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EAN : 9782246343318
349 pages
Grasset (26/08/1992)
3.62/5   26 notes
Résumé :

Le 26 septembre 1981 aurait dû être une journée ordinaire pour le docteur Fargeau si deux événements tout à fait inopinés - l'agression de sa maîtresse, l'accident de sa femme - n'avaient remis en question le sens de son existence. Le récit de cette funeste journée est ponctué par de nombreux retours en arrière qui reconstituent la vie de Fargeau : naissance en 1916, père prof d'histoire, am... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
N°142
Janvier 1993



LE GARDIEN DES RUINESFrançois Nourissier – Éditions Grasset.


Lire un roman de François Nourissier est toujours pour moi un moment fort. Il est, en effet, l'un des rares auteurs que je choisis sur son seul nom plutôt que sur le titre d'un ouvrage. Comme d'habitude, je n'ai pas été déçu.

Par l'histoire, tout d'abord, celle d'Albin Fargeau, médecin généraliste à Paris dont l'auteur relate le quotidien. Ce récit est l'occasion de revenir en arrière, de revoir sa vie, ses amours éphémères, ses rencontres, sa guerre, de l'oflag en 1940 à la Libération de Paris, ses fiançailles, hésitantes et timides avec Clémence, son mariage conventionnel avec elle, sa vie ordinaire et son couple raté, son fils à côté de qui il est perpétuellement passé, sa liaison mièvre avec Véra, sa maîtresse, ses rares passades, sa belle-famille qui ne l'a jamais vraiment adopté…
C'est aussi, pour Nourissier, l'occasion d'évoquer des personnages hauts en couleurs : Henri Fargeau, Les Goult de Juzy, Vergadin et combien d'autres …

Pourtant, malgré son côté velléitaire, indolent et conventionnel, Albin Fargeau est un personnage attachant, peut-être parce qu'il est perpétuellement floué, jusqu'à la complicité. Nous le voyons évoluer de 1939 à 1990 et la petite histoire se frotte à la grande. C'est un peu comme si Albin Fargeau, l'air de rien, nous livrait lui-même ses secrets, ses fantasmes, les valeurs traditionnelles auxquelles il est attaché…
Mais, rapidement, il vieillit, perd de la vitesse, se laisse facilement(trop peut-être ?) rattraper par un siècle qui marche plus vite que lui.
Après la mort de sa femme, la séparation d'avec sa maîtresse et l'ultime tentative de rencontre avec son fils unique, il choisit lui-même de se retirer à Maussade, dans une maison de retraite. Lui qui rêvait de ressembler à ses grands modèles passera pour « le gardien de quelques ruines qu'il tente de faire visiter . »

Ce qui m'intéresse chez Nourissier, c'est qu'il traite de thèmes qui lui sont chers : l'incompréhension entre père et fils, mais surtout une réflexion toujours renouvelée sur le mariage. Il gratifie à cette occasion son lecteurs de formules lapidaires (presque des apophtegmes) qui méritent réflexion : « Ce n'est pas le silence qui préserve les couples, c'est la sourde oreille. » « Les couples tiennent par politesse, comme les vieilles coques de bateaux par la peinture. »
Il glisse entre les lèves de ses personnages quelques aphorismes bien sentis sur la condition humaine : « Tous les destins avec le temps rapetissent. ». « A quoi ça tient un homme? A presque rien : Quelques silences, quelques hontes ravalées, quelques comédies. Tout cela tient debout par miracle. Tu fous le pied dedans, le bonhomme s'effondre. »

Il prête à Albin Fargeau (A moins qu'il ne laisse aller sa plume pour son propre compte ?) des analyses politiques et historiques tranchantes : « En 38… En 40 …En 54…En 62 … nous sommes de terribles plaqueurs. ». « Sans la foi, le folklore réactionnaire n'est que dandysme et simagrées ». « Des politiciens en France, ça doit baiser, l'électeur aime cela »…
Il n'oublie pas non plus la condition humaine : « Le suicide est au bout de toute réflexion un peu sérieuse sur la maladie ». « La vielle peur laisse un répit, sur le tard, aux amers et aux vaincus . »

En fait, à l'occasion de cette incursion dans les secrets de l'âme et de la parentèle de Fargeau, le lecteur attentif assiste à cette tranche de vie qui s'écoule, non vers la mort de l'intéressé, mais, le mal-vivre aidant, vers la déchéance et l'indifférence à sa propre vie. « Je suis devenu le gardien d'un musée que nul ne veut plus visiter. Je fais de la retape à la porte de l'indifférence générale ».
L'envie de vivre va même jusqu'à disparaître : « Le désir s'arrête comme le vent, la pluie, comme une source s'arrête de couler. ».Il fut, un temps, tenté de jouer encore cette comédie qu'est l'existence, mais la pensée (l'envie ?) de l'autodestruction l'a effleuré : « Si Clémence meurt, je serai libre de me détruire sans scrupules ».

J'ai lu ce roman comme le récit d'un homme qui jette sur cette vie qui fut la sienne et qui ne l'a jamais vraiment passionné, le regard d'un philosophe désabusé, d'un homme qui a voulu « sauver les apparences », quelqu'un qui est ici-bas de passage et le sait, mais aussi quelqu'un qui est las parce qu'il est seul et que toute sa vie n'a été qu'une solitude grise tout juste émaillée de quelques timides coups de soleil.

Si j'ai aimé ce roman (et aussi beaucoup d‘autres du même auteur), c'est aussi pour la qualité du texte, et pour l'usage juste et précis de notre belle langue française. Ils ne sont pas si nombreux, les écrivains actuellement publiés qui peuvent se targuer d'être les gardiens de notre langage ? Son humour n'a d'égal que sa faconde, et quand il décrit un paysage, c'est un plaisir… Il tient jusqu'au bout son lecteur en haleine.

© Hervé GAUTIER.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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A lire les sujets de ses romans, François Nourissier semblait se nourrir à deux mamelles : la critique de la France bourgeoise et le naufrage de la vieillesse. « le gardien des ruines » réunit impeccablement ces deux inspirations.

Dans les années soixante Albin Fargeau est médecin dans les beaux quartiers parisiens, époux de l'aristocrate Clémence du Juzy, père de Jérôme et amant de Véra. Tout semble pour le mieux dans une vie bourgeoise bien confortable, seulement Albin s'ennuie, erre dans sa vie, s'agace devant ses patients âgés.

Nourissier déroule ensuite la biographie de cet homme sans qualités, on le découvre velléitaire dès son plus jeune âge, étudiant peu impliqué, médecin militaire mollement prisonnier et amoureux tiède. Fargeau se glisse facilement dans le conformisme bourgeois de sa belle-famille, se laisse porter par la vie, ne vibrant que pour la politique dans laquelle il est, sans surprise, du camp des conservateurs.
Viendront les années quatre-vingt, le temps de la retraite où devenu veuf Albin Fargeau sera pris par la peur du vide et de la déchéance. Se retirant dans le village de Maussade (!) il s'attache à faire revivre une ancienne maison de charité dont il devient, comme de son corps, le gardien des ruines.

Grand roman classique à la française que pourrait avoir écrit Balzac, le gardien des ruines permet à François Nourissier de s'acharner sur l'esprit bourgeois sa victime préférée. Il le fait dans une langue magnifique, incisive et mordante qui crucifie en quelques mots : « Les de Juzy (..) soutenus qu'ils sont, comme par une bouée, par l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes ». L'époque en prend aussi pour son grade, comme tous les ancêtres, Fargeau/Nourissier n'aime pas son époque et ne se gène pas pour le dire.

Mais le plus percutant du roman est la vision de la vieillesse livrée par l'auteur, il est sans pitié pour les défaillances du corps et de l'esprit. Il ne laisse passer aucun des renoncements qu'impose l'âge. le malheureux Albin, qui plus est médecin, examine en scientifique sa course à l'abime, il ne s'épargne rien pas plus qu'il ne s'apitoie ou ne se leurre. Nourissier est le chantre du muscle affaibli, de la mémoire défaillante et du sexe mou. A vous dégouter de vieillir mais à vous donner envie de lire avec un peu de masochisme.
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Ce livre m'évoque beaucoup de choses à titre personnel, reste à savoir s'il résonnera ainsi pour tous les lecteurs. Quoi qu'il en soit à travers une construction assez classique et malgré quelques scènes dont la raison d'être n'est pas évidente, la langue de l'auteur est magnifique et donne à penser sur la condition humaine, sur ce qu'est une vie quand celui qui l' "anime" (et encore est-ce un bien grand mot) disparaît.

Encore un livre trouvé dans une boîte à livres, que je n'aurais jamais lu si je ne l'avais pas découvert par hasard (Nourissier évoquant seulement pour moi une page du Figaro magazine auquel mes grands-parents étaient abonnés): une excellente méthode pour s'ouvrir l'esprit !
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Roman agréable à lire, dans lequel on retrouve Nourrissier avec ses qualités et ses défauts. Passionnante évocation de l'évolution de la société française, et plus particulièrement de la bourgeoisie, des années 30 aux années 90, à travers une galerie de personnages, dont un médecin parisien, assez veule et velléitaire. Quelques défauts de constructions, des scènes pas toujours compréhensibles, dont on se demande ce qu'elles apportent au récit...Le tout reste bien écrit et divertissant. Je recommande, en particulier à ceux qui aiment déjà Nourrissier.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Dans une petite rue, derrière le musée de Cluny, devant la façade aveugle et muette d'un bordel de dernier ordre, on avait assis deux femmes sur des chaises, en haut de quelques marches, où le trottoir formait une espèce de surplomb. Elles restaient exposées là comme autrefois elles l'eussent été au pilori. Les mains de l'une étaient liées derrière son dos, l'autre les avait posées sur ses cuisses marbrées de bleus. A toutes deux on avait arraché leurs vêtements, dénudés les seins. Des types montaient la garde autour d'elles, repoussant les excités d'une crosse négligente ; d'autres avaient fini de tondre la plus grosse, à laquelle ils peignaient maintenant une croix gammée sur le crâne, d'où lui coulaient sur le visage des bavures noires.
- C'est aux fesses qu'il faudrait la lui peindre !
On voyait des touffes de toison rousse sur le trottoir. Ils tenaient levée la tête de l'autre en tirant ses cheveux et bonimentaient à gros mots sales. Les ciseaux, que manipulait une sorte de larve en culotte de golf, ne parvenaient pas à trancher la tignasse noire. On vit surgir une de ces cisailles qui servent à élaguer les haies, qu'on se passa sous les applaudissement. Un type tira plus fort sur les mèches qu'il avait saisies à pleine main et la femme fut légèrement soulevée de la chaise ; elle gémissait , de façon un peu ridicule, de sorte qu'on ne la prenait pas en pitié. En quelques claquements , les deux énormes lames firent de la malheureuse un épouvantail, dont, s'écartant, les deux hommes montrèrent aux spectateurs le visage livide, bosselé de coups, les yeux fous.
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De toute façon, Mme du Jusy n'était pas douée pour l'admiration. Les premières voix qui prêchaient la collaboration lui parurent communes ; les visages des messieurs de Vichy, revanchards et contraints, ne lui inspiraient pas confiance. Des blafards, des fesses-serrées, des tard-venus. Elle avait jubilé quand les murs de Paris s'étaient couverts de cette affiche jaune où Marcel Cachin, le moustachu communiste, avec sa tête de bon bourrelier de village, appelait les ouvriers français à fraterniser avec les soldats allemands. La preuve était faite et la trahison consommée.
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A quoi ça tient un homme? A presque rien : Quelques silences, quelques hontes ravalées, quelques comédies. Tout cela tient debout par miracle. Tu fous le pied dedans, le bonhomme s'effondre.
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Le suicide est au bout de toute réflexion un peu sérieuse sur la maladie
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En 38… En 40 …En 54…En 62 … nous sommes de terribles plaqueurs.
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Albert COHEN : entretien avec François NOURISSIER, Jean Didier WOLFROMM, Françoise XENAKIS, Robert SABATIER et le Révérend Père Lucien GUISSARD à propos de ses livres testaments : sa passionjuive, ses occupations entre la composition de deux livres ; ses goûts littéraires. Pense que les femmes sont inférieures dans le domaine de l'action littéraire (tient des propos désagréables sur...
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