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EAN : 9782070424115
549 pages
Gallimard (09/10/2002)
4.26/5   247 notes
Résumé :
Elle prend place dans sa biographie d'intellectuel engagé pour couvrir sa lecture de la période de décolonisation, marquée à la fin des années 1950 par la guerre d'Algérie, qui a suivi la Libération.

Le Fou d'Elsa reflète un immense engagement intellectuel de Louis Aragon pour s'approprier la culture et l'histoire du monde arabe et musulman et pour comprendre sa relation au monde chrétien et au monde moderne. Les poèmes de Louis Aragon dans Le Fou d'E... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« le Fou d'Elsa » est une des dernières grandes oeuvres poétiques d'Aragon (1963). Après ce monument, les quelques recueils qui suivront (« le Voyage en Hollande » (1964) ou « L'Elégie à Pablo Neruda » (1966), par exemple) seront toujours aussi intéressants mais n'auront pas l'envergure, ou pour être plus précis l'ambition littéraire des recueils précédents.
« le Fou d'Elsa » nous est familier, comme beaucoup de poèmes d'Aragon, par les adaptations exceptionnelles qu'en ont faites cet autre grand poète qu'est Jean Ferrat : c'est en effet du « Fou d'Elsa » qu'ont été tirés « Aimer à perdre la raison » tiré de « La Croix pour l'Ombre », « Les Lilas » tirés du poème éponyme, « Nous dormirons ensemble » tiré de « Vers à danser », « Un jour, un jour » tiré de « Tu vas t'asseoir dans ton destin », « C'est si peu dire que je t'aime » tiré de « Je ne sais pas vraiment pourquoi je continue », « Heureux celui qui meurt d'aimer » tiré de « le vrai djazal d'en mourir »… C'est aussi dans « le Fou d'Elsa » qu'on trouve ce vers : « L'avenir de l'homme est la femme » tiré de « Zadjal de l'avenir » à partir duquel Jean Ferrat écrira et composera son manifeste : « La femme est l'avenir de l'homme ».
L'évocation de ces seuls titres, à elle seule, donne une idée bien entendu, de la profonde qualité, à la fois littéraire et humaine, qui caractérise ces vers qui en quelque sorte, « appellent » la musique. Mais ce n'est qu'une facette de ce recueil qui, à l'instar de celui qui l'a créé, se voile et se dévoile, se cache et se révèle derrière des masques qui eux-même cachent d'autres masques en abyme.
L'argument de départ est historique : le cadre est donné dans le « Chant liminaire » : « La veille où Grenade fut prise », la date est fixée, nous sommes le 1er janvier 1492. Date historique s'il en fut : le lendemain donc, Boabdil, dernier émir musulman du royaume de Grenade, fait sa reddition aux Rois Catholiques, qui ainsi mettent fin victorieusement à la « Reconquista ». 1492 est aussi, ce n'est pas neutre, l'année de la découverte des Amériques. Dans ce cadre, Aragon dresse une immense fresque où il essaye de faire revivre la civilisation musulmane qui a vécu dans ce pays pendant des siècles, et de chercher à comprendre quels points d'achoppement ou de convergence elle peut avoir avec la civilisation occidentale et chrétienne. L'accès n'est pas facile pour qui n'est pas familiarisé avec ce vocabulaire aux mots exotiques et évocateurs (les images s'imposent d'elles-mêmes), mais la magie du verbe emporte tout. Surtout que l'aspect politique, en s'écartant, dévoile l'aspect lyrique de l'oeuvre, qui est un immense chant d'amour : amour multiple d'ailleurs, Aragon évoque aussi bien l'amour de la terre andalouse, de la civilisation musulmane, de son héritage, que l'amour charnel pour une femme, jamais explicitement nommée, mais qui est « l'aimée » et en qui nous devinons bien sûr Elsa, la muse du poète.
Aragon comme un chef d'orchestre, agence et organise entre eux une multitude de thèmes qui contribuent à faire une sorte d'épopée à la fois poétique, historique, philosophique et foncièrement humaniste. Elsa, femme charnelle, femme virtuelle, incarnation de l'amour, dépasse même cette incarnation : elle est aussi la nostalgie du pays perdu, et l'avenir du pays à naître… l'avenir de l'homme.
« le Fou d'Elsa », si on le lit en continu, peut rebuter : on peut être réfractaire au didactisme d'Aragon, ne pas le suivre dans ses épanchements historico-philosophiques, ou dans la forêt des symboles qu'il aligne les uns derrière les autres (ou les uns devant les autres en les dévoilant au fur et à mesure qu'il efface les précédents), mais on peut picorer avec une infini jouissance tant la langue d'Aragon sait se faire tour à tour enjôleuse et épique, familière et savante et toujours éminemment poétique.
Je mets quelques poèmes en citation. Ils n'ont pas été mis en chanson, mais vous direz comme moi après les avoir lus : ils l'auraient mérité.


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Le voyage à travers le temps, l'espace et les mots se fait mystique d'un amour, d'une femme au nom attendu, mystère, futur et présent, passé mélangé d'aujourd'hui. Qui parle ? le fou d'hier, ce medjnoûn de Grenade au temps de Boabdil, au parfum d'Islam et d'Andalousie, ou celui d'aujourd'hui, dans ce demain jamais touché, ce maintenant d'Elsa, femme avenir de l'homme? Tout est sans cesse mélangé. Grenade tombe, et la splendeur d'Orient qui s'y dégradait fait place à une catholique refondation. le Fou ne s'en aperçoit pas, il délire d'amour, et lui seul ne change pas, tourné, révolutionnaire, vers ce nom d'Elsa, cette femme, ce sacrilège à toutes les religions, ce trésor caressé, évaporé, adulé. L'amour fou, entre extase et désespoir, donne sens à tout, aux mots musulmans qui m'échappent, aux prisons de chansons, aux philosophes incompris, aux rois déchus. le voyage, dans l'inattendu des langages nombreux, dans la quête du mot de l'amour, ce je t'aime qui dit tout et qui ne dit rien, donne au désabusé la nostalgie ou l'espoir d'un temps où tout dépend d'une femme, d'une Elsa rêvée, entrevue, échappée, peut-être morte.
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Pfff Je picore de ci de là quelques jolis passages, mais je suis incapable de rentrer dans ce texte (alors que j'étais persuadée que l'histoire de Boabdil m'intéresserait). Je retenterai dans une période de meilleure disponibilité...
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J'aime beaucoup la poésie d'Aragon, même si elle est parfois difficile d'accès, les mots sont magnifiques et les images aussi.
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Un de mes recueil préféré. Je ne le conseille cependant pas aux amateurs de littératures, car il est en effet difficile d'accès, un style d'écriture pas toujours conventionnel surtout au niveau de la ponctuation, du vocabulaire, il est nécessaire de relire certains passages pour bien saisir.

Cependant, l'atmosphère générale des poèmes est bien présente : une mélancolie scintillante, une tristesse teintée de reconnaissance, de passion, de fanatisme, une tristesse languissante et pourtant entouré de quelque chose d'ensoleillé, de lumineux.

Les images des poèmes sont assez faibles, mais la beauté des poèmes est poignante, une fois saisie, elle vous transperce.
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Il y a des choses que je ne dis a Personne Alors
Elles ne font de mal à personne Mais
Le malheur c'est
Que moi
Le malheur le malheur c'est
Que moi ces choses je les sais

Il y a des choses qui me rongent La nuit
Par exemple des choses comme
Comment dire comment des choses comme des songes
Et le malheur c'est que ce ne sont pas du tout des songes

Il y a des choses qui me sont tout à fait
Mais tout à fait insupportables même si
Je n'en dis rien même si je n'en
Dis rien comprenez comprenez moi bien

Alors ça vous parfois ça vous étouffe
Regardez regardez moi bien
Regardez ma bouche
Qui s'ouvre et ferme et ne dit rien

Penser seulement d'autre chose
Songer à voix haute et de moi
Mots sortent de quoi je m'étonne
Qui ne font de mal à personne

Au lieu de quoi j'ai peur de moi
De cette chose en moi qui parle

Je sais bien qu'il ne le faut pas
Mais que voulez-vous que j'y fasse
Ma bouche s'ouvre et l'âme est là
Qui palpite oiseau sur ma lèvre

O tout ce que je ne dis pas
Ce que je ne dis à personne
Le malheur c'est que cela sonne
Et cogne obstinément en moi
Le malheur c'est que c'est en moi
Même si n'en sait rien personne
Non laissez moi non laissez moi
Parfois je me le dis parfois
Il vaut mieux parler que se taire

Et puis je sens se dessécher
Ces mots de moi dans ma salive
C'est là le malheur pas le mien
Le malheur qui nous est commun
Épouvantes des autres hommes
Et qui donc t'eut donné la main
Étant donné ce que nous sommes

Pour peu pour peu que tu l'aies dit
Cela qui ne peut prendre forme
Cela qui t'habite et prend forme
Tout au moins qui est sur le point
Qu'écrase ton poing
Et les gens Que voulez-vous dire
Tu te sens comme tu te sens
Bête en face des gens Qu'étais-je
Qu'étais-je à dire Ah oui peut-être
Qu'il fait beau qu'il va pleuvoir qu'il faut qu'on aille
Où donc Même cela c'est trop
Et je les garde dans les dents
Ces mots de peur qu'ils signifient

Ne me regardez pas dedans
Qu'il fait beau cela vous suffit
Je peux bien dire qu'il fait beau
Même s'il pleut sur mon visage
Croire au soleil quand tombe l'eau
Les mots dans moi meurent si fort
Qui si fortement me meurtrissent
Les mots que je ne forme pas
Est-ce leur mort en moi qui mord

Le malheur c'est savoir de quoi
Je ne parle pas à la fois
Et de quoi cependant je parle

C'est en nous qu'il nous faut nous taire
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Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu

Donne-moi tes mains que mon cœur s’y forme
S’y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.
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Les mains d'Elsa

Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi

Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu

Donne-moi tes mains que mon cœur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.
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La croix pour l'ombre

Les gens heureux n’ont pas d’histoire
C’est du moins ce que l’on prétend
Le blé que l’on jette au blutoir
Les bœufs qu’on mène à l’abattoir
Ne peuvent pas en dire autant
Les gens heureux n’ont pas d’histoire

C’est le bonheur des meurtriers
Que les morts jamais ne dérangent
Il y a fort à parier
Qu’ on ne les entend pas crier
Ils dorment en riant aux anges
C’est le bonheur des meurtriers

Amour est bonheur d’autre sorte
Il tremble l’hiver et l’été
Toujours la main dans une porte
Le cœur comme une feuille morte
Et les lèvres ensanglantées
Amour est bonheur d’autre sorte

Aimer à perdre la raison
Aimer à n’en savoir que dire
A n’avoir que toi d’horizon
Et ne connaître de saison
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison

Ah c’est toujours toi que l’on blesse
C’est toujours ton miroir brisé
Mon pauvre bonheur ma faiblesse
Toi qu’on insulte et qu’on délaisse
Dans toute chair martyrisée
Ah c’est toujours toi que l’on blesse

La faim la fatigue et le froid
Toutes les misères du monde
C’est par mon amour que j’y crois
En elle je porte ma croix
Et de leur nuit ma nuit se fonde
La faim la fatigue et le froid
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Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensemble

C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble

Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble.
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