C'est rare, mais pour ce livre je ne mettrais pas de note, j'hésite trop entre ***** et *. Et 3 étoiles ne correspond pas du tout à mon ressenti.
Cinq étoiles, c'est pour le thème du voyage. Ce qui me plait le plus chez
Sylvain Tesson, des chemins de France jusqu'au fin fond de la Russie, c'est qu'il fait des voyages que je rêverais de faire, et dont j'espérais faire des petits bouts une fois à la retraite (mais hélas le Covid puis Poutine ont réduit tout cela à néant). J'adore aussi ses descriptions de la nature, sa façon de la décrire, avec ses paysages, ses traces d'animaux. Il sait à merveille faire ressentir le plaisir de la marche solitaire, à la fois physique et mental. J'apprécie aussi ce qui motive le choix de ses parcours.
Mais je penche pour une seule étoile à cause du piètre intérêt de l'auteur pour le contact humain autre que superficiel. Ses rencontres les plus chaleureuses semblent se résumer à des beuveries. Certes les Russes boivent beaucoup, mais quand même ! Finalement il ne reste pas grand-chose de ces rencontres. Pourtant il y a bien quelques personnages dans la partie russe avec qui il est évident qu'il a eu d'autres contacts (ceux qui lui font visiter des musées, ceux avec qui il a organisé un rendez-vous), peu nombreux, certes, mais il n'a rien à en dire.
Une étoile, c'est aussi pour ses affirmations péremptoires, à l'emporte-pièce. Et qui me hérissent parfois. En particulier, il y a trois passages qui m'ont fait bondir.
Le premier se trouve au début (p 78). Après cette phrase « S'ils savaient ces pauvres Russes dans quel mépris mon peuple bouffi de lui-même les tient, peut-être modèreraient-ils leurs ardeurs francophiles. » je me suis dit que c'était le dernier livre de
Sylvain Tesson que je lirais. D'abord, quelle insupportable propension à généraliser, à étiqueter les gens dans des catégories toute faites. Ensuite, il y une note à cette phrase, avec des exemples du mépris des Français pour les Russes – pour mémoire, le livre date de 2004. Quels sont les exemples du mépris des Français pour les Russes : le naufrage du Koursk, la Tchétchénie, les prises d'otage du théâtre Nord-Ost et de l'école de Beslan ainsi que la réélection de Poutine. Est-ce à dire que
Sylvain Tesson considère que Poutine a eu d'excellentes réactions et pris une excellente décision dans chacune de ces situations, ce qui justifierait les choix électoraux des Russes ? Les bras m'en tombent. Il a d'après moi raison quand il parle du mépris des Russes à cette époque, mais il s'agit du mépris de l'ensemble des Occidentaux, et surtout il y a à ce moment-là en Russie une immense honte d'être russe. Bref, je trouve que ce qu'écrit alors
Sylvain Tesson est totalement à côté de la plaque. A se demander s'il aime la même Russie que moi.
J'ai continué ma lecture malgré tout, mais vers la fin du livre, rebelote !
Sylvain Tesson admire (p 260) la capacité de la Chine à bâtir des ouvrages gigantesques et à exiger de son peuple une docilité d'esclaves, «quel autre peuple se résignerait-il si docilement à l'esclavage en supportant des conditions de vie moins enviables que celles des recrues du pharaon sur le chantier de Khéops ?" Encore une fois il généralise mal à propos (A-t-il oublié Tian'anmen?) et ne mesure pas la portée de ses propos. Lui qui a l'air si féru d'histoire, qu'il cherche dans l'histoire ceux qui ont traité un autre peuple d'esclaves.
Et clou du livre, p 264, je suis tombée sur des remarques à la limite du racisme sur les musulmans, indignes de quiconque à un tant soit peu de curiosité culturelle.
Finalement, en dehors du fait qu'il voyage seul, il n'est guère différent du touriste occidental moyen, il est même pire car il multiplie les occasions manquées de faire de vraies rencontres.