêle intérêt que je tâchais encore de conserver.
Je ne nie pas que
Thomas Mann puisse être pour d'autres un grand écrivain... Mais, nonobstant le style littéraire dont j'ai déjà parlé, je suis incapable de m'attacher à des récits dans lesquels la cruauté facile et infondée tue de malheureuses créatures pour lesquelles seule la compassion devrait être de mise (Le petit Monsieur Friedemann, Louisette)... Je ne ressens que perplexité et vague dégoût lorsque des individus vieillissants, narrateur ou pas, s'émeuvent en espionnant à la dérobée de jeunes adolescents imberbes paradant habillés comme de gentils baigneurs (
Tonio Kröger, Comment Jappe et Do Escobar se battirent,
La Mort à Venise)... Et, toute passionnée de religion et d'art que je sois, j'ai un mal fou à suivre les tours et détours schizophréniques d'esprits perturbés par la relation de l'un ou de l'autre avec le monde réel (Gladius Dei,
Tristan,
Tonio Kröger). le sujet en lui-même m'avait fort interpellée, notamment dans
Tonio Kröger - mais la forme m'a quant à elle définitivement rebutée.
Je me supposais une certaine profondeur de pensée mais cette lecture inachevée, déroutante et décevante m'a fichu une belle claque : à moins qu'un siècle de postérité ait été un grossier mensonge, je suis passée à côté d'un grand écrivain dont je ne savourerai jamais le génie.