Le livre d'un « parcours d'hésitation ». Hésitation face à l'architecture d'un texte, face à différents pistes de récits. Où commence le récit, la vie, où s'arrête l'amour, comment dire la passion lorsqu'elle ne projette plus que ses ombres ?
« Mais comment agencer tout cela : que l'amour c'est de l'écriture vécue, que l'écriture c'est de l'amour écrit ? ».
Livre également des certitudes. Pas de désincarnation, pas de sentimentalisme, pas de rêve, pas d'imaginaire. le réel ! J'ai vu. L'image. S'y replonger.
« Commencer un livre, c'est sentir le monde autour de moi, et moi comme dissoute, acceptant de me dissoudre, pour comprendre et rendre la complexité du monde ».
Intégration, et non extraction.
Qui d'ailleurs chez
Annie Ernaux « n'empêche pas le visionnaire ».
Des pistes, dessinées sur des temps longs. La réalité, des faits, des corps, des objets.
« Ce qu'un autre aurait fait aussi bien que toi, ne le dis pas – aussi bien écrit que toi, ne l'écris pas. Ne t'attache en toi qu'à ce que tu sens qui n'est nulle part ailleurs qu'en toi-même. »
Gide.
On connaît la source et on connaît l'océan. Solitude également de cette recherche. Dialogue incessant avec soi même. Aucune place n'est fait à la tentation de séduction du lecteur. le risque donc, ça passera ou cela cassera peut être. « Il y a une chose que je sait par dessus tout, c'est que je peux écrire dangereusement. » .
« tout mon effort tend à faire de la littérature qui n'en soit pas. » .
C'est en saisissant la réalité extérieure, notamment celle des objets, en chassant des images fantômes de ces objets, que l'on peut saisir sa réalité intérieure.
Focus, distance, grand angle, éclairage, temps d'exposition, durée, place, champ de vision : l'écriture d'
Annie Ernaux est photographique, radiographiques.
Visionnaire, réactivant la parole et les corps soumis à l'invisibilité des regards.
L'atelier noir, c'est la chambre noire, là où se révèle et se développe une écriture.
Ce livre doit être reçu comme un don fait au lecteur. Rare sont ces moments de partage.
Rien n'obligeait
Annie Ernaux à nous inviter dans son atelier. C'est donc un privilège.
Astrid Shriqui Garain