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Richard Walters (Traducteur)Brigitte Mariot (Traducteur)
EAN : 9782070309573
416 pages
Gallimard (05/10/2006)
3.73/5   279 notes
Résumé :
Quelques jours avant Halloween, la foire est arrivée à Green Town en pleine nuit, dans un train mystérieux. Jim et Will ont entendu le chant de l'orgue et le sifflet du train, ils ont vu la foire débarquer. Seuls témoins d'événements inquiétants, ils savent qu'elle a de noirs desseins. Un carrousel qui, en tournant à rebours, inverse le cours du temps, la plus belle femme du monde endormie dans un bloc de glace, un homme qui a le pouvoir d'exaucer les vœux les plus ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (48) Voir plus Ajouter une critique
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sur 279 notes
HOMMAGE À L'ENFANCE, ODE AU PÈRE.

Les amateurs du genre le savent fort bien : pénétrer dans l'univers de Ray Bradbury est TOUJOURS une épreuve aussi surprenante que captivante, et cet ouvrage-ci, malgré quelques petites faiblesses, ne déroge pas aux promesses. Loin de sa veine SF, pas même "classique" d'un point de vue du fantastique, Bradbury navigue entre les styles pour nous délivrer une véritable leçon d'humanité et de sagesse.

Il s'y croise d'abord deux jeunes adolescents d'environ quatorze ans, nés quasiment au même moment à ce détail prêt que le premier, Will Halloway respira notre air le premier, à minuit moins une minute, tandis que son petit voisin - et meilleur ami -, le rêveur Jim Nightshade ("ombre de la nuit") fit retentir son premier cri le jour d'après, deux minutes plus tard... Mais ces deux-là sont d'inséparables voisins, malgré des caractères assez différents. Ils ont un rêve commun, commun à bien des adolescents de par le monde : être des grands d'une vingtaine d'années pour pouvoir être libres, ne plus avoir leurs parents sur le dos, décider quand ils en ont envie de ce qu'ils vont faire de leur vie...

Il y a les pères aussi.
Certes, Will a le sien, mais il est présenté comme un vieillard - pardon aux pères un peu tardifs de seulement cinquante-quatre ans... - difficile à comprendre, pour ainsi dire étranger, et qui semble n'avoir pour amis que les livres de la bibliothèque où il travaille... Quant à celui de Jim, il est absent, vraiment et semble-t-il, définitivement. Pourquoi cette précision ? Parce qu'au delà du fantastique de cette histoire, celle-ci tourne pour bonne part autour de la recherche du père, de son importance au cours du développement de ces deux adolescents, de sa reconnaissance en tant que référence - plus encore que comme simple référent - et du drame intime qui poussera Jim à se chercher un destin dangereux, impossible, égoïste tandis qu'il se laissera séduire par une sorte de père de substitution. Mais un père mortifère, délétère, éternel enfant ainsi qu'éternel adulte se satisfaisant du malheur de ses semblables.

Il y a la fête foraine, évidemment, car s'il y a ténèbres, il y a d'abord foire (bien que le titre français n'ait rien à voir avec l'original anglais). Et dans une foire, il y a, bien évidemment sa parade de "monstres". Celle-ci est digne du film extraordinaire de Tod Browning, Freaks, puisqu'on y trouve un nain tellement minuscule qu'il semble impossible, un "Homme illustré" (thématique reprise par l'auteur dans un recueil de nouvelle du même titre), une "plus belle femme du monde", une sorcière, un géant, des siamois, etc. On y trouve des attraction aussi fascinantes que dangereuses, à commencer par ce labyrinthe fait de mille miroirs dans lesquels le visiteur peut y retrouver son moi passé tout autant que son apparence future possible. On y trouve aussi un superbe carrousel, apparemment en panne lorsque la foire s'installe nuitamment, et dont le pouvoir chronologique est d'une telle attractivité que l'un de nos deux jeunes héros sera à deux doigts de s'y laisser prendre.

Il y a ce chemin vers le mal enfin, que seul le titre anglais peut faire entendre - et Ray Bradbury à la culture classique évidente nous laisse ainsi une piste - puisqu'il reprend un vers du Macbeth de Shakespeare, une parole de sorcière : «Something Wicked This Way Comes», que l'on peut traduire (faiblement) par : «quelque chose de mauvais est en route», symbolisé par cette antique machine à vapeur transportant les différents éléments de cette foire monstrueuse (mais bien plus par ses conséquences sur les gens que par des illustrations grotesques et attendues), qui ne peut arriver que nuitamment, de préférence dans ces moments compliqués, de toute éternité, où les morts reviennent fricoter avec les vivants. Chez nos lointains cousins américains, cela se nomme "Halloween" (et s'est passablement transformé en vague supercherie commerciale), mais sa source la plus évidente remonte pour le moins aux traditions celtes de la Samain. Quelque chose de mauvais arrive, donc, et ce peut tout aussi bien être la mort (celle probable du père de Jim, celle prochainement future du père de Will ?) que le mauvais chemin que nous sommes tous à même d'emprunter, plus ou moins consciemment, plus ou moins volontairement.

Bien que fort différent de ses textes les plus connus, aux premiers rangs desquels Farenheit 451 ainsi que ces digressions superbement poétiques Les Chroniques martiennes, La foire des ténèbres n'est en rien une rupture d'avec ces titres antérieurs. le temps qui passe, l'amour de son prochain (ici, le père), le choix possible entre bien et mal, l'attrait effrayant du mauvais, la rémission toujours possible, etc, sont, une fois encore, parmi les fondements de ce roman - jamais long mais d'un rythme et d'un style qui, de temps à autres, aurait gagné à être raccourci, ne serait-ce que par ces questionnements un peu lourds et trop démonstratifs. Il y a aussi de la répétition dans ce roman - qui se lit cependant d'une traite et sans accrocs -, comme si Bradbury avait craint ne pas être compris à hauteur de sa démonstration. C'est d'ailleurs ce qui fait la lie du film qui en fut tiré (et dont il est co-scénariste) : lourdeur, lenteur inopportune et cette poésie -simple mais toujours juste - de l'auteur que le réalisateur fut incapable de transmettre sur une bobine.

Demeure pourtant un magnifique hommage à ce moment compliqué de l'existence qu'est ce début de l'adolescence ainsi qu'une ode à ces rapports entre un père et son enfant, jamais gagnés d'avance, jamais faciles, jamais immédiats mais d'une richesse incomparable. Pour cela (et pour cette ambiance générale), La foire des ténèbres est tout de même un grand livre.
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" Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ". Il peut sembler très mal-à-propos de commencer un hommage à celui qui nous a quitté le 5 juin 2012 à l'age de 91 ans, par cette citation de Nietzsche. Mais au-delà du fait qu'elle ne dénoterai pas en exergue de l'oeuvre qui me sert de prétexte pour parler de Ray Bradbury, je comptais inviter quelques auteurs à cette évocation. Lui-même ne s'est-il pas fait aider de Shakespeare : le titre anglais de " La Foire des Ténèbres " n'est-il pas ce vers : " Something wicked this way comes " : " Grand maleurté est à nos trousses " ?

Ralf Waldo Emerson a dit " Dans les ténèbres, il y a des étoiles " . C'est à l'histoire de ces ténèbres et de ces étoiles que je vous convie. Deux de ces étoiles sont d'ailleurs si proches qu'on pourrai les confondre. Si l'amitié devait porter un nom, ce serai ceux de Jim Nightshade et de Will Halloway. Ils sont de ces gamins inséparables à en être comme frères. Si différents et pourtant si complémentaires. Leurs jeux sont fait des courses qui ressemblent à des vols d'oiseaux, leurs ruisseaux, de puissants fleuves d'Afrique ou d'Amazonie, leurs genoux de ceux que l'on s'écorche dans les tranchées de guerres imaginaires. Leur éducation, faite des scènes de théâtre que dispensent les fenêtres éclairées de leur voisinage.
Les ténèbres, ils glissent à la suite du marchand de paratonnerre. Par la voie ferrée, ils sont l'essence donnant matière, son et vie à la fête foraine. La fête foraine est une attraction – il existe plusieurs sens à ce terme - On la conçoit aisément s'animant des rires et de l'insouciance de ceux venus admirer jongleurs, prestidigitateurs ou cartomancienne. Ceux venus se faire de joyeuses frayeurs. Mais ici, les manèges ne vous feront pas simplement vous sentir plus jeune et le Palais des Glaces simplement déformer votre image – Ne dit-on pas " psyché " pour un grand miroir?-
Du fond de leur être Jim et Will ressentent quelque drame en perspective. Attirés puis traqués par ses séides, cette foire va mettre à rude épreuve leur amitié. Une autre étoile, si faible qu'elle semble indiscernable doit encore prendre part à ce récit. Elle est de ces étranges phénomènes dont l'intensité augmente dés lors que s'accroissent les ténèbres : Elle fait d'un simple bibliothécaire consciencieux, un brin philosophe, le champion de notre histoire en permettant à un père de montrer à quel point il aime son fils.

Je voulais vous faire rencontrer cet " autre " Bradbury. Pas celui des " Chroniques Martiennes " qui nous fait regarder les étoiles. Ni celui de " Fahrenheit 451 " qui vous incite à plonger dans les livres avant qu'ils ne disparaissent. Mais celui qui vous convie à regarder en vous-même.
M. Bradbury était un conteur. Prises séparément, certaines des phrases de ce livre transpirent le conte de fée à faire phosphorer l'imagination des plus jeunes. Agrégées, elles professent de grandes vérités sur un ton grave et poétique que l'on accueille quand l'age apporte raison. Elles soutiennent la thèse que le monde peut être sauvé d'un franc et honnête sourire. Un exorcisme joyeux. Elles nous démontrent que la lumière est parfois enfouie dans le plus improbable des héros. Elle accrédite William Burke qui énonce que " le Mal (ne) triomphe (que) de l'inaction des hommes de Bien ".
En nous faisant admettre cet état de fait, Ray Bradbury induit un second phénomène. Il pousse à faire partager ce livre. Une de ces histoire au ton si musical qu'elle pourrait presque vaincre toute timidité pour la faire exister à haute voix pour un auditoire de petits et de grands. Pour la simple et grande curiosité de goûter les réactions de chacun. Comme le dit Abd Al-Malik : " Rêver seul est une chose, mais rêver à plusieurs, c'est le commencement de la réalité"...

Ainsi est-ce avec l'oeuvre la moins connue de ce grand auteur que j'attire votre attention. Plus qu'un récit fantastique, qu'un conte, une oeuvre qui peut parler à chacun et chacune. Et y laisser, j'ose espérer, un petit " supplément d'âme "...
Chapeau bas M. Bradbury, ! Vous qui peu de gens doivent s'en souvenir avez aussi chassé la baleine blanche : Ainsi honore-t-on les artistes de grand talent. Et ceux qui nous ont quitté
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L'ambiance au village a changé, depuis l'arrivée de la fête foraine. Cette animation surprise devaient rendre joyeux les deux garnements Jim et Will .

Pourtant, l'étrangeté des équipages, hors d'âge et patibulaires, font ressentir à nos deux héros, au moment d'Halloween, le soupçon et la peur.

L'homme squelette, l'homme illustré, la sorcière, le nain et quelques autres leur en feront voir de toutes les couleurs.

Pour goûter l'aspect fantastique, il faudra se rapprocher du manège qui ne tourne pas comme les autres. Assurément non!

On pourra deviner derrière les traits du père de Will, Bradbury lui-même, la cinquantaine un peu taciturne, discret, mais bienveillant avec les enfants. Un futur héros?

J'ai regretté la mise en place des 200 premières pages. Vraiment il ne s'y passe pas grand chose.
Par contre la prose poétique de Bradbury fait des merveilles dans les 200 dernières avec, au-delà de l'aspect fantastique, un hommage certain, sans être trop souligné, au rôle de père.
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Will et Jim sont deux potes nés quasiment le même jour, il y a de cela treize ans. Tous les opposent mais ils sont inséparables, on les voit toujours ensemble à courir la lande, à fureter dans les ruisseaux, a voleter de ci de là. Ils sont le vent qui tournoie, se faufilant partout en quête de surprise.
Ce soir des forains plantent leurs tentes dans leur village. Jim et Will sont inéluctablement aimantés par ce lieu aux mille merveilles. Tel des ombres ils se glissent le long des murs observant tout un chacun, surpris par le pouvoir de certaines attractions.
Je m'attendais à un roman de science-fiction mais non nous sommes entre le fantastique et la poésie. Au fil des pages les personnages de l'histoire gagnent en épaisseur. La narration se fait légère, décrivant la lourdeur des événements, le ton donné fait que lorsque l'action s'accélère vous lisez au pas de course pour vous apercevoir que vous vous essoufflez rien qu'à la lecture.
Ecrire du fantastique avec une langue aussi poétique : chapeau !
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Savez-vous qui sont les gens de la nuit ? le gens de la nuit s'en viennent après la tombée du soir. Ils arrivent en catimini, aussi silencieux que des reptiles rampants et s'installent en marge de nos villes pour dresser les piquets de leurs tentes. Au matin, quand enfants et parents émergent de leurs maisons, ils sont là : leur grande roue se dresse dans la lumière éblouissante du matin, leurs manèges tournent, leurs tambours tonnent. Des devantures de leurs échoppes s'échappent de bonnes odeurs de barbe à papa, de frites et de saucisses grillées. Mais tout ceci n'est qu'apparence, illusion mensongère ! Car les toiles de leurs chapiteaux sont faites de nuages d'orage, leurs manèges jouent des airs de marche funèbre et leur labyrinthe des miroirs vous volera votre âme. Méfiez-vous des gens de la nuit ! Ils promettent beaucoup et à peu de frais, mais malheur à qui se laisse prendre à leurs belles paroles, car celui-ci ne tardera pas à rejoindre la parade. Et jamais, plus jamais, il ne la quittera…

Aujourd'hui, c'est sur deux petits garçons que la foire des ténèbres a jeté son dévolu : deux petits garçons unis comme les doigts de la main, mais aussi dissemblables que faire se peut - l'un blond, l'autre brun ; l'un bavard comme un pie, l'autre taciturne ; l'un l'esprit léger comme une feuille au vent, l'autre brûlant déjà des ardents désirs du monde des adultes. Deux proies de choix pour les avides créatures qui peuplent la foire, mais deux proies non dépourvues de ressources… Mais ces ressources suffiront-elles à les protéger ? Sauront-ils résister aux maléfices de la Sorcière Poussière ? S'échapper du monstrueux musée de cire ? Et surtout résister aux tortueuses manigances de Mr Dark, le terrible directeur de la foire ?

Cela faisait une dizaine d'années que je n'avais rien lu de Ray Bradbury, au point d'en oublier à quel point son style était admirable - sans fioritures littéraires, mais tout de poésie et de sensibilité - et ses histoires aussi troublantes que captivantes. Il faut reconnaître que l'auteur n'a pas son pareil pour créer une atmosphère en quelques lignes et y immerger son lecteur aussi profondément qu'un poisson dans l'eau. Immersion d'autant plus facile que le monde du cirque ambulant est un univers infiniment séduisant : un univers aux milles bizarreries, toujours un peu en marge de notre réalité où toutes les choses, même les plus étranges et les plus effrayantes, semblent pouvoir arriver.

Les lecteurs qui s'attendent à trouver dans "la foire des ténèbres" les clichés éculés d'un bon vieux roman d'horreur seront bien déçus… Pas de giclées d'hémoglobine ou de tête tranchée ici, mais de la magie, du rêve, du fantasmagorique… Un très beau voyage à la frontière entre le monde des forains et celui de l'enfance (deux mondes qui se ressemblent beaucoup à bien des égards) qui séduira autant les amateurs de littérature générale que ceux de fantastique. M'sieur Bradbury, je vous tire mon chapeau !
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Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
Pouvait-il leur dire que l'amour est, par-dessus tout, une cause commune, une expérience partagée? C'est bien là le ciment vital, n'est-ce pas? Pouvait-il leur dire ce qu'il ressentait, là, ce soir, au cours de cette réunion, dans ce monde insensé en rotation autour d'un grand soleil précipité lui-même dans un espace plus grand encore qui lui-même traversait inexorablement des immensités incommensurables, en direction de Quelque Chose peut-être, ou peut-être en s'en éloignant ? Pouvait-il leur dire : Nous faisons ensemble cette randonnée à un milliard de kilomètres à l'heure? Nous défendons une cause commune contre la nuit. On commence par les petites causes communes. Pourquoi aime-t-on ce garçon qui, au milieu d'un champ, en plein mois de mars, affronte le ciel avec son cerf-volant? Parce que sa ficelle nous brûle les doigts. Pourquoi aime-t-on cette jeune fille que l'on aperçoit d'un train, penchée au-dessus d'un puits, dans la campagne? Parce que notre langue se souvient de l'eau ferrugineuse et fraîche, bue lors d'un lointain midi perdu. Pourquoi pleure-t-on devant des inconnus, morts au bord d'une route ? Parce qu'ils ressemblent à des amis que l'on n'a pas revus depuis quarante ans. Pourquoi rit-on quand les clowns reçoivent des tartes à la crème? Parce qu'en sentant le goût de la crème nous savourons celui de la vie. Pourquoi aime-t-on la femme que l'on a épousée? Parce que son nez respire l'air d'un monde que je connais; par conséquent j'aime son nez. Ses oreilles entendent une musique que je pourrais chanter une bonne partie de la nuit ; par conséquent j'aime ses oreilles. Ses yeux se réjouissent des saisons de la terre ; par conséquent j'aime ses yeux. Sa langue connaît le goût du coing, de la pêche, de la menthe et du citron ; et j'aime l'entendre parler. Parce que sa chair connaît la chaleur, le froid et la détresse, je connais le feu, la neige et le chagrin. Émotions partagées et une fois encore...expériences partagées. Milliard de sensations urticantes. Si l'on vous prive d'un sens, on vous prive d'une partie de votre vie. Supprimez-en deux, et aussitôt la vie se réduit de moitié. Nous aimons ce que nous connaissons, nous aimons ce que nous sommes. Une cause commune, la cause commune de la bouche, des yeux, des oreilles, de la langue, de la main, du nez, de la chair, du cœur et de l'âme.
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D'où viennent-ils ? De la poussière. Où vont-ils ? Vers la tombe. Le sang coule-t-il dans leurs veines ? Non… simplement un vent nocturne. Qu'est-ce qui remue dans leur tête ? Le ver. Qu'est-ce qui parle par leur bouche ? Le crapaud. Qu'est-ce qui voit par leurs yeux ? Le serpent. Qu'est-ce qui entend par leurs oreilles ? Les abysses interstellaires. Ils passent au crible l'ouragan humain à la recherche d'âmes, dévorent la chair de la raison et emplissent les tombes de pécheurs. La frénésie les pousse en avant. Ils fourmillent comme des blattes, se répandent par vagues, rampent, se faufilent, assombrissent toutes les lunes et obscurcissent les eaux vives les plus limpides. La toile d'araignée les entend, tremble… et se casse. Voilà ce que sont les gens d'automne. Méfiez-vous d'eux.
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« Jim ? Tu es réveillé ?
— Salut, maman. »
Une porte s’ouvrit et se referma. Jim sentit le poids de sa mère se poser sur son lit.
« Mais tes mains sont glacées, Jim ! Tu ne devrais pas ouvrir ta fenêtre en grand. Gare à ta santé.
— Oui, maman.
— Ne dis pas oui, maman comme ça. Tu comprendras ce que je veux quand, sur les trois enfants que tu auras eus, il ne t’en restera qu’un.
— Je n’en aurai jamais.
— Tu dis ça aujourd’hui, mais…
— Je le sais. Je sais tout. »
Sa mère se tut un moment, avant de reprendre :
« Que sais-tu, Jim ?
— Que ça ne sert à rien de faire des hommes. Ils meurent. »
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Je suis un idiot. Toujours à regarder par-dessus ton épaule pour voir ce qui va arriver, au lieu de te regarder toi pour voir ce qui se trouve là, devant moi. Mais il faut reconnaître, maigre consolation, que tous les hommes sont des idiots. Ce qui revient à dire qu’il faut faire des efforts sa vie durant, écoper, virer de bord, attacher les cordages, boucher les trous, tapoter des joues, embrasser des fronts, rire, pleurer, faire aller les choses… en prévision du jour où on se comportera comme le plus parfait des idiots en appelant au secours. Là, il suffira qu’une personne réponde. Tout est si clair pour moi, ce soir : tout autour de nous, il y a des villes et des villages… et des bleds remplis d’idiots. Ainsi, si un train de fête foraine s’y arrête dans un jet de vapeur, ses occupants pourront secouer n’importe quel arbre, il en pleuvra des imbéciles. Des imbéciles indépendants, devrais-je dire, des individus qui pensent que personne, ou en tout cas personne de réel, ne répondra à leur appel au secours. Des imbéciles sans liens, c’est cette récolte que les forains viennent chercher, en souriant, avec leur moissonneuse-batteuse.
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Pourquoi certains humains sont-ils comme des sauterelles futiles à gratter le sol, antennes frissonnantes, énormes ganglions se nouant, formant des nœuds coulants des nœuds carrés, à l'infini ? ils passent leur vie à alimenter une fournaise, lèvres toujours brûlantes, yeux toujours brillants, et cela dès le berceau. Maigres amis affamés de César. Ils mangent les obscurs qui ne font que respirer et attendre.
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