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Françoise Laye (Traducteur)
EAN : 9782267019452
105 pages
Christian Bourgois Editeur (18/10/2007)
3.65/5   320 notes
Résumé :
Cet ouvrage, paru en 1922 sous le nom de Pessoa, est un véritable brûlot, aussi explosif, détonant et jubilatoire aujourd'hui que lors de sa publication.
Ce texte court reste l'unique oeuvre de fiction publiée du vivant de l'auteur. Au terme du repas, un banquier démontre à ses convives que ses convictions et ses actions en matière d'anarchisme n'ont rien à envier à celles des poseurs de bombe. Il déploie ainsi les trésors d'une rhétorique insidieuse au serv... >Voir plus
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Question existentielle du jour : peut-on être banquier et anarchiste ?

Le plus grand poète lusophone du XXème siècle nous lègue une courte nouvelle au titre polémique. Maïeutique socratique ou humour sophiste ? Ce tour de force d'éloquence, le plaidoyer d'un banquier libertaire à la logique implacable, à l'aplomb inébranlable serait-il un formidable brûlot contre la mauvaise foi, comme le prétend la Préface ?

***

“Qu'est-ce qu'un anarchiste ? C'est un homme révolté contre l'injustice qui rend les hommes, dès la naissance, inégaux socialement - au fond c'est ça tout simplement.”

A priori pas vraiment votre conseiller clientèle à la caisse d'épargne et pourtant…N'a-t-on pas récemment connu un ancien associé gérant de banque d'affaires (entre temps devenu premier serviteur de l'Etat) sortir un livre-manifeste « Révolution » ?

Tous les systèmes sont des fictions sociales, pour faire triompher la liberté il faut abolir les fictions : “Et quelle est la fiction la plus naturelle ? (...) celle à laquelle nous serons déjà habitués.”

Une fiction est comme une cigarette, fumer n'a rien de naturel et pourtant ça peut être ressenti comme un besoin par le fumeur. Pareil avec l'argent et le système bourgeois.

Mais remplacer le capitalisme bourgeois et conservateur par le communisme n'est pas la solution, l'immense auteur portugais, dans sa seule oeuvre publiée de son vivant, en 1922, se montre déjà lucide sur la révolution d'octobre en faisant dire à son personnage qu'elle va retarder de plusieurs décennies l'avènement d'une société libre.

Je trouve intéressant ce que Jérôme Bonnemaison, sur son blog littéraire (mesmillesetunesnuits), retient de la démonstration rhétorique du banquier : la formidable capacité du capitalisme à se réinventer, à s'adapter, à absorber la contestation, en l'occurrence libertaire, Pessoa visionnaire décrivant le même mécanisme qui présidera à la récupération mercantile et publicitaire des mouvement libertaires de mai 68 ou de la mouvance punk.

Tant que la démocratie n'arrivera pas à produire les anticorps suffisants, toutes les tentatives seront-elles vaines car récupérées par les dominants ?

***

Toujours est-il que l'interlocuteur du banquier (sans doute sous xanax) n'est pas d'un répondant très percutant… Ce livre n'est-il qu'un exercice d'auto-défense rhétorique ? Pessoa ne nous invitant qu'à démasquer les sophismes du banquier ?

Pas si sûr…Au-delà de l'ironie subversive, les propos du banquier semblent pouvoir être pris au premier degré dans une certaine mesure. L'anarchisme, traditionnellement compris comme un mouvement de gauche, est en réalité « transpartisan », notre banquier ne serait il pas anarchiste mais « de droite » (l'égalité en moins), poussant l'individualisme jusqu'à son ultime limite ?

“Nous devons tous travailler dans le même but, certes...mais séparément”. Pessoa appuie là où ça fait mal, l'anarchisme organisé reproduisant les structures qu'il est censé combattre “certains tendaient insensiblement à devenir des chefs, et les autres des subordonnés”.

Le banquier fustige également « la tyrannie de l'entraide », c'est la grande théorie de l'anarchisme, portée par Kropotkine, selon laquelle ce n'est pas la compétition darwinienne mais l'entraide qui joue le plus grand rôle dans l'évolution des espèces, sorte de jus naturales économique, pour notre banquier au contraire avec l'entraide on méprise l'autre et on le juge « incapable d'être libre ».

***

“J'ai libéré un homme : moi”. le banquier anarchiste nous dit deux choses qui résonnent étrangement un siècle après.

La première est que l'argent rend libre. N'était ce pas ce que défendait Virginia Woolf a la même époque, dans « Une chambre à soi », reléguant les droits politiques, comme le droit de vote, derrière l'indépendance financière des femmes (sous-entendu faut pas se tromper de combat), véritable clé de la liberté et source d'émancipation vis-à-vis des hommes ?

La seconde, qui découle de la première est que ceux qui ont l'argent ont le pouvoir. En effet, ils sont libres, aucun pouvoir ne s'exerce sur eux, du fait de leur argent et, en retour, ils peuvent imposer aux décideurs politiques et aux autres individus, citoyens, leurs volontés par l'argent. Après tout, le banquier n'est-il pas « sans dieux, ni maitres » ?

Certes, on rit avec « le banquier anarchiste », mais on rit jaune.

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Magique, brillantissime, machiavélique…

L'auteur nous montre de façon magistrale comment la révolte contre l'injustice et les inégalités entraine l'anarchisme, en nous expliquant la notion de fiction sociale., que constitue la société dans laquelle on vie.

« de ce que vous avez dit, je conclus que vous entendez par anarchisme (et ce serait là une bonne définition) la révolte contre toutes les conventions, toutes les formules sociales, en même temps que le désir et la volonté de les abolir totalement. » P 19

Au passage Fernando Pessoa règle ses comptes avec la notion de Dieu, religion, devoir altruisme car ce ne sont que des tentatives d'explications pour contenir les gens. Il est également féroce avec la révolution russe, toute récente, qu'il accuse de remplacer une dictature par une autre.

« Et vous verrez ce qui sortira de la révolution russe… Quelque chose qui va retarder de plusieurs dizaines d'années la naissance de la société libre… D'ailleurs que peut-on attendre d'un peuple d'analphabètes et de mystiques ? » P 27

Notre banquier explique son cheminement sur la nécessité de devenir soi-même, donc forcément égoïste pour arriver à la véritable anarchie qui ne peut être qu'individuelle, car sitôt que les hommes forment un groupe, certains veulent accaparer le pouvoir. A une tyrannie succèdera forcément une autre.

Il ne s'agit pas de détruire ce qui existe. L'anarchie ne peut donc être qu'une démarche individuelle, en tentant de changer la société, chacun dans son domaine, fût-il la bourgeoisie ou l'argent.

« Si la société anarchique, pour une raison quelconque, n'est pas réalisable, alors il faut bien qu'existe la société la plus naturelle après celle-là, c'est-à-dire la société bourgeoise. » P 48

Notre banquier s'en donne à coeur joie, étripant au passage la propagande et son inefficacité ainsi que les anarchistes qui s'en prennent aux biens matériels et vont ainsi à l'encontre de leur objectif initial, car peuvent être arrêtés, jugés…

Il n'hésite pas à être provocateur, poussant le raisonnement à l'extrême, décortiquant chaque idée, pour la pousser dans ses moindres retranchements, ne reculant devant aucune affirmation péremptoire, prenant le risque de choquer le lecteur, tout en l'entraînant dans sa logique.

Il ne faut jamais perdre de vue, au cours de cette lecture, que Fernando Pessoa a publié ce texte retouché à maintes reprises, en 1922, ce qui était sacrément culotté à l'époque ! il est brillant, manie l'ironie avec dextérité et dénonce l'hypocrisie de la société de façon magistrale.

Ce livre mérite amplement le qualificatif de brûlot explosif, détonant et jubilatoire, que lui attribue Françoise Laye dans sa préface. J'ai dévoré ce livre, alors qu'il ne me semblait pas si simple d'accès au départ car je voulais absolument savoir où il allait m'entraîner et si j'allais le suivre dans son raisonnement ; c'est un véritable uppercut, il est difficile d'enchaîner tout de suite sur un autre roman ou essai.

Bravo Mr Pessoa, vous m'avez convaincue ! jusqu'à présent, je n'avais lu que quelques-uns de poèmes, par ci par là, mais il est temps que j'explore davantage votre oeuvre avec, pour commencer, « le Livre de l'Intranquillité «
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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♫Le blé a les dents acérées
les hyènes vont le dévorer
le môme deviendra banquier
ou le môme sera lessivé, lessivé, lessivé
Je dis, Argent trop cher
Trop grand, la vie n'a pas de prix, je dis.♫
Téléphone, 1980

Dictature révolutionnaire, propagande intense et libertaire
achetée au pieds de l'escalier qui a rendu populaire,
depuis le film l'école des sorciers et son Harry Potter
la Livraria Lello, (classée 1er librairie au monde, centre historique de Porto).

♫Tu bosses toute ta vie, pour payer ta pierre tombale♫
Action directe, tu tombes, t'as plus qu'à compter tes trous de balles
♫Antisocial,, tu perds ton sang-froid♫
Fictions sociales, tu dois lire Fernando Pessoa.



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20 novembre 2023 : élection de Javier Milei à la présidence de l'Argentine, anarchiste d'extrême-droite, issu de la bourgeoisie catholique de Buenos Aires. Comment un bourgeois, économiste et capitaliste, peut-il se prétendre anarchiste ? Et comment un banquier peut-il démontrer son attachement à l'anarchie ?

C'est ce que Pessoa s'amuse à faire dans cette nouvelle (oui, une nouvelle), qui est en fait un long monologue où le banquier va user et abuser de rhétorique, de cynisme et de mauvaise foi pour prouver qu'il est anarchiste.

C'est brillant d'intelligence et je me suis beaucoup amusée à décortiquer ce discours et trouver les endroits de flagrante malhonnêteté, d'égoïsme, de contre-vérités et autres vérités « naturelles ». Tout part sur le constat de l'inégalité naturelle sur lequel on ne peut qu'être d'accord pour ensuite glisser insidieusement vers la justification de l'inégalité sociale, de la bourgeoisie et du statu quo. Anarchiste, mon cul, ouais !

Un livre à mettre dans les mains de toutes les personnes amenées à voter dans les prochains mois. Avant qu'il ne soit trop tard, comme pour nos amis argentins.
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Cet ouvrage, paru en 1922 sous le nom de Pessoa, est un véritable brûlot, aussi explosif, détonant et jubilatoire aujourd'hui que lors de sa publication. Ce texte court reste l'unique oeuvre de fiction publiée du vivant de l'auteur. Au terme du repas, un banquier démontre à ses convives que ses convictions et ses actions en matière d'anarchisme n'ont rien à envier à celles des poseurs de bombe. Il déploie ainsi les trésors d'une rhétorique insidieuse au service de sa personne et s'installe dans de provocants paradoxes. Si ce banquier anarchiste nous enchante avec ses raisonnements par l'absurde et une mauvaise foi réjouissante, il s'agit surtout d'un pamphlet incendiaire contre la « société bourgeoise » (autrement dit : la nôtre), ses hypocrisies et ses mensonges. C'est aussi une dénonciation du pouvoir de l'argent, qui mine de l'intérieur le bien le plus précieux de l'homme : la liberté. (X)
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Je suis matérialiste, pensais-je; je n'ai que cette vie-ci; pourquoi me mêler de questions de propagande, pourquoi m'intéresser aux inégalités sociales et à des histoires de ce genre, alors que je peux mener une existence plus agréable si je ne m'en soucie pas ? Un homme qui n'a que cette vie-ci, qui ne croit pas à la vie éternelle, qui n'admet d'autre loi que celle de la Nature, un homme qui s'oppose à l'Etat parce que l'Etat n'est pas naturel, à l'argent parce qu'il n'est pas naturel, à toutes les fictions sociales parce que celles-ci ne sont pas naturelles - pourquoi diable cet homme défendrait-il l'altruisme et l'esprit de sacrifice, alors que l'altruisme et l'esprit de sacrifice, eux non plus, ne sont pas naturels ? Oui, la même logique qui me montre qu'un homme ne naît pas pour être marié, ou pour être Portugais, ou pour être riche ou pauvre, me montre aussi qu'il ne naît pas pour être solidaire, qu'il naît seulement pour être lui-même, c'est-à-dire le contraire d'un altruiste et d'un solidaire : un parfait égoïste.
p41
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C’est ici, mon ami, que j’ai fait appel à toute ma lucidité. Travailler pour l’avenir, me dis-je, c’est bien ; travailler pour la liberté des autres, c’est juste. Mais… et moi, alors ? Est-ce que je ne compte pas, moi aussi ? Si j’avais été chrétien, j’aurais travaillé joyeusement au bonheur de mon prochain, car j’aurais trouvé ma récompense au ciel ; mais si j’avais été chrétien, je n’aurais pas été anarchiste, car ces fameuses inégalités sociales n’ont alors aucune importance dans notre courte vie, n’étant que des mises à l’épreuve et trouvant leur récompense dans la vie éternelle. Mais je n’étais pas chrétien, pas plus alors qu’aujourd’hui, et je me suis demandé : mais pour qui donc vais-je me sacrifier, dans tout cela ? Pire : pourquoi vais-je me sacrifier ?

J’ai connu des moments de doute ; il y avait de quoi ! Je suis matérialiste, me répétais-je, et je n’ai qu’une vie : celle-ci. A quoi bon me mêler de toutes ces histoires de propagande et d’inégalités sociales, quand je peux prendre du bon temps et jouir de la vie sans m’inquiéter de tout ce fatras ? Un homme qui n’a d’autre bien que cette vie-ci, qui ne croit pas à la vie éternelle, qui n’admet pas d’autre loi que celle de la Nature, et qui s’oppose à l’État parce qu’il n’est pas naturel, au mariage parce qu’il n’est pas naturel, à l’argent parce qu’il n’est pas naturel, à toutes les fictions, enfin, parce qu’elles ne sont pas naturelles ! – pourquoi diable irait-il défendre l’altruisme et se sacrifier pour les autres, ou pour l’humanité, alors que l’altruisme et l’esprit de sacrifice ne sont pas naturels, eux non plus ? Oui : cette même logique qui me démontre qu’on ne naît pas pour être marié, ou portugais, ou riche ou pauvre, me démontre aussi qu’on ne naît pas pour être solidaire, mais seulement pour être soi-même. Donc le contraire d’un être altruiste et solidaire, c’est-à-dire quelqu’un d’exclusivement égoïste.
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Or, qu’est-ce qu’un anarchiste ? C’est un homme révolté contre l’injustice qui rend les hommes, dès la naissance, inégaux socialement – au fond, c’est ça, tout simplement. Il en résulte, naturellement, une révolte contre les conventions sociales qui créent cette inégalité. Ce que je vous indique en ce moment, c’est le cheminement psychologique, autrement dit, la façon dont on devient anarchiste ; nous verrons plus tard l’aspect théorique. P 17
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Détruisez tous les capitalistes du monde, sans détruire le capital. Le lendemain, le capital, déjà passé en d'autres mains, perpétuera sa tyrannie à travers ses nouveaux détenteurs. Détruisez non pas les capitalistes, mais le capital. Combien de capitalistes restera-t-il ?
p87
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Eux ne sont anarchistes qu'en théorie, moi en théorie et en pratique; eux sont des anarchistes mystiques, moi je suis scientifique; eux sont des anarchistes qui courbent l'échine, moi je suis un anarchiste qui combat et libère...En un mot : eux sont des pseudo-anarchistes, moi je suis anarchiste.
p92
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Vidéo de Fernando Pessoa
En librairie le 2 juin 2023 et sur https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454054/comment-les-autres-nous-voient
Après Chronique de la vie qui passe, le présent volume vient compléter l'édition des Proses publiées du vivant de Pessoa telles qu'elles avaient été présentées au public français dès 1987 par José Blanco, l'un des meilleurs spécialistes du grand auteur portugais.
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