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Michel Arnaud (Traducteur)
EAN : 9782070378951
480 pages
Gallimard (25/11/1987)
4.02/5   157 notes
Résumé :
Le 27 août 1950, dans une chambre de l'hôtel Roma, à Turin, Cesare Pavese se tuait en absorbant une vingtaine de cachets de somnifère. Sur ce suicide, il n'y a pas de meilleure explication que le journal intime découvert après sa mort : "Le métier de vivre".
Les réflexions sur le métier de vivre qu'on lira ici sont d'une qualité exceptionnelle. L'homme était vraiment à la mesure de l'écrivain, lequel est reconnu comme l'un des plus grands.
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Il faut travailler, sinon par goût, du moins par désespoir»
(Baudelaire)

Tenu une quinzaine d'années, à partir de 1935, jusqu'en 1950, une semaine jour pour jour avant que son auteur ait décidé de se taire une fois pour toutes («Pas de paroles. Un geste. Je n'écrirai plus», note-t-il le 18 août 1950), la lecture du journal de Cesare Pavese ne ressemblerait pour moi à aucune autre dans le genre.

Sans aucun doute l'une des pièces maîtresses de l'oeuvre de l'Italien météorique. constamment relu et révisé par son auteur, doté par ses soins, année après année, de nombreux renvois entre les entrées qui le constituent, titré (magnifiquement !) comme s'il s'agissait d'un essai ou un d'un roman, Pavese semble avoir accordé à son journal intime la même importance et la même attention industrieuse qu'il avait vouées à son oeuvre de poète, d'essayiste et romancier, et avoir visiblement souhaité aussi qu'il soit lu par d'autres.

Un ouvrage inclassable, disais-je, en tant que journal. Pratiquement exempte, entre autres, de tous ces détails liés à la vie quotidienne, registres qui alourdissent souvent d'une dimension prosaïque et d'agenda les journaux personnels, par des tas d'«éphémérités» sans grand intérêt, à part pour l'auteur lui-même ou pour ses éventuels biographes.

En compensation, le lecteur pourra avoir le sentiment de voir peu à peu s'y installer un fil souterrain, une trame en quelque sorte, entre des instantanés égrenés au fil des jours qui passent - et qui se ressemblent, rajouterait certainement l'auteur («Ce qui arrive une fois arrive toujours»).
Quoique fragmentaires par définition, parfois trop elliptiques ou évanescents, voire trop abstraits et/ou difficiles à saisir dans leur complétion plus ou moins télégraphique ou, aux choix, dans leur incomplétude relative, ces «instantanés subjectifs» paraîtront cependant reposer sur un lit commun, et dégager une cohérence interne en lien plutôt avec la construction de la pensée, les impressions et les réactions à vif de l'auteur qu'avec, donc, des faits ou évènements concrets les ayant provoquées, et dont par ailleurs on n'apprendra pas grand-chose, ou bien le strict minimum.

Remarquablement agencés d'autre part par l'obsession de Pavese vis-à-vis de cette «unité formelle» qu'il cherchait à donner à ses écrits en général, à sa poésie autant qu'à sa prose, le tout finit par ressembler, non pas un journal à proprement parler, mais davantage à un long monologue intérieur, certes accidenté et discontinu, mais pourvu d'une dimension et d'une intensité narratives indéniables, ainsi que d'un vrai dénouement dramatique, découlant en toute logique – malheureusement ici, puisqu'il ne s'agit pas d'un personnage de fiction –de ce qui avait précédé.


Métier de vivre : naissance et mort d'une fiction personnelle qu'on compose par-devers soi mais dont le contrôle nous échappera forcément!

«Ces notes de journal ne comptent pas à cause de leur découverte explicite, mais à cause des aperçus qu'elles ouvrent sur la manière que j'ai inconsciemment d'être. Ce que je dis n'est pas vrai mais trahit -par le seul fait que je le dis- mon être.»

Constitué d'une part de considérations et de réflexions originales autour de la littérature, notamment autour du sens et de l'objectif qu'il veut accorder à son oeuvre de poète et de romancier, mais aussi sur l'art en général et les tentatives de représenter le réel par la pensée, par le langage et les symboles, ainsi que d'un florilège exceptionnel d'aphorismes et de méditations, morales et existentielles, la plupart du temps d'une profondeur et d'une justesse époustouflantes, issues en grande partie de l'auto-observation très affûtée auquel son auteur s'abandonnera volontiers, et… d'autre part, très paradoxalement, d'extraits, certains en vrac, absolument sans filtre, issus, dirait-on, des carnets intimes de quelqu'un de très immature sur le plan émotionnel et affectif (selon Natalia Ginzburg, amie proche de l'écrivain et coéditrice de la première édition de son journal, Pavese serait resté toute sa vie «un éternel adolescent»), s'exprimant souvent de manière choquante ou vulgaire, asocial, en mal de conquêtes féminines, s'épanchant sans retenue sur ses frustrations et sur son incapacité à satisfaire pleinement une femme (jusqu'à assumer un mépris teinté de misogynie vis-à-vis de celles qui, selon lui, se jouent à chaque fois de sa candeur en matière amoureuse) - dressant en filigrane, parallèlement à une dimension apollinienne à laquelle la pensée insisterait à s'accrocher, un inventaire sans concession de ses faiblesses et de ses contradictions, du découragement et du mal-être qui semblent coller à la peau d'un homme ne pouvant s'empêcher de se mesurer sans cesse à des idéaux que, soit il considèrera comme étant hors de sa portée, soit avec lesquels il peinera à vouloir négocier - le Métier de Vivre est une lecture fondamentalement contrastée, qui ne s'avèrera pas toujours commode, qui bousculera et instiguera la curiosité de ceux que s'y risqueront.
Balloté constamment entre des extrêmes, frôlant les grands sommets de la pensée et les bas fond de la psyché, le lecteur doit s'habituer aux exercices de grand-écart entre le sublime et l'indigne auquel Pavese se livre sans inhibitions, sans artifices, écarts à certains moments, il faut le dire, totalement incompréhensibles, en tout cas vus de l'extérieur (Mais, à y réfléchir, ne pourrait-on pas avancer que ce serait, peu ou prou, le cas de tout un chacun, chaque subjectivité comportant des contrastes entre ses zones d'ombre et de lumière, qu'on essaiera dans la mesure du possible, avec plus ou moins de succès selon les situations, de gommer face à autrui ?). Faudrait-il pour autant jeter le « pavese » dans la mare ? Rappeler aussi sa sympathie dans un premier temps pour le parti fasciste (mais il faudrait alors évoquer également sa peine de «confino», suite à une suspicion de trahison, ou encore son adhésion postérieure au parti communiste italien...)
Pour l'avoir lu, je ne pense pas. Trop simpliste, à mon avis.

« Il faut se détacher de tout pour se rapprocher de tout. Jouir de chaque chose de manière profane mais avec un détachement sacré. Avec un coeur pur.»

Le métier de vivre pour Cesare Pavese devrait cependant s'exercer dans une tension trop élevée, trop continue, et trop dangereuse entre des contraires.

Indépendamment de l'attrait manifeste pour l'autodestruction qu'on peut y déceler, et contre lequel Pavese semble malgré tout s'être courageusement battu durant une grande partie de sa courte existence - ainsi que l'attesterait également ce «journal»-, le Métier de Vivre reste l'un des témoignages les plus poignants qu'il m'ait jamais été donné de lire à propos de ces paradoxes inextricables, en même temps universels et consubstantiels à ce qu'on appelle notre solitude ontologique, à savoir, de cette volupté, et en même temps lassitude que l'on éprouve à certains moments à être soi et à n'être que soi, à rechercher invariablement soi-même dans le regard des autres et dans les nouvelles expériences de la vie, tout en désirant à la fois être comme ces autres à qui l'on attribue alors ce qui nous manque, ou enfin à s'appliquer à faire coïncider une irréductible liberté à être soi, avec la force ferme de sens d'un destin particulier qui nous aurait été attribué (ou comme dirait Pavese à ce propos, l'illusion, même lorsqu'il s'agira d'un malheur, que ce dernier «ne t'est pas arrivé par hasard mais parce que, in alio loco, on t'en veut, ce qui pourrait vouloir dire que, in alio loco, tu comptes»).

«L'art de ne pas se laisser décourager par les réactions d'autrui (…) L'art de nous mentir à nous-mêmes en sachant que nous mentons. L'art de regarder les gens en face, nous-mêmes compris, comme si c'étaient les personnages d'une de nos nouvelles. L'art de se rappeler toujours que, nous-mêmes ne comptant pour rien et aucun des autres ne comptant pour rien, nous comptons plus que chacun, simplement parce que nous sommes nous-mêmes (…) L'art de toucher de façon foudroyante le fond de la douleur, pour remonter d'un coup de talon. L'art de nous substituer à chacun et de savoir en conséquence que chacun s'intéresse seulement à soi. L'art d'attribuer n'importe lequel de nos gestes à un autre, pour nous faire voir à l'instant s'il est sensé.
L'art de se passer de l'art.
L'art d'être seul.»

Une ambition aux substrats à la base féconds, prometteurs, terroir de semailles multiples et fructueuses, mais qui inaugurera aussi de longues périodes de sécheresse vitale pour l'auteur. Et si les ténèbres ne réussiront jamais à infiltrer complètement le paysage, les éclairs lumineux de la pensée seront en revanche guidés par une flamme impossible à contempler longtemps, au risque d'en être aveuglé.

«Avoir un goût libidineux pour l'abattement, pour l'abandon, pour l'énervante douceur, et une volonté impitoyable de réagir, mâchoire serrée, exclusive et tyrannique, est une promesse d'éternelle et féconde vie intérieure.»

Pavese voudrait incarner une sorte d'Hamlet moderne, déchiré comme son modèle entre un désir d'être et de ne pas être, d'être aimé, reconnu en tant qu'homme par une femme, en tant qu'intellectuel et écrivain de génie par ses pairs, et celui de cesser de jouer la comédie vis-à-vis des autres et de soi-même afin d'y arriver, ambitionnant par-dessus tout de faire cavalier solitaire et d'approcher, peut-être comme aucun autre de ses contemporains, le «coeur sauvage des choses» (sic).
L'on assistera toutefois au long de ces pages à une course éperdue (et perdue d'avance en quelque sorte) : celle d'un homme dans un état perpétuel et fiévreux de quête de sens, à donner à son apprentissage de la vie et à la souffrance qui en résulterait pour lui (un mot qui revient très souvent dans ces notes), autant qu'à son métier de poète et d'écrivain.
Pavese donne l'impression de courir après des projections fragiles et inconstantes, insuffisantes en tout cas à juguler ou à apaiser durablement ses pulsions d'autodestruction : projections de se laisser vivre simplement, de sagesse stoïcienne ou de spiritualité religieuse, de tendresse féminine ou de réussite littéraire, qui paraissent s'éloigner au fur et à mesure, parfois au moment même où il avait pourtant l'air de s'en rapprocher enfin quelque peu.

C'est ainsi que, en 1950, après avoir vu son oeuvre enfin couronnée de succès, et quelques semaines après que celle-ci a été reconnue officiellement aussi, par un «Strega», l'un des plus prestigieux prix littéraires italiens, cédant enfin à l'appel dont les échos sont perceptibles dès le début de ce journal, l'écrivain met fin à ses jours dans une chambre anonyme d'hôtel.

Selon une vieille superstition orientale, il ne faut jamais terminer complètement sa maison : la construction une fois achevée, dit le proverbe, bientôt sonne l'heure de mourir...

Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage alors, et tous vos péchés vous seront (peut-être) pardonnés..?

«Le péché n'est pas un acte ou un autre», répondrait Pavese, «mais toute une vie mal agencée».

Ministre et martyre de sa soif d'absolu, l'homme finit par se piéger lui-même. Prométhée livré en pâture à sa conscience hyper-vigilante et à son mal-être, s'alimentant de ses propres entrailles, mis à part quelques rares moments de transport amoureux se terminant invariablement en eau de boudin, il ne trouvera d'autre salut que dans le sacrifice progressif de sa vie privée sur l'autel d'une oeuvre, pour laquelle il travaillera avec acharnement. Une oeuvre aux canons esthétiques de plus en plus exigeants, parfois difficiles d'accès, en tout cas pour le commun des mortels, à l'image par exemple de ces notes qu'il développera à profusion autour de concepts tels les «lien-symboles », l'«image-récit», ou les «blocs-réalité», certaines à l'air tout de même assez alambiquées, d'autres où l'on pourra reconnaître des idées reprises par le mouvement encore balbutiant en 1950, du «nouveau-roman».

Le mariage entre ces deux dimensions disparates, une dimension prospective en vue de créer un corpus cohérent de notions liées à cette «forme unitaire» qu'il chérissait particulièrement et qu'il aimerait pouvoir donner à ses poèmes et à ses romans, autant qu'à son métier même de vivre, à laquelle vient donc se rajouter une base chaotique de données intimes livrées sans aucune retenue, donne un résultat insoupçonné, littéralement renversant par la sincérité avec laquelle son auteur se glisse à tour de rôle dans la peau d'un père du désert, retiré du monde dans un paysage intérieur accidenté, parfois inhospitalier, mais cependant d'une lucidité stupéfiante, et dans celle d'un adolescent impulsif, exhibant ses fêlures derrière une semblant d'arrogance, défiant l'existence, marchant insouciant au bord d'un gouffre qui finirait par l'engloutir.

Lire le Métier de Vivre, c'est accompagner Pavese (et s'accompagner soi-même) dans un périple intérieur à haut risque au cours duquel, à ces contrées reculées où l'on s'acharne à régner en monarques absolus, «à qui tout serait dû », se succéderait la possibilité terrible d'un gouffre menaçant s'ouvrant sous ses pieds, enfer personnel déserté par les autres, vallée de souffrances et lieu d'immolation de sa propre subjectivité.

Est-ce qu'on pourrait en toute conscience recommander une telle lecture ? Est-ce qu'il faut tomber dessus par hasard, comme dans mon cas ? Était-ce d'ailleurs un hasard si je suis tombé dessus, moi qui, en tant que lecteur, fais plutôt partie de ceux qui idéalisent la littérature comme un mode d'accéder directement à une autre forme de connaissance du monde et de ces «mathématiques d'être» (sic) compliquées et irreproductibles de chacun de ses occupants provisoires, plutôt que comme un divertissement?

Prudence, donc! Je vous conseillerais au préalable, avant de décider si c'est une lecture ou pas pour vous, d'aller faire un tour parmi la quantité colossale de citations du Métier de Vivre postées sur le site ( plus de 350 !!). Cela reflète bien d'ailleurs, à mon avis, l'intérêt majeur de cet ouvrage : il y en a une quasiment à toutes les pages qui vaut la peine qu'on s'y arrête !

C'est pour l'instant le seul livre de cet auteur (mis à part quelques lectures ponctuelles de ses poèmes qui, soit dit au passage, ne m'avaient laissé aucun souvenir en particulier) que j'ai eu l'occasion de lire.
Et pourtant j'ai comme la conviction intime que, le cas échéant, aucun autre de ses ouvrages ne me correspondra autant, ne m'intriguera autant, ne me questionnera ni me touchera autant…

«1er janvier 1950
(…)
Promenade matinale. Beau soleil. Mais où sont les impressions de 45-46 ? Retrouvé à grand-peine les points de départ, mais rien de neuf.
Rome se tait. Ni les pierres ni les arbres ne disent plus grand-chose. Cet hiver extraordinaire sous le ciel serein piquant (…) même la douleur, le suicide étaient alors vie, étonnement, tension. Au fond, dans les grandes périodes, tu as toujours éprouvé la tentation du suicide. Tu étais abandonné. Tu avais dépouillé ton armure. Tu étais un gamin.
L'idée du suicide était une protestation de la vie. C'est la mort de ne plus vouloir mourir.»


….
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Un livre qui vous déchire et vous déstabilise comme si les aiguilles d'une montre avaient changé de sens, en fait on se dit pose une seule question en évoluant dans la lecture de ce livre: pourquoi la plupart des génies souffrent du mal de vivre? A travers des indices, les éléments que nous livre l'auteur sur son mal de vivre, malgré qu'on s'incruste dans sa perception des choses qui d'ailleurs va au delà de notre entendement, parfois on s'y retrouve soi-même, et on s'identifie dans lui, on ne cesse de se poser la même question. Il nous fait comprendre au même moment que toutes les souffrances ne se valent pas, et toutes ne se guérissent pas...il y a aussi certains succès qui ne garantissent pas le bonheur...

Un livre qui ne se lit pas seulement avec un regard de lecteur qui veut jouir avec les mots de l'auteur mais c'est un livre qui demande au lecteur de devenir ''un fabriquant de la vie''

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Quinze années d'une existence peuvent paraître longues. Si on demandait à chacun d'en résumer les évènements, les rencontres et les pensées afin d'en tirer l'analyse d'une évolution individuelle, on imagine facilement qu'il y aurait de quoi remplir un bon feuillet de pages. Quid alors de quinze années notifiées au jour le jour ? Pour Cesare Pavese, il n'est pas nécessaire de remplir une somme au volume extravagant. Quatre cent pages suffisent amplement à l'écrivain pour s'analyser au cours de cette période.


Cesare Pavese s'engage pour le métier de vivre en 1935, à l'âge de 28 ans, et s'y tient jusqu'à sa mort –une démission par suicide- en 1950. Pas forcément régulier, faisant parfois preuve d'un absentéisme tenace lorsqu'il délaisse carrément son Métier de vivre pour de longs mois, sans justification ni explication, il nous permet de suivre l'évolution de sa carrière d'écrivain, du grand inconnu qu'il était encore en 1935, à l'homme de lettres reconnu qu'il devint au fil des ans, particulièrement au faîte dans les années 1948-1949. A croire que la gloire littéraire ne peut pas faire tout le bonheur d'un homme qui misait pourtant sur la reconnaissance de sa nature « poétique » lorsqu'il était encore jeune… Et de constater que plus Cesare Pavese trouvera confirmation de son talent, moins il s'évertuera à se proclamer poète, rêve naïf et halluciné d'un jeune homme qui croyait alors pouvoir trouver le bonheur de l'accomplissement à travers l'écriture. A cette époque, les poses se multiplient. Agaçantes, elles donnent à voir un jeune homme qui semble prétentieux –si nous ne poursuivions pas notre lecture au fil des années pour découvrir ce qui se cachait en réalité derrière ces velléités.


« Un poète se plaît à s'enfoncer dans un état d'âme et il en jouit ; voilà la fuite devant le tragique. Mais un poète devrait ne jamais oublier qu'un état d'âme pour lui n'est encore rien, que ce qui compte pour lui c'est la poésie future. Cet effort de froideur utilitaire est son tragique »


La reconnaissance littéraire venant, Cesare Pavese cessera de se complaire dans ces poses fantasmées. Son rêve s'est accompli, c'est-à-dire qu'il s'est détruit et qu'il lui accorde à peine la satisfaction nécessaire pour continuer à survivre. Tel est le malheur que Cesare Pavese nous révèle du bout de la plume à travers ses confessions.


« le problème n'est pas la dureté du sort, puisque l'on obtient tout ce que l'on veut avec une force suffisante. le problème, c'est plutôt que ce que l'on obtient dégoûte. Et alors, on ne doit jamais s'en prendre au sort, mais à son propre désir. »


Cette difficulté, Cesare Pavese la retrouve aussi –et surtout- dans sa vie sociale. Que les amis soient une source d'ennui passe encore : l'écrivain sait se donner toutes les apparences de la cordialité, et le bonheur qu'il dit éprouver lorsqu'il se retire enfin du cercle des mondanités compense tous les désagréments. Mais lorsqu'il s'agit des femmes… Cesare Pavese avoue aimer comme un éternel adolescent et se lamente, au fil des ans, de ne pas savoir apprendre de ses erreurs sentimentales et d'éprouver dans ce domaine les mêmes sentiments contradictoires que dans la reconnaissance littéraire. Il lui suffit d'obtenir une femme pour cesser de la désirer, et si celle-ci reste distante et lui livre un amour médiocre, alors seulement il croit éprouver des sentiments inaltérables qui le conduisent à chaque fois à la déception amoureuse. Sans doute pour ne pas sombrer dans l'écriture poisse du malheur, l'homme déçu se complaît dans la misogynie et nous livre des réflexions crues et désabusées sur le sentiment amoureux.


« Tu es pour les femmes que tu aimes comme, pour toi, une de ces femmes qui te font débander. »


Impossible pour cet homme de se débarrasser d'une souffrance qui semble s'être faite de plus en plus sincère au fil des ans. La faute à la littérature ? Alors que Cesare Pavese semblait chercher à la stimuler lors de ses jeunes années, croyant peut-être qu'il s'agissait là d'un matériau littéraire digne d'étude, celle-ci finit par faire partie intégrante de sa vie. Se révélant alors telle qu'il ne l'avait jamais imaginée, il se rend compte que la souffrance n'a rien de noble. Mais elle s'est installée. Ainsi, même si l'existence de Cesare Pavese est d'une lecture douloureuse –à condition d'y mettre de l'empathie-, elle ne fait pas l'apologie du sacrifice personnel au profit de convictions ou d'idéologies quelconques. Les pensées de Cesare Pavese seraient presque un avertissement lancé au lecteur qui croirait encore aux bénéfices réparateurs des souffrances mentale et morale :


« On accepte de souffrir (résignation) et puis l'on s'aperçoit qu'on a souffert et voilà tout. Que la souffrance ne nous a pas servi et que les autres s'en fichent. Et alors on grince des dents et on devient misanthrope. Voilà. »


Pour autant, Cesare Pavese ne délaisse pas un instant la littérature. Son Métier de vivre, lui-même, est littérature. Avertissant ses proches de son désir de le voir publier, il n'est pas rare que l'écrivain s'arrête parfois pour réfléchir aux bénéfices de cette conversation qu'il livre à lui-même. Peut-être désespéré par l'absence de fondations qui constitueraient sa vie personnelle, il espère trouver du sens et se donner de la consistance à travers le jus qu'il presse de ses idées :


« Tu découvres aujourd'hui que le parcours que refait chacun de ses propres ornières t'a angoissé pendant un certain temps […], et puis […] ce parcours t'est apparu comme le prix joyeux de l'effort vital et, en fait, depuis lors, tu ne t'es plus plaint, mais […] tu as recherché avec plaisir comment ces ornières se creusent dans l'enfance. […] Tu as conclu […] par la découverte du mythe-unicité, qui fond ainsi toutes tes anciennes hantises et tes plus vifs intérêts mythico-créateurs.
Il est prouvé que, pour toi, le besoin de construction naît sur cette loi du retour. Bravo. »


Aucune trace en revanche –ou si peu- de ses convictions politiques, qui le rattachèrent d'abord au fascisme dans les années 1935 avant de le voir se tourner vers le communisme dix ans plus tard. Ces engagements constituaient-ils encore un apparat ? Une manière d'entrer activement dans la vie pour se défendre des tendances qui semblaient au contraire vouloir sans cesse retirer Cesare Pavese de l'existence sociale ? Où se trouvait l'homme véritable ? S'agissait-il de l'image publique qu'il cherchait à renvoyer, ou de l'image intime qu'il livre à travers son Métier de vivre ?


« Ils parlent de gueuletons, de faire la fête, de se voir… Braves amis, amies, gens sains et braves. Toi, tu n'en éprouves même pas l'envie, le regret. Autre chose presse. »


Sans doute lui-même ne le sut-il jamais. Mais à quoi bon chercher, lorsqu'on finit par comprendre que cette poursuite d'une identité, qui ne peut de toute façon jamais être assurée, conduisit Cesare Pavese au suicide ?


Qu'on connaisse l'écrivain ou non, qu'on l'apprécie ou pas, son Métier de vivre est un livre qui trouvera écho en chacun. Parce qu'il traite de thèmes universels, à peine passés à travers le prisme de la subjectivité d'une existence singulière, il trouvera une résonnance devant laquelle on ne pourra pas rester insensible. Qu'on se reconnaisse dans les angoisses de l'écrivain, qu'on s'amuse de sa vision du monde désabusée, qu'on se passionne pour ses considérations éclairées sur la littérature et le théâtre, que l'évolution de son identité sur quinze années mouvementées nous donne l'impression d'être un scientifique se penchant sur le cas d'un rat de laboratoire –et peut-être pour tout ça à la fois- il est impossible de ne pas trouver son intérêt personnel au Métier de vivre de Cesare Pavese qui est, peut-être, un peu le métier de vivre de chacun…
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Un livre dont j'espérais beaucoup, et puis j'ai été déçue. Je trouve le texte pénible à lire. En fait j'ai lu la première moitié du livre avec une grande conscience de lecteur, mot après mot, phrase après phrase... Puis devant la lourdeur et la complexité du texte, je me suis lassée et ai effectuée une lecture rapide. Je n'ai pas pris grand plaisir à découvrir cette oeuvre et cela en quelque sorte me désole. J'ai relevé cependant des citations qui m'auront interpelée. Pour moi, une oeuvre qui n'aura pas tenu ses promesses.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Publié en 1952 à titre posthume, "Le métier de vivre" est une compilation de journaux intimes de Cesare Pavese, écrits tout au long de sa vie, de 1935 à 1950. Dans ces pages, l'auteur italien exprime ses sentiments, ses doutes, ses amours et ses déceptions. On suit ainsi son cheminement intellectuel et émotionnel, qui révèle sa quête incessante de vérité et de compréhension.
Cesare Pavese explore sa solitude, ses relations tumultueuses et ses luttes avec son identité en tant qu'écrivain et homme. Ce journal intime reflète également ses réflexions sur l'écriture, l'art et la littérature, fournissant un aperçu précieux de son processus créatif et de ses aspirations littéraires.
Précieux pour les aspirants écrivains et les amoureux de la littérature.
Ce journal, acclamé pour sa profondeur émotionnelle offre vraiment une intimité rare avec l'auteur et donne ainsi aux lecteurs et lectrices, une occasion unique de comprendre son univers intérieur. Celui d'un grand écrivain italien.
Servi par un style d'une grande beauté littéraire, poétique. Sombre et mélancolique : il s'en dégage une vision parfois pessimiste de la vie et des relations humaines.
"Le métier de vivre" de Cesare Pavese a été pour moi une découverte, à redécouvrir à notre époque post-moderne !
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Le 27 août 1950, dans une chambre de l’hôtel Roma, à Turin, Cesare Pavese se tuait en absorbant une vingtaine de cachets de somnifère. Quelque part, un tel suicide n’avait pas de quoi surprendre de la part d’un écrivain par ailleurs mélancolique et dont les thèmes de prédilection étaient la solitude et l’obsession de la mort. Dans son journal, publié après son décès sous le titre qu’il lui avait lui-même donné, Le métier de vivre (1), on peut comprendre au fil des pages ce qui amena l’auteur à se supprimer alors qu’il était au sommet de sa gloire.



Ce qui frappe, à la première lecture de ce journal, c’est son côté intime, voire intimiste. Ainsi, il n’y est fait aucune allusion aux années de guerre, ce qui est tout de même étrange quand on sait qu’une bonne partie a été rédigée entre 1940 et 1945. De même, bien malin serait celui qui parviendrait à découvrir dans ces pages un reflet de la captivité de Pavese. On sait en effet que son antifascisme l’avait conduit à un exil forcé en Calabre. On retrouve des traces de cette détention dans des nouvelles comme Terre d’exil (2), mais pas un mot dans le journal. Une seule phrase, qui lui échappe comme par mégarde, semble faire allusion à cette époque. Encore l’écrit-il à posteriori comme pour regretter un certain passé :



« Pendant la période de la clandestinité, tout était espoir ; maintenant tout est perspective de désastre » (Le métier de vivre, page 388)



De quoi, alors, traite le journal ? Pavese y parle de lui-même, de sa solitude, de sa difficulté de vivre et des rapports qu’il entretient avec autrui et en particulier avec les femmes. Il aborde aussi longuement son métier d’écrivain et médite sur l’évolution de son style, sur la valeur de ses œuvres, sur le sens de la littérature. À ce titre ce document offre un regard inestimable sur le processus de création, sur l’alchimie mystérieuse qui, du moi intime, fait jaillir une œuvre qui sera lue par tous. On est ici au croisement de l’homme (en tant qu’individu) et de l’écrivain.



La littérature, une manière d’exprimer le « moi ».



Pavese, au début de son journal, en 1935 donc, se rend compte que les poèmes qu’il est en train d’écrire sont enracinés dans sa région natale, c’est-à-dire Turin et ses environs. (3) D’un côté il a conscience que son inspiration émane directement de cette région, qu’elle y puise sa force (au point qu’il ne pourrait pas décrire un paysage situé ailleurs car alors il n’en connaîtrait pas l’âme profonde), mais de l’autre il craint de tomber dans le régionalisme mièvre. Il se rend compte qu’il y a là une carence, une faiblesse et se l’avoue lucidement :



« Je ne suis pas encore sorti de la simple ré-élaboration de l’image matériellement représentée par mes liens originels avec mon milieu. » (Op. Cit. page 19)



Il est donc dans une impasse. Mais il comprend aussi qu’il s’est mis à créer un univers à part entière et que cet univers il en a connaissance après l’avoir créé, non avant (voir page 21). Il pressent qu’il peut faire autre chose que de reproduire simplement ce qu’il connaît (sa région, ses émotions passées) et qu’il lui faut aller de l’avant. Mais aussitôt surgit un autre problème :



« Est-il possible de donner une valeur " d’appartenance à un ensemble " à un poème conçu en soi, au hasard de l’inspiration ? » (Op. Cit. page 27)



Autrement dit, si la nature n’est plus la seule source d’inspiration, comment créer une œuvre homogène si celle-ci est composée de poèmes hétéroclites ? Derrière ces propos se cache bien le désir de réaliser un travail structuré et cohérent. Pavese ne veut donc pas se contenter de réunir en recueil des poésies éparses, composées au hasard, selon les influences du moment. Non, il veut que le recueil fini ait une unité intrinsèque. Cette unité, c’est dans sa vision pessimiste du monde qu’il va la trouver :



« Il me semble que je découvre ma nouvelle veine. Il s’agirait de la contemplation inquiète des choses, voire même piémontaises. Je m’aperçois qu’avant je travaillais dans la contemplation éblouie […] et que, après le 15 mai […] entraient un frisson, une tristesse, une souffrance, ignorés auparavant ou durement réprimés. […] Pour avoir une idée claire du passage, confronter le Paysage du fusil avec la Lune d’août : ce qui, dans le premier, était spiritualisation de scène tout entière descriptive, est vraiment, dans le second, création d’un mystère naturel autour d’une angoisse humaine. » (Op. Cit. page 31)



Sans s’en rendre compte, c’est donc en lui-même, dans son tempérament, que le poète doit chercher la cohésion de l’œuvre écrite. Pavese le pressent, mais on le voit faire de longs détours du côté d’Homère pour tenter de comprendre ce qui chez les autres assure la cohérence de leur œuvre. Est-ce l’union de la poésie et de la prose propre au récit épique ? Est-ce l’emploi d’adjectifs et de vers récurrents ? Mais de toute façon, comment, au XXe siècle, oser écrire des vers héroïques ? Alors il se tourne vers Pirandello et tente de cerner la faiblesse d’un de ses romans, histoire de na pas tomber dans les mêmes erreurs :



« Il n’y a la forme de la solitude que pour chaque personnage pris séparément ; il manque l’épopée du monde des solitaires. » (Op. Cit. page 66)



Solitude et désespoir



Mais si la solitude et le désespoir doivent constituer le noyau de l’œuvre littéraire, encore faut-il savoir comment exprimer ce que l’on a à dire. Pavese se plonge alors dans des réflexions sur le narrateur (poèmes en « je », ou en « il ») et tente de répondre à la question de savoir qui doit parler : l’auteur, le narrateur ou le héros ? Ses réflexions sont finalement proches de celles de théoriciens comme Genette, qui dans Figures II a bien posé tous ces problèmes (narrateur extradiégétique, etc.) À d’autres moments, Pavese comprend que les personnages de ses nouvelles lui échappent dans la mesure où ils ont leur caractère propre, sans compter qu’en plus de cela les événements arrivent généralement selon des lois déterminées. Il doit donc accepter cet état de fait et en tenir compte, mais ne veut pas que ce soit là le centre de son livre. Autrement dit les personnages et l’aventure que ceux-ci vivent ne sont pour l’auteur que des moyens et non une fin en soi. Le message est ailleurs. Bref, dans ce Métier de vivre, Pavese se montre un écrivain soucieux de réfléchir sur son art et ceci afin de parvenir à une perfection d’expression. Cela reste pourtant un journal et les moments de découragement voire de mépris envers lui-même sont fréquents :



« Tu as feuilleté "Travailler fatigue"(4) et cela t’a découragé : composition lâche, absence de tout moment intense qui justifierait la poésie. Ces fameuses images qui seraient la structure imaginaire même du récit, tu ne les as pas vues : cela valait-il la peine de dépenser à cela ton temps de 24 ans à 30 ? A ta place j’aurais honte. ». (Op. Cit. page 122)



Mais que faire en effet, quand on constate la faiblesse d’une œuvre antérieure si ce n’est en composer une nouvelle ? Car Pavese n’est pas Flaubert qui n’en finit pas de raturer et de réécrire le brouillon de la veille. Lui, il veut aller de l’avant tout en progressant :



« Ecrire, c’est consommer ses mauvais styles en les utilisant. Revenir sur ce qui est déjà écrit pour corriger est dangereux, des choses différentes peuvent se juxtaposer. La technique n’existe donc pas ? Si, mais le nouveau fruit qui compte est toujours un pas en avant sur la technique que nous connaissions et sa pulpe est celle qui naît peu à peu à notre insu, sous notre plume. » (Op. Cit. page 162)



Ces termes (« à notre insu ») ont toute leur importance. Car si Pavese, dans ce journal, se montre un théoricien de l’écriture, il est clair qu’il n’agit de la sorte qu’une fois l’œuvre achevée. Au moment de l’inspiration, il lui faut conserver un certain mystère :



« Une œuvre d’art ne réussit que lorsqu’elle a pour l’artiste quelque chose de mystérieux. Naturel : l’histoire d’un artiste est le dépassement successif de la technique utilisée dans l’œuvre précédente, par une création qui suppose une loi esthétique plus complexe. L’autocritique est un moyen de se dépasser soi-même. L’artiste qui n’analyse pas et qui ne détruit pas continuellement sa technique est un pauvre type. » (Op. Cit. pages 199 et 200)



Le moins que l’on puisse dire c’est que Pavese se montre exigeant avec lui-même et qu’il n’est certainement pas le « pauvre type » dont il vient de parler. Pourtant, il est des pages où il se regarde sans tendresse et où il semble douter de la qualité même de son œuvre.



Monde onirique



Nous venons de dire que l’art décrire n’était pas que de la technique et qu’un certain mystère devait présider à la création d’une œuvre. Pavese en est tellement convaincu qu’il se tourne souvent vers le monde onirique. Il note dans son journal les rêves de sa nuit précédente, tente de les expliquer et y voit surtout comme un laboratoire naturel de la création. Il est littéralement fasciné par ces histoires nocturnes qui prennent vie à note insu, sans qu’un auteur conscient n’ait eu à les structurer. Il en arrive même à se demander, devant des rêves récurrents, si ceux-ci ne préexisteraient pas à leur invention par le dormeur :



« Ce serait vraiment un monde existant où nous entrons chaque fois que nous dormons (et les rêves nous attendent aux différentes profondeurs, nous ne les créons pas). » (Op. Cit. page 202)



Ecrire, c’est bien, mais pour qui écrit-on, finalement ? Car si on veut que le métier d’auteur ait un sens, la présence d’un public qui lise est indispensable. Pavese, qui travaille dans une maison d’édition prestigieuse, le sait bien. Or ce public, il commence à exister pour lui. Le succès vient lentement mais sûrement. Pourtant une faille demeure au fin fond de lui-même, une déchirure qu’il ne parvient pas à cicatriser et dont nous allons reparler quand
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13 février 1949

Étrange moment (à treize ou douze ans) où tu te détachais de ton pays natal, où tu entrevoyais le monde, où tu partais dans des rêveries (aventures, villes, noms, rythmes emphatiques, inconnu) et où tu ne savais pas que commençait un long voyage qui, à travers villes, aventures, noms, ravissements, mondes inconnus, te ramènerait à découvrir combien ce moment du détachement justement était riche de tout cet avenir - le moment où tu étais plus pays que monde - quand tu regarderais en arrière. C'est parce que maintenant, l'avenir, le monde, tu l'as en toi comme passé, comme expérience, comme technique, et l'éternel et riche mystère se retrouve être ce toi enfantin que tu n'as pas eu le temps de posséder.

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On ne se tue pas par amour pour une femme. On se tue parce qu'un amour, n'importe quel amour, nous révèle dans notre nudité, dans notre misère, dans notre état désarmé, dans notre néant.
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Parmi les signes qui m'avertissent que ma jeunesse est finie, le principal, c'est de m'apercevoir que la littérature ne m'intéresse plus vraiment. Je veux dire que je n'ouvre plus les livres avec cette vive et anxieuse espérance de choses spirituelles que, malgré tout, je ressentais jadis. Je lis et je voudrais lire toujours davantage, mais je n'accueille plus maintenant comme jadis mes diverses expériences avec enthousiasme, je ne les fonds plus en un serein tumulte pré-poétique.
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30 janvier 1941

Ce sentiment doux et indulgent d'amour pour l'humanité, que l'on éprouve par un jour froid, durant un moment passé dans un café - quand on observe le visage émacié et triste de quelqu'un, la bouche crispée d'un autre, la voix lente et bonne d'un troisième, etc. – et qu’on s'abandonne à embrasser toute cette souffrance quotidienne d’une étreinte sentimentale à la fois voluptueuse et mélancolique, n'est pas le véritable amour du prochain, mais une introversion agréable et détendue. À de tels moments, je ne remuerais le petit doigt pour personne : on éprouve, en somme, un sentiment de béatitude devant sa tranquille futilité face à la vie.


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Vidéo de Cesare Pavese
« […] Jour après jour, Saba - de son vrai nom Umberto Poli (1883-1957) - compose le “livre d'heures“ d'un poète en situation de frontière, il scrute cette âme et ce coeurs singuliers qui, par leur tendresse autant que leur perversité, par la profondeur de leur angoisse, estiment pouvoir parler une langue exemplaire. […] […] Au secret du coeur, dans une nuit pétrie d'angoisse mais consolée par la valeur que le poète attribue à son tourment, cette poésie est une étreinte : à fleur de peau, de voix, une fois encore sentir la présence de l'autre, porteur d'une joie qu'on n'espérait plus. […] Jamais Saba n'avait été aussi proche de son modèle de toujours, Leopardi (1798-1837) ; jamais poèmes n'avaient avoué semblable dette à l'égard de l'Infini. le Triestin rejoint l'auteur des Canti dans une sorte d'intime immensité. […] […] Comme le souligne Elsa Morante (1912-1985), Saba est plutôt l'un des rares poètes qui, au prix d'une tension infinie, ait élevé la complexité du destin moderne à hauteur d'un chant limpide. Mais limpidité n'est pas édulcoration, et permet au lecteur de percevoir deux immensités : le dédale poétique, l'infinie compassion. » (Bernard Simeone, L'étreinte.)
« […] La première édition du Canzoniere, qui regroupe tous ses poèmes, est fort mal accueillie par la critique en 1921. […] Le Canzoniere est un des premiers livres que publie Einaudi après la guerre […] L'important prix Vareggio de poésie, obtenu en 1946, la haute reconnaissance du prix Etna-Taormina ou du prix de l'Accademia dei Lincei, ne peuvent toutefois tirer le poète d'une profonde solitude, à la fois voulue et subie : il songe au suicide, s'adonne à la drogue. En 1953, il commence la rédaction d'Ernesto, son unique roman, qui ne paraîtra, inachevé, qu'en 1975. […] »
0:00 - Titre 0:06 - Trieste 1:29 - le faubourg 5:27 - Lieu cher 5:57 - Une nuit 6:32 - Variations sur la rose 7:15 - Épigraphe 7:30 - Générique
Contenu suggéré : Giacomo Leopardi : https://youtu.be/osdD2h8C0uw Marco Martella : https://youtu.be/R9PPjIgdF2c Iginio Ugo Tarchetti : https://youtu.be/hnV93QZ6O1s Guido Ceronetti : https://youtu.be/mW1avxXaSKI Alberto Moravia : https://youtu.be/MgIVofYEad4 Pier Paolo Pasolini : https://youtu.be/-sWZYlXVZ-U Cesare Pavese : https://youtu.be/uapKHptadiw Dino Buzzati : https://youtu.be/ApugRpPDpeQ Sibilla Aleramo : https://youtu.be/Y24Vb0zEg7I Julius Evola : https://youtu.be/coQoIwvu7Pw Giovanni Papini : https://youtu.be/tvirKnRd7zU Alessandro Baricco : https://youtu.be/¤££¤74Giuseppe Ungaretti64¤££¤80 Giuseppe Ungaretti : https://youtu.be/_k1bTPRkZrk LES FILS DE LA LOUVE : https://youtu.be/ar3uUF-iuK0 INTRODUCTION À LA POÉSIE : https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8rtiqkMjM0D1L-33¤££¤76LES FILS DE LA LOUVE77¤££¤ AUTEURS DU MONDE (P-T) : https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8pPO4gzs6¤££¤39LES FILS DE LA LOUVE75¤££¤8 PÈLERINS DANS LA NUIT SOMBRE : https://youtu.be/yfv8JJcgOVM
Référence bibliographique : Umberto Saba, du Canzoniere, choix traduit par Philippe et Bernard Simeone, Paris, Orphée/La Différence, 1992.
Image d'illustration : https://itinerari.comune.trieste.it/en/the-trieste-of-umberto-saba/
Bande sonore originale : Maarten Schellekens - Hesitation Hesitation by Maarten Schellekens is licensed under a Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/maarten-schellekens/soft-piano-and-guitar/hesitation/
#UmbertoSaba #Canzoniere #PoésieItalienne
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