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Paul Kichilov (Illustrateur)
EAN : 9782862273365
79 pages
Editions Alternatives (11/04/2002)
3.94/5   9 notes
Résumé :

« Makar », signifie dans la tradition russe « celui sur qui tombent toutes les tuiles »... Ainsi, dès le titre, s'annonce la forme humoristique du récit. Lorsque, au jour du Jugement, on récapitule la somme de misères, d'injustices, de déboires vécus par Makar, même le juge suprême, le Grand Toïon, ne peut retenir ses larmes... Située dans le cadre de la taïga glacée de Sibérie, l'histoire de Makar, truculente, ironique, émouvante, est l'occasion pour so... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ceux qui connaissent Agafia Livkova savent que la Sibérie n'est pas un monde hospitalier. Mais que savons-nous vraiment de ce pan de monde qui semblait si grand, comparé à la petite Europe, quand on contemplait les vieilles cartes de géographies accrochées au mur de l'école ? Guère plus aujourd'hui qu'à l'époque, souvent. Notre monde s'arrête à l'Oural. Derrière, on imagine des espaces immenses, des forêts où vivent le loup et l'ours, que chassent des Dersou Ouzala ayant fui on ne sait quoi... Et puis, un Goncourt-reporter part s'y ennuyer quelque mois et y boire de la vodka, et nous casse le mythe. Quelle époque.

Retournons donc un peu dans le légendaire. Faisons la connaissance de Makar. Un paysan misérable, accroché à un coin de terre péniblement défriché, passant le peu d'argent qu'il gagne dans de l'eau-de-vie frelatée. Nous sommes la veille de Noël, et il est ivre mort. Et voilà qu'il s'est mis en tête qu'un renard était pris dans l'un de ses pièges. Avec sa peau, on pourrait acheter une bouteille de plus… Mais il s'égare dans la forêt. Épuisé, abruti par l'alcool, il s'endort dans la neige. On ne se réveille pas de ce genre de sieste.

Et voilà que même mort on n'a jamais la paix. Voilà que le petit pope du village, mort il y a bien longtemps, est venu le chercher. Viens, suis-moi, on va te juger…

Un petit conte écrit à la fin du XIXème siècle avec verve et talent. On y trouve le souffle des légendes épiques de Baba Yaga, l'esprit de la ‘Légende Dorée' et une immense compassion pour un peuple misérable. Si par ce point il rejoint Tolstoï l'auteur, Vladimir Korolenko, s'en écarte par son humour, et par le fait d'avoir réussi à mettre en oeuvre ses idéaux : c'est lors de son exil en Sibérie qu'il écrivit cette histoire.

À certains égards, il évoque aussi un Rabelais où l'on boirait de l'alcool coupé d'eau et de tabac, et l'on festoierait de neige en gelée et de graviers sauce caillou. Et l'on croise un beau défilé de fou. En fait, peut-être tenons-nous là les prémisses de ce qui aurait pu devenir l'humanisme russe…

Quant aux gravures qui l'illustrent, elles ont été faites avec toute la finesse de cet art.
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Que voilà un beau conte qui nous rappelle tout l'imaginaire russe, la Taïga, l'importance du pope et de la Vodka. Si le pope en boit, alors on est comblés !

Un beau conte avec sa belle morale, où le mot populaire prend son vrai sens, le plus noble. Où le petit peuple brandit la dureté de sa vie en étendard.

Dommage que mon édition (différente de celle affichée sur Babelio) se soit sentie obligée de mettre entre parenthèses de explications ou traductions plutôt que des renvois en bas de page.
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Pour avoir refusé de prêter serment de fidélité à Alexandre III, Vladimir Korolenko, défenseur inlassable des opprimés, fut arrêté en 1879 exilé dans le Grand Nord puis en Sibérie orientale où il passa cinq ans. C'est là bas, chez les Iakoutes, qu'il écrivit ce conte.
Makar "le Malchanceux" est un vieux paysan rustre qui vit à Tchalgan un village au fin fond de la Taïga sibérienne. Il parle mal le russe, s'habille de peaux de bêtes, travaille comme un forçat. Mais c'est aussi une fripouille qui ne survivrait pas sans "son comptant de vodka et de mensonges". Souvent quand il est ivre, il songe à gravir la montagne si lointaine que même le Grand Toyone ( Dieu) ne saurait l'en dénicher. Là bas, il ne paierait pas d'impôts...
Et voilà qu'un jour, à la veille de noël, suite à une affaire très peu chrétienne et bien imbibée, Makar se retrouve transporté dans un monde étrange et néanmoins familier. Guidé par le petit pope Ivan, il comparaît alors devant le Grand Toyone et son fils...
J'ai beaucoup aimé ce conte merveilleux, rempli de folklore russe et plein d'humour. Il valorise les humbles, les proscrits et parle de justice sociale. Selon les examinateurs et leurs critères, les actions de Makar seront jugées différemment...
Lu sur la BRS dans une traduction moyenne de 1894 ( 53 pages)
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Ceci est un conte comme l'est le curé de Cucugnan de Daudet.
Un pauvre homme vivant en Sibérie, essaie de survivre du mieux qu'il peut. Il triche un peu dans ses transactions, il va visiter les pièges des autres et boit de la vodka largement diluée dans l'eau qu'on lui vend comme pure. Car chacun pour s'en sortir trompe l'autre.
Mais voilà qu'il meurt, qu'on le mène à travers la taïga où il croise nombre de pauvres âmes comme lui, vers le Grand Toyone. Vers le jugement, la pesée des âmes.

Un conte qui montre la dureté de la vie des pauvres Sibériens. J'ai été prise par ce récit.


Challenge XIXème siècle 2017
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Le Songe de Makar 1883
Vladimir Korolenko (1853-1921)


Korolenko écrit ce conte en 1883, alors que là est sa punition pour avoir grenouillé chez les révolutionnaires de tout poil et n'en avoir pas vu outre le "gentil paysan" qui méritait cent fois qu'on fasse en sorte de le laisser maître chez lui, le complot intellectuel monté contre lui -je dirais objectivement ici - dans les révolutions qui vont suivre où déja les américains mettaient leur nez d'usurpateur !

Ce pauvre bougre dans un village en Iakoutie va de déveine en déveine, chassé comme un malpropre par une ligue d' hommes, la veille de Noêl, tous impliqués dans une beuverie, va être reçu sèchement par sa femme de retour à la maison. On imagine bien que sa femme ne va pas encore lui servir à boire si tant est qu'il reste at home une goutte de je ne sais quelle cuvée ! Il décide alors de partir seul dans la nuit avec son cheval dans la taïga où il va connaître encore des déboires en chassant le renard et finira par se perdre en chemin - quel chemin d'ailleurs pour aller où ? - et mourir d'épuisement.

C'est alors, dans une autre vie, qu'un vieux pope,
Qui m'a tout l'air d' un revenant, (*)
Qui s'appelle Ivan
Tire Makar de son sommeil
Ni d'Eve ni d'Adam ..
et le porte jusqu'à son Grand Maître pour juger s'il s'agit d'un homme de bien ou d'un homme de mal, une seconde chance s'offrant à lui en quelque sorte, moyennant une balance autant insolite que renversante, composée d'un plateau d'or et d'un plateau de bois. La balance va peser dangereusement du côté du plateau de bois, c'est alors que Makar va faire preuve d'une grande inspiration comme jamais en puisant dans des valeurs chrétiennes !..

Cette oeuvre de fiction pour Korolenko qui fut inquiété plusieurs fois pour ses idées révolutionnaires qui lui vaudront la déportation en Iacoutie est la traduction de sa nouvelle vie d'exilé qu'il mettra à profit et il en fera une initiation qui lui apportera la sagesse et un jugement porté sur ses pairs bien plus salutaire que ses prophéties politiques d'antan. L'oeuvre est enlevée, malgré une mise en route un peu poussive qui nous laissait entrevoir un genre d'issue que l'on connaît déjà en bonne part.

Croire que la déportation sous Alexandre III a des vertus curatives que l'on ne soupçonnerait pas , là pour le coup si l'on aime les contes, telle est la gageure de Vladimir Korolenko qui sous sa plume à la fois fraîche et facécieuse nous présente finalement ici un genre plutôt inédit et agréable à lire. Ce conte connaîtra succès à sa sortie ; quand l'ironie est palpable, elle a son bon public ! Il sera traduit en anglais ..

(*) Clin d'oeil à notre poétesse de la station et d'ailleurs
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Ce rêve a été fait par le pauvre Makar, par ce même Makar qui a dû aller là-bas, au diable vauvert, dans les contrées mornes et lointaines, pour y faire paître les bestiaux, — par Makar, le malchanceux, qui, au dire du proverbe, « reçoit toutes les pommes de pin sur sa tête. »
Le pays où il est né se nomme Tchalgane. C’est un petit village perdu et entièrement caché dans la taïga, dans ces forêts vierges et hyperboréennes du gouvernement de Iakoutsk. Les aïeux de Makar ont soutenu une guerre longue et sans repos contre la taïga, avant de réussir enfin à lui arracher un morceau de sa terre gelée, maigre conquête que le triste hallier continuait d’envelopper comme d’un mur impénétrable et ennemi. Mais ils ne perdirent pas courage. Des haies, des meules de foin et de blé s’élevèrent dans l’étroite clairière ; de basses yourtas, tout enfumées parurent, espacées les unes des autres ; enfin, tel un drapeau se développe et annonce la victoire, un clocher se dressa au sommet de la petite colline, au milieu du village : Tchalgane devint une grande sloboda.
Mais en même temps que les aïeux de Makar faisaient la guerre à la taïga, qu’ils l’entamaient par le feu et à coups de hache, ils devenaient eux-mêmes insensiblement plus sauvages. Mariés aux femmes iakoutes, ils s’assimilèrent la langue et les mœurs de leurs parentés nouvelles. Les traits caractéristiques de la grande race russe s’effaçaient, disparaissaient.
Quoi qu’il en soit, Makar n’oubliait ni son origine, ni qu’il était fils de cette terre. C’est à Tchalgane qu’il était né, là qu’il vivait, là qu’il espérait mourir. Il était très fier de sa nationalité et traitait parfois les indigènes de « sales iakoutes », bien qu’à la vérité il ne se distinguât en rien, ni par les mœurs, ni par le genre de vie, de ces mêmes iakoutes. Il parlait peu le russe, et assez mal ; il s’habillait de peaux de bêtes, il se chaussait de torbass ; son menu de tous les jours était composé d’une galette, arrosée d’une infusion de thé « en briques » ; les jours de fêtes, ou dans les occasions extraordinaires, il se régalait de beurre fondu, dont il avalait la quantité juste égale à celle qui se trouvait sur la table... Il était très habile à monter les taureaux. En cas de maladie, il s’adressait au chamane, lequel, en guise de traitement, se précipitait sur lui avec des grincements de dents, des gesticulations de possédé ; et cela, dans le but d’enrayer l’élément morbide installé dans le corps, et de le forcer à s’enfuir.
Makar travaillait comme un forçat, vivait misérablement, souffrant de la faim et du froid. En dehors du souci de sa galette grossière et de son thé, avait-il d’autres pensées ? Oui, il en avait.
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- Je suis un homme perdu ! pensa Makar une dernière fois. Il résolut de s'exécuter sans plus attendre.
Il s'étendit sur la neige.
Le froid était devenu terrible. Les dernières lueurs de l'aurore boréale ne produisaient plus dans le ciel qu'un faible chatoiement qui vacillait; perçant les hautes cimes de la taiga, elles vinrent caresser Makar d'une fugitive clarté. De bien loin, de Tchalgane, arrivaient à peine jusque-là les derniers échos des cloches.
Pendant un instant, l'aurore flamba, atteignit sa plus grande intensité, puis s'éteignit. Les cloches se turent.
Et Makar rendit l'âme...
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Il se passa alors quelque chose d’extraordinaire. Makar, ce même Makar qui n’avait jamais pu dire plus de dix paroles de suite, sentit tout à coup sa langue se délier. Il se mit à parler, si bien qu’il en fut lui-même stupéfait. Il se dédoubla, pour ainsi dire, en deux Makar : l’un qui parlait et l’autre qui écoutait avec surprise. Il n’en croyait pas ses oreilles. Ses paroles coulaient avec aisance, fougueuses, ardentes. Les mots jaillissaient et couraient à l’envi se ranger en files longues, bien ordonnées. Makar ne perdait pas contenance ; s’il lui arrivait d’hésiter, il se rattrapait aussitôt et il criait deux fois plus fort. Mais l’important était qu’il sentait que son éloquence était persuasive.
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-Lève-toi, mon cher Makar, disait-il, et allons-nous-en.
-Et où aller ? demanda Makar avec humeur.
Du moment qu'il était mort, il pensait que son devoir était de demeurer tranquillement couché et qu'il n'avait pas besoin de se remettre en marche, d'errer de nouveau et de se perdre dans la taïga. Autrement, quelle nécessité y avait-il à mourir ?
-Allons chez le Grand Toyonne .
-Qu'irai-je faire chez lui ? demanda Makar.
-Il te jugera, dit le petit pope d'une voix affligée où trembla quelque attendrissement.
Et Makar se leva, tout en grognant entre ses dents. cela le fâchait que même après la mort on ne le laissât pas tranquille.
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Il est vrai qu’il avait juré par tous les dieux de ne pas dépenser cet argent, ce jour-là du moins, en eau-de-vie. Sa ferme et unique intention était pourtant de l’employer à cet usage, immédiatement. Mais que lui importait ? L’appétit du plaisir étouffait les scrupules de sa conscience.
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