La plus heureuse lecture de ce livre se fera suivant la règle du papillon : ici, et soudain là-bas.(...) Penser au hasard est penser juste. Un papillon ne s'égare jamais.
(...)
Les lettrés ne lui ont pas ouvert leurs bras. Il est leur mauvaise herbe, celle qu'on méprise, qu'on arrache et qui revient, l'achillée aux yeux gris, la discrète aimée du ciel.
Chaque livre est fait pour un seul lecteur : celui qui le tient dans ses mains, à l'heure où il le lit. Tout prosélytisme littéraire ou religieux est vain. Convertir quelqu'un c'est mettre son âme en danger -- cette étincelle d'erreurs fécondes et de vagabondages. Je ne m'inquiète pas de votre lecture. J'ignore ce qu'elle sera. La mienne me changeait en grenouille : je bondissais d'une flaque de joie à la flaque de joie suivante. Parfois je découvrais une mare entière. Cette phrase par exemple. J'y suis encore, caché sous le nénuphar d'un silence : "il n'y a que l'impossible qui arrive".
Qu'il reste dans un grenier un seul livre d'André Dhôtel et le soleil reviendra.
Extrait de la préface de Christian Bobin "Un papillon ne s'égare jamais." p 10-11
Tout est hasard, tout est rencontre : le simple geste de fendre du bois, d'allumer un feu. Une fois que le cycle habituel est acquis, la nécessité s'impose.
Mais pour Prométhée ce fut une chance.
Le tâtonnement.
[...]
Il n'y a que l'impossible qui arrive.
[André DHÔTEL, "La littérature et le hasard", notes rédigées de 1942 à 1945, texte établi et présenté par Philippe Blondeau, éditions Fata Morgana, 2015, 200 p. - page 77]
J'aurais aimé dépendre d'un dieu pour avoir une assurance, que l'on ne me donne jamais dans la pratique, conquérir l'espoir que je ne suis qu'une apparence, une occasion fragile, il existe au moins quelque part une personnalité "digne de ce nom" et qui peut-être me communiquera un peu de sa flamme inaltérable, me fera vivre (revivre aussi mais c'est une question annexe). Or si les dieux dont on parle sont aussi des conventions qui se réduisent à une substance qu'on nomme le divin, c'est, comme on dit, la fin de tout. Je croyais pouvoir dans cet univers parler enfin à quelqu'un. C'est impossible.
[André DHÔTEL, "La littérature et le hasard", notes rédigées de 1942 à 1945, texte établi et présenté par Philippe Blondeau, éditions Fata Morgana, 2015, 200 p. - page 60]
Il n'y a pas une méthode de penser entraînante et efficace : prenez n'importe quel objet,, une boîte de cirage, un réchaud électrique, une fleur, un fruit et faîtes-vous une opinion sur cet objet ou plutôt envisagez tous les jugements qu'il peut susciter en vous. C'est une façon de se connaître soi-même. p 26
La littérature est une solitude, la reconnaissance d'une solitude.
[André DHÔTEL, "La littérature et le hasard", notes rédigées de 1942 à 1945, texte établi et présenté par Philippe Blondeau, éditions Fata Morgana, 2015, 200 p. - page 27]
« […] J'ai reçu de François Dhôtel (1900-1991), sous la forme d'un « tapuscrit » photocopié […], la merveilleuse suite de poèmes que voici. Je me suis dit qu'André Dhôtel, à la mort de qui je n'ai jamais cru, se dévoilait soudain plus vivant que jamais, avec la lumière pailletée de son regard et son sourire en coin.
[…]
Maintenant ces poèmes sont là, qui n'ont rien de testamentaire, même si l'on devine que leur auteur peu à peu s'absente - mais c'est pour mieux affirmer une présence imprescriptible.
Voici ces poèmes, dans l'ordre où je les ai reçus. […] Les poèmes naissent de la couleur du ciel, du temps qu'il faut, d'un écho des jours ordinaires et miraculeux, comme les impromptus qu'aimait tant Dhôtel, ou les petites pièces de Satie. […]
Au rythme séculaire des premières lectures éblouies,
« Voici donc le chant
de la jeunesse oubliée
et des souvenirs perdus »
[…] » (Jean-Claude Pirotte)
« […] Des paroles dans le vent
en espérant que le vent
est poète à ses heures
et nous prêtant sa voix
harmonise nos artifices.
Nos strophes seraient bien des branches
avec mille feuilles que l'air du large
fera parler peut-être un jour
où personne n'écoutera.
Car l'essentiel serait
qu'on n'écoute jamais
et qu'on ne sache pas
qui parle et qui se tait.
[…] » (Espoir, André Dhôtel)
0:00 - Abandon
2:00 - Attente
3:30 - En passant (II)
4:50 - La preuve
5:30 - L'inconnu
6:15 - Splendeur (II)
6:46 - Générique
Référence bibliographique :
André Dhôtel, Poèmes comme ça, éditions le temps qu'il fait, 2000.
Image d'illustration :
https://clesbibliofeel.blog/2020/04/08/andre-dhotel-idylles/
Bande sonore originale : Scott Buckley - Adrift Among Infinite Stars
Adrift Among Infinite Stars by Scott Buckley is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License.
Site :
https://www.scottbuckley.com.au/library/adrift-among-infinite-stars/
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