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EAN : 9782070387304
142 pages
Gallimard (04/05/1993)
3.33/5   135 notes
Résumé :

Dans les rues d'Alger, les hommes s'étreignent. Derrière leurs portes closes, les femmes s'ennuient. Séparée de la ville par un rectangle de verre, une jeune fille observe. Un mur sale, un trolley bondé, une enfant imprudente lui donnent les mots d'une nouvelle histoire. Elle invente. Elle s'invente. Elle est pubère, son père ne lui parle pas depuis deux ans. La mère prépare l'intrigue, les sœurs se taisent. L'ennui ronge la capitale. Personne n'y échap... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Son seul tort est d'être née fille.
Son destin est fait d'ennui, de soumission, de solitude et de claustration.

Terrible chant d'une jeune femme prisonnière, enfermée au sens propre comme au figuré, recluse, séquestrée, otage des traditions ultra-religieuses.

Nous sommes en Algérie, en plein coeur des absurdités de la religion musulmane qui bride au maximum la liberté des femmes et les empreint de la honte de leurs corps, de la souillure que représentent leurs seules existences.
Mais ne nous y trompons pas, il ne s'agit pas ici de décrier une religion déjà trop sujet de polémiques en nos temps troublés. Ce serait oublier que toutes les religions sont disposées à de tels fanatismes, que les moeurs patriarcales de nombreuses civilisations non monothéistes font également de même. La liberté de la femme est un danger pour l'homme semble-t-il, c'est à se demander quel est vraiment le sexe fort.

Dans ce court roman, il ne se passe rien, le temps n'existe plus. La vie est absurde et vaine. C'est cela qui rend ce récit percutant et oppressant.

Nous avons là le premier roman de Nina Bouraoui, son meilleur selon moi, le plus puissant et le plus lyrique.
Il entre en résonance avec d'autres textes que je vous recommande vivement :
"Au commencement était la mer" de Maïssa Bey
"Syngué Sabour" d'Atiq Rahimi
"Mille soleils splendides" de Khaled Hosseini
"Bilqiss" de Saphia Azzeddine
"La Muette" de Chahdortt Djavann
"Le palanquin des larmes" de Chow Ching Lie
"La servante écarlate" de Margaret Atwood



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A Alger, en 1970, Fikria est une jeune musulmane solitaire car cloîtrée, sur décision du père dictateur qui ne lui adresse plus la parole depuis qu'elle est devenue « impure » à la puberté.
Ce court roman très dense est un cri de révolte.
de longues phrases pour cracher la colère, la haine, pour le père, pour la religion.
Vaine rébellion ! Entre rêve et folie, les journées s'écoulent alimentées par le seul spectacle de la rue.
Immense et effroyable solitude.
Une superbe écriture pleine de métaphores. On rit et souffre avec Fikria.
Un superbe plaidoyer contre l'absurdité de la religion poussée à ses excès.
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N°77 – Septembre 1991.
LA VOYEUSE INTERDITE- Nina Bouraoui - Gallimard.

Être une femme dans les pays du Maghreb est une malédiction. Elle porte en elle tous les maux (« Fille, foutre, femme, fornication, faiblesse, flétrissure commencent par la même lettre »fait-elle dire à son père. Ainsi, si l'enfant est un garçon, sera-t-il choyé (et ses parents honorés), si c'est une fille, elle sera rejetée de la cellule familiale, ses parents deviendront ses bourreaux, ses gardiens et sa vie sera celle d'une recluse avec seulement le droit de voir le monde extérieur à travers une fenêtre voilée comme le visage d'une femme musulmane. Elle n'échappe pas aux mutilations sexuelles, aux frustrations qui font naître des fantasmes et de la haine parce que c'est ainsi depuis des millénaires, que cela se passe avec la complicité de la mère puisqu'elle perpétue, presque malgré elle, une tradition au point de lui enlever tout sentiment maternel.

Sur la femme repose le travail domestique, l'abnégation, les maternités répétées qui lui déforment le corps, avec l'obligation morale d'enfanter des mâles. Une jeune file est le désespoir d'une famille, elle se doit de se voiler le visage surtout quand elle devient une tentation pour les autres hommes, épouse, elle reste soumise à son mari , elle est sa chose, l'objet de son plaisir sous peine de manquer gravement aux usages.  de cette jeunesse recluse, la femme arabe s'accommode comme elle peut avec des souvenirs absents qu'elle se fabrique (« On arrange son passé comme on peut surtout quand on est une femme en pays musulman ») et les mots remplacent les sensations interdites, redessinent le bonheur qu'elle n'a pas connu. La seule échappatoire c'est le mariage sans qu'elle sache vraiment qui sera son époux (« Une femme musulmane quitte sa maison deux fois, pour son mariage et pour son enterrement »). Pour les femmes de sa parentèle, ses noces sont une fête, pour son père c'est l'occasion d'une transaction lucrative, pour elle c'est un deuil, un de plus après celui de son enfance. Il débouchera sur une nouvelle forme de solitude. A lire Nina Bouraoui, il plane sur son roman, l'ombre constante de la mort comme un refus de sa condition, comme une délivrance aussi.

Le style du livre est à la mesure de cette violence tant extérieure qu'intérieure. Elle est le quotidien de cette jeune fille musulmane dont elle porte ici le témoignage. Les mots ont une intensité poétique extrême quand elle évoque les paysages grandioses et solitaires du désert, il prend des accents surréalistes qui confinent au délire pour évoquer ses souffrance que seule la mort peut interrompre. Cet ouvrage se termine par une nouvelle vie de la jeune file quI après l'épreuve sans joie de la défloration va devenir une femme puis une mère sans qu'on sache vraiment si elle brisera le cercle infernal de cette tradition ou s'en fera la complice et infligera à se filles les souffrances qu'elle a elle-même subies de la part de ses parents.

Il est des livres qui, une fois refermés laissent à leur lecteur un sentiment indéfinissable. Celui-ci veut porter un témoignage actuel sur la condition de la Jeune fille et de la femme en pays d'Islam. Il est à ce titre intéressant tant par le style que par son aspect documentaire. Pour le lecteur français, il est cependant un peu déroutant face à la perception qu'il peut avoir des pays arabes et de leur évolution face à l'influence occidentale et aux manifestations de libéralisations de la société maghrébine.


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Nous sommes à Alger. Fikria, une adolescente d'environ 14 ou 15 ans, se cache derrière les rideaux pour observer les passants dans la rue, les enfants qui jouent, les femmes qui dissimulent leur corps sous les tissus de leur djellaba. Elle souffre du silence de son père qui se tient à l'écart d'elle et qui ne lui parle plus depuis 2 ans. Sa mère désespérée de n'avoir eu que des filles... Pour elle, tout ça c'est une honte, et cette honte rejaillit sur Fikria, qui souffre du manque d'affection de ses parents, et qui se dit « une souillure », depuis le jour où elle est devenue une femme. Elle est entourée de ses soeurs et d'Ourdhia, « voyageuse sans valise » venant du désert, un refuge pour Fikria.

J'ai eu le coeur serré durant cette lecture en pensant au cas de cette jeune fille, atteinte dans son identité de femme, un drame terrible. le texte de Nina Bouraoui est vibrant, splendide, onirique, lyrique. Un livre à lire.
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« le corps est le pire des traitres, sans demander l'avis de l'intéressé, il livre bêtement à des yeux étrangers des indices irréfutables : âge, sexe, féconde pas féconde ? Pubère, il m »a rendue inapprochable, dans le royaume des hommes je suis la souillure, sur l'échiquier des dames, le pion en attente caché derrière une reine hautaine qui choisira seule le bon moment de se déplacer. »
« Nous, filles, étions sa douleur, nos visages, nos corps lui rappelaient sa faiblesse, notre sexe, son sexe amputé, et si elle avait toujours l'air triste c'est parce qu'elle savait l'absurdité de notre existence à part qui nous éloignait un peu plus des hommes et de nos semblables »
Elle est enfermée, n'a que pour horizon la rue, juste devant sa fenêtre. Elle est pubère depuis peu de temps, doit garder intact son trésor pour celui que son père lui aura choisi. Nous sommes à Alger, début des années 70…
Quelle plume, quelle force, quelle rage, quelle violence …..
Une langue imagée, incisive, colorée, expressive, charnelle
J'ai été saisie , emportée, par cette écriture hachée, saccadée, irrégulière, rythmée par les pensées de cette jeune fille que j'aurais voulu pouvoir empoigner fermement et la tirer de cette sordide baraque où personne ne considère personne. le père viole la mère, la rabaisse faute d'avoir eu le mâle tant désiré, et qui vaut tout, alors que les filles ne valent rien. La mère violente la fille. Comment respecter sa fille quand on est soi-même considérée comme un tas de chair ?
Un père qui n'adresse plus la parole à dans fille depuis qu'elle est « mariable ».
L'enfermement, le rejet, le désespoir, l'implacable destin des filles….tout cela explose dans ce livre court mais lourd de révolte.
La révolte hurlée tout au long de ses pages.
La révolte étouffée
La femme engrillagée, emmurée
La femme prisonnière des siens, prisonnière de sa culture, de ses coutumes….
Et aujourd'hui ? Ouvrons les yeux…..
Par décence pour cette jeune fille qui aurait pu être moi, si j'avais eu la malchance de naître sous d'autres cieux, c'est un coup de coeur qui ne dira pas son nom.
Un livre coup de gueule qui donne envie de l'ouvrir encore plus grande quoi qu'il puisse en coûter.
« Il roulait, il rebondissait, se cognait contre les formes qu'il avait lui-même rendues inhumaines, sa tête enfouie sous une aisselle où pendait une dentelle rousse, s'inventait un corps plus désirable et moins fatigant. Plein d'envies inassouvies, il se vengeait sur le ventre de ma mère en lui administrant des coups violents et réguliers avec une arme cachée dont il était le seul détenteur. »


Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
La tristesse me donne bien des mots et des maux, je la touche du bout des doigts et l'empoigne parfois, je bois dans sa coupe et elle me couvre de ses ailes à l'envergure inhumaine, elle enfreint les lois, scalpe la joie, elle transforme les autres en ombres, en empreintes d'ombres, en filtres invisibles, en Noir.
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Comment ne pas s'ennuyer dans un pays musulman quand on est une fille musulmane ?
Tout d'abord, ignorer le temps, il ne passe pas, il trépasse, cacher pendules et montres, sabliers et métronomes, agendas et calendriers, prendre en compte les choses et uniquement les choses en oubliant que de l'autre côté de la mer, des adolescents marchent main dans la main sans un Dieu ni un père pour entraver leur route, puis, cultiver l'imagination qui vous déportera dans un autre temps à l'ombre d'un arbre fécond, celui de la création, si elle ne suffit pas, prendre alors appui sur la rue, du haut de votre fenêtre, mais là, si vos mots ne vous soutiennent pas, vous cognerez contre l'horreur d'une réalité peu séduisante.
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Ils m'attendent. Je le sais depuis longtemps. A la main crispée de ma mère lorsque nous sortions, à ses épaules voûtées afin de dissimuler les moindres attributs féminins, à son regard fuyant devant les hordes d'hommes agglutinés sous les platanes de la ville sale, j'ai vite compris que je devais me retirer de ce pays masculin, ce vaste asile psychiatrique. Nous étions parmi des hommes fous séparés à jamais des femmes par la religion musulmane, ils se touchaient, s'étreignaient, crachaient sur les pare-brise des voitures ou dans leurs mains, soulevaient les voiles des vieillardes, urinaient dans l'autobus et caressaient les enfants. Ils riaient d'ennui et de désespoir.
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Ce n’est plus du sang qui coule dans mes veines mais des gouttelettes de désespoir ! elles tombent du cœur, sillonnent mes entrailles et perlent mon front, elles brouillent l’espace, bouchent l’horizon et rapetissent mon avenir.
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Un jeu d'ombres, de lumières et de nuances habiles entre le clair et l'obscur révèle la présence des jeunes filles avides d'événements, encadrées par leurs fenêtres, debout, droites et sérieuses derrière la popeline des rideaux clos, elles ornent comme des statues érigées à la gloire du silence et de l'aparté les immeubles vétustes ; réduites à l'état de pierre inanimée, prêcheuses muettes, guetteuses clandestines, vicieuses ignorantes suspendues par un fil divin au-dessus de la chaussée des fantasmes, elles narguent les hommes, le désir et la promiscuité.
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