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Félix Bertaux (Traducteur)Charles Sigwalt (Traducteur)Axel Nesme (Traducteur)Armand Nivelle (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253006459
188 pages
Le Livre de Poche (01/01/1965)
3.77/5   1485 notes
Résumé :
La fascination mortelle que peut exercer la beauté, tel est le sujet de La mort à Venise, ce chef-d'œuvre d'inspiration très romantique où l'on retrouve l'essentiel de la pensée de Thomas Mann. Gustav Aschenbach, romancier célèbre et taciturne, voit sa vie bouleversée par la beauté divine et la grâce d'un adolescent. Sous le regard interrogateur du jeune Tadzio, la descente aux abîmes de ce veuf respectable, dans une Venise au charme maléfique rongée par le choléra,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (131) Voir plus Ajouter une critique
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sur 1485 notes
Qu'une conjonction de circonstances puisse être à l'origine d'un chef-d'oeuvre, c'est ce que l'on peut vérifier dans la genèse de la nouvelle de Thomas Mann intitulée La Mort à Venise.
Faisant un séjour dans la lagune en mai 1911, Mann suivait dans la presse germanophone les nouvelles du terrible voyage que faisait le compositeur Gustav Mahler qui, revenu de New York avec une santé qui se dégradait de jour en jour, avait droit à un bulletin quasi quotidien dans les journaux tandis qu'il regagnait Vienne où il allait rendre son dernier soupir.
Immédiatement, c'est à un autre compositeur que pensa Thomas Mann, et il fit là l'association avec Richard Wagner qui avait justement fini ses jours à Venise en 1883.
Le père des Buddenbrook aurait pu donc s'inspirer de ces épisodes pour écrire un livre mettant en vedette un musicien (et cela conduira d'ailleurs plus tard Luchino Visconti à faire le raccourci en choisissant de camper justement le portrait d'un musicien dans son adaptation à l'écran de Mort à Venise avec des traits biographiques inspirés de la vie de Gustav Mahler et une illustration sonore puisée non dans les créations de Wagner mais dans celles de Mahler, ce qui familiarisa le public avec le très bel adagietto de la Cinquième Symphonie). Thomas Mann fit un autre choix, et pensant à lui-même, il créa le personnage de Gustav von Aschenbach, écrivain munichois - ce qu'il était justement - mais parvenu à la cinquantaine - alors que l'auteur n'en avait encore que trente-cinq puisque né le 6 juin 1875.
Qu'il eût confié plus tard à Visconti - ce devait être en 1951 ou 1952 - que tout ce qu'il devait mettre dans lLa Mort à Venise (Der Tod in Venedig) avait ses racines dans des épisodes réellement vécus par lui, voilà ce qui faisait de cette nouvelle un écrit largement autobiographique.
On est donc immédiatement amené à évoquer ce qui fait le coeur du récit, la rencontre muette mais extasiée du jeune éphèbe polonais Tadzio, sous le charme duquel tomba immédiatement von Aschenbach, attirance physique qui faisait éclater dans la vie bien assise d'un écrivain reconnu l'explosion d'un face-à-face de l'artiste avec la beauté incarnée, révélation qui dépassait les plus grands frissons esthétiques et renvoyait au concept de beauté dionisyaque en opposition avec l'apollinien et son sens de l'ordre maîtrisé tel qu'il fut traité par Nietzsche dans sa production philosophique. On a donc là tous les ingrédients qui vont donner naissance à cette magnifique nouvelle où ne manque plus, sous la crainte éprouvée par Aschenbach pour l'objet de son adoration en pleine éclosion d'une épidémie de choléra à Venise, que le surgissement du thème de la mort, central dans cette oeuvre. En voulant protéger le beau jeune homme qui le fascine au point qu'il s'en oublie lui-même, Aschenbach s'est finalement fragilisé et c'est lui qui va mourir au sommet de son art tandis que Tadzio vient d'un geste de la main de lui désigner du doigt l'astre Phoébus dans sa lente course céleste.
La Mort à Venise veut faire un noeud entre vie et mort, puissance créatrice et décadence, et elle est comme un résumé de tout ce qu'a produit Thomas Mann et de tout ce qu'il écrira encore par la suite. Il aura fallu un an à Mann pour achever son travail, terminé en juillet 1912, prouvant avec force que , comme novelliste, il n'avait pas moins de talent et de sens du beau que le romancier et que l'essayiste remarquable qu'il fut aussi.
Est-ce un signe que la germanité ne peut se réaliser sans référence à l'influence solaire de la Méditerranée, de l'Italie et de la Grèce ? À la lourdeur allemande, Mann fut, à la suite de Goethe, des poètes romantiques et des philosophes, quelqu'un qui voulait donner à sa création une inspiration venue de plus loin et d'ailleurs, mais il y a quand même loin, dans la description du personnage de Tadzio, de l'image que l'on se fait des corps parfaits sculptés par les Grecs avec la simple beauté slave de ce garçon dont la grâce a sans doute été transcendée par la secrète flamme que Mann dut peut-être éprouver dans sa vie pour quelqu'un ; et ce ne sont pas les allusions à l'amour tardif qu'une jeune femme aurait inspiré à un Goethe vieillissant qui pourront masquer chez Mann cette tentation longtemps dissimulée dans son existence personnelle, ce que révéleront beaucoup plus tard des pages de son Journal tenues secrètes jusqu'à sa mort.
Ce n'est pas l'aspect qui m'attire le plus dans son oeuvre.
D'ailleurs, je me demande si ce n'est pas cette révélation "posthume" qui a fait pâlir un peu son étoile, tant il voulut pendant des décennies passer pour un modèle de bon père de famille et si ce n'est pas cela qui lui valut de perdre la place qu'il occupait en tête des écrivains de langue allemande, dans le coeur du lectorat au profit, semble-t-il de Stefan Zweig, à moins que tout ne s'explique finalement que par un phénomène de "mode".
Mann n'appréciait que modérément Zweig, et il suffit de lire sa correspondance pour s'en rendre compte. Pressentait-il avec un peu de jalousie que ce dernier le détrônerait à un moment ou à un autre ? Je ne crois pas toutefois que cela durera éternellement. Et je pense même que, passé un moment, on redonnera sa pleine importance à Thomas Mann, à moins bien sûr qu'il ne soit placé lui aussi dans le nombre des auteurs que l'on range parmi les anciens et qu'on ne lit plus que par curiosité, ce que je ne lui souhaite pas.

François Sarindar
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Ce roman porte l'ADN de tout ce que j'aime chez Thomas Mann : la faculté de multiplier les regards sans rien perdre en acuité. J'ai aimé l'exigence et la précision du style au service d'un récit sur une rencontre fortuite qui déclenche un besoin d'évasion du coeur, de donner libre cours à ses fantasmes et à ses penchants inconscients.
L'auteur pointe la remise en question de notre rapport à la vie lorsqu'on arrive à l'automne de nos existences et qui prend ici des airs de tragi-comédie grecque.

Thomas Mann traite les thèmes qui lui sont chers avec des références à d'autres oeuvres et à la beauté comme un étendard sous lequel on devrait se battre, comme un idéal à atteindre. Il a volontiers reconnu la part autobiographique de cette nouvelle.

Il a les bons mots pour décrire l'ivresse des sens lorsqu'on oublie de refréner nos sentiments et que mus par la beauté qui déclenche la passion nous renonçons à la raison et à la dignité.
Seule une passion dévastatrice permet le dévergondage du coeur et l'appréhension honteuse d'un comportement non conventionnel. La passion, à n'importe quel âge, pour n'importe quel être, oblitère le sens critique, prend les rênes de nos pauvres âmes en peine en otage et fait de nous de simples marionnettes.

Venise comme toile de fond de cet égarement amoureux est une parfaite maîtresse de maison. La « Serenissima » souvent idéalisée par la beauté de son art, de sa musique et de son éclat cache dans ses profondeurs putrides la mort, ainsi comme le personnage principal essaye de cacher ses penchants homosexuels.

Oscillant entre comédie romantique et drame doux-amer, La mort à Venise est un classique intemporel.


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Si le héros de la Mort à Venise est parti en vacances, ce n'est pas le cas pour le lecteur. Ce dernier doit affronter un texte exigent, très dense, très profond et compliqué par son style et ses idées.

Thomas Mann (lui le grand écrivain célèbre et admiré) nous présente un exemple du combat entre Dionysos et Apollon où un auteur qui s'est acharné d'un travail "spartiate" pour se faire un chemin dans la gloire littéraire avec des oeuvres majeures, sent un besoin cuisant d'interrompre cette vie et de voyager. "Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage" comme l'a bien dit Du Bellay. le héros va faire ce voyage à Venise, pour y découvrir la beauté et non comme Rimbaud, il la trouvera délicieuse. Un séjour à arrière-plan mythologique et artistique. Cet écrivain est subjugué par un chérubin qu'il poursuit partout au risque de succombé à cette épidémie qui ravage Venise:
"Tel l'enfant, par un fleuve attiré pas à pas,
S'y mire, s'y lave et s'y noie." (V. Hugo)

C'est un très beau texte (bien écrit, avec un style mythologiquement ficelé et ciselé) sur l'écriture et son exigence parfois étouffante, la peur de vieillir, l'amour interdit, le sacrifice pour l'amour (qui m'a fait penser à cette idée singulière qu'aimer est plus important, plus beau qu'être aimé) et la mort.

Voici pour finir, ce que dit Mann lui-même sur son livre :
"L'histoire est essentiellement une histoire de mort, mort considérée comme une force de séduction et d'immortalité, une histoire sur le désir de la mort. Cependant le problème qui m'intéressait surtout était celui de l'ambiguïté de l'artiste, la tragédie de la maîtrise de son Art. La passion comme désordre et dégradation était le vrai sujet de ma fiction.

Ce que je voulais raconter à l'origine n'avait rien d'homosexuel ; c'était l'histoire du dernier amour de Goethe à soixante dix ans, pour Ulrike von Levetzow, une jeune fille de Marienbad : une histoire méchante, belle, grotesque, dérangeante qui est devenue La Mort à Venise. À cela s'est ajoutée l'expérience de ce voyage lyrique et personnel qui m'a décidé à pousser les choses à l'extrême en introduisant le thème de l'amour interdit. le fait érotique est ici une aventure anti-bourgeoise, à la fois sensuelle et spirituelle."
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- La montagne magique - fait partie de mes, disons, cent livres préférés. Que de belles heures passées au Berghof en compagnie d'Hans Castorp, de son cousin Joachim, de Settembrini et surtout de Clawdia Chauchat... dont je m'étais énamouré et dont j'attendais à chaque fois un nouveau séjour dans ce sanatorium hors du temps !
- La Mort à Venise - est, elle, une nouvelle d'un peu plus de cent pages, qui nous transporte de Munich à Trieste pour finir à Venise.
Elle met en scène un artiste, un écrivain reconnu - son oeuvre est enseignée aux écoliers -, honoré - il a été anobli -, veuf et embourgeoisé, répondant au nom de Gustav Aschenbach. Celui-ci, lors d'une longue promenade se retrouve aux abords du cimetière du nord, où en attendant son tramway, il s'amuse à déchiffrer les inscriptions gravées sur le fronton de la chapelle des morts. de manière tout à fait inattendue, il aperçoit un étrange individu coiffé d'un chapeau de Manille, qui lui donne un air exotique, un air de voyage qui va susciter chez Aschenbach une irrépressible envie de voyager. le temps de s'organiser, il prend le train pour l'Italie, fait un court séjour à Trieste, avant de se décider à aller à Venise et de poser ses valises au Lido. Dans cet hôtel séjournent une mère polonaise, ses quatre enfants et leur gouvernante. Parmi ces quatre enfants figure un éphèbe de quatorze ans, Tadzio, d'une extraordinaire beauté.
L'écrivain succombe alors à ce qu'Armand Nivelle qualifie de " réveil pubertaire et de tentation pédérastique".
Un regard et un sourire emporteront la raison d'Aschenbach, lui feront braver une épidémie de choléra et le mèneront à...
Je m'arrête là pour ceux qui n'auraient pas lu le titre de la nouvelle, n'auraient pas non plus vu le film de Visconti et ne connaîtraient donc pas la fin de cette histoire.
Histoire que l'on peut lire, comme toutes les histoires me semble-t-il, c'est-à-dire comme bon nous semble.
De manière prosaïque, et n'y voir que la passion d'un homme vieillissant pour un très beau très jeune adolescent, ou de manière plus réfléchie, voire plus érudite et s'arrêter sur tous les questionnements littéraires, philosophiques, psychologiques et autres.
En ce qui me concerne, j'ai surtout été subjugué par l'éblouissante écriture de Mann, par l'excellence de sa structure narrative, dans laquelle rien n'est laissé au hasard ( l'apparition au cimetière, l'étrange gondolier, le chanteur de la troupe de Bohémiens, le vieux beau, le rêve avant le départ pour l'Italie... ), et où les références à la mythologie, si elles peuvent servir d'alibi à l'homosexualité de l'écrivain, n'en constituent pas moins pour autant une merveilleuse musique d'accompagnement, digne à la fois de Mahler et de Wagner.
- La Mort à Venise -, si elle symbolise la victoire de Dionysos sur Apollon, est avant tout une transposition Manienne du mythe de Ganymède, ledit mythe oscillant entre ce que nous en dit Platon dans son - Phèdre - et ce que nous en raconte Xénophon dans son - Banquet -.À savoir que pour le premier, les sentiments de Zeus pour Ganymède ( amant de Zeus, dont la beauté est proverbiale ) relèvent du désir, mais que pour Xénophon il s'agit d'un amour spirituel.
Si par l'entremise de son journal, on sut tardivement que Thomas Mann avait des pulsions homosexuelles, - La Mort à Venise - ne se limite pas à cette vision par trop étriquée et par trop simpliste, même si sa présence ne peut être balayée d'un revers de mépris ou d'ignorance.
Je crois que le mieux placé pour en parler, c'est peut-être l'auteur lui-même.
« Rien n'est inventé, le voyageur dans le cimetière de Munich, le sombre bateau pour venir de l'Ile de Pola, le vieux dandy, le gondolier suspect, Tadzio et sa famille, le départ manqué à cause des bagages égarés, le choléra, l'employé du bureau de voyages qui avoua la vérité, le saltimbanque, méchant, que sais-je… Tout était vrai... L'histoire est essentiellement une histoire de mort, mort considérée comme une force de séduction et d'immortalité, une histoire sur le désir de la mort. Cependant le problème qui m'intéressait surtout était celui de l'ambiguïté de l'artiste, la tragédie de la maîtrise de son Art. La passion comme désordre et dégradation était le vrai sujet de ma fiction. Ce que je voulais raconter à l'origine n'avait rien d'homosexuel ; c'était l'histoire du dernier amour de Goethe à soixante-dix ans, pour une jeune fille de Marienbad : une histoire méchante, belle, grotesque, dérangeante qui est devenue "La Mort à Venise".À cela s'est ajoutée l'expérience de ce voyage lyrique et personnel qui m'a décidé à pousser les. choses à l'extrême en introduisant le thème de l'amour interdit. le fait érotique est ici une aventure anti-bourgeoise, à la fois sensuelle et spirituelle. Stefan George a dit que dans "La Mort à Venise" tout ce qu'il y de plus haut est abaissé à devenir décadent et il a raison ».
Une nouvelle à lire et à relire !
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« Monsieur peut maintenant tomber amoureux sans crainte. »

Un livre enivrant. Un souffle émane de l'écriture de Thomas Mann que je n'imaginais pas aussi fort. C'est une écriture pleine de sens et magnifique. Comment résister à une telle prose ? Je me suis enroulée dans ses mots, accrochée à certaines phrases, les relisant jusqu'à épuiser toutes les saveurs qu'elles contenaient, ou du moins celles que j'ai pu savourer avec mes sentiments, connaissances et qui peuvent être bien en-dessous de ce que d'autres peuvent goûter. J'en suis pleinement consciente car l'analyse de ce texte est multiple. Pour autant je n'ai eu aucune empathie pour d'Aschenbach, si fier de sa particule.

« le poète n'est pas capable de durable élévation, il n'est capable que d'effusions »

Ce personnage est effrayant. Je n'aime pas son tempérament, alors qu'il est intelligent. Comment voir si loin les choses de la vie et rejeter celles qui ne sont tout simplement plus belles selon ses critères ? Ce vieux contemplateur déteste la vieillesse, juge et critique des vieux « beaux » et se pâme devant cette pureté juvénile. En outre, il a un côté fort désagréable, comme une sorte de jalousie de ce qu'il n'a plus (et n'a peut-être jamais eu) au point d'avoir un petit sentiment de réjouissance en constatant que ce bel éphèbe est fragile, peut-être même malade. Est-ce ainsi que doit finir un homme intelligent ? Dans la contemplation, l'envie et l'aigreur ?

« nous autres poètes, nous ne pouvons suivre le chemin de la beauté sans qu'Eros se joigne à nous et prenne la direction ; encore que nous puissions être des héros à notre façon, et des gens de guerre disciplinés, nous sommes comme les femmes, car la passion est pour nous édification, et notre aspiration doit demeurer amour... tel est notre plaisir et telle est notre honte. »

Non je n'ai vraiment pas apprécié ce voyageur mais j'ai adoré l'écriture de Mann. La description de Venise avec ses petites ruelles et passerelles d'où se dégagent des odeurs rances, sa touffeur qui essouffle et colle les âmes aux pavés. Mais aussi les embruns lorsque l'embarcation vous promène dans ses canaux et délivre une autre vision de la ville. Et puis il y a les méditations d'Aschenbach. Des mots qui touchent ceux qui les lisent. Je ne pense pas que l'on puisse rester indifférent car Mann va loin dans la psychologie humaine, il sonde, il nuance, il étonne et nous questionne. J'ai donc suivi ce petit pull marin au liseré rouge comme un fil conducteur, naviguant de découvertes en découvertes sur les mots de Mann qui avaient le goût de la subtilité, du perspicace et du délicat. Mann évoque d'une manière somptueuse la source du Verbe chez le romancier. Il y a toute une explication très fine et intéressante sur le travail de la création littéraire, qui m'amène à penser à « Arrête avec tes mensonges » dans lequel Philippe Besson livre des informations sur ses précédents livres.

« le spectacle de si complexes destins amène à se demander s'il a jamais existé d'autres héroïsme que celui de la faiblesse, ou si en tout cas ce type de héros n'est pas proprement celui de notre époque ? »
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Citations et extraits (185) Voir plus Ajouter une citation
Ô débordante et insatiable jubilation de l'union dans l'éternel au-delà des choses! Délivrés des tourments de l'erreur, soustraits aux chaînes de l'espace et du temps, le moi et le toi, le mien et le tien se fondaient en une sublime extase.
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D'être seul et de se taire, on voit les choses autrement qu'en société ; en même temps qu'elles gardent plus de flou elles frappent davantage l'esprit ; les pensées en deviennent plus graves, elles tendent à se déformer et toujours se teintent de mélancolie. Ce que vous voyez, ce que vous percevez, ce dont en société vous vous seriez débarrassé en échangeant un regard, un rire, un jugement, vous occupe plus qu'il ne convient, et par le silence s'approfondit, prend de la signification, devient évènement, aventure, émotion. De la solitude nait l'originalité, la beauté en ce qu'elle a d'osé et d'étrange, le poème. Et de la solitude aussi, les choses à rebours, désordonnées, absurdes, coupables.
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D'être seul et de se taire, on voit les choses autrement qu'en socitété ; en même temps qu'elles gardent plus de flou elles frappent davantage l'esprit ; les pensées en deviennent plus graves, elles tendent à se déformer et toujours se teintent de mélancolie. Ce que vous voyez, ce que vous percevez, ce dont en société vous vous seriez débarrassé en échangeant un regard, un rire, un jugement, vous occupe plus qu'il ne convient, et par le silence s'approfondit, prend de la signification, devient événement, aventure, émotion. De la solitude naît l'originalité, la beauté en ce qu'elle a d'osé, et d'étrange, le poème.
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[ Incipit ]

Par un après-midi de printemps de cette année 19.. qui des mois durant sembla menacer si gravement la paix de l'Europe, Gustav Aschenbach, ou d'Aschenbach - depuis son cinquantième anniversaire il avait le droit à la particule - était parti de son appartement de Prinzregentenstrasse à Munich, pour faire seul une assez longue promenade. Surexcité par les difficultés de son travail du matin, auquel il lui fallait apporter une attention toujours en garde, une circonspection et des soins infinis, une volonté pressante et rigoureuse, l'écrivain n'avait pu, même après déjeuner, arrêter en lui l'élan du mécanisme créateur, de ce motus animi continuus par lequel Cicéron définit l'éloquence, et il n'avait pas trouvé dans la sieste le sommeil réparateur qui, la fatigue le prenant désormais toujours un peu plus vite, lui était devenu une quotidienne nécessité. Aussi avait-il aussitôt aprés le thé cherché le plein air, espérant que la promenade le remettrait d'aplomb et lui vaudrait une bonne soirée de travail.
On était au commencement de mai, et après des semaines d'un froid humide venait la surprise d'un faux été. L'« Englischer Garten », quoiqu'il ne fît encore que se parer de feuilles tendres, sentait l'orage comme au mois d'août, et Aschenbach l'avait trouvé aux abords de la ville pleine de voitures et de piétons. Au restaurant de l'Aumeister où le conduisaient des allées de moins en moins fréquentées, Aschenbach avait un moment considéré l'animation populaire de la terrasse, au long de laquelle s'étaient arrêtés quelques fiacres et des équipages ; au coucher du soleil il était sorti du parc et revenait à travers la campagne ; comme il se sentait fatigué et que l'orage menaçait au-dessus de Fohring, il attendit au cimetière du Nord le tramway qui le ramènerait directement en ville.
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Jamais il n'avait senti la volupté du Verbe plus délicieusement, jamais si bien compris que le dieu Éros vit dans le Verbe, comme il le sentait et le comptenait pendant les heures dangereuses et exquises où, assis sous la tente à sa table grossière, en vue de son idole, dont la voix musicale atteignait son oreille, il façonnait à l'image du beau Tadzio sa brève dissertation, une page et demie de prose raffinée, dont la pureté, la noblesse et la vibrante énergie allaient à bref délai susciter nombre d'admirateurs. Il est bon assurément que le monde ne connaisse que le chef-d'oeuvre, et non ses origines, non les conditions et les circonstances de sa genèse ; souvent la connaissance des sources où l'artiste a puisé l'inspiration pourrait déconcerter et détourner son public et annuler ainsi les effets de la perfection. Heures étranges ! Étrange et fécond accouplement de l'esprit avec un corps !
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« La montagne magique », de Thomas Mann, c'est à lire au Livre de poche.
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