Benjamin Peret (1899-1959) fait partie de la pléiade des surréalistes qui a révolutionné la poésie française. Comme le souligne le préfacier, c'était peut-être le plus doué d'entre eux; et pourtant il est beaucoup moins connu et apprécié que d'autres.
Ma lecture de ce recueil me fait adhérer à ce point de vue. J'ai senti tout de suite chez lui une incroyable facilité littéraire. Mais je ne suis pas parvenu à vibrer, il n'y a pas eu de résonance en moi. Plus précisément, la quasi-totalité de ces textes me paraissent manquer de sentiment et de "ressenti". C'est souvent de la virtuosité gratuite, me semble-t-il.
Mais peut-être faudra-t-il que, dans l'avenir, je lise un autre recueil de Péret avec un autre état d'esprit ?
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Je suis le cheveu de plomb
qui tombe d’astre en astre
et deviendra la comète
qui te détruira dans un an et un jour
Maintenant il n’y a ni jour ni année
il y a une plante impeccable
dont tu voudrais être l’égal
Pour être l’égal des plantes
il faut être grand dans la vie
et solide dans la mort
Or je suis seul immobile et muet comme un astre
les pieds baignant dans les nuages
qui comme autant de bouches
me condamnent à rester parmi les être immobiles
désespoir des plantes
Pourtant un jour les liquides révoltés
jailliront vers les nuages
armes meurtrières
maniées par des femmes bleues
comme les yeux des filles du nord
Et ce jour-là sera dans un an et un jour
LES JEUNES FILLES TORTURÉES
Près d'une maison de soleil et de cheveux blancs
une forêt se découvre des facultés de tendresse
et un esprit sceptique
Où est le voyageur demande-t-elle
Le voyageur forêt se demande de quoi demain sera fait
Il est malade et nu
Il demande des pastilles et on lui apporte des herbes folles
Il est célèbre comme la mécanique
Il demande son chien
et c'est un assassin qui vient venger une offense
La main de l'un est sur l'épaule de l'autre
C'est ici qu'intervient l'angoisse une très belle femme en
manteau de vison
Est-elle nue sous son manteau
Est-elle belle sous son manteau
Est-elle voluptueuse sous son manteau
Oui oui oui et oui
Elle est tout ce que vous voudrez
elle est le plaisir tout le plaisir l'unique plaisir
celui que les enfants attendent au bord de la forêt
celui que la forêt attend auprès de la maison
On bout on trempe dans la rue comme dans un baquet d’acide on se gonfle comme une aubergine on s’assoupit comme une bûche qui brûle on se meuble comme une cuvette Alors le marbre glisse le long des jambes mortes et s’étale sur l’équateur comme une petite flaque sonore
.
EN AVANT
En avant disait l’arc-en-ciel matinal
En avant pour les soupiraux de notre jeunesse
Nous avons éclaté
Et tout ce qui était bleu est resté bleu
En souvenir des petits oignons
Que tu mettais dans les chrysanthèmes
Dis bonjour à la dame
Avant casse ta tête
Ou celle de ton voisin le plus proche
En sorte que tous les deux
Nous prendrons l’Orient-Express aux prochaines vacances
Les beautés du ciel et de la terre
Un grand monsieur aux cheveux salés
voulait être musicien
mais il était seul dans la vallée
avec trois accordéons
Le premier accordéon achevait de pourrir
Dans la simplicité de son âme
il aurait voulu être cheval
mais il y avait une lampe qui brûlait
qui brûlait
Le second accordéon tremblait
comme une maison au passage de sa sœur
C’est qu’il était une grande ville
qui trompait ses habitants
avec son maire
bête comme un pied de biche
Le troisième accordéon
aurait dévoré la terre et les oiseaux
s’il en avait eu l’envie
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* :
Benjamin Péret, _Le déshonneur des poètes,_ précédé de _La parole est à Péret,_ Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1965, 38 p., « Liberté n°23 ».
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