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Albert Bensoussan (Traducteur)
EAN : 9782070769131
544 pages
Gallimard (10/04/2003)
3.97/5   316 notes
Résumé :
Le 7 avril 1803 naît à Paris la militante féministe et ouvriériste Flora Tristan, fille d'un officier péruvien au service du Roi d'Espagne et d'une bourgeoise parisienne. Un siècle plus tard, le 8 mai 1903, son petit-fils, Paul Gauguin, meurt seul et presque aveugle dans sa case des îles Marquises. Le curieux rapport entre les deux dates, tout comme les liens de parenté entre le peintre et l'activiste politique, ne sont ici que le point de départ d'un récit qui met ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (48) Voir plus Ajouter une critique
3,97

sur 316 notes
Voici un livre très agréable à lire, bâti sur le principe d'un chapitre dévolu à Flora Tristan immédiatement suivi d'un chapitre consacré à Paul Gauguin. Cet ouvrage est à composante essentiellement biographique où l'on sent les heures de recherches de l'auteur sous chaque ligne.

Mario Vargas Llosa a pris le parti de raconter les vies de la grand-mère et du petit fils quasi in extenso mais en basant son roman sur les points d'orgue de leur vie respective ; à savoir, pour Flora Tristan, son tour de France en vue de la constitution de l'union ouvrière et pour Paul Gauguin son séjour en Polynésie française tantôt à Tahiti tantôt aux Marquises.

Partant de ces points d'appui, l'auteur utilise les flashbacks pour raconter la vie antérieure de ses personnages ; Flora Tristan, militante féministe, pré-syndicaliste et femme de lettre dont l'idéal est l'union internationale de tous les opprimés (chômeurs, ouvriers, femmes) en vue d'infléchir les bourgeois et de leur offrir des conditions de vie meilleures. D'autre part, Paul Gauguin (est-il besoin de le présenter ?), peintre post impressionniste taraudé par le déclin de l'art occidental et en quête de l'art brut, primitif, non perverti.

L'un et l'autre, avec des personnalités et surtout des moralités assez différentes poursuivent leur idéal jusqu'à la mort, quitte à en payer le prix, souvent lourd. La partie Gauguin a le mérite d'attirer l'attention sur certains tableaux pas nécessairement les plus connus ou bien de donner l'état d'esprit du peintre lors de leur élaboration.

Ce livre est solide, très léché, bien construit (toujours un peu la même mécanique qui peut éventuellement lasser à la longue) mais il m'a probablement manqué le petit supplément d'âme, le minuscule truc volatil et indéfinissable que l'on ressent en lisant ce qui, dans notre panthéon propre, constitue un pur chef-d'oeuvre et qui ici m'a fait défaut, d'où mes 4 étoiles au lieu de 5, mais ceci, n'est bien sûr que mon avis, un peu plus loin, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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C'est le titre et la charmante photo de la couverture, si rétro, de David Seymour, qui m'ont parlé : un groupe de fillettes qui dansent une ronde. Jouent-elles à chercher le Paradis, cet introuvable Paradis qui est toujours un peu plus loin. Un jeu français ? Péruvien ? Elles gambadent, si pimpantes, d'énormes flots dans les cheveux… Cette aspiration universelle que d'atteindre le Paradis a inspiré le roman tout entier de Vargas Llosa.
Avant cette lecture, je ne connaissais rien de Flora Tristan, née en 1803 à Paris et morte en 1844, femme de lettres française, penseuse éminente, militante socialiste , féministe et portant autodidacte. Mais j'ai appris que c'était aussi la grand-mère de Paul Gauguin, universellement célèbre ! Que de vilains tours joue la vie à Flora qui n'a jamais expérimenté la chaude routine qui ressemble à une existence normale ! Tout en provenant d'une famille patricienne, elle est condamnée à la pauvreté parce que le mariage de ses parents n'est pas reconnu. Et aussi elle se promène avec une balle près du coeur que les médecins n'ont pas su extraire. En dépit de cela elle salue son destin et le remercie de lui avoir ouvert les yeux !
Je ne suis nullement experte de Gauguin et ce peintre n'a jamais été mon préféré. Je m'extasie davantage devant la lumière vibrante de son collègue Vincent van Gogh. Contrairement à Flora Tristan, je me suis toujours protégée de la politique et ne me suis pas intéressée aux affaires sociales. Douée d'un esprit plutôt contemplatif et solitaire, je ne me suis jamais battue pour une grande cause, même pas pour le beau de la poésie et des arts. Je serais un monstre d'égoïsme, aussi délicieux que méprisable, pour Flora, surnommée Madame-la-Colère, et une Occidentale sclérosée au sexe fané dès avant ma naissance et bridée par la mièvrerie des religions monothéistes ambiantes, aux termes presque exacts de Paul Gauguin épris de la vie sauvage ! Me voilà, indirectement, brutalisée. Et pourtant, ce livre m'a énormément passionnée et enrichie tant il est grandiose par sa forme et sa quête de l'absolu.
Il est construit de façon symétrique comme une alternance équitable de chapitres, avec le jeu du Paradis évoqué dans le premier et le dernier. Pour être totalement honnête j'avoue que la partie « Gauguin » m'a fourni plus d'affinités spirituelles que « Florita l'Andalouse », cette inflexible habillée en homme. Certains épisodes euphoriques liés à l'artiste peintre ont eu droit aux relectures mais pas l'enfer subi par Flora Tristan. L'enfer subi quoiqu'aussi défié par son courage.
Mario Vargas Llosa relate des faits, recourt aux dialogues, use des descriptions, comme un narrateur procède d'habitude, puis, curieusement, il se met à tutoyer ses deux héros principaux : Paul Gauguin et Flora Tristan. C'est assez significatif mais déroutant au début.
Dans ce roman, je retrouve ce qui est devenu pour moi le signe d'un chef-d'oeuvre : la difficulté de faire une citation soit par crainte d'abîmer la pensée en la sortant de son contexte soit par une incapacité d'élire un passage du livre ; chaque parcelle y est magnifique et il aurait fallu recopier tout. J'ai quand même publié quelques citations pour illustrer mon propos. Que d'aphorismes dont la brillance est digne d'Oscar Wilde !
Que la vie de Flora Tristan ainsi que celle de Gauguin, rongé par sa « maladie imprononçable », est tragique mais combien pleinement elle a été vécue ! Ce sont deux antipodes. Leurs excès en témoignent. Flora fuit le plaisir comme la peste tant que l'humanité n'est pas sauvée des exploitateurs. « Tu es une puritaine, Florita, une nonne laïque. » À part le sentiment que le plaisir ne peut que dilapider son énergie et sa force morale, le sexe lui inspire le dégoût après son mariage. Elle quitte son époux violent et pervers, repousse tous les valeureux prétendants qui tombent à ses genoux. Flora ne s'abandonne que, pendant une courte période, dans les bras d'Olympe qui lui fait découvrir qu'en fait l'amour existe ! L'idée que la mission, le combat bolchevique, est incompatible avec une passion amoureuse ainsi que le renoncement à toute vie sentimentale au nom du changement de la société apparaissent souvent dans la littérature, jusqu'à leur forme caricaturée, entre autres dans « Docteur Jivago », à travers le personnage du mari de Lara, Pavel Strelnikov (cet exemple m'est venu à l'esprit en premier).
Les parties réservées à la militante tournent autour des villes où elle était venue parler aux ouvriers. Celles de Gauguin se consacrent à la genèse d'un tableau en particulier : Eaux mystérieuses, Portrait d'Aline Gauguin, Nevermore, D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? etc. Par exemple, dans le chapitre 2, il s'agit de l'histoire du tableau « Manao Tupapau » dont le nom se traduit par « Elle pense au revenant » ou « le revenant pense à elle ». Quand Koké (surnom tahitien de Gauguin) entre dans sa chambre obscure et qu'il gratte une allumette, sa femme le prend pour un revenant ! Il tremble d'excitation à la vue de ce corps allongé, aux fesses froncées de peur, et réalise quelques semaines après « un véritable tableau de sauvage », longuement rêvé !
Dans chaque toile dort le désir, elle est peinte avec sa verge. Pas d'érection pas d'inspiration ! Une grande vérité, d'ailleurs. Cette idée domine dans le roman, sans pruderie, comme celle de créer et non imiter la nature ! Il fait de ses modèles ses vahinés et inversement. Elles ont presque toujours quatorze ans.
Qu'il est beau, qu'il est heureux, Gauguin, au début de l'oeuvre, lors de son séjour à Mataiea, dans ce paysage aux couleurs vives, parmi les hommes et les femmes orgueilleux de leur corps : « Il se levait tôt, au point du jour, et se baignait dans le fleuve voisin, prenait un petit déjeuner frugal — la sacro-sainte tasse de thé et une tranche de mangue ou d'ananas —, puis se mettait au travail, avec un enthousiasme jamais en défaut. »
Il admire la sagesse sexuelle des natifs qui admettent très naturellement l'existence du troisième sexe, les mahus, hommes-femmes. Pour les habitants de cet Éden qui est Tahiti, se mariant et se démariant comme ils veulent, le sexe est un divertissement, un passe-temps, mais il peut aussi prendre un caractère du rite sacré.
J'ai particulièrement apprécié le chapitre qui parle des débuts de Paul Gauguin : son « vice tardif », la peinture, a explosé sa carrière de nanti et sa vie pondérée et sécurisée avec son épouse légitime Mette Gad, surnommée la Viking pour ses origines danoises. Et aussi le chapitre où il remémore sa vie avec Van Gogh à Arles : « En réalité, Paul nettoyait et Vincent salopait » !
Ainsi, les parcours respectifs, tout entiers, de Flora et de son petit-fils se déroulent par des flash-backs dotés d'un réalisme inouï, des digressions philosophiques, des séjours dans différents lieux. Gauguin voyage : de la Bretagne traditionaliste aux îles Marquises. En ce qui concerne Flora Tristan, elle passe par Auxerre, Dijon, Lyon, Roanne, Saint-Étienne, Avignon, Marseille, Toulon, Nîmes, Montpellier, Béziers, Carcassonne, Bordeaux, avec une conviction sans pareille — et tout cela en 1844, son ultime année. Elle se souvient de Londres, « le comble de l'iniquité » :
« La dernière nuit dans la ville fortifiée [Carcassonne], elle rêva à la cuillère de fer et à son tintement d'outre-tombe. C'était un souvenir persistant qui, d'une certaine façon, symbolisait finalement son voyage en Angleterre : le tintement de cette cuillère métallique, reliée par une chaîne aux bouches d'incendie, dans maints carrefours londoniens, où les misérables venaient étancher leur soif. L'eau que ces pauvres buvaient était contaminée, car avant d'arriver au réservoir elle avait traversé les égouts de la ville. La musique de la pauvreté, Florita. Tu l'avais dans les oreilles depuis cinq ans. Parfois tu disais que ce tintement t'accompagnerait jusque dans l'autre monde. »
Et le Paradis nous semble plus loin que jamais.
Et toi, cher Paul, a quoi rêvais-tu avant de disparaître ? Tu te rappelais sûrement un de ces tableaux où tu avais peint des chevaux en rose crépusculaire galopant dans la baie marquisienne ?
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C'est sans doute à Pont-Aven que Paul Gauguin a acquis dans son domaine de prédilection, le droit de tout oser.
Le Bois d'Amour, haut lieu pontaveniste où jaillirent naguère maintes inspirations artistiques, est le lieu idéal pour esquisser les grands traits de ce magnifique roman publié par Mario Vargas Llosa en 2003 : “Le Paradis - un peu plus loin”.
Le lien ci-dessous permet d'accéder à quelques photos donnant un petit aperçu de la quiétude des bords de l'Aven, autrefois peuplés de nombreux moulins à eau.

Mélange de primitivisme, de cloisonnisme et même de japonisme, le synthétisme marque une rupture avec le naturalisme et l'impressionnisme et se fond dans le symbolisme dont la principale caractéristique est de dépasser le monde des apparences.
Le synthétisme fut porté à la fin du 19ème siècle sur les fonts baptismaux de l'Histoire de la peinture par un cénacle d'artistes français et étrangers qui se sentaient à Pont-Aven comme des poissons dans l'eau.
Trois oeuvres, crées en 1888 dans ce petit village finistérien si accueillant, jetèrent les bases de ce mouvement pictural : “Les Bretonnes dans la prairie” d'Émile Bernard, “La Vision du sermon” de Paul Gauguin et “Le Talisman” de Paul Sérusier. Sous l'impulsion de ce dernier, le groupe des Nabis (“prophètes” en hébreu) fera jusqu'en 1900 bouger les lignes de l'art moderne.

Ce vieux pays de meuniers, ce paradis des artistes, Mario Vargas Llosas en parle admirablement dans ce roman, mais toujours par flash-back.
Il a choisi en effet de décrire dans le détail la vie au quotidien de Gauguin lors de ses deux longs séjours à Tahiti puis à Hiva Oa, la plus grandes des îles Marquises où il mourut en mai 1903 à l'âge de 54 ans.
Un des points forts de ce roman dépaysant tient au style jubilatoire adopté par le Nobel péruvien pour imaginer la genèse des principaux tableaux peints par Gauguin dans son exil polynésien :

“Manao Tupapau” (L'esprit des morts veille) ;
“Pape moe” (Eaux mystérieuses) ;
“Aita Tamari Vahiné Judith Te Parari” (La femme-enfant Judith, pas encore déflorée) ;
“Nevermore” (d'après le poème d'Edgar Poe intitulé “Le Corbeau”, traduit et par Baudelaire et par Mallarmé) ;
“D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?” (Le tableau le plus imposant et peut-être le plus connu de l'artiste, réalisé en 1897-98) ;
“Le sorcier d'Hiva Oa” (La dernière oeuvre de Gauguin, “sa pierre tombale”, date de mars 1903 alors que sa vue décline de jour en jour).

Mais une fois de plus, l'aisance de Mario Vargas Llosa à percer l'intimité des protagonistes, se double d'une générosité débordante. Dans “Le Paradis - un peu plus loin” il ne se contente pas de relater le parcours de vie chaotique de Paul Gauguin mais retrace également l'étrange destinée de Flora Tristan, sa grand-mère maternelle d'ascendance péruvienne, que le peintre n'a pas connue car décédée à seulement 41 ans, en 1844.
Un chapitre sur deux, le lecteur se familiarise avec le caractère entier de cette féministe, de cette pacifiste pure et dure, de cette écrivaine engagée qui, parcourant les routes de France avec l'aide de ses amis saint-simoniens et fouriéristes, essaie d'inculquer à qui veut l'entendre ses idées avant-gardistes relatives à l'unité ouvrière et à la fraternité universelle.

Seul un auteur de tout premier plan pouvait si justement brosser en parallèle deux parcours de vie aussi empreints de passion, d'anticonformisme et de tolérance, à l'atavisme évident.
On referme ce roman un peu triste de quitter ces deux êtres libertaires qui jusqu'à leur dernier souffle sont restés fidèles aux idéaux que l'un et l'autre se sont forgés à l'âge de la maturité ; mais aussi avec au cœur la joie ineffable d'avoir entraperçu lors de cette lecture vivifiante… de nombreuses ébauches de Paradis.




Lien des quelques photos du Bois d'Amour : http://adobe.ly/269oyYC
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Pas de doute, Mario Vargas Llosa est un vrai grand écrivain, avec une personnalité littéraire et un style bien à lui. Pas de doute non plus, il peut être profondément dérangeant, en tout cas il l'a été ici pour moi dans sa façon d'inventer la vie, les pensées et les secrets de personnages réels.

Car 'Le paradis, un peu plus loin' est une double biographie romancée, celle de Flora Tristan, militante socialiste et féministe des Années 1840, et celle de son petit-fils, le peintre Paul Gauguin, dans les dernières années de sa vie en Polynésie. Les chapitres s'attachent alternativement à chacun de ces deux personnages, décrivant sa vie quotidienne, ses voyages, ses rencontres, sa maladie, mais aussi ses rêves, ses pensées ou son intimité amoureuse.

Et c'est là que le bât blesse à mon sens, parce qu'il y a une profusion de détails très précis, mais forcément imaginés : les hallucinations de Gauguin pendant son agonie, les doutes de Flora face à ses soupirants ou ses amies, les scènes de sexe avec des Maori(e)s... Même s'ils sont cohérents avec la personnalité et la vie des personnages, ils ne sont pas 'vrais', alors que Flora et Gauguin l'ont été, et pas qu'un peu !

Disons que le livre est très intéressant, instructif, riche, vivant, mais que le biographe ne s'est pas complètement effacé derrière ses héros. On retrouve en effet ses thèmes de prédilection : le sexe (je ne pense pas être prude, mais Vargas Llosa est un peu obsédé), l'égoïsme et la froideur (sa Flora et son Gauguin sont pétris d'idéaux, mais incapables d'aimer quelqu'un au quotidien), l'histoire du Pérou...

Un livre hors du commun, donc, et un livre qui compte triple, comme au Scrabble : pour le Challenge ABC, pour le Challenge Nobel et pour le Challenge Pavés de Gwen21 (5/xx)
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Deux histoires, deux destins hors de l'ordinaire. D'un côté, il y a Flora Tristan, d'origne vaguement espagnole, épouse la cause ouvrière, milite pour les droits des moins fortunés et, surtout, des femmes. Elle voyage à travers la France du début du 19e siècle pour convaincre les travailleurs de joindre son mouvement et les propriétaires d'offrir de meilleures conditions de travail à leurs employés. de l'autre côté, le peintre postimpressionniste Paul Gauguin, qui chercha le succès à Paris puis l'inspiration aux iles Marquises. Dans tous les cas, deux individus à la recherche d'un idéal : le paradis un peu plus loin.

La narration alterne entre les deux trames, un chapitre étant dévoué à Flora et l'autre, à Paul. le lien entre les deux ? La première est grand-mère du deuxième. Et un destin exceptionnel, bien sûr, ces êtres sont deux étoiles avant-gardistes au caractère impétueux. Était-ce suffisant pour les unir dans ce roman ? Je me le demande encore. À quelques reprises, le lecteur peut établir des liens entre les deux histoires, elles se rejoignent parfois. Mais je me serais attendu à plus de ce côté.

Et pourquoi Mario Vargas Llosa a tenu à écrire cette histoire ? Après tout, ce n'est pas comme si Flora Tristan est un personnage si connu et son petit-fils ne l'a pas connu. C'est peut-être qu'un épisode de sa vie se déroule au Pérou, le pays d'origine de l'auteur. Après avoir milité en France avec assez peu de succès, Flora se retrouve sans mari et sans argent, désespérée, alors elle se tourne vers l'Amérique du Sud d'où son père était originaire et elle espère obtenir sa part d'héritage. Décidément, toute sa vie, elle aura lutté pour les droits des autres ou les siens. Au moins, ces passages auront été appréciés après plusieurs chapitres répétitifs (et parfois longs) sur son combat en France.

Pareillement pour les séjours de Gauguin en Polynésie. le peintre vit des moments de bonheur à Paris, il fonde un foyer avec Bette mais elle le quitte, il se retrouve sans le sou (ça vous semble familier ?) alors il doit s'exiler. Ce changement de décor et tout l'exotisme qui vient avec les îles Marquises, c'est également apprécié. On découvre des gens et une culture différente et la façon dont ils ont influencé sa peinture. Ce que j'ai moins compris, c'est pourquoi l'auteur passait parfois à la 2e personne pour s'adresser à ses personnages (ou donner cette impression au lecteur pour souligner des traits de Flora et Gauguin). Était-ce nécessaire ?

Avec le paradis un peu plus loin, le lecteur se retrouve avec un roman historique mais sans la lourdeur qui vient parfois avec ce type d'ouvrages. Les paysages, les décors sont décrits avec beaucoup de réalisme. Comme des peintures ! Mais, au final, ce qu'on retient surtout, c'est ces deux êtres hors normes. Deux êtres incompris en lutte contre les autres, contre les conditions de vie pénibles, contre la misère et la pauvreté, contre le manque d'inspiration. Parfois même contre eux-mêmes.
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Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
— J’étais agent de change, financier, banquier, dit Paul.[…] Si j’avais poursuivi dans cette voie, je serais peut-être millionnaire. Un grand bourgeois qui fume des cigares et entretient deux ou trois maîtresses. […] Le corrupteur, celui qui a foutu en l’air ma carrière de bourgeois, c’est le bon Schuff.
[…] ce collègue effacé et complexé abritait, sous son allure si peu flatteuse, deux passions, qu’il t’avait révélées au fur et à mesure que se tissait votre amitié : l’art et les religions orientales. […] Pour le bon Schuff, les artistes étaient des êtres d’une autre espèce, moitié anges, moitié démons, différents en essence des hommes communs. Les œuvres d’art constituaient une réalité à part, plus pure, plus parfaite, plus ordonnée, que ce monde sordide et vulgaire. Entrer dans l’orbite de l’art c’était accéder à une autre vie, où non seulement l’esprit, mais aussi le corps, s’enrichissait et jouissait à travers les sens.
— […] Il m’entraînait dans les galeries, les musées, les ateliers d’artistes. […] en cachette, je me suis mis à dessiner. Tout a commencé là. Mon vice tardif. Je me rappelle cette impression de faire quelque chose de mal, comme quand j’étais enfant, à Orléans chez l’oncle Zizi, et que je me masturbais ou épiais la bonne qui se déshabillait. […]
— C’est comme si j’avais été frappé par la foudre, comme si j’avais vu une apparition, expliqua Paul. L’Olympia d’Édouard Manet. Le tableau le plus impressionnant que j’aie jamais vu. J’ai pensé : « Peindre comme ça c’est être un centaure, un Dieu. » J’ai pensé : « Il faut que je devienne peintre moi aussi. »
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La Maison du jouir fut achevée en six semaines. Elle était en bois, nattes et paille tressée et, comme ses farés de Mataiea et de Punaauia, elle avait deux étages. [...]
Paul sculpta un panneau de bois pour l'entrée, en gravant au linteau Maison du jouir, et deux longs panneaux verticaux qui flanquaient cet écriteau, avec des femmes nues dans des poses voluptueuses, des animaux et une verdure stylisés, ainsi que des invocations qui mirent en émoi tant la mission catholique ( la plus nombreuse ) que la petite mission protestante de Hiva Oa : " Soyez mystérieuses " et " Soyez amoureuses et vous serez heureuses ".
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Et c’était précisément maintenant, quand ton mari avait le plus besoin de toi, que tu l’abandonnais ? Sa mère en avait les yeux pleins de larmes et la bouche tremblante.
— Ce qui est fait est fait, avait dit Flora. Je ne reviendrai jamais plus auprès de lui. Je n’aliénerai jamais plus ma liberté.
— Une femme qui abandonne son foyer tombe plus bas qu’une prostituée, l’avait récriminée sa mère, épouvantée. C’est un délit, condamné par la loi. Si André te dénonce, la police te cherchera, tu iras en prison comme une criminelle. Tu ne peux faire une folie pareille.
Tu l’avais faite, Florita, sans te soucier des risques encourus. C’est vrai, le monde était devenu hostile, ta vie des plus difficiles. Comme de convaincre cette nourrice d’Arpajon de garder tes trois enfants, tandis que tu chercherais du travail afin de payer ses services et l’entretien des petits. Et à quoi pouvais-tu travailler, alors que tu étais incapable d’écrire une phrase correctement. ?
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Charles Poncy, le poète-maçon, auteur de l’hymne de l’Union ouvrière, sur qui Flora comptait pour la guider dans ses réunions avec les travailleurs marseillais, était parti à Alger en lui laissant une petite note : il était épuisé, et ses nerfs et ses muscles avaient besoin de repos. Que pouvait-on attendre des poètes, même s’ils étaient ouvriers ? C’étaient eux aussi des monstres d’égoïsme, aveugles et sourds au sort du prochain, des narcisses épris des souffrances qu’ils s’inventaient pour pouvoir les chanter. Tu devrais considérer, peut-être, Andalouse, la nécessité de proscrire dans la future Union ouvrière non seulement l’argent, mais aussi les poètes, comme l’avait fait Platon dans sa République.
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L'art devait rompre ce moule étroit, ce minuscule horizon où avaient fini par l'emprisonner les artistes et les critiques, les académiciens et les collectionneurs de Paris pour s'ouvrir au monde, se mêler aux autres cultures, respirer d'autres airs, voir d'autres paysages, connaître d'autres valeurs, d'autres races, d'autres croyances, d'autres formes de vie et de morale. Ce n'est qu'ainsi qu'il retrouverait la vigueur que l'existence molle, frivole et mercantile des Parisiens lui avait retirée. Tu l'avais fait, toi, en partant à la rencontre du monde, en allant chercher, apprendre, t'enivrer de ce que l'Europe méconnaissait ou refusait. Cela t'avait coûté cher, mais vraiment, tu le le regrettais pas, Koké, hein ?

Koké, surnom donné à Paul Gauguin à Tahiti
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