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EAN : 9782264000972
185 pages
Flammarion (07/10/2004)
3.7/5   244 notes
Résumé :
Le verbe vivre n'est pas tellement bien vu puisque les mots viveur et faire la vie sont péjoratifs. Si l'on veut être moral, il vaut mieux éviter tout ce qui est vif, car choisir la vie au lieu de se contenter de rester en vie n'est que débauche et gaspillage. À son niveau le plus simple, le Bleu du ciel inverse cette morale prudente en décrivant un personnage qui se dépense jusqu'à toucher la mort à force de beuveries, de nuits blanches et de coucheries. Cette dépe... >Voir plus
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Bataille, c'est l'obsession de l'érotisme et de la transgression dans un horizon de médiocrité, de petitesse et d'aigreur.
Comme il l'écrivait dans l'avant-propos à L'expérience intérieure :

« N'importe qui, sournoisement, voulant éviter de souffrir se confond avec le tout de l'univers, juge de chaque chose comme s'il l'était, de la même façon qu'il imagine au fond, ne jamais mourir. Ces illusions nuageuses, nous les recevons avec la vie comme un narcotique nécessaire à la supporter. Mais qu'en est-il de nous quand, désintoxiqués, nous apprenons ce que nous sommes? Perdus entre des bavards, dans une nuit où nous ne pouvons que haïr l'apparence de lumière qui vient des bavardages. »(10)

Cet état d'existence qu'il explore de manière qui paraît si authentique qu'il sera compris comme un malade nécessitant des soins par Breton (qui en a pourtant vu d'autres), voilà qu'il l'expose ici par le biais d'un roman au titre on ne peut plus trompeur.
Le titre est en effet l'antithèse du contenu de la trame principale du roman, consacrée à la noirceur la plus plate et déchéante qui soit.
Lorsque quelque chose comme un « ciel bleu » apparaît tout de même, c'est par le biais de personnages secondaires féminins qui croisent la route du personnage principal et à chaque fois, c'est pour être contaminé, sali, rabaissé et finalement rejeté à l'extérieur des possibilités actualisées par le personnage principal.
Manifestement, pour Bataille, la femme comporte quelque chose de beau, de bien, de saint qui doit être rabaissé, traîné dans la boue, maltraité. Chacune des femmes qui croise sa route est détentrice d'une qualité (beauté physique pour Dorothée (surnommée Dirty dans le roman)), empathie pour Xénie (nom qui évoque l'étranger, l'extérieur), implication politique idéaliste pour Lazare (qui ne ressuscite pas d'ailleurs) que le personnage s'ingénie à entraîner dans son désarrois vers quelques mauvais quarts d'heures de mal être profond.
Rien ne résume mieux le contenu du roman que la citation suivante :

« Un soir, à la lumière du gaz, j'avais levé mon pupitre devant moi. Personne ne pouvait me voir. J'avais saisi mon porte-plume, le tenant, dans le poing droit fermé, comme un couteau, je me donnai de grands coups de plume d'acier sur le dos de la main gauche et sur l'avant-bras. Pour voir... Pour voir, et encore : Je voulais m'endurcir contre la douleur. Je m'étais fait un certain nombre de blessures sales, moins rouges que noirâtres (à cause de l'encre). Ces petites blessures avaient la forme d'un croissant, qui avait en coupe la forme de la plume. »(149)

Ces méchants chapitres défilent en effet comme de petits coups sournois sur l'âme bonne, sur l'esprit serein, sur l'existence saine, pour en faire gicler le sang en le maculant d'encre noire et sale.
Bref, ce roman sans âme, souillé, rance, où la déchéance est si complète et dénuée de grandeur qu'elle en devient franchement ennuyante saura à coup sur affecter la bonne humeur la plus radieuse et ne décevra certainement pas son lecteur averti.
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Écrit en 1935, ce court roman ne sera publié qu'en 1957. L'auteur, dans l'Avant-propos, affirme avoir renoncé de lui-même à faire publié le texte dans les années 30, mais encouragé par des amis qui trouvaient de l'intérêt au texte, il finit par le présenter au public, même s'il considère que les événements survenu depuis l'écriture du texte ont diminué sa pertinence « devant la tragédie elle-même, quelle attention prêter à ses signes annonciateurs ? »

Parce qu'en effet, on peut lire le texte en partie comme prémonitoire des guerres et horreurs à venir en Europe. Henri Troppmann, le personnage principal et narrateur semble être un riche oisif, marié avec une femme que nous ne verrons jamais, et qui se livre à des excès divers, en particulier avec sa maîtresse, Dirty. le livre commence à Londres, dans un bouge, puis dans un hôtel, dans lequel Dirty et Troppmann se réfugient, dans un état plus que lamentable, et se livrent à des excès. le reste du roman est une sorte de fuite en avant, à travers le continent européen. Finalement, le narrateur, abandonné par Dirty, se retrouve à Barcelone, juste avant le début de la guerre civile. Il arrive à y faire accourir Xénie, une jeune femme rencontrée à Paris, sur laquelle il a assis son emprise, bien qu'il ne lui ai pas caché grand-chose de ses turpitudes (impuissance, nécrophilie etc). Et Dirty s'apprête aussi à le rejoindre, ce qui provoque une situation pour le moins compliquée, dans un monde en train de s'embraser. le livre se clôt en Allemagne, à la fois sur les excès du couple, et sur la violence qui monte dans le monde.

Il y a sans aucun doute le désir de choquer, de provoquer le lecteur chez Bataille, même si actuellement tout le contenu sulfureux est devenu bien plus banal qu'au moment de l'écriture du livre. Plus intéressant est le personnage de Troppmann, qui se débat dans l'absurdité du monde, auquel correspond un vide intérieur. Comme les excès et cruauté du personnage renvoient à la violence et aux excès du monde dans lequel il évolue. Cela annonce d'autres personnages du même acabit, comme le Meursault de Camus.

Ce n'est sans doute pas complètement convaincant, mais il y a des sortes d'intuitions, d'annonces, de fulgurances qui rendent le livre intéressant.

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« Le bleu du ciel », écrit en 1935 mais publié dans son intégralité qu'en 1957, est un récit assez étrange parce qu'il n'y a pas de réelle évolution de la narration entre le début et le dénouement de l'histoire. On est très loin, ici, d'autres de ses oeuvres obscènes tel que « Histoire de l'oeil ».

On pourrait penser justement, en lisant l'introduction, que l'auteur succomberait encore une fois à ses vieux démons d'écriture, lors de cette soirée d'ivresse dans la chambre d'un bouge des plus crasseux d'un quartier de Londres, entre le narrateur Troppmann et sa femme surnommée Dirty.
Puis arrive la première partie et l'intrigue se resserre uniquement sur Troppmann à Paris et de sa rencontre avec Lazare, une femme pour laquelle il ne ressent aucune attirance aux premiers abords mais avec qui va finalement se nouer une amitié si l'on peut dire. Enfin, Il rencontrera, lors d'un dîner, Xénie. Son dégoût de lui-même ainsi que son instinct bilieux le mèneront jusqu'à Barcelone, en pleine guerre civile, là où sa femme le rejoindra dans un état aussi misérable que lui. Étrangers en partie de ce qui approche à grand pas, l'horreur de la seconde guerre mondiale, mais sous la nécessité de subir ses aléas, ils voguent de-ci de-là sur un torrent d'amertume et de douleur d'où ils se sortiront par la seule force de leur courage à vivre malgré tout.

On peut s'apercevoir que chaque protagoniste possède son lieu, son décor de prédilection : pour Troppmann et Xénie il s'agit de Paris, pour Dirty c'est toujours à l'étranger que ce soit Londres ou l'Allemagne et Barcelone pour Lazare.

L'un des meilleurs romans de Georges Bataille, et on comprend également pourquoi le cinéaste Jean Eustache s'en est inspiré en filigrane dans son film fleuve "La maman et la putain" car la mort, la terre et la cendre y sont présents à chaque page.
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J'avoue ne pas avoir vraiment aimé ce livre écrit en 1934 ( en Espagne au moment des prémices de la guerre d'Espagne et de la deuxième guerre mondiale) et au sadisme omni-présent.
Le bleu du ciel relate la fuite d'un homme déchiré Tropmann, en quête d'identité à travers l'Europe
Un bleu chargé des lourds nuages noirs de la mort, de la maladie,de l'exhibitionisme et de la nécrophilie.
Tropmann va être, tour à tour, attiré par trois femmes et va osciller entre ses pulsions érotiques, sa perversion et ses pulsions de mort. En parrallèle, émerge le conflit du monde.
Tout d'abord un bordel de Londres: il croise Dirty (Dorothéa) qui prend son pied face aux représentations cadavériques et se laisse planter une fourchette dans la cuisse. Tropmann qui trompe sa femme Edith, se retrouve impuissant.
Puis, c'est Vienne.Paris.Il rencontre Lazare "oiseau de malheur"hideuse de haine.
Enfin, la gentille Xénie qui lui servira de garde malade lorsqu'il se noiera dans l'alcool et que son "existence" s'effritera "comme une matière pourrie.
Qui choisira t il, alors qu'à Francfort-sur-le-Main, la jeunesse hitlérienne monte "vers les temps nouveaux"?
Dur à lire! Surtout lorsque la mort est jouissive et que "la terre sous ce corps était ouverte comme une tombe, son ventre s'ouvrit à moi comme une tombe fraiche."
Mais bon, il en faut pour tous les gouts!
Une écriture douloureuse issue sans doute d'une enfance entre un père paralysé aveugle et une mère dépressive, à moins que ce ne soit de la vie dissolue entre sexe, jeu et beuveries dont Georges Bataille était friand ou tout simplement d'une psychopathologie sous-jacente.
Les thèmes de l'angoisse,la mort,les femmes,la recherche des limites,la provocation,l'interdit,la jouissance,encore et toujours.
Idem pour les autres oeuvres de Georges Bataille qui pourraient s'apparenter à Sade et au Procés de Gilles de Rais.

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Ecrit en 1935, mais paru en 1957, le Bleu du Ciel annonce la Seconde Guerre mondiale qui ébranlera encore une fois toute l'Europe. On suit le narrateur, Henry Troppman, dans ses pérégrinations à travers l'Europe et ses désirs morbides, ses souffrances nauséeuses. Des bouges de Londres aux cabarets de Paris, des insurrections communistes de Barcelone aux défilés nazis de l'Allemagne, ce roman est un long cauchemar parsemé de quelques lueurs d'espoir. Henry Troppman annonce le Meursault de Camus ou le Corentin de Sartre, des êtres un peu perdus face à l'absurdité du monde, dégoûtés par les horreurs de la réalité. Mais plus qu'un simple regard lucide et froid sur notre condition, le personnage de Bataille fusionne les pulsions de mort et de vie, allie Éros et Thanatos.
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Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation
Je fûs dans un état d'intolérable joie, ce fût si beau que j'aurais voulu ne plus vivre.
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Un soir, à la lumière du gaz, j'avais levé mon pupitre devant moi. Personne ne pouvait me voir. J'avais saisi mon porte-plume, le tenant, dans le poing droit fermé, comme un couteau, je me donnai de grands coups de plume d'acier sur le dos de la main gauche et sur l'avant-bras. Pour voir... Pour voir, et encore : Je voulais m'endurcir contre la douleur. Je m'étais fait un certain nombre de blessures sales, moins rouges que noirâtres (à cause de l'encre). Ces petites blessures avaient la forme d'un croissant, qui avait en coupe la forme de la plume.
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Elle se leva et, lentement, alla s'asseoir sur le rebord de la fenêtre: elle me regardait, sans trembler.
-Tu le vois, je vais me laisser aller...en arrière.
Elle commença, en effet, le mouvement qui, achevé, l'aurait basculée dans le vide.
Si odieux que je sois, ce mouvement me fit mal et il ajouta le vertige à tout ce qui déjà s'effondrait en moi. Je me dressai. J'étais oppressé, je lui dis:
-Reviens. Tu le sais bien. Si je ne t'aimais pas, je n'aurais pas été si cruel. J'ai peut-être voulu souffrir un peu plus.
Elle descendit sans hâte. Elle paraissait absente, le visage flétri par la fatigue.
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[ Incipit ]

Dans un bouge de quartier de Londres, dans un lieu hétéroclite des plus sales, au sous-sol, Dirty était ivre. Elle l'était au dernier degré, j'étais près d'elle (ma main avait encore un pansement, suite d'une blessure de verre cassé). Ce jour-là, Dirty avait une robe du soir somptueuse (mais j'étais mal rasé, les cheveux en désordre). Elle étirait ses longues jambes, entrée dans une convulsion violente. Le bouge était plein d'hommes dont les yeux devenaient très sinistres. Ces yeux d'hommes troublés faisaient penser à des cigares éteints. Dirty étreignait ses cuisses nues à deux mains. Elle gémissait en mordant un rideau sale. Elle était aussi saoule qu'elle était belle : elle roulait des yeux ronds et furibonds en fixant la lumière du gaz.
- Qu'y a-t-il ? cria-t-elle.
En même temps. elle sursauta, semblable à un canon qui tire dans un nuage de poussière. Les yeux sortis, comme un épouvantail, elle eut un flot de larmes.
- Troppmann ! cria-t-elle à nouveau.
Elle me regardait en ouvrant des yeux de plus en plus grands. De ses longues mains sales elle caressa ma tête de blessé. Mon front était humide de fièvre. Elle pleurait comme on vomit, avec une folle supplication. Sa chevelure, tant elle sanglotait, fut trempée de larmes.
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- Pourquoi m'embrasses-tu la main ? Tu le sais bien, je suis ignoble au fond.
J'aurais pleuré à l'idée qu'il ne pouvait rien. Je ne pouvais rien surmonter.
Elle me répondit simplement :
- Je le sais. Tout le monde sait que vous avez une vie sexuelle anormale. Moi, j'ai pensé que vous étiez surtout très malheureux. Je suis très sotte, très rieuse. Je n'ai que des bêtises dans la tête, mais depuis que je vous connais, et que j'ai entendu parler de vos habitudes, j'ai pensé que les gens qui ont des habitudes ignobles... comme vous... c'est probablement qu'ils souffrent.
Je lui ai dit, que, pour moi tout devenait irréel : je n'étais peut-être pas ignoble - à tout prendre - mais j'étais un homme perdu.
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Vidéo de Georges Bataille
Yannick Haenel et son invitée, Linda Tuloup, lecture par Emmanuel Noblet.
Depuis plus de deux décennies, Yannick Haenel éclaire le paysage littéraire français de ses romans singuliers, où se concentrent les désirs multiples et où nous côtoyons, souvent avec jubilation, l'univers de personnages en quête d'absolu. Au cours de ce grand entretien, un format qui lui sied particulièrement, l'écrivain reviendra sur ses passions. La peinture d'abord (il a écrit sur le Caravage un essai inoubliable), mais aussi le théâtre (son Jan Karski a été adapté sur scène par Arthur Nauzyciel), la photographie (Linda Tuloup sera à ses côtés), l'histoire… On parlera aussi de littérature, de celle qui l'aide à vivre depuis toujours, d'écriture et de ce qu'en disait Marguerite Duras dont l'oeuvre l'intéresse de plus en plus, et de cinéma, vaste territoire fictionnel dont il s'est emparé dans Tiens ferme ta couronne, où son narrateur se met en tête d'adapter pour l'écran la vie de Hermann Melville, croisant tout à la fois Isabelle Huppert et Michaël Cimino…
Écrivain engagé, il a couvert pour Charlie Hebdo le procès des attentats de janvier 2015, en a fait un album avec les dessins de François Boucq, et continue de tenir des chroniques dans l'hebdomadaire. Son dernier roman, le Trésorier-payeur, nous entraîne à Béthune dans une succursale de la Banque de France, sur les traces d'un certain Georges Bataille, philosophe de formation et désormais banquier de son état, à la fois sage et complètement fou, qui revisite la notion de dépense et veut effacer la dette des plus démunis. Mais comment être anarchiste et travailler dans une banque ? Seuls l'amour et ses pulsions, le débordement et le transport des sens peuvent encore échapper à l'économie capitaliste et productiviste…
Une heure et demie en compagnie d'un écrivain passionnant, érudit et curieux de tout, pour voyager dans son oeuvre et découvrir les mondes invisibles qui la façonnent.
À lire (bibliographie sélective) — « le Trésorier-payeur », Gallimard, 2022. — Yannick Haenel, avec des illustrations de François Boucq, « Janvier 2015. le Procès », Les Échappés, 2021. — « Tiens ferme ta couronne, Gallimard, 2017 (prix Médicis 2017). — « Les Renards pâles, Gallimard, 2013. — « Jan Karski, Gallimard, 2009 (prix du roman Fnac 2009 et prix Interallié 2009) — « Cercle, Gallimard, 2007 (prix Décembre 2007 et prix Roger-Nimier 2008). — Linda Tuloup, avec un texte de Yannick Haenel, « Vénus. Où nous mènent les étreintes », Bergger, 2019.
Un grand entretien animé par Olivia Gesbert, avec des lectures par Emmanuel Noblet, et enregistré en public le 28 mai 2023 au conservatoire Pierre Barbizet, à Marseille, lors de la 7e édition du festival Oh les beaux jours !
Podcasts & replay sur http://ohlesbeauxjours.fr #OhLesBeauxJours #OLBJ2023
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