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EAN : 9782232124167
163 pages
Editions Seghers (22/01/2015)
4.12/5   4 notes
Résumé :
" Donc, je me promène, et, naturellement, je rêve en me promenant. Si Paris, le soir, s'enroule de deuil, il rayonne le jour comme si l'enfantement de l'Histoire ne lui travaillait pas, à lui aussi, les tripes. Il y a dans les pas, le guet des yeux, l'ondulation des hanches, la grâce des cous, le choix des cravates et des écharpes, une allégresse quand même et le voeu de revivre. " L.-P. F. Max Jacob le saluait comme " un grand ingénieur du rêve ", Claudel qualifiai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Disons le tout de go, faire la rencontre de Léon-Paul Fargue, c'est se sustenter d'un précipité disparu de littérature pure. En 39 chroniques écrites dans le Paris occupé de 1942, Léon-Paul Fargue illumine le lecteur d'une prose qui brille d'un éclat qui n'est donc pas réservé au vers rimé !

Fargue hisse à bout de plume la chronique aux altitudes du poème en prose, là où l'oxygène se raréfie même pour les plus habiles stylistes. Quel que soit son sujet, Fargue excelle avec un mélange de désinvolture appliquée, de désuétude touchante, de rire en coin qui protège du tragique. Touche-à-tout brillant, l'auteur nous entretient de poésie, de Mallarmé, de géographie, de ce « paludisme particulier » qu'est la mélancolie, du rapport entre Art et Artisanat, du choix des « grands mots », de la flânerie comme nécessité vitale, des vertus de la confiance ou encore du géant Victor Hugo, « honneur de la profession », monstrueux précurseur « à l'origine d'une grande partie de la littérature contemporaine », « traceur de sentiers dans la nuit ».

Lire Fargue, c'est entendre la musique d'un magicien du style, d'un prestidigitateur de la formule, d'un jongleur de métaphore. Il ressuscite des noms, braque les projecteurs sur des lieux, trousse des pelotes d'idées que l'on se plait encore à démêler en 2021 : de l'impossible recherche du silence – « le monde n'est, au fond, qu'un bruit qui s'enfle » - à la dénonciation des beaux parleurs éthérés, « les révolutionnaires de bar, les buveurs de sang aux tempéraments de yogourth, les idiotes de petits théâtres », qui prennent la parole à tort et à travers sans prendre conscience que les « grands mots vous ont toujours comme une odeur de délire ».

Fargue est aussi un formidable portraitiste de la vie parisienne. Comment ne pas citer ces quelques lignes croquant avec génie et filouterie le peintre Ernst Meissonier : « c'était un petit homme aux trois pouces de jambes et le derrière tout de suite. Mais il était pourvu d'une barbe interminable, toute en croissants multipliés, qui dévalait de ses maxillaires comme une nappe d'autel et déroulait un Niagara plein de cadavres de vieux déjeuners ».

Fargue, enfin, chronique pour se souvenir. Il nous donne dans ce recueil une floppée de grands petits textes qui signe l'articulation miraculeuse du rêve et du réel et constitue de précieux cailloux d'encre semés sur la route de la littérature et de la vie : « Il me souvient d'une rue dans un décor de ma jeunesse. Il pleuvait doucement. C'était le soir. Il y avait dans la lanterne carrée d'un vieux bec de gaz, un papillon jaune et violet qui faisait entendre un nasonnement de moustique avant de mourir. Il semblait que tout fût prêt à vous quitter, à s'effacer dans une nuée d'eau et de tristesse. »

Il faut lire Léon-Paul Fargue, sa justesse de ton – rien dans ces 160 pages ne ressemble à un « clair de lune empaillé » - autant que sa virtuosité cristalline constituent les promesses tenues d'un agent trop secret des lettres qui nous parle pourtant au coeur, aux tripes et au cerveau et nous convainc depuis cette funeste année 1942 qu'il est permis de revendiquer le « droit de vivre, le droit d'avoir les mains nettes et la tête haute, le droit de reprendre confiance ».
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Pour Fargue ce sont les sensations qui jouent un role d'importance dans l'écriture : "C'est le passage entre la matière et l'esprit, l'instant très bref où nous ne savons pas encore si le bruit que nous entendons vient d'un bourdonnement de nos oreilles ou du battement lointain d'un tambour. ... C'est la source meme des images" ( Lanterne Magique, p.18). Cette importance s'explique par le fait qu'à travers la sensation visive le poète pénétre dans le secret des choses
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
MÉLANCOLIE


Extrait 3

  Nous prenons l'habitude de la laisser faire
parce qu'elle agit d'elle-même au-dedans de
nous et fait son ménage comme elle l'entend,
sans notre intervention : aussitôt, le monde
se couvre de nappes funèbres. Que ne nous
apprend-on à cultiver nos dons d'espérance ?
  Un bon moyen de la vaincre : L'état de tristesse
où nous vivons nos offre une occasion uni-
que de nous concentrer, de nous approfondir,
nous qui dispersions toujours nos forces,
nous qui n'avions jamais assez de temps de
penser à notre métier, à notre amour, à notre
destin, à toutes les choses simples et essen-
tielles de la vie, enfin à ces choses dont les
hommes, dans leur légèreté, remettaient tou-
jours au lendemain l'examen.

p.61-62
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Ils ont tué notre confiance, ils ont fait naître dans notre cœur la bête fétide, la puantise du doute. C'est bien cela l'ennemi: c'est celui dans lequel nous ne croyons plus. Car les hommes vivent de confiance et ils meurent de doutes.
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MÉLANCOLIE


Extrait 2

  Moi, je l'ai vue, la Mélancolie, sous l'aspect
d'une vieille demoiselle aux yeux couleur
d'huître embus de cataracte, à la démarche
molle et méfiante de fantôme découvert, au
souffle mince et dévorant de théière mal fer-
mée. Je connais ses lunettes violâtres de
patronne de girls, son chien géant aux pattes
fondantes, ses joues vertes, son ombre longue
comme une rue. Elle ronronne ses impressions
à votre oreille et vous envahit de rêves amers.
Je l'ai devinée par instants penchée sur moi
comme une grande épingle amoureuse. Elle
ne manque jamais son heure, à l'époque des
prix de vertu ou dans la première quinzaine
de janvier.
  Je sais par expérience qu'il est difficile de
la jeter dehors aussi simplement qu'un pla-
cier en aspirateurs.

p.61
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Le travail est une chose élevée digne, excellente et morale, mais assez fastidieuse à la longue.


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NOTES SUR LA POÉSIE


  Voici quelques siècles, un écrivain qui eut
son heure, Henry Spont, télégraphiait à je ne
sais quel enquêteur :    « Naturalisme  pas
mort ! Lettre suit ! »
  Naguère, il ne se passait pas de jours qu'on
ne m'annonçât sous quelque forme la mort de
la Poésie. Pas un bon Français qui ne   parût
impatient de bornioliser la Muse.   Elle était
bien malade, la pauvre. On l'accueillait   de
moins en moins chez les vivants. Elle ne se
vendait plus. De toutes façons, elle n'aurait
pas fait long feu. Cela valait mieux pour elle.
Du moins, l'infortunée s'était éteinte  sans
douleur…
  Aujourd'hui, c'est : « Poésie pas morte ! »
qu'il faut lancer. Mais il n'y a pas de lettre à
faire suivre. Car il n'y a pas grand'chose  à
dire sur la poésie et sur les poètes.  Il faut
les lire.


p.32-33

Texte écrit en 1944 : Actuel ! non !!
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Video de Léon-Paul Fargue (8) Voir plusAjouter une vidéo

André Beucler : Dimanche avec Léon-Paul Fargue
Olivier BARROT présente le livre d'André Beucler sur Léon-Paul Fargue.
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