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Louise Servicen (Autre)Michel Tournier (Autre)
EAN : 9782253031550
665 pages
Le Livre de Poche (07/01/2004)
4.1/5   177 notes
Résumé :
L'un des plus grands romans de Thomas Mann, composé aux Etats-Unis de 1943 à 1947, et dont la trajectoire trouve un écho flamboyant et tragique dans l'histoire contemporaine, le triomphe et l'apocalypse de l'Allemagne hitlérienne.
Brassant les mythes, renouant avec le démoniaque, paraphant son véritable testament spirituel d'artiste, Mann nous livre la biographie imaginaire d'un artiste qui, comme Nietzsche, braverait la folie pour porter la souffrance d'une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Le Docteur Faustus est la biographie fictive d'un musicien allemand qui vit de 1880 à 1930 environ. Un artiste qui constate l'impossibilité de créer une oeuvre grande dans un monde en pleine destruction de lui-même et qui pactise avec le diable pour pallier à son impuissance créative.
Nous rencontrons ici l'idée du mal faisant partie de l'ordre du monde déjà rencontrée dans le Faust de Goethe : en effet, la création, pour un artiste, n'est possible que s'il y a un abandon de sa raison et un retour à une forme de transe archaïque, diabolique et sacrée à l'origine de tout mouvement créateur. Là où Goethe nous dit qu'il faut en quelque sorte faire l'expérience du mal pour accéder à plus de sagesse, Thomas Mann induit quelque chose de plus pessimiste, en écho avec l'époque à laquelle il écrit : pour retrouver la puissance de la création authentique, il n'y a d'autre choix pour l'artiste que de s'aliéner. De telles conclusions révèlent une société malade, une culture empoisonnée, un art à bout de souffle.
Je renvoie ici au magnifique film "Mephisto" du Hongrois István Szabó (1981), sur la question de l'artiste dans les dictatures : tous les grands artistes de la première moitié du XXe siècle ont été tragiquement confrontés au problème de la place de leur art dans les dictatures. Faut-il fuir, comme Thomas Mann dès 1933, ou bien pactiser avec une dictature, mettre son art à son service pour obtenir un tant soit peu de reconnaissance ?
Le personnage du musicien est assez proche d'Arnold Schoenberg, inventeur de la musique dodécaphonique. Pour parvenir à progresser dans cet art nouveau, l'intervention diabolique est comme un passage obligé. On peut le rapprocher de ce que Franz Liszt disait cent ans auparavant : la musique est à la fois "art divin et satanique" ; "plus que tout autre, elle nous induit en tentation". Il entend par là que cette tentation diabolique pour l'interdit l'amène peu à peu au dépassement des repères qui encadrent le langage musical, comme l'harmonie tonale. La perte des repères est la condition indispensable pour continuer à créer, comme le symbolise la figure de Méphistophélès, qui est celui qui toujours nie et qui aiguillonne sans cesse sur autre chose. La vie d'un musicien n'est qu'une "longue dissonance sans résolution finale" selon Franz Liszt.
L'exemple particulier du personnage de ce roman a valeur de symbole pour toute une génération d'artistes et pour l'histoire allemande. C'est pourquoi Thomas Mann le présente comme un Christ inversé, porteur d'un message d'alerte destiné à l'humanité qui se fourvoie. Ainsi, avant d’être emporté dans les enfers, le musicien rassemble toutes ses connaissances – pour ne pas dire ses disciples – pour son dernier repas parmi les hommes, et pour leur faire confidence du pacte diabolique qu’il a contracté.
Dans l'esprit de Thomas Mann, le "faustisme" est associé à la montée du nationalisme. L'Allemagne se trouve engagée dans une voie diabolique, enchaînée à une sorte de pacte depuis l'arrivée d'Hitler en 1933. La sombre histoire de cet artiste moderne est symptomatique et symbolique de cette catastrophe. L'auteur montre le caractère malsain des ambitions démesurées nationalistes.
On sent à la lecture un profond regret de l'histoire culturelle allemande et des promesses des Lumières. Thomas Mann nous dit que "le nazisme a porté à son comble une incompatibilité profonde entre lui et la culture allemande", selon les mots de Michel Tournier. C'est sans doute la raison pour laquelle son roman est animé d'une aspiration totalisante qui ne veut rien laisser échapper des richesses du savoir humain. En outre, les symboles, les échos, les sous-entendus, la construction où rien n'est laissé au hasard, tout doit amener le lecteur à chercher derrière chaque détail une signification dans le schéma d'ensemble. Ce livre est complexe, encyclopédique, et on en ressort avec une impression de pesanteur, mais aussi avec l'intuition que ce livre contient des pistes de réflexion infinies.
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La grande originalité de ce roman tient au fait que « l'histoire » personnelle d'un jeune musicien prodige correspond en de nombreux points, à « l'Histoire » de l'Allemagne de l'Entre Deux-Guerres.
Autrement dit, et plus précisément, Thomas Mann établit dans son « Docteur Faustus », un jeu de parallélismes entre les souffrances de Leverkühn (notre héros), et celles de l'Allemagne de l'après Première Guerre mondiale.

Tout d'abord, les idées nihilistes du jeune compositeur, Adrian Leverkühn, reflètent, indubitablement, l'inquiétude muette que traversa l'Allemagne dans les années 1930 : à savoir une décadence intellectuelle !
Ensuite, on peut constater aussi et à travers Zeitblom (le narrateur et ami d'enfance du prodige), une comparaison subtile entre la dégradation de la santé mentale de Leverkühn et le déclin tant social que politique du pays (dans cette même période).
Et enfin, la déchéance physique du jeune héros (atteint de syphilis) qui finira par l'anéantir jusqu'à la folie, est traitée en parallèle avec le désastre de l'Allemagne (corrompu, dans tout son corps et tout son être, comme Leverkühn) et qui finira aussi vers un destin catastrophique : non pas de la folie mais de la montée du nazisme !

Thomas Mann nous laisse dans ce livre une belle aventure à la fois intellectuelle, politique mais aussi musicale (le compositeur imaginaire à les traits et le génie d'un Schoenberg) et philosophique (certains passages ont été fortement influencés par Théodor Adorno).
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Grandeur ( remastérisée )

Quelles solitudes de chefs-d'oeuvre, amis fidèles, aura tendu devant nos yeux
Cet immense littérateur
A eu toujours pour moi un véritable triomphe
Phénomène incroyable, ce roman émotion
Tout ce que nous pouvons éprouver dans notre état de conscience.

Cinquième quatuor en la mineur, ou le goût des mets allait changer
Coefficient de suggestibilité, je sais
Mais même des pluies de pleurs arrivèrent
Surchauffées au feu de soufre.

Merci Thomas pour ce souffle de bonheur ...

Classement étoilé 5
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Je n'ai pas toujours compris les développements philosophiques, théologiques et musicaux de ce chef-d'oeuvre. J'ai voulu l'abandonner à plusieurs reprises : quel dommage de lire des pages aussi fortes sans en saisir toute la portée !
Et puis, impossible de m'en détacher : avant d'en arrêter la lecture, j'ai voulu en lire une dernière petite page, puis une autre, puis une autre encore et j'ai ainsi continué, continué.... car il est vraiment addictif ; Il s'en dégage une telle passion, la traduction française de Louise Servicen est si envoûtante, si somptueuse, que je n'ai pu le laisser inachevé : beauté, beauté, beauté.
Les phrases résonnent dans la tête comme une musique, cette oeuvre est une véritable création artistique qui me laissera un souvenir très fort.
Le Docteur Faustus fait assurément partie des livres qui peuvent être lus et relus tout au long d'une vie, il est un puits vertigineux de connaissances et de plaisir esthétique.
Quel bonheur de savoir qu'il existe de tels monuments de beauté littéraire !
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Un pacte où un jeune homme, musicien prodige, Adrian Leverkühn, vend son âme au diable, cette fois, pour s'accomplir en tant qu'artiste. Il renonce à l'amour des êtres humains. Ce qui va d'une certaine façon le déconnecter du monde réel.
Une ambition qui le conduira à perdre la raison.
L'action se situe un peu avant et pendant la deuxième guerre mondiale. En Allemagne, dans une atmosphère intellectuelle que l'auteur, Thomas Mann, juge en pleine décadence.
Thomas Mann fait des références d'une très grande précision de l'univers musical:composition, théories musicales, biographies des grands maîtres classiques. Une érudition fascinante pour qui s'intéresse au sujet. On sait qu'il a exploré ce sujet et consulté des professionnels.
Le roman, qui est une biographie fictive, est raconté par un ami d'enfance , Serenus Zeitblom. de multiples personnages apparaissent au fil du récit dans des lieux multiples que l'auteur a connus.
C'est un roman dense, et exigeant.
J' y ai retrouvé, avec plaisir, la marque de l'auteur: cette même densité des réflexions que dans celle des joutes intellectuelles de Lodovico Settembrini et Leon Naphta dans "La Montagne Magique".
Une lecture d'une grande richesse qui se lit pas à pas.
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Citations et extraits (44) Voir plus Ajouter une citation
Il le faisait un peu en humaniste, pour mettre en lumière la haute idée que les siècles dits obscurantistes avaient conçu du corps humain. Ils l'avaient tenu pour plus noble que les autres alliages de substances terrestres, et dans sa faculté de se transformer sous l'influence psychique, il voyaient l'expression de sa supériorité, son rang élevé dans la hiérarchie de la matière. Il se glaçait ou s'échauffait sous l'empire de la crainte et de la colère, se consumait de chagrin, s'épanouissait dans la joie; un dégoût imaginaire produisait à l'occasion l'effet physiologique d'un met avarié, la vue d'une assiette de fraises semait de pustule la peau d'un malade allergique; même la maladie et la mort pouvaient résulter d'un flux purement psychique. Une fois décelée la faculté qu'avait l'âme de modifier la matière dépendant d'elle, il n'y avait qu'un pas, un pas nécessaire, pour arriver à la conviction, basée sur d'abondantes expériences, qu'une âme étrangère aussi, sciemment et volontairement, donc par magie, était capable d'altérer la substance d'un corps étranger; en d'autres termes, la réalité de la magie, des influx démoniaques et de l'envoûtement s'en trouvait confirmée et certains phénomènes (tel le mauvais œil, expérience consacrée par la légendaire croyance au regard mortel du basilic) retranchés du domaine de la superstition comme on l'appelait. Il eût été coupable et inhumain de nier qu'une âme impure peut causer par le seul pouvoir du regard, volontairement ou non, des troubles physiques chez autrui, singulièrement les petits enfants dont la fragile substance est plus réceptive au poison d'une pupille de ce genre.
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Pour ma part, je ne trouve pas que la jeunesse soit avec la nature sur un pied d'intimité particulier. Plutôt, elle observe à son égard une réserve farouche, en somme étrangère. L'homme ne s'habitue à son côté naturel qu'avec les années et ne s'y résigne que lentement. La jeunesse, précisément, j'entends l'élite, s'effraie plutôt devant la nature, la dédaigne, se montre hostile. Que signifie le mot nature? Les forêts et les champs? Les monts, les arbres et la mer, la beauté des sites? A mon avis, la jeunesse y est beaucoup moins sensible que l'homme âgé, apaisé. Le jeune n'est nullement disposé à voir la nature et à en jouir. Il est tourné vers le dedans, orienté vers l'intellectualité et, selon moi, il répugne à ce qui est sensuel.
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Si la guerre est ressentie plus ou moins consciemment comme une épreuve collective où l'individu, et aussi le peuple isolé, doivent tenir tête et être prêts à expier au prix de leur sang les faiblesses et les péchés de l'époque dans. lesquels les leurs sont inclus : si la pensée de la guerre se présente à l'esprit comme une marche au sacrifice par quoi l'on dépouille le vieil homme pour accéder à une vie nouvelle, plus haute, la morale de tous les jours se trouve dépassée et doit s'incliner devant l'extraordinaire.
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J'avois bien un cerveau prompt et des dons miséricordieusement accordés d'en haut, que j'eusse pu utiliser dans l'honneur et en toute humilité, mais je ne le sentois que trop, nous sommes au temps où il est devenu impossible d'accomplir une œuvre par des voies vertueuses régulières, en se servant de moyens licites. L'art est désormais devenu impraticable sans l'aide de Satan et le feu infernal sous le chaudron... Oui, oui chiers compaings, l'art est à un poinct mort, et devenu trop lourd et la pauvre créature de Dieu ne sçait plus à quel sainct se vouer dans sa détresse, et sans doute est-ce la faute des temps. Que si pourtant quelqu'un convie le diable à estre son hôte, pour sortir de cette stagnation et arriver à percer, celuy-là engage et prend le fardeau de la faulte de l'époque sur sa propre nuque, en sorte qu'il est damné. Car il est dict : "Soyez sobres et veillez". Mais ce n'est point là le faict de tout un chascun et au lieu de veiller prudemment à ce qui est nécessaire sur terre pour améliorer les choses et pour contribuer avecque discernement à instituer parmi les hommes un ordre qui prépare de nouveau à la belle œuvre un terreau où fleurir et un cadre adapté, l'homme fait parfois l'eschole buissonnière et explose dans un transport d'ivresse infernale ; lors, il y laisse son âme et glisse au charnier.

Chapitre XLVII
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De notre part, tout sentiment national serait une hardiesse susceptible de provoquer un pogrom. Nous sommes internationaux, mais nous sommes pro-allemands comme personne au monde, ne fut-ce que parce que nous ne pouvons nous dispenser de constater l'analogie des rôles de la germanité et du judaïsme sur terre. Une analogie frappante. Tous deux pareillement honnis, méprisés, craints, enviés, pareillement ils déconcertent et sont déconcertés. On parle de l'âge du nationalisme; en réalité, il n'y a que deux nationalisme, l'allemand et le juif, et celui des autres peuples est jeu d'enfants par comparaison, - tout comme le caractère typiquement français d'un Anatole France est pure cosmopolitisme comparé à l'isolement allemand et à la présomption juive d'être le peuple élu... France, un nom de guerre nationaliste. Un écrivain allemand ne pourrait pas s'appeler Deutschland, tout au plus appelle-t-on ainsi un bateau de guerre. Il devrait se contenter de "Deutch" et alors, cela ferait un nom juif, oh! la, la! Messieurs je tourne vraiment le bouton de la porte, je suis déjà partit. Je n'ajoute qu'un mot. Les Allemands devraient nous laisser, à nous Juifs, le soin d'être pro-allemands. Avec leur nationalisme, leur morgue, leur prétention d'être incomparables, leur haine de l'alignement et de l'équivalence, leur refus d'être introduits auprès du monde et de s'agréger socialement à lui - avec tout cela, ils se précipiteront dans le malheur, une véritable catastrophe juive, je vous le jure. Les Allemands devraient permettre aux Juifs de remplir entre eux et la société le rôle de médiateur, de manager, d'impresario, d'entrepreneur de la germanité... il est tout à fait qualifié pour cela, on ne devrait pas le mettre à la porte, il est international et il est pro-allemand... mais c'est en vain. Et c'est très dommage.
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« La montagne magique », de Thomas Mann, c'est à lire au Livre de poche.
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