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La Trilogie Underworld USA tome 2 sur 3

Jean-Paul Gratias (Traducteur)
EAN : 9782743611705
950 pages
Payot et Rivages (03/10/2003)
4.26/5   555 notes
Résumé :
Dallas, novembre 63. Le coeur du rêve américain explose.

Un jeune flic arrive de Las Vegas avec 6 000 dollars en liquide et un sale boulot à exécuter. II ne sait pas qu'il va faire partie du complot visant à étouffer la vérité sur l'assassinat de Kennedy. II s'appelle Wayne Tedrow.

Cinq années dans les coulisses de la politique vont le conduire de Dallas au Vietnam, en passant par le sud des Etats-Unis. Cinq années avec J. Edgar Hoover,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (33) Voir plus Ajouter une critique
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L'ambition de réécrire l'histoire des USA dans la période trèèès tourmentée 1963-1968. Ce roman noir est documenté! Il offre un scénario aussi compliqué que tentaculaire. Il démontre qu'Ellroy est un grand écrivain.

Des personnages par centaines, fictifs ou réels, certains récurrents. On pourrait créer un réseau de connaissances entre la Baie des cochons à Cuba et le meurtre de Martin Luther King à Memphis! Tout semble lié.

Ellroy opte pour un style télégraphique aussi froid qu'efficace. Pour une prose un peu plus développée, il reste les dialogues.

Pour agrémenter le tout, l'action qu'il crée autour de ces faits historiques est souvent d'une grande violence. Sans aucun rapport avec le récit, deux ou trois scènes de cette violence gratuite donnent la nausée.
Aucun de ses personnages (surtout pas les Kennedy!) ne trouvent grâce à ses yeux. Quand ils ne s'enrichissent pas avec l'argent de la Mafia, ils commettent les pires atrocités.
Parmi ceux-ci on trouve les personnages principaux: Pete Bondurant, un tueur au service de Howard Hugues et de la Mafia, Ward Littel, avocat de la Mafia et Wayne Tedrow Junior, un policier, fils d'un comploteur raciste.
Racisme, Viêt-Nam, KKK, complot...
A côté de ce pessimisme, quelques moments ellroïques (et héroïques) de rédemption rétablissent la morale.
Ce deuxième tome de la série «Underworld USA» n'est pas pour les enfants.
A réserver aux adultes.
Et, comme il n'existe pas «Tintin tueur à gages à Dallas», «Martine prend de la benzédrine» ou « Oui-oui contre le KKK» , trois en un, je conseille vivement cet Ellroy.
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L'impression de m'être mangé un train dans ma putain de gueule.

American Death Trip, 950 pages d'un Ellroy qui expérimente avec brio des ambiances uniques dans son oeuvre, bien loin de Los Angeles : Dallas après l'attentat JFK et la fiesta ahurissante des rednecks mêlée à un choc assourdissant, Vegas et ses lumières comme pendant à Vegas-Ouest le taudis des noirs, le Vietnam et ses niacs... du 22/11/63 à juin 1968, de la mort de Jack à celles de Marty et Bobby, avec toute la trajectoire. L'exercice était bordélique dans Tabloid, mais ici, c'est ciselé, génial, grandiose et épique. Grâce à deux personnages sur trois qu'on connaît déjà, Pete Bondurant et Ward Littell, et au style auquel s'essaye Ellroy, qu'il a, à tort, renié depuis, même si du coup, ce roman n'en est qu'encore plus exceptionnel dans son oeuvre. On parle souvent de son style minimaliste, il est poussé à l'extrême ici, ultra-synthétique, répétitif (petit joueur par rapport à son disciple David Peace, ne vous attendez pas aux vers lancinants de celui-ci), selon lui pour refléter la violence de cette époque, où prévalent haine raciale, haine des communistes... Et c'est très efficace, en plus de simplifier et d'éclaircir les choses, pour éviter toute confusion dans ce qui pouvait devenir un maelstrom. Comme dans Tabloid, mais en mieux, Ellroy répète maintes fois qui fait quoi, qui trahit qui, et même qui a fait quoi précédemment, rendant la lecture du premier tome même dispensable. Chaque fin de chapitre est énorme, vous faisant pousser des "HOLY SH..." dans la bibliothèque, on vit avec les personnages leur destin qu'on sait funeste, et on sent qu'Ellroy s'est déchaîné sur ce roman qui lui a laissé une dépression nerveuse et un long moment d'errance avant Underworld USA, qui est encore radicalement différent dans la saga.

Pete Bondurant arrive en bout de course, il revit inlassablement le passé, il est fatigué. Son salut réside en Barb, voix de la raison et déesse ellroyienne, et il sera forcé de l'accepter. Toujours aussi badass, ce double d'Ellroy nous amuse toujours autant.

Ward Littell cherche le repentir après avoir blessé son idole RFK, et va s'évertuer pendant 5 ans à vouloir contrebalancer sa faute... Là-dessus, je conserve les surprises, il a le meilleur parcours des trois!! Extrêmement cohérent et symbolique, émouvant, à des années-lumière de son changement que je trouvais un peu bizarre et brut dans Tabloid. La vedette du trio, voire du roman. Vous n'imaginez même pas la somme de trucs que je me force à taire sur lui.

S'ajoute à eux Wayne Tedrow Jr. Un flic de Vegas qui vous rappellera les premiers personnages d'Ellroy, fantasmant sur sa belle-mère, coincé dans un rapport au père dont on devine aisément la conclusion, mais ça marche du tonnerre et c'est très bien fait. Les passages à Vegas-Ouest ou à Saigon en sa compagnie sont mémorables, mais je dirais qu'il devient le moins passionnant des trois à la fin. Dur pour Ellroy et les lecteurs de partir de là pour le troisième et dernier tome.

Tous les objectifs d'Ellroy sont atteints, on voulait finir American Death Trip sur les dernières pages, mais en fait on aurait voulu qu'il continue, encore et encore... Nous avons droit à un cadeau, un texte qui se range aux côtés du Grand Nulle Part et de la Malédiction Hilliker, au panthéon ellroyien, aux sommets de son oeuvre. Ellroy nous livre un véritable cours d'Histoire grandiloquent, tragique, avec ses touches habituelles de burlesque (Sal Mineo, si tu nous entends...). Tout le monde y passe, dans cette dénonciation très forte du racisme et de l'ultra-violence d'une époque spécifique, où Hoover et les mafieux (selon Ellroy) faisaient la pluie et le beau temps, dézinguaient absolument qui ils voulaient, pour conserver leur pouvoir et statu quo. Johnson le rustaud et sa guerre, l'apocalypse de Dallas post-attentat, le Vegas-Ouest dégueulasse, les états du Sud et toutes les horreurs perpétrées par le Klan, ce Vietnam et Laos complètement barges et hilarants sous héroïne, avec des jeux langagiers brillants sur les niacs, des rajouts de "K" partout (pour le Klan) excellemment repris dans la traduction française de Jean-Paul Gratias (son premier roman d'Ellroy, une leçon de traduction...). On est submergé de dégoût face au degré extrême que prend la haine pour les noirs et pour Martin Luther King à la fin, alors qu'elle restait cocasse, grand-guignol et tarantinesque jusqu'aux trois quarts, jusqu'à en devenir même contagieuse! Ellroy nous fait littéralement halluciner devant ce cauchemar raciste impuni. Mention aussi à Dwight Holly, âme damnée d'Hoover absolument immonde. Ellroy va devoir relever le défi de le rendre attendrissant dans Underworld USA, tâche vraiment pas aisée! Deux mois à le lire, mais putain, qu'est-ce que c'était bien, et qu'est-ce que je suis encore dedans. Lisez-le!! Même pas besoin de Tabloid, Ellroy récapitule!

Allez, après tout ça, quand même, retour aux classiques, y en a bien besoin. J'erre ces jours-ci dans la campagne, avec le Hugo des Contemplations...
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Il est toujours étonnant de constater à quel point l'amour et la haine sont des moteurs puissants de l'action humaine. James Ellroy, dans American death trip, en livre une preuve flagrante dans ce deuxième opus de la trilogie Underworld USA, fresque historique dans laquelle les sentiments humains ont une place prépondérante, en ce qu'ils modifient durablement la destinée d'un pays. La haine, principalement, occupe une place monstrueuse dans le roman : monstrueuse par ses formes, monstrueuse par ses conséquences. Sous l'apparence d'un roman noir historique, James Ellroy analyse cinq années déterminantes dans l'histoire des Etats-Unis. Il met ainsi à jour les mécanismes du fonctionnement politique d'un pays à travers l'examen des relations inter-personnelles. Si les hommes sont ainsi au centre du récit, ils n'en sont pas moins des pions dans un jeu à échelle mondiale. Ellroy délivre aussi, dans ce roman, une réflexion sur la liberté et sur la Chute, deux principes mis en tension comme un fil sur lequel le rêve américain tâche de garder l'équilibre, sans y parvenir.

Pour disséquer le cadavre du rêve américain, le docteur Ellroy utilise l'écriture comme un scalpel. C'est froid, c'est clinique. Sujet, verbe, complément, répétition des noms propres. le lyrisme n'a pas sa place ici : on risquerait d'y rencontrer de la beauté. Seuls écarts à cette narration : les insertions de retranscription de conversations téléphoniques secrètes, de rapports et de lettres secrets, les titres des Unes des journaux américains pour accélérer le temps en montrant ce qui connu par le public ainsi que les tendances populaires. Formellement, le livre déroute, un peu à la manière de David Peace, dans Rouge ou mort. Ellroy ne montre que les faits, et il les décore de documents ayant l'air réels. Toutefois, il ne faudrait pas oublier ce qu'est American death trip : un roman noir historique. Un roman, c'est donc une fiction. D'ailleurs, Ellroy ne prétend pas dire la vérité, toute cachée qu'elle soit ; simplement, il révèle les mécanismes systémiques qui ont probablement permis l'élimination physique de trois hommes d'envergure nationale dans la première puissance économique mondiale. Ce faisant, Ellroy démontre aussi comment les histoires personnelles, toutes grandioses qu'elles soient, sont broyées dans la grande Histoire : l'individu est écrasé par la marche collective des événements.

L'Histoire contée ici, c'est celle des Etats-Unis entre le 22 novembre 1963 et le 5 juin 1968. Deux frères, deux assassinats : John Fitzgerald Kennedy à Dallas, Robert Francis Kennedy à Los Angeles. Deux frères intègres, incorruptibles, qui tombent sous les balles de déséquilibrés. Deux assassinats, entre lesquels le pays connaît des années charnières, des luttes intérieures et des luttes extérieures, des luttes visibles et des luttes invisibles. Ces années 1963-1968 sont les années d'une guerre Froide dans un pays qui ronge son échec à Cuba et lance les hostilités au Vietnam. Ce sont aussi les années de la lutte pour les droits civiques, menée par le pasteur Martin Luther King. le chantre de la non-violence tombe lui aussi sous les balles, deux mois avant Robert F. Kennedy. le pays change, n'en déplaise à certains : les anti-castristes, la mafia ... Dans ces années, c'est la Pieuvre qui est à la manoeuvre. La thèse romancière d'Ellroy est celle d'une collusion entre les grandes familles de la mafia américaine, laquelle collusion entérine l'élimination physique des Kennedy. Mais Carlos Marcello, John Rosselli, Sam Giancana, Moe Dalitz ne se salissent pas les mains. Ils font appel à des experts. Pierre "Pete" Bondurant est de ceux-là. La Mafia est partout. La Mafia est derrière les grands événements qui font l'histoire des Etats-Unis (assassinat des Kennedy), et quand elle n'est pas derrière, elle en profite (guerre du Vietnam), car le véritable moteur, c'est l'argent (d'où Las Vegas comme centre véritable de l'action du roman). Vegas : ville du vice, des casinos, que le magnat Howard Hughes veut racheter. Les grandes familles de la mafia s'accordent pour monter une arnaque : il s'agit de vendre les titres de propriété, mais de garder le contrôle sur argent qui circule dans les casinos, notamment à travers le système de l'écrémage. Seulement, la Mafia n'est pas omnipotente. La Mafia s'accorde avec les pouvoirs politiques secrets américains, symbolisés par le patron du FBI : John Edgar Hoover.

Les événements contés ici sont tous liés les uns aux autres. Ils sont liés parce que les mêmes hommes et les mêmes organisations sont à la manoeuvre. La Mafia décide de l'élimination des Kennedy car ceux-ci veulent mettre fin au crime organisé : Hoover approuve pour des raisons idéologiques. le Président Johnson décide d'une intervention au Vietnam pour contrer le communisme : la Mafia y voit une occasion de faire de l'argent pour mieux étendre ses activités illégales (écrémage des casinos, prostitution, chantage ...). le Ku Klux Klan exécre Martin Luther King par racisme : Hoover approuve par idéologie. le centre névralgique de cette Amérique criminelle est Las Vegas, Sin City, où le rêve américain illusionne tous ceux qui s'y rendent. On pense devenir riche avec une machine à sous : on enrichit davantage les pontes de la Mafia. Seulement, Ellroy ne se contente pas d'aligner les événements les uns à côté des autres : il montre comment des hommes et des femmes vivent dans ce système, comment chacun essaie de tirer son épingle du jeu. Certains hommes décident : Carlos Marcello, Siam Giancana, John Rosselli, Howard Hughes, J. Edgar Hoover. D'autres agissent : Pete Bondurant, Ward Littel, Wayne Tedrow Jr, Jean-Philippe Mesplède. L'Histoire se fait grâce aux hommes. Les hommes aiment et les hommes détestent. L'argent n'a pas de pays, ni d'idéologie.

Les hommes font L Histoire. Ils parlent, concluent des accords, reçoivent des ordres, montent des affaires, intimident, extorquent, torturent, tuent, sont manipulés, sont espionnés, font chanter, font l'amour. Les hommes que Ellroy met en scène sont manipulés. Ils en savent assez pour prendre des décisions ; ils ne sont pas assez importants pour que leurs avis comptent. Chacun poursuit des intérêts qui lui sont propres, et ils sont prêts à servir les intérêts d'autrui, voire a s'oublier quelque peu, pour servir les leurs. Wayne Tedrow Jr, déniaisé à Dallas, poursuit le meurtrier de sa femme. Wendell Durfee, de sa haine vengeresse. Pete Bondurant veut servir la Cause anti-castriste à Cuba. Ward Littell prétend racheter les opérations qu'il a imaginées au profit de la Mafia et les informations qu'il a données à Hoover en renseignant Bobby Kennedy et en finançant Martin Luther King.

Parfois, les personnages perdent leur objectif de vue, pris qu'ils sont dans l'enchaînement des événements. Il n'en reste pas moins que chacun d'entre eux évolue dans un monde où la confiance et la trahison coexistent, se superposent, animent les relations inter-personnelles. le double jeu est obligatoire : on ne saurait montrer ses cartes sans y être obligé. La trahison semble toutefois être le mot-clé qui définit ces relations. Ward trahit Hoover en finançant King, tandis que Hoover trahit Ward en le faisant surveiller. Wayne est trahi par son père, un Mormon conservateur membre des Pionniers de Las Vegas ; Wayne trahit son idéal par haine de Wendell Durfee et accepte de travailler comme chimiste pour Bondurant au Vietnam. Bondurant est trahi par son coeur qui lâche, par Barb qui sniffe de l'héroïne, par Stanton qui le double dans leur commerce illégal vietnamien, par les Parrains qui n'ont que peu à faire de la Cause.

L'autre mot-clé qui définit les relations inter-personnelles est le mot violence. Toujours justifiée par l'intérêt supérieur parce que personnel et individualiste, la violence s'exerce de manière impitoyable et sous diverses formes. Violence psychologique avec le chantage, l'intimidation (Moore, policier de Dallas, intimide Bowers qui a été témoin de l'assassinat de Kennedy ; Ruby est contraint à tuer Oswald), violence physique avec les bastonnades, les tortures, les détecteurs de mensonge passés par les équipiers de Bondurant qui livrent des armes à Cuba, les meurtres.

Noir, le roman ne l'est pas que par la violence qu'il véhicule. Ellroy interroge aussi le concept de liberté, vertu cardinale aux Etats-Unis, et pour laquelle l'auteur dresse une perspective pessimiste. Voilà le grand pays des libertés individuelles, mais qu'en est-il réellement ? Voici une catégorie de population, les Noirs américains, dans la rue pour défendre leur accès aux droits civiques. Voici une catégorie d'hommes qui se disent au-dessus des lois, qui corrompent police et hommes politiques, qui décident des orientations politiques d'un pays : et pourtant ils dépendent de l'argent. Et si, a fortiori, les hommes qui refusent les règles du jeu ne sont pas libres, alors ceux les acceptent, citoyens ordinaires, le sont moins encore. de là découlent de sérieux doutes quant à l'état de la démocratie américaine, menacée par l'argent et ceux qui le possèdent.

L'argent comme nouvelle vertu cardinale, nouveau dieu à vénérer. Mais ce dieu ne tolère que les chutes et ne permet pas la rédemption. C'est là le deuxième thème de la narration d'Ellroy. La chute comme prétexte à la rédemption est un symbole fort aussi dans l'imaginaire américain. Mais force est de constater que les personnages qui chutent - chute physique pour Pete et Barbara, chute psychologique pour Ward incapable d'accepter les conséquences de ses actes, chute morale pour Wayne qui devient une cheville ouvrière du trafic de drogue à Las Vegas - ne peuvent pas espérer de rédemption. Ils ne souhaitent que la liberté : elle ne leur sera accordée que dans d'atroces conditions.
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Ce Ellroy. J'avais nagé avec délice dans le American Tabloid, j'ai refermé le livre, fébrile, en attendant de replonger dans la suite immédiate du-dit. American Death Trip, qui n'existe pas en format poche, qui pèse 1,02kg, et dont personne ne parle, alors que cet autre pavé est tout aussi passionnant et documenté que le premier.
Fin du Tabloid : le 22 novembre 1963, vers 13h.
Début du Trip de la Mort : le 22 novembre 1963 vers 13h30. C'est parti pour un voyage de cinq ans, aboutissant en 1968 à la mort par assassinat de Bobby Kennedy, peu après la mort de Martin Luther King.
On retrouve nos chouchous - m'est arrivé de dire à haute voix le nom de Pete Bondurant, comme ça, pour le faire sonner en entité dense et complexe - Pete Bondurant avec des litres de sang sur les mains, Pete Bondurant amoureux, Pete Bondurant blotti en sa rousse épouse Barb qui, comme Bassinger dans L.A. Confidential, s'occupe de la rédemption de son héros sulfureux couvert de cicatrices.
Et puis les autres, dans leur complexité. Et Hoover dans sa rampante folie, et Howard Hugues en Comte Drac buveur de sang et mangeur de casinos. Bobby est là, j'en aurais voulu plus, mais il est là quand même. Les mafieux continuent de faire leurs petites affaires, à la fois rancuniers et efficaces, suivant en ligne rouge leurs intérêts qu'ils adaptent suivant le contexte.
Un nouveau entre en scène, Wayne Tudrow, fils de Wayne Tudrow, quel fistouilleur ce Ellroy de nous perdre entre Wayne et Wayne Sr, admettons. Comme toujours, extrêmement bien campés, ses héros, avec leurs infectes parts d'ombre et une petite lumière qui nous autorise à (un peu) croire en la vie et en l'humanité.
On se déplace vers le sud, le sud à l'incommensurable racisme ancré dans les gènes, dans les veines, dans les souffles. On s'installe encore plus à Las Vegas. Cuba reste dans les esprits mais cette fois, on va aussi visiter le Vietnam.
1963-1968, Lyndon Johnson est président, il est à la fois anti-coco réac et sincèrement pour les droits civiques ouverts aux Noirs, l'étrange bonhomme sans charme (après JFK personne ne pouvait lutter sur ce plan). Lyndon Johnson qui, parait-il, adorait montrer fièrement sa quequette à son entourage sans tarir d'éloges sur ce fier membre de son anatomie… Décidément, le pouvoir rend bizarre…
Dans ma critique de American Tabloid, je me demandais ce qu'il en était de ce flic, Tippit, qui apparait sans vraiment de raisons, et dont je savais qu'il avait été tué par le supposé Oswald trois-quart d'heures après l'assassinat de Kennedy. "A moins qu'Ellroy n'en parle dans le Death Trip" ajoutais-je… Banco, Tippit est à sa place. "Ellroy n'évoque pas la guerre du Vietnam dans le Tabloïd, une guerre pas officiellement déclarée du temps de Kennedy, mais la présence américaine était déjà bien active en sous-main". Banco, là aussi on y est, et si la guerre est effleurée, le trafic d'héroïne est par contre bien documenté.
La violence entre ces foutus humains, à tous les stades, est quasi un personnage à part entière dans ce sacré bouquin (tout comme dans A. Tabloid d'ailleurs).
Violence de la mafia qui ne pardonne rien et fait nettoyer tout ce qui risque un tant soit peu de gêner ses dirigeants, et/ou tous ceux qui l'ont un tant soit peu trahie.
Violence des états du Sud confédéré envers les Noirs, viscérale, qui ne s'aère d'aucun problème moral, qui ne se nuance d'aucune réflexion, pour ces têtes pleines de KKK, c'est comme ça, c'est admis, c'est sain, c'est même parfois rigolo et c'est très bien - et quiconque nous gêne dans ce parcours sera supprimé avec une joie non-dissimulée.
La violence des bas-fonds, où la sexualité ouvre à d'atroces exactions, ça, c'est un peu le dada d'Ellroy dont la mère a sauvagement été assassinée quand il était petit.
La violence du trafic de drogue, depuis les champs de pavot du Laos jusqu'à l'arrosage dans les bas-fonds sus-nommés, des esclaves par ci, des camés-cobayes là, telle population qu'on asservit, rapport qualité-prix aléatoire car fluctuant, mais qu'importe, il y a moyen avec cette arme fatale de bâtir des fortunes rapides, l'aventure c'est l'aventure, qu'importe si du monde tombe au passage.
La violence ancestrale de l'Asie autour du sacrificiel Vietnam. Aussi bien au nord, du côté communiste où l'on est habité par la lutte, qu'au sud du côté de la vieille organisation corrompue, avec au milieu ces soldats américains comme cheveux sur la soupe, la vie humaine n'a aucune espèce d'importance. Les gens, le peuple, vous, nous, ça tombe à tour de bras, chair à canon, chair à héroïne, chair à exploiter, chair à propagande, chair sans intérêt dont les chefs disposent à leur guise, dans chaque camp.
Et enfin, la violence faite aux femmes, côté blanc mâle alfa qui ne souffre aucune contrariété, côté cinglé noir ricanant à violer puis assassiner, côté asiatique à prostituer à torturer comme du joujou vivant qu'on utilise jusqu'à l'os,
Ellroy nous en balance par tonnes, de la violence, et le pire c'est qu'on le croit, on croit à son monde si sombre.
J'ai réalisé que l'histoire millénaire de l'Asie est ultra-violente depuis l'empereur Qin en passant par le Japon jusqu'aux sanguinaires dictatures pseudo-communistes,
Avec ce chef d'oeuvre qu'est American Pastorale de Philipp Roth, et les tableaux noirâtres dEllroy, j'ai vu en quoi l'histoire centenaire de l'Amérique est elle aussi malaxée de violence, presque comme si c'était un pilier fondateur de ce pays,
et là on comprend à quel point un gars (une fille) de bonne volonté qui essaie d'adoucir un peu le quotidien de nos amis les gens, façon Martin Luther King par ci ou Bobby Kennedy par là, a une montagne de pain sur la planche… à quel point c'est un boulot sans fin, un tonneau des Danaïdes, où on laisse facilement sa peau… A quel point ceux qui ont essayé quand même, parce que sinon, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue, ont eu du courage, de la ténacité, de la fermeté, de l'intelligence. Pas à pas, dans des vents contraires soufflant à 200 à l'heure, face à des haines tatouées. C'est sans fin, ça recommence au XXIè siècle, non je ne suis pas en dépression, non Ellroy n'a pas entamé mon moral d'acier, mais pfouh…
Mais passionnant. Il est FORT ce gars. Pas d'hésitation, ce deuxième volet du triptyque vaut le déplacement.
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Tout d'abord et en premier lieu, redire mon amour pour Ellroy. Pour sa prose, pour sa façon de raconter des histoires vraies en y ajoutant sa fiction mais tout en donnant toujours l'impression que c'est L Histoire qu'il nous conte. Mon amour également pour ses choix de narration, les histoires à plusieurs narrateurs, plusieurs points de vue. Sa façon de plonger dans les méandres des affres de ses personnages, sa façon de les faire ressasser sans jamais lasser.

Mon petit point négatif dans ce tome, c'est que j'ai été gêné à force par l'utilisation de la répétition des phrases très courtes avec la répétition des noms des personnages en sujet de ces mêmes phrases. Le but voulu est sans doute de renforcer le côté obsessionnel et saccadé de l'action comme des pensées des protagonistes. Mais quand on a repéré la tactique utilisée, il est difficile de ne pas la voir systématiquement et de sortir un peu de l'histoire.

Heureusement, le sujet est ici encore très fort. Après JFK et son frère dans le premier tome "American Tabloid" c'est ici Martin Luther King qu'on voit évoluer aux côtés de Robert Kennedy, de Hoover et des parrains du crime organisé. Et comme dans le premier tome, on ne peut s'empêcher de penser que la version d'Ellroy est sans doute bien proche d'une vérité qu'on cherche à nous cacher.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
- Il y a une règle à observer, si tu veux mentir. Tiens-t'en toujours à la même version, quel que soit ton interlocuteur.
- Je m'en souviendrai.
- Oui, tu t'en souviendras. Et au moment où tu t'en souviendras, tu te rappelleras aussi qui te l'a dit.
Une bestiole volante piqua Wayne. Wayne l'écrasa d'une claque.
- Je ne vois pas où tu veux en venir.
- Tu te rappelleras que c'est ton père qui te l'a dit, et tu diras une abominable vérité par esprit de contradiction.
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Nous avons alors installé au Sud-Vietnam un homme à nous.
Ngô Dinh Diêm .Diêm était catholique .Pro-Américain , antibouddhiste, anticommuniste, et hostile aux colonialistes français. Nos agents ont ensuite truqué un référendum qui permit à Diêm de remplacer Bao Dai comme chef de l'état.( L'opération manquait de subtilité : ils ont fait obtenir à Diêm davantage de voix qu'il n'y avait de votants.)
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Dom "Dard d'Acier" est descendu au Cavern. Cela fait quatre nuits qu'il est avec Sal Mineo, et ils n'ont pas quitté la suite. Les grooms leur apportent du nitrite d'amyle et de la vaseline. Pete se demande combien de temps ils vont pouvoir tenir.
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Moore était fêlé. Moore était pédé. Moore buvait de l'alcool à brûler. Il fourguait peut-être des amphétamines. Il prenait peut-être des paris clandestins. Bowers était peut-être pédé aussi. Ils s'étaient engueulés. Moore avait piqué un coup de sang. Moore s'était permis de lui couper un pouce.
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L'amour comme équilibre entre deux forces - celle de Pete et celle de Barb - d'égale valeur et diamétralement opposées.
Rendez sa liberté à Pete. Montez Wayne en grade - Wayne le fils spirituel de Pete.
Pete faisait des cauchemars. Pete les lui avait décrits. Betty Mac : les barres transversales ; le noeud coulant. Pete avait de vraies images. Lui n'en avait pas.
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Videos de James Ellroy (95) Voir plusAjouter une vidéo
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François Guérif nous explique en détail l'effet Ellroy et ses effets sur la collection Rivages Noir.
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