AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782021153767
160 pages
Seuil (12/05/2016)
4.07/5   7 notes
Résumé :
Lambert est un abbé défroqué. Il se fait connaître comme sourcier. Il publie même un livre sur le sujet chez Gallimard. On le fait venir à Oran pour trouver de l'eau douce. Il n'en trouve pas mais, malin, grande gueule, armé de tous les culots, il réussit à se faire élire maire. Portrait d'un personnage haut en couleur, le roman est aussi un tableau très vivant d'Oran, entre les deux guerres, une sorte de Clochemerle colonial dont la population européenne est majori... >Voir plus
Que lire après La vie (presque) vraie de l'abbé LambertVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Ce n'est pas le premier ni le dernier homme de religion (toutes les religions) qui jette aux orties son engagement premier au service de la foi.

Niçois d'origine, frais émulu de l'Institut catholique de Toulouse, docteur en théologie et en philosophie, co-auteur d'un traité pratique, à succès, de radiesthésie, encore bien jeune.... sorte « de précurseur de Belmondo » aimant côtoyer les précipices et frôler les abîmes, et accompagnée d'une belle amie, Clara Pardeni, qui avait abandonné mari et enfant pour le suivre, l'abbé (Gabriel Irénée Séraphin Lambert ) débarque, en soutane ( car, hélas, l'habit fait toujours le moine), une sorte de « terre promise », pour exercer son art (un don ?) de sourcier... c'est-à-dire, « chercheur d'eau », au moyen d'un pendule ou d'un bout de bois (baguette de coudrier).

D'abord Alger, l'Algérois et l'Est algérien (c'est à Souk-Ahras qu'il « débaucha » Clara qui s'ennuyait ferme en compagnie de son instituteur de mari.) Oran est sa dernière étape (il avait déjà connu le Maroc, Marrakech qui l'avait beaucoup marqué), et de découverte en découverte (Oran était déjà connue par la rareté de son eau potable et le sel étant fortement présent), beau parleur, portant beau, populaire auprès des masses et de certains milieux affairistes... il deviendra, le 18 mai 1934 –toujours en soutane– le 33ème maire de la ville la plus antisémite d'Algérie... Bien après son départ (vichysiste, il avait été écarté après le débarquement des Américains ... et il ne quittera l'Algérie –et Clara- qu'à l'Indépendance... mourant, religieusemnt, à Antibes, dix-sept années après ), il n'y avait toujours pas d'eau potable à Oran. C'est seulement, en juillet 1952, que l'eau miraculeuse provenant du barrage de Béni Bahdel (à 180 km d'Oran) fit son apparition, alors que l'étude avait débuté en 1920. On fêta cette nouvelle née avec une gigantesque anisette-party qui dura deux jours.

Une révélation : Robert Houdin, prestidigitateur (ou magicien) mondialement connu, était venu en Algérie en 1856, sollicité alors par l'armée d'occuoation pour « lutter contre les marabouts et les confréries qui incitaient la population indigène à la révolte ». Une mission militaire qui dura trois mois, de septembre à novembre 1850... Un voyage aux allures de « croisade »...
Avis : Pour ceux qui veulent approfondir leur connaissance de la vie de leur ville, Oran (car il y a une description détaillée de la ville et de la vie quotidienne, côté Européens et côté Indigènes)... et ceux qui s'intérressent aux comportements des hommes de religion « défroqués » et/ou hypocrites.
Commenter  J’apprécie          100
Recherchant des romans ne faisant référence ni à Camus ni à la guerre d'Indépendance, c'est ainsi que j'ai découvert Abdelkader Djemaï et son abbé Lambert. Et quelle histoire étonnante que celle de ce curé défroqué, fumeur, amateur de femmes et d'anisette, sourcier, voyageur et maire d'Oran pendant sept ans !


Né en 1900 à Villefranche sur Mer, Gabriel Irénée Sépharin Lambert poursuivit ses études avec succès en Auvergne au séminaire de Saint-Flour. Docteur en théologie et philosophie, il intégra l'armée pour ses obligations militaires, ce qui eut le don de le rendre antimilitariste. Initié à la radiesthésie pour laquelle il se découvrit des dons certains, il partit rapidement exercer ses talents aux quatre coins de l'Europe, là où sa réputation grandissante l'appelait. S'éloignant de plus en plus de la vie religieuse, ses prises de positions, ses publications et son goût de la polémique et des mondanités finirent par l'exclure de l'Eglise, ce qui ne l'empêcha pas de continuer à porter la soutane. C'est ainsi qu'après un passage au Maroc, sa réputation de sourcier l'appelle en Algérie et plus précisément à Oran, où les cent soixante mille habitants souffrent de la salinité de l'eau courante et mettent en péril la réélection prochaine du maire en place. La vie trépidante de l'abbé Lambert prend un nouveau tournant quand, en 1934, il est élu maire et que se profile la Seconde Guerre mondiale. Personnage à première vue plutôt sympathique, il deviendra plus ambigu, puis finira par s'engager du mauvais côté au fur et à mesure que se rapproche les bruits de bottes. Rentré en France à l'Indépendance, il meurt en 1970 à Antibes.

A travers l'histoire étonnante de ce personnage, c'est aussi l'occasion pour l'auteur de rendre un bel hommage à Oran la radieuse, dont il est originaire, et d'entrainer le lecteur dans une balade historique de la ville, tour à tour andalouse, ottomane, française mais finalement toujours algérienne. On y apprend un tas d'autres choses, notamment à propos de personnages y ayant séjourné, comme par exemple Miguel de Cervantes après sa libération du bagne d'Alger en 1582, ou le célèbre Robert Houdin, père de la prestidigitation, venu en 1856 contrer par ses tours de magie l'influence des Marabouts. On parcourt les différents quartiers de la ville, du centre européen et haussmannien aux faubourgs populaires, jusqu'au Village Nègre (voir l'article ICI) , on visite les principaux monuments, la corniche et les plages des communes environnantes. L'écriture est colorée et laisse s'échapper des parfums de fleurs, de cuisine, de marchés, de nostalgie aussi. Quelques belles envolées concernent la radiesthésie.

Si la lecture nous plonge principalement dans le monde colonial de cette époque, l'auteur n'en oublie pas la misère, l'analphabétisme, les maladies, dont souffre une grande partie de la population, celle des colonisés relégués dans les quartiers pauvres, manoeuvres, journaliers au service des colons. Ville multicolore et multiculturelle, Oran s'est enrichie de ses différents occupants et en garde encore les traces. Et j'ai énormément apprécié cette promenade très vivante dans une ville que j'adorerais visiter un jour peut-être à la recherche de quelques uns des miens.


Lien : http://moustafette.canalblog..
Commenter  J’apprécie          41
L'abbé Gabriel, Irénée, Séraphin Lambert (1900/1979) est, pour les Oranais, un personnage de légende. Défroqué, haut en couleur, bien que portant toujours sa soutane noire et un casque colonial blanc, coureur de jupons, malicieux, opportuniste, amateur d'anisette, breuvage laiteux si désaltérant les jours de canicule, un peu sorcier, sourcier talentueux, il avait été invité par la municipalité oranaise afin de mettre en oeuvre ses talents de rhabdomancien afin de doter la ville d'eau douce, celle qui coulait alors des robinets était saumâtre et impropre à la consommation.
Abdelkader Djemaï, natif d'Oran en prenant prétexte de nous raconter, à sa façon, les aventures de cet abbé qui devint le trente- troisième édile de la ville, nous invite, une nouvelle fois (1) à une promenade pittoresque à travers la cité , à visiter ses quartiers, à humer son air , à goûter aux savoureuses kémias.
C'est distrayant, truculent, nostalgique, poétique, plein d'humour et d'amour.
Un grand merci Abdelkader.
(1) Voir Camus à Oran

Commenter  J’apprécie          71
Jolie découverte de la littérature algérienne.
Puissante description de la ville d'Oran dans les années 1930 – où il valait mieux ne pas être autochtone…
Un abbé un peu anticlérical et un peu sourcier, ou l'ascension fulgurante d'un demi-parvenu.
« A la différence de saint François d'Assise, l'abbé n'avait pas, même s'il aimait les oiseaux, fait voeu de pauvreté ».
Le tout est une histoire presque vraie – une biographie romancée qui ose le dire (« certains noms, quelques personnages et péripéties de cette histoire ont été inventées. Mais Dieu reconnaîtra les siens »).
L'ambiance m'a fait un peu penser aux Carnets d'Orient de Jacques Ferrandez.
Seul petit bémol : l'usage intempestif, ou aléatoire, de la virgule.
Un bon petit plaisir.
Commenter  J’apprécie          80
J'ai toujours apprécié la plume d'Abdelkader Djemai, celui qui est considéré comme l'un des plus grands écrivains algériens contemporains de langue française avec une riche oeuvre.
Cette fois, je le découvre dans le genre biographique où il nous raconte la vie de l'abbé Lambert d'une manière un peu romancée. Cet abbé s'est fait connaître principalement comme sourcier et on le fait venir à Oran dans les années 30 afin de chercher de l'eau douce. Après avoir sillonné plusieurs villes du monde, l'abbé va se plaire à Oran où il va même devenir maire de la ville pendant plus de 7 ans.
Une biographie d'un personnage historique mais nous dépeint aussi une des belles villes de la méditerranée à travers l'histoire.
Un bon ouvrage très intéressant surtout pour les férus d'histoire.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Oui, la radiesthésie était, pour Lambert, une science qui ne prétendait pas, précisait-il, à l’infaillibilité, pas plus que la médecine, pas plus que bien d’autres sciences. Mais avant de la condamner, il fallait, plaidait-il, lui laisser le temps de faire ses preuves. Des preuves qu’on s’empressait d’étouffer dans l’œuf, comme le fit Adolphe Thiers lorsqu ’il nia, avant qu’ils ne soient expérimentés, l’utilité des chemins de fer. L’abbé évoquait alors les propos du deuxième président de l’histoire de la République française qui n’avait pas hésité, à la tribune de la Chambre des députés, à déclarer que les trains « n’avaient aucun avenir parce que les roues des machines étaient appelées à patiner sur place sans avancer jamais ». Thiers considérait aussi que le télégraphe n’était qu’un hochet destiné aux petits enfants.
Commenter  J’apprécie          40
Il s'arma cette fois non pas de son pendule en forme d'oeuf qui pesait trois cents grammes, mais de sa baguette de coudrier, dont il empoigna fermement les deux branches, la pointe vers l'avant. Les paumes levées vers le ciel, les pouces vers l'extérieur, le bas de sa soutane battu par l'herbe, il se mit lentement à marcher, en tapant parfois sur le sol avec son pied droit. Retenant sa respiration, faisant le vide en lui pour renouer avec son sixième sens et se remplir de l'esprit des eaux, il vit, deux minutes plus tard, sa baguette soudain frémir, vibrer, bouger, s'agiter et se tordre comme une couleuvre entre ses mains blanchies par l'effort. C'était le signal tant espéré. Tel un délicieux et inoffensif venin, le murmure, la musique, le chant de la belle endormie montèrent alors dans ses veines avant d'irriguer toutes les fibres de son corps.
Commenter  J’apprécie          30
Au cap Falcon, une nuit où le ciel avait la douceur du velours, il assista à l’arrivée d’une pêche au lamparo. Au-dessous du phare dont les bras lumineux balayaient le ciel, Antonio Carmona, le propriétaire du chalutier, originaire d’Alicante, l’invita à déguster le lendemain à l’ombre des rochers un caldero qu’il avait lui-même préparé avec de l’huile d’olive. Cuit dans une marmite en fonte qui frissonnait au-dessus d’un feu de bois et d’algues sèches, ce mélange de poissons, de riz, de tomates, d’ail, de persil et de piments secs était parfumé avec du safran, du laurier, du citron et une cuillère à soupe de pastis.

Commenter  J’apprécie          20
A la façon de saint François d'Assise, il disait que l'eau était l'une des plus belles offrandes faites à l'homme, à la nature et aux animaux. Elle était, ajoutait-il, comme les santons de Provence aux mains toujours pleines de nourritures et de douceurs.
Commenter  J’apprécie          40
les propos du deuxième président de l’histoire de la République française, qui n’avait pas hésité, à la tribune de la Chambre des députés, à déclarer que les trains « n’avaient aucun avenir parce que les roues des machines étaient appelées à patiner sur place sans avancer jamais ».
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Abdelkader Djemaï (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Abdelkader Djemaï
Vendredi 8 mai 2009 Abdelkader Djemaï, romancier franco-algérien, vivant en France depuis 1993 après avoir dû fuir la guerre civile en Algérie, évoque l'exil contraint de l'écrivain, à travers la figure d'Albert Camus et sa propre existence. Il est l'auteur de Camus à Oran (1995) ; dernier roman paru : Un moment d'oubli (Seuil, 2009) dans le cadre du banquet de printemps 2009 intitulé " Exils et frontières"

Abdelkader Djemaï : Né à Oran en1948, Abdelkader Djemaï a été enseignant, journaliste et écrivain en Algérie. Il arrive en France en 1992, devant fuir la guerre civile algérienne, car il est menacé de mort. Son expérience lui inspire ses nombreux romans et récits. Son enfance et la guerre civile en Algérie constituent les thématiques de plusieurs de ses romans ; Eté de cendres (1995), Sable rouge (1996), 31, rue de l'Aigle (1998) qui forment une trilogie autour de la tragédie algérienne, ou encore Camping (2002). de même, le roman-photo : Un taxi vers la mer (2007) sur l'enfance en Algérie. Ensuite le déracinement, l‘exil et l'errance inspirent : Gare du Nord (2003), le Nez sur la vitre (2005) et enfin Un moment d'oubli (paru au Seuil cette année). La littérature française constitue pour lui un point d'appui essentiel. Et notamment la figure d'Albert Camus qui a lui-même vécu à Oran, est déterminante. Il a écrit Camus à Oran.
+ Lire la suite
autres livres classés : littérature algérienneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (14) Voir plus



Quiz Voir plus

Petit quiz sur la littérature arabe

Quel est l'unique auteur arabe à avoir obtenu le Prix Nobel de littérature ?

Gibran Khalil Gibran
Al-Mutannabbi
Naghib Mahfouz
Adonis

7 questions
64 lecteurs ont répondu
Thèmes : arabe , littérature arabeCréer un quiz sur ce livre

{* *}