L'album de famille

Bien avant " Les gens dans l'enveloppe" d'Isabelle Monnin ( c'est d'ailleurs pour cela que j'hésite à l'acheter, j'ai peur d'être déçue...) , le thème des photos à partir desquelles on imagine le destin des gens représentés avait déjà été traité par cette romancière. Suzanne Prou, qui et je le regrette, a tendance à être oubliée. Et pourtant, quelle délicatesse dans l'écriture, quel sens de l'observation, quelle cruauté raffinée aussi , bien souvent,chez ses personnages!

le point de départ de cette histoire est donc le suivant: la narratrice ( l'auteure?) trouve un album-photos ancien aux Puces. Et se met à imaginer les vies de ces êtres figés sur le papier.

Avec elle, ouvrons ce trésor du passé :" Les coins de l'album étaient à peine râpés, la page de garde revêtue de moire écarlate, l'or des tranches était sans défauts." Et les personnages sortent de leur cadre poussiéreux, nous suivons avec passion toutes ces vies ranimées par le seul pouvoir de l'imagination... Entre autres , cette dame à la posture un peu raide, ce beau militaire suscitant bien des regards amoureux, et surtout celle qui m'a le plus intéressée, Valentine, qui domine cette évocation, jeune fille naïve puis meurtrie par la première guerre mondiale.

le sujet est traité de façon originale, entre questionnements et invention,et le décor provençal des photos nous restitue joliment une atmosphère provinciale du début du 20ème siècle.

C'est un livre très attachant. J'ai trouvé émouvant de faire revivre ainsi des êtres voués à l'oubli , de les mettre à nouveau en lumière, en redonnant des couleurs à leurs existences, loin des tons sépias ...

C'est parce que j'avais lu et apprécié en 2021 LES GENS DANS L'ENVELOPPE d'Isabelle MONNIN (roman, enquête et chansons) créé à partir d'une enveloppe de photos de famille trouvée en brocante par l'auteure que je n'ai pas hésité un instant quand j'ai découvert l'ALBUM DE FAMILLE (publié en 1994) de Suzanne PROU (auteure, dois-je l'avouer, que je ne connaissais pas) qui utilise le même prétexte : la découverte d'un album de photos de famille sur une brocante pour inventer une vie à des personnes inconnues immortalisées par l'objectif !

Un prétexte d'écriture qui paraît facile à première vue mais qui est loin de l'être ! Il fallait donc toute l'imagination et tout le talent narratif et stylistique de Suzanne PROU (décédée en 1995 à 75 ans) pour parvenir, en si peu de pages (136), à nous embarquer, nous lecteurs, dans l'histoire improbable de cette famille bourgeoise plongée dans un contexte historique sensible de l'avant-guerre de 1914-1918.

Par les descriptions précises des lieux représentés, des costumes portés par les protagonistes et des moeurs de l'époque (notamment les relations hommes/femmes ; les bals où les jeunes filles de bonnes familles allaient à la quête d'un mari ; le rapport au pouvoir et à l'argent ; les liens intergénérationnels, etc.), les lecteurs que nous sommes sont plongés dans un espace-temps suranné mais qui conserve tout son charme, mais aussi ses lumières et ses ombres.

Certes, il s'agit-là de l'histoire inventée d'une famille aisée, vivant à Aix-en-Provence (là où est née l'auteure). C'est sans doute plus facile d'imaginer et d'extrapoler tant ce milieu bourgeois est sans doute connu de l'auteure, mais aussi a été à la source de nombreux écrits et documentations. Trouver un album photos d'une famille d'ouvriers du XXe siècle, dans le nord de la France n'aurait sans doute pas permis d'imprégner au récit le même vernis ni le même glamour de nature à transporter.

Pour moi, créer une fiction à la fois biographique et romanesque, à partir de photos dont on ne sait rien est un vrai exercice de style, surtout lorsque l'objectif est atteint : on y croit vraiment ! On s'attache vraiment à ces personnages de papier glacé confrontés, malgré leur position socialement favorable, aux aléas de la vie !

Dans un style concis mais en même temps percutant, Suzanne PROU parvient à donner vies à ces personnes, figées dans l'éternité, dont elle ne sait rien tout en nous replaçant dans une époque dont les jeunes générations ne savent plus grand chose.
Moi, je dis : "chapeau l'artiste !".

Et puis, en refermant le livre, on ne peut s'empêcher de se rapprocher de nos propres albums photos familiaux et de se dire, dans cent ans, deux cents ans, quel regard porteraient des personnes inconnues sur mes photos ? D'où la nécessité de laisser des traces explicites tant pour sa descendance que pour la postérité collective.

Suzanne Prou était une auteure fort connue et appréciée dans les années 60, 70 et 80, jusqu'à ce dernier ouvrage. Elle reçut le Prix RENAUDOT en 1973 pour "La Terrasse des Bernardini" qui fit date dans le monde de l'édition. Je la connaissais donc de nom mais n'avais jamais rien lu d'elle.

Ce petit roman - son dernier donc - m'a attirée par son thème, puisque je m'intéresse à la généalogie.

C'est un beau petit ouvrage, je regrette qu'il ne soit pas plus long, car le sujet m'interpelle: l'auteure achète sur une brocante un album-photos du temps passé, richement orné comme on le faisait vers 1900 et ayant bien supporté le poids des ans.

En partant des quelques noms et indications sous certains portraits, elle monte toute l' histoire - totalement imaginaire - d'une famille à travers 3 générations.

C'est tellement adroit qu'on se prend au jeu, entrant totalement dans l'histoire!

Très bon style, élégant, précis, raffiné même!
Les personnages sont parfaitement décrits, vivants et attachants!

Isabelle MONNIN a sorti, en 2015, un roman qui part des mêmes bases mais va plus loin, et dont on a parlé aussi: "Les Gens dans l'Enveloppe" publié par J.C. LATTES.

J'ai du mal à expliquer pourquoi cette histoire, toute simple, m'a serré le coeur. L'autrice Suzanne Prou achète un album de famille et va tenter de reconstituer, de recoudre, une histoire fictive, à partir des photos anciennes. On découvre Césarine, Valentine, Gaston... Des personnages tantôt réels (c'est-à-dire que c'est le vrai prénom légendé) tantôt totalement fictifs. Prou fait donc l'écrivaine, elle insuffle une vie artificielle à ces/ses personnages, en démiurge presque totale. Et pourtant tout sonne vrai, dans cette vie inventée, et on souhaiterait tant que tout cela a existé. Mais cela a existé, différemment.
Une très belle démarche, un récit délicat en dentelle, où l'autrice répare une trame effilochée.

Après avoir acheté un album de photos anciennes , la narratrice en regardant les membres de cette famille , nous invente une histoire , va leur inventer une vie et un destin ... Peut - être pas loin de la réalité , au final ?

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Petit roman qui se lit rapidement , c'est bien écrit et l'histoire inventée par la narratrice à partir de photos est plutôt intéressante .
Les personnages de l'album sont bien décrits et certains assez attachants .
C'est un petit livre agréable à lire , mais un peu court et qui va pas au bout des choses .