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Anne Rabinovitch (Traducteur)
EAN : 9782264035943
656 pages
10-18 (01/01/2005)
3.55/5   165 notes
Résumé :
Trois amies déjeunent ensemble dans un restaurant à la mode. Elles se sont rencontrées étudiantes, se sont croisées, consolées et retrouvées à travers les années. Bien que très différentes, elles ont en commun de haïr Zenia - créature éphémère et mystérieuse, au passé obscur, qui leur a volé à chacune leur homme, trahissant l'amitié et la confiance qu'elles lui avaient offerte. Depuis qu'elles ont appris sa mort par les journaux, les trois femmes respirent. Mais voi... >Voir plus
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« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'une célèbre autrice canadienne…

-Ouaaaaaais ! La servante écarlate ! La servante écarlate ! J'adore La servante écarlate !

-Non.

-Ooooooh, pourquoi ?

-Parce qu'il y a déjà cinquante mille critiques, je vois pas ce qu'on pourrait ajouter de plus. Bref. Comme vous l'avez deviné, on va parler de Margaret Atwood avec…

-C'est le coeur qui lâche en dernier ! C'est son avant-dernier roman, toulmonde l'a lu, faut qu'on fasse pareil !

-Non !

-T'es ch… pas marrante, Déidamie ! Pourquoi ?

-Parce que toulmonde l'a lu, que je fais ce que je veux, et que je voulais parler d'un livre dont justement on ne parle pas beaucoup. Alors ce sera La voleuse d'hommes, là.

Or donc, Tony, Roz et Charis (prononcez Karis), trois amies de longue date bien que toutes trois fort différentes, déjeunent entre copines. Elles papotent tout en rêvant à leurs vies respectives… quand soudain entre dans le restau une splendide femme, Zenia. Elles se voient et se reconnaissent. C'est le choc !

-Pourquoi ?

-Parce qu'elles l'ont enterrée des années auparavant. Et avant son décès, Zenia a pris soin de les faire beaucoup souffrir. Son retour va plonger le trio dans une grande confusion…

-Pfff. J'parie que ce ne sera pas aussi bien que La servante écarlate.

-Hé bien, j'ai retrouvé pourtant quelque chose qui existe déjà dans La servante… : la maîtrise de la structure. le texte de la Servante oscille sans cesse entre le passé révolu et le présent de Defred, n'est-ce pas ? Les deux temps étaient séparés en cases bien nettes.

Ici, Margaret Atwood nous propose une autre façon d'explorer le temps. Elle part du présent dans le restau, puis elle retourne dans le passé pour avancer petit à petit vers le dénouement.

-C'est lourd et absurde, Déidamie ! Zenia n'intervient pas avant leur âge adulte, quel intérêt d'aller explorer l'enfance des héroïnes ?

-Mais celui d'expliquer les failles que Zenia va exploiter pour parvenir à ses fins. Celui donner corps et cohérence aux personnages. Celui de montrer que ces trois femmes se débrouillent comme elles peuvent avec ce que la vie leur a infligé. Celui de peindre des caractères, chacun faible et puissant à sa façon. J'ai trouvé ces portraits très réussis : Tony, l'historienne, qui n'est jamais submergée par les émotions, dont la froide lucidité analyse tout ce qui l'entoure ; Charis, la… euuuh… j'ai du mal à qualifier Charis…

-La baba-cool complètement allumée ?

-Ce n'est pas gentil pour Charis. Charis, qui vit selon ses convictions ésotériques, trouve un sens à sa vie dans la pratique de la bonté et de la protection de la vie. Elle, en revanche, traverse des émotions beaucoup plus fortes et s'efforce de les canaliser. Roz, femme d'affaires redoutable, fortunée, calcule et négocie sans cesse… sans se rendre compte de l'arnaque, que dis-je, des arnaques dont elle est victime en privé.

-Moi, je trouve que ce titre, il est sexiste. Encore une femme qu'on va blâmer parce qu'elle couche avec qui elle veut !

-Non. Ce n'est pas absolument pas le propos. Zenia est un parasite, qui va sucer le sang de ses victimes avant de les quitter quand elles n'ont plus rien à offrir. Et avant de partir, elle va détruire et salir tout ce qui compte pour ses hôtes.

Le problème que pose Zénia ne se trouve pas dans son comportement sexuel. Il se trouve dans sa perversité. Elle n'est pas blâmable ni mauvaise parce qu'elle couche comme elle veut. Elle est répugnante parce qu'elle prend plaisir à blesser et à manipuler autrui.

Et l'une des grandes forces de ce portrait, exécuté en négatif parce qu'en effet on n'a que rarement son point de vue à elle, c'est qu'en dépit de sa noirceur, elle se révèle fascinante. Ses victimes ont envie de la croire et de la protéger. Elles se demandent longtemps quelle est la part de mensonge, de vérité. Et comme elles n'imaginent pas que le mal à l'état pur existe, elles tombent dans ses pièges.

Au fond, ça marche un peu comme les couples violents. Les victimes croient les excuses et justifications sincères, parce qu'elles ne parviennent pas à concevoir que la personne violente puisse être aussi malfaisante que ses actes.

Tu parlais de sexisme, au début ?

Ce roman le dénonce pourtant avec force. Tony éprouve mille difficultés à faire reconnaître ses compétences. La libération sexuelle emprisonne Charis. Quant à Roz, ses aventures sont décevantes : les hommes qu'elle rencontre ne sont pas capables de la satisfaire et je ne suis pas sûre qu'elle sache elle-même comment obtenir ce qu'elle désire. Les tabous et les non-dits continuent d'empoisonner les relations. L'indifférence à autrui aussi.

Les hommes dans ce roman se révèlent lâches, bêtes et décevants. Pas du tout à la hauteur de ces femmes qui, chacune à leur manière, subviennent à leurs propres besoins, matériels ou spirituels.

-Mouais. La tante de Charis n'est pas un modèle non plus, hein. le roman ne répond pas à une question essentielle, quand même.

-Laquelle ?

-Si les hommes sont aussi minables que ça, pourquoi ces trois persos ne semblent pas pouvoir s'en passer ?

-J'ai mon hypothèse, mais je ne la donne pas.

-Oh, alleeeeeez !

-Non. Ce sont aux lecteurs de se faire leur propre idée. Sans compter que je peux me tromper. Je termine sur un avertissement pour le lectorat sensible : ce roman contient quelques scènes d'abus sexuels. Peu détaillées, mais là tout de même. »
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Trois femmes Tony, Chris et Roz se retrouvent au Toxique un bar branché de Toronto. Elles ont pour point commun d'avoir fait une partie de leurs études à McClung Hall mais surtout d'avoir connu à des périodes différentes, une quatrième femme Zenia. Cette dernière s'était d'abord liée d'amitié, avant de trahir ses trois amies. Depuis, les trois femmes ont appris la mort de Zenia, lors d'un attentat à Beyrouth et ont même assisté à son enterrement. Alors leur surprise est immense lorsqu'elles pensent l'apercevoir, sortant de ce bar. Commence pour les trois femmes une introspection et une plongée dans leur relation passée avec cette femme, qui les a détruites, tour à tour.

La voleuse d'hommes, c'est Zenia, cette femme assez énigmatique, sorte de femme fatale, qui manipule les êtres qu'elle côtoie, mais le récit s'attache surtout au trois portraits des femmes victimes. Leur point commun, au delà de leur école, c'est d'avoir été toutes les trois, maltraitées ou ignorées de leur mère. Des femmes qui étaient fragilisées, qui n'ont pas su se construire ou s'affirmer, notamment vis à vis des hommes. Des failles que Zenia, sûre d'elle, a, de son côté, su exploiter pour s'attirer les confidences de chacune des femmes, les dépossedant de leur mari ou compagnon.
Malgré un sujet intéressant, des rivalités féminines, j'ai trouvé beaucoup de longueurs et de digressions, avec comme conséquence, beaucoup de lenteur et l'envie d'abandonner la lecture. Les portraits de chacune de ces femmes sont intéressants, d'autant plus que Margaret Atwood aborde avec chacune d'elle des périodes de l'évolution féministe, Tony s'intéresse aux guerres, un domaine masculin, Charis mené une vie marginale élevant seule sa fille et Roz est chef d'entreprise. Mais le tout n'est pas toujours crédible avec cette femme fatale Zenia, qui apparaît trop comme une caricature de manipulatrice.
J'ai donc un avis assez mitigé après cette lecture...La voleuse d'hommes révèle de beaux portraits de femmes mais le traitement est trop lent et quelquefois ennuyeux.
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Commençons par la couverture : Nous découvrons, sur fond rose passé, une partie d'un visage de femme ; un nez habituellement jugé séduisant accompagnant des lèvres très pulpeuses. La quatrième de couverture indique que : « Trois amies déjeunent ensemble. Elles n'ont rien en commun, sinon qu'elles nourrissent toutes trois une haine féroce contre Zénia, cette femme énigmatique et envoûtante qui leur a volé leur homme. Elles viennent d'apprendre sa mort, et quel soulagement ! Mais lorsque Zénia fait son entrée dans le restaurant, plus conquérante que jamais, c'est le choc. le cauchemar va-t-il recommencer ? » Et enfin le titre : « La voleuse d'hommes ». Même si l'auteur est Margaret Atwood l'ensemble me plonge un peu dans la même angoisse que l'alpiniste en tongues arrivant au pied du K2. « Cela s'annonce rude ! ».
*
Ici ceux qui ont lu ma critique précédente se disent que je me complais dans le (très) mauvais feel-good avec un masochisme suspect cet été. C'est pas faux (ah Kaamelott !)… et pourtant j'ai appris des choses passionnantes !
- Un homme peut se voler. En étant un moi-même c'est quelque chose qui ne pouvait que me sembler essentiel. La méthode est simple et imparable. La propriétaire légitime du mâle concerné a la grande naïveté de faire confiance à une rivale sans l'identifier comme telle, cette dernière mentant habilement et sachant exploiter sans vergogne, en bonne perverse narcissique, les failles de ces innocentes et touchantes jeunes femmes. Faire entrer le coucou dans le domicile « conjugal »est une erreur fatale ! le reste est anecdotique. L'homme est idiot, sans défense, facile à berner et avide de sexe. Il suffit donc de lui dire quelques bêtises et, surtout, de profiter de l'absence épisodique de sa légitime propriétaire pour le mettre dans un lit (le canapé ou l'évier de cuisine font aussi l'affaire). Ensuite ce dernier suivra la voleuse sans hésiter, sans même que sa maitresse légitime ne reçoive la moindre indemnisation. À ce stade j'hésite à demander à mon épouse de me mettre sous vidéosurveillance constante. Nous autres mâles sommes si vulnérables, corruptibles, illogiques et incapables de voir que l'on nous abuse dès qu'un sein bien galbé se profile !
- Il ne faut pas juger une femme uniquement au premier regard ou à partir de sa façon de s'habiller… Ces intéressantes et si complexes créatures adoptent souvent des comportements pouvant sembler curieux de prime abord mais c'est parce qu'elles ont vécu des fêlures et autres traumatismes dans leurs jeunesses. Les étapes de l'enfance comme de l'adolescence, le rapport à leurs parents (mères surtout) jouent ici un rôle essentiel. En final elles sont bien plus profondes que l'on ne pourrait le croire, et infiniment plus attachantes aussi !
- le fait de vivre un même traumatisme (se faire voler celui qui réchauffe son lit, ce qui n'est pas rien) peut rapprocher et susciter de fortes et belles amitiés entre des femmes que tout semble éloigner par ailleurs.
Je cesse ici ce petit jeu qui pourrait se poursuivre aisément plusieurs pages en ironisant sur les clichés faciles (l'homosexuel), les préoccupations basiques, un scénario très conventionnel au final, 3 caractères assez simplistes (la cérébrale, brillante intellectuellement mais peu adaptée au quotidien ; l'ésotérique illuminée ; la femme d'affaires redoutable, très féminine dont l'apparence est partiellement trompeuse), un regard assez pauvre sur la maternité et, bien entendu, l'inévitable « fin heureuse mais pas mièvre », sans oublier que le principal personnage (la voleuse d'hommes) peine à offrir une certaine cohérence, étant plus « en creux » pour mettre en évidence et en valeur les 3 amies que convainquant en lui-même.

*
654 pages. Faut-il donc se servir de ce livre pour allumer sa cheminée ou caler un meuble ? Je dirais que non.
Certes, vous l'aurez compris, je ne trouve pas que ce soit un chef d'oeuvre et estime que c'est dispensable pour à peu près tout lecteur. Certes, après quelques autres lectures de cet auteur, je trouve que sa réputation actuelle est quelque peu excessive. Pour autant ce livre a des qualités qui peuvent en faire un assez agréable compagnon de voyage, de trajet en avion ou en train…
- Margaret Atwood écrit bien. Rien que cela la distingue assez radicalement du « feel-good » de base. Elle sait animer les pages sans aller dans les excès, construire des personnages auxquels ses lectrices vont pouvoir au moins pour partie s'identifier dans bien des cas… Ce n'est pas génial, ce n'est pas dénué de facilité mais c'est efficace.
- La structure du livre, partant d'une situation actuelle pour ensuite revenir longuement dans le passé de chacune des 3 amies, amenant ainsi à les connaître progressivement mieux, à découvrir ce qui les a amenées à leurs présents est une idée intéressante et qui fonctionne bien. Certes la psychologie proposée est généralement sommaire voire parfois caricaturale mais, là encore, c'est assez efficace.
- L'ouvrage évite l'écueil consistant à prétendre vous donner un mode d'emploi pour vivre mieux. Cela évite de sombrer dans le ridicule.
- Pour un homme c'est une lecture fort intéressante, du moins pour qui adopte une approche de type sociologique. En effet ce livre semble une assez bonne synthèse de divers clichés féminins réducteurs sur les « mâles ». C'est drôle, pour une fois, de se sentir non pas émetteur de clichés dans un monde misogyne mais réifié à son tour dans une large mesure. Ce peut être au choix l'occasion d'un réel amusement ou de réflexions théoriques et pratiques pouvant avoir une utilité. Beau jeu de miroirs (très déformants) qu'un homme qui lit une femme écrivant au sujet de femmes qui parlent d'une femme ayant « volé » leurs hommes.
*
Sans le conseiller pour partir sur une Ile déserte, si vous deviez croiser « La voleuse d'hommes » au bord d'un quai de gare et avez envie d'un moment facile, d'une pure détente sans prétentions il y a de plus mauvais choix. Il y en a aussi de meilleurs.

Bonnes lectures estivales à tous (et toutes…).
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Toronto, trois femmes, trois univers différents, liées malgré elles à cause d’une quatrième, la mystérieuse Zenia. Solidaires dans l’adversité, Tony, Roz et Charis se connaissent depuis l’université et sont devenues amies. Elles déjeunent chaque mois au Toxique, resto branché dont le nom illustre parfaitement la personnalité de Zenia. Mais heureusement celle-ci est morte et enterrée depuis 4 ans. Enfin, c’est ce qu’elles croyaient, jusqu’à ce que Zenia franchisse la porte du restaurant… Cette réapparition n’augure rien de bon, et une zone de turbulences pourrait bien déferler sur les trois amies.
L’auteur remonte alors le temps pour retracer la rencontre de chacune des protagonistes avec Zenia, puis pour décrire successivement l’enfance de Tony, Roz et Charis.
Il y a la minuscule Tony, professeur d’histoire de la guerre à l’université, aussi intelligente que cérébrale et cartésienne, peu adaptée au monde qui l’entoure. A ce niveau-là, Charis n’est pas mieux lotie, elle qui vit à l’écart sur son Ile et travaille dans un magasin d’ésotérisme. Charis l’ultra-sensible perçoit les ondes, les auras, a des visions et refuse de se nourrir d’animaux. Roz, la femme d’affaires, est la seule à vivre réellement avec son époque, ce qui ne l’empêche pas d’être dépassée de temps à autre, par ses enfants notamment. On pourrait la croire moins naïve que les deux autres, et pourtant la crédulité est un de leurs points communs. Toutes trois ont cru aux histoires de Zenia, toutes trois ont en commun d’avoir perdu un homme à cause d’elle, Zenia l’odieuse manipulatrice, la femelle en chasse qui vole les hommes uniquement pour le plaisir de blesser leur femme.
Ce roman est assez long, et je ne l’ai pas lu rapidement. J’ai trouvé que la partie sur l’enfance de chacune était la moins convaincante, peut-être pas indispensable. Les descriptions des personnages et de leur histoire sont minutieuses, les analyses psychologiques pointues. On s’attache aux trois femmes et à leurs fragilités, tout en ayant parfois envie de secouer tant de candeur. Zenia est une personnalité fascinante, changeant de registre avec une facilité déconcertante, embobinant les gens avec ses histoires d’autant plus facilement gobées qu’elles sont invraisemblables.
A côté de ce caractère flamboyant et des trois héroïnes qui plient mais ne rompent pas, les hommes font pâle figure. Ils sont présentés comme faibles, lâches, prêts à quitter une femme aimante et loyale pour courir se brûler les ailes auprès d’une allumeuse cynique.
L’amitié, les rapports hommes/femmes, la générosité qui prend le pas sur le mal, la vengeance et le pardon, toute une gamme de sentiments est brassée ici avec un certain suspense, dans une ambiance proche du polar.
En ce qui me concerne, je suis prête à relire du Margaret Atwood!

Lien : http://www.voyagesaufildespa..
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The Robber Bride
Traduction : Anne Rabinovitch.

"La Voleuse d'Hommes" est un roman toujours aussi épais mais d'une optique un peu plus humoristique que celle observée dans "Le Tueur ..." et dans "Captive." C'est aussi une réflexion sur la nature de la Vérité (car en fait, on ne saura jamais qui était la vraie Zenia qui recrée sans cesse la Vérité, souvent dans son propre intérêt, parfois gratuitement, pour le seul plaisir de faire le mal) et sur les conséquences qu'implique sa révélation. Voilà pourquoi c'est un détail de la lithographie "La Vérité" de Verlinde qui a été utilisé par le Livre de Poche pour la jaquette de ce roman.
Ainsi que le mentionne la quatrième de couverture citée par Julie, tout commence par un déjeuner pris au "Toxique" - c'est un restaurant qui, la nuit, voit se réunir pas mal de toxicomanes - par trois quinquagénaires dont l'amitié remonte au temps de l'université.
La première à entrer en scène, c'est Tony (diminutif d'Antonia) Freemont, une femme si menue qu'elle peut encore s'habiller en 36 et qui donne des cours d'histoire militaire à l'université. Son intérêt, que dis-je, sa passion pour les grands stratèges et toutes les sortes de batailles possibles et imaginables a constitué très tôt pour elle une façon de se replier sur elle-même, de s'isoler, de se protéger. Tony n'a pas eu d'enfants de son mariage avec Stewart que cette gauchère contrariée devenue ambidextre et adepte de l'écritutre-miroir, appelle "West" (= presque Stew, mais inversé et avec un petit jeu entre le "t" et le "s") depuis des lustres.
Pour la seconde de nos héroïnes, l'isolement a d'abord revêtu l'abandon de son premier prénom, Karen, pour devenir Charis. Somnambule et victime dès l'enfance, possédant sans doute un sixième sens très aigu qui, en dépit des apparences, l'a bel et bien sauvée de la folie ou du suicide, Charis ne parle et n'agit qu'en fonction de méditations, de zen, d'auras, d'ondes, etc ... En dépit de sa fragilité, en dépit de la terreur-panique du rejet et du manque d'amour qui la minent, Charis, à sa propre stupeur, trouvera cependant en elle la force d'affronter la "renaissance" de Zenia. D'un objecteur de conscience américain désireux d'échapper à la guerre du Viêt-nam et réfugié au Canada, elle a eu une fille, qu'elle a choisi de prénommer August mais qui, avec l'âge, a décidé de se réapproprier son prénom en lui ajoutant un "a."
Quant à la troisième, Roz, je l'ai trouvée tout simplement épatante. Un personnage jovial et teigneux, une "femme forte" - dans tous les sens du mot - et dotée d'un optimisme salvateur. Son point faible à elle - son jardin secret où elle s'isole volontiers et dont Zenia jouera sans scrupules, c'est l'image du Père. Elle a épousé un avocat arriviste, Mitch, qui a multiplié les aventures avant de tomber dans les bras de Zenia et de ...
Or donc, comme elles le font depuis une éternité une fois par semaine, ces dames déjeunent ensemble. Et qui voient-elles passer devant elles dans la salle du "Toxique" ? Zenia ! Zenia à l'enterrement de laquelle elles ont pourtant assisté il y a quelque temps. Zenia qui avait été victime d'un attentat à Beyrouth. Zenia qui, à chacune de ces trois femmes qui furent, chacune à son tour ou simultanément, ses amies, a volé l'homme qu'elles aimaient - ou croyaient aimer - pour mieux le rejeter ou l'abandonner par la suite.
Zenia, fille d'une Russe blanche qui prostituait sa fille dès ses cinq ans. Ou alors Zenia, fille d'une tzigane lapidée en Roumanie. Zenia, fille de Grecs orthodoxes particulièrement pieux qui, en raison de la piété de ses parents, ne put jamais dénoncer le prêtre qui l'avait violée. Zenia, miraculée d'un cancer - dont elle n'a en fait jamais souffert sauf ...
Zenia, dont on ne saura en fait jamais la vraie nature : ni Tony, prête pourtant à la tuer avec le Luger de son père ; ni Charis, qui parvient à lui pardonner avant de l'abandonner à son tour ; ni Roz, qui était prête à céder à son dernier chantage ... ni le lecteur.
Un bon roman, à ne réserver cependant qu'aux inconditionnels de la romancière canadienne car - à mon sens en tous cas - il n'a pas ni la perfection glacée du "Tueur ..." ni la maîtrise absolue de "Captive." ;o)
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
En tout cas, si ce qu’elle soupçonne est vrai, ce n’est pas le moment de s’exhiber. Dans la cosmologie de Mitch, le corps de Roz symbolise la propriété, la solidité, les vertus domestiques, le foyer, la maison, l’usage de longue durée. La mère – de – ses – enfants. La tanière. Tandis que l’autre corps occupant son champ de vision équivoque l’aventure, la jeunesse, la liberté, l’inconnu, le sexe sans attache. Lorsque la pendule change de sens – quand l’autre femme commence à représenter des complications, des décisions, des exigences, des bouderies, et des scènes larmoyantes –, alors c’est de nouveau le tour de Roz. Tel est le schéma habituel.

[] C’est étonnant de voir comment Mitch raye ces femme de son univers. Il mord dans leur chair à belles dents, recrache [], et ensuite il se souvient à peine de leurs noms. C’est Roz qui se rappelle leurs noms, et tout ce qui les concerne.
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Et il y a trop de sang dans la Bible, les gens sont tout le temps en train de verser leur sang, ils ont du sang sur les mains, des chiens le lèchent. Il y a trop de massacres, trop de souffrances, trop de larmes.
Elle avait crû que les religions orientales étaient plus sereines; elle a été bouddhiste quelque temps, avant de découvrir combien d’enfers ils avaient. La plupart des religions sont si obsédée par le châtiment.
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Les paroles sont si souvent comme des rideaux de fenêtre, un écran décoratif qui permet de maintenir les voisins à distance.
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Les paroles sont si souvent comme des rideaux de fenêtre, un écran décoratif qui permet de maintenir les voisins à distance.
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D’un coup d'œil, Tony sut que c’était fini entre lui et Zenia. Cela se voyait à la couleur de peau, gris-vert pâle, à ses épaules voûtées, à sa bouche molle. Il avait été renvoyé, flanqué dehors, éjecté. A coups de pied dans les couilles.
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Vidéo de Margaret Atwood
Bernardine Evaristo nous parle de « Manifesto ».
Ne jamais abandonner: telle est la devise que n'a cessé de suivre Bernardine Evaristo tout au long de son extraordinaire trajectoire. Née d'un ouvrier nigérian et d'une institutrice anglaise, l'autrice de Fille, femme, autre – qui lui a valu le Booker Prize en 2019 aux côtés de Margaret Atwood – raconte ici son enfance dans la banlieue londonienne des année 1960, ses épreuves, le racisme, les injustices, mais aussi la foi inextinguible et joyeuse qui l'a guidée dans ses nombreuses aventures. Autoportrait de l'artiste en femme rebelle, passionnée et touche-à-tout, Manifesto nous entraîne dans les coulisses d'une vie trépidante, faite de voyages, d'amours, de poésie, de théâtre et d'engagements. Ce texte intime jette un regard neuf sur quelques-unes des questions essentielles de notre époque – le féminisme, la sexualité, le militantisme, le communautarisme.
Avec panache, humour et générosité, Bernardine Evaristo nous invite, chacune et chacun, à devenir ce que nous sommes, envers et contre toutes les formes d'oppression.
Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Françoise Adelstain
Actuellement en librairie
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