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La Trilogie des jumeaux tome 1 sur 4
EAN : 9782020239264
192 pages
Seuil (15/03/1995)
  Existe en édition audio
4.06/5   1191 notes
Résumé :
Dans la Grande Ville qu’occupent les Armées étrangères, la disette menace. Une mère conduit donc ses enfants à la campagne, chez leur grand-mère. Analphabète, avare, méchante et même meurtrière, celle-ci mène la vie dure aux jumeaux. Loin de se laisser abattre, ceux-ci apprennent seuls les lois de la vie, de l’écriture et de la cruauté. Abandonnés à eux-mêmes, dénués du moindre sens moral, ils s’appliquent à dresser, chaque jour, dans un grand cahier, le bilan de le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (160) Voir plus Ajouter une critique
4,06

sur 1191 notes
Et le prix de la couverture la plus trompeuse est attribué à...roulement d'accordéon...non , pas The Artist , faut en laisser un peu pour les autres... mais le Grand Cahier ! Oh , si c'est pas mignon ça , deux ch'tis garnements faisant mumuse avec un p'tit baton dans l'eau ! Ça fleurait bon l'attendrissant récit sur l'enfance dans une nature à la Giono ! Sauf qu'en refermant le bouquin , l'on se dit : ce livre est vraiment au programme de Troisieme ? Sans déconner ? Ils sont peut-etre un peu jeunes les gamins pour gouter aux doux plaisirs de l'ondinisme , du masochisme , de la pédophilie et de la zoophilie...Enfin je dis ça...Certains parents furent si choqués qu'ils firent appel au Procureur de la République ( cf affaire d'Abbeville en 2000 ) . Ami bourgeois réactionnaire , bonsoir ! Pour le gentil conte enfantin , on oublie . Pour l'enfance perdue , laminée par la guerre , pervertie par l'homme , c'est par ici...

Claus et Lucas , jumeaux fusionnels , fuient avec leur mere la Grande Ville ravagée par la guerre . Destination : la Petite Ville et leur grand-mere supposée maricide qu'ils n'ont jamais vu ! La mere partie , le courant passe immédiatement ( comme un p'tit air d'Heidiiiii) . Ils répondent désormais au doux sobriquet de Fils de Chienne , pudeur des sentiments oblige , courant alternatif de mise...La faim , le froid , les insultes deviennent alors le tres enviable quotidien de ces deux oisillons tombés du nid . C'est dans un tel contexte saturé d'amour qu'ils vont se construire à leur façon , développer un systeme de valeurs qui leur est propre et s'échiner à retranscrire scrupuleusement dans un grand cahier ( d'ou le titre , c'est bien foutu quand meme ; ) ce que sera désormais leur quotidien et leur procédé d'appréhension . Galerie de personnages surréaliste . Véritable catalogue de déviances sexuelles...L'on saute ( et le terme est plutot bien choisi je trouve...) allegrement du curé à tendance pédophile a l'officier masochiste en passant par la servante urophile et la gamine zoophile . Quelqu'un a vu mon fouet ?
La palme en revenant à leur si délicieuse voisine . Jouons un peu avec Juuuulieeeen Lepeeeers : j'ai un Bec-de-Lievre , je peux jouer au flipper tout en regardant la balle et le compteur , j'ai de la morve au nez , des pustules sur les bras et les jambes , je suis , je suis...Bec-de-Lievre ! Oui ! Oui ! Aaah que j'aaaaime ce jeuuuu ! Bec-de-Lievre n'est pas avare de sa jeune personne et ce n'est ni le curé , ni le quidam de passage , ni le chien du coin qui diront le contraire . Il se dégage chez cette gamine une aussi furieuse que malsaine envie d'etre aimée...

Les chapitres sont courts et excedent rarement les 3 - 4 pages . Ils égrenent crument , vertement et sans complaisance aucune la nouvelle vie de cette seule et unique entité ( nous systématique ) que représentent ces deux etres déshumanisés , témoins privilégiés d'une sale guerre au contact d'énergumenes qui ne le sont pas moins . Un tel environnement ne pouvant qu'engendrer un tel chaos personnel .
La lecture est pour le moins surprenante . Les protagonistes pas vraiment attachants mais bizarrement , l'on se surprend à vouloir en savoir toujours plus , avide de récits que n'auraient pas renier ce bon Marquis de Sade . le propos peut choquer , nos deux héros étant encore à un age empreint d'innocence et de naiveté . Et donc pas vraiment aguerris au chantage , à la délation , à la cruauté et la perversité...Deux gamins monstrueux , froids comme l'hiver que la guerre et les hommes amoraux façonneront à leur image . L'abject enfante l'abject . L'auteure sort l'artillerie lourde . Quoi de plus normal en période de conflit...
L'écriture est minimaliste et traite parfois humoristiquement ( tendance noire ) , souvent sechement et cyniquement de la désastreuse auto-éducation de marmots livrés à eux-memes dans un contexte aussi totalitaire qu'éradicateur...
Tu es le maillon faible ? Tu ne sors pas , tu creves...

Le Grand Cahier , premier d'une trilogie , et son étonnant final font que j'y reviendrais ! Ouaip ! Petit calepin grands carreaux à spirale , j'arrive !!
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"Le grand cahier" est le premier tome de "la Trilogie des jumeaux". Je conseille à ceux et celles qui veulent se lancer dans cette lecture de n'acheter, au départ, que le premier tome afin de se faire une idée. Pourquoi dis-je ça, moi qui aime toujours avoir les séries complètes sans même les avoir lues ? Tout simplement parce que ce livre est dur, violent, et ne laisse pas le lecteur indifférent. Impossible de ne pas réagir face à cette avalanche de cruautés, de monstruosités en tout genre. Nous sommes à des milliards d'années-lumière de la Comtesse de Ségur et des bêtises de tous ses personnages.On lui avait reproché un certain sadisme d'ailleurs. Mais ce n'est rien à côté de ce que vous allez lire ici. Quant à ceux qui ne supportent pas le style de Jean Teulé, le considérant comme trop cru dans ses propos, inutile d'ouvrir ce roman. Car Teulé à côté, c'est gentillet !

Alors vous allez me dire que ce n'est pas la première fois que vous lirez quelque chose de choquant. Certes. Mais là, ce qui fascine et révulse à la fois, c'est que toute cette violence touche des enfants et lorsqu'on en arrive aux pires instincts, sexuels ou mortifères, on ne peut pas rester de marbre.

Je crois qu'il faut voir là à quel point l'être humain, qu'il soit adulte ou enfant, peut devenir le plus abject possible dans certaines situations. Ici, le décor est la guerre. Mais il ne sert que de prétexte pour mettre en relief les différents tableaux de la déshumanisation.

La narration sert le récit : elle se veut objective, faite par les enfants. C'est également ce qui marque ici.

Personnellement, j'ai apprécié la force de ce roman et je vais acheter les deux autres tomes car bien loin de m'arrêter à quelques scènes terribles, je veux savoir jusqu'où pourront aller ces deux enfants devenus des monstres. Ce livre invite le lecteur à réfléchir et je crois que par les temps qui courent, ce n'est peut-être pas plus mal.

Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Tellement "éberluée" par ce texte, à nul autre comparable... et en constatant de plus, avec plaisir l'abondance déjà des" chroniques" sur ce roman, mes hésitations à rédiger "mon" ressenti sont des plus vives…
Après la "critique" de LydiaB, en laquelle je reconnais une très grande partie de mes propres appréciations , je vais tenter d'exprimer au plus près mes impressions. Et la tâche ne me paraît pas aisée !

j'imagine que la force et la violence des émotions que provoque ce roman, en dehors de la gravité du sujet : des « enfants dans la guerre »…tiennent énormément au style et à la découpe du texte. Une forme des plus lapidaires ou plus exactement « faussement » laconique. Des phrases brèves, cinglantes , des chapitres courts et bien distincts…

klaus et Lucas [En réalité, dans le roman, ils sont le plus souvent nommés comme « les jumeaux », comme une entité unique, inséparable, ce qu'ils sont d'ailleurs , dans la réalité de leur quotidien…]sont envoyés à la campagne par leur mère chez leur grand-mère, car c'est la guerre en ville, et il n'y a plus grand-chose à manger.

Pour les mettre à l'abri, les jumeaux se retrouvent pour la toute première fois, séparés de leur mère, et face à une grand-mère qui a plutôt tous les attributs de la « méchante sorcière » des contes : laideur physique et morale, saleté, agressivité, cupidité… celle-ci les mène à la dure, et c'est peu dire ; elle ne veut pas entendre parler de l'école, les fait « trimer » pour gagner une maigre pitance…les bat, les malmène verbalement…Toute la panoplie de " l'enfance malmenée" et plus ...

Heureusement, Les jumeaux, d'une intelligence supérieure à la moyenne, observateurs, vont faire front… dans cette guerre qu'ils ne comprennent pas, en faisant des « exercices » pour s'endurcir. Par exemple, ils se battent réciproquement pour supporter les coups de la grand-mère…idem pour les insultes, appelé « exercice d'endurcissement de l'esprit », etc.
Klaus et Lucas , en réalité, trouvent des astuces, des solutions ingénieuses pour supporter « l'insupportable », l' « Intolérable »…

Face à eux, peu d'adultes dignes ou courageux… Ils apprennent seuls , questionnent… sans succès. On leur renvoie leur jeune âge pour ne pas répondre aux questions embarrassantes, par contre, dans leur quotidien, ils doivent faire face aux pires exactions…et à des responsabilités d'adultes : « leur propre survie » psychologique dans un contexte des plus sombres.

« Nous disons :
-Nous n'avons plus faim
Nous allons dans la chambre. le curé se retourne :
-Voulez-vous prier avec moi, mes enfants ?
-Nous ne prions jamais, vous le savez bien. Nous voulons comprendre.
-vous ne pouvez pas comprendre. Vous êtes trop jeunes.
-Vous, vous n'êtes pas trop jeune. C'est pour cela que nous vous demandons » (p. 105)
…et ils se heurtent au silence, et à la médiocrité des adultes. Il y a des scènes difficilement soutenables, mais qui rentrent dans ce climat de "barbarie banalisée", généralisée.

Le premier volet de cette trilogie m'a suffisamment interpellée pour poursuivre les deux autres romans, afin d'affiner et de préciser mon appréciation globale, de cette oeuvre, des plus singulières.

Klaus et Lucas font malgré eux, une étrange éducation, avec leurs propres moyens ; même si ils s'endurcissent pour « faire face »… ils éprouvent aussi des élans, de la compassion, parfois ; par exemple, pour leur petite voisine , « bec-de-lièvre », complètement démunie, qu'ils aident comme ils peuvent. Ce qui les rend forts, c'est leur « gémellité », « être deux » face aux horreurs de la guerre, et aux cruautés quotidiennes des adultes… Ensuite, ils font , dans un isolement affectif redoutable, leurs apprentissages de la Vie, et des Hommes…avec les « moyens du bord »…
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Formidable premier volet de – La trilogie des jumeaux – que – le grand cahier – d'Agota Kistof !
Ce livre magistral sorti en 1986, outre le fait d'être un chef-d'oeuvre littéraire traduit en 33 langues, transposé au cinéma, joué au théâtre à travers le monde...et récompensé dès 1987 par le Prix littéraire européen d'ADELF, a eu un impact majeur et inattendu - dont vous avez peut-être entendu parler – dans l'actualité de notre pays à la fin de l'année 2000.
Le 28 novembre de cette année-là, Libération titrait : "Prurit puritain à Abbeville autour du – Grand cahier -... un prof poursuivi par des parents à cause d'un livre."
De quoi s'agissait-il ?
Alors que le roman est apparu depuis sa publication au programme de plusieurs lycées et collèges, encouragé en cela par le CNDP ( Centre national de documentation pédagogique ) pour lequel l'oeuvre est un classique, un jeune professeur de français du collège Millevoye d'Abbeville ( ville près d'Amiens )âgé de vingt-six ans, enthousiasmé par le roman d'Agota Kristof, le fait acheter par les parents de ses élèves de 3ème dans l'intention fort pédagogique de montrer à ces jeunes gens "comment la littérature peut dire la guerre".
Tollé, "la bourgeoisie réactionnaire" ( pour reprendre encore des propos de Libé et du Monde ) se rebiffe, porte plainte contre l'enseignant pour "apologie de la pornographie".
Selon le magistrat en charge de la procédure, le contenu en question porte sur trois scènes litigieuses : une scène de zoophilie et deux scènes de fellations...
Le 23 novembe, le professeur escorté par trois policiers est placé trois heures en garde à vue, son logement est perquisitionné.
Commence alors une affaire de portée nationale dans laquelle vont s'affronter les syndicats enseignants, la LDH ( Ligue des Droits de l'Homme ), le FN ( Front National ), la Justice, la police et même l'ex-ministre de l'Éducation nationale...Jack Lang.
Car certains voient dans cette affaire la main dissimulée de l'extrême droite.
L'enseignant est innocenté mais on réclame pour lui une autre affectation...
Ce rappel des faits qui m'a fait penser aux remous causés aux USA par – La Vague – de Tod Strasser ou plus près de nous - avec le terrible dénouement que l'on sait - les "caricatures" proposées comme thème de réflexion par Samuel Paty... pour dire à quel point "le problème avec la morale, c'est que c'est toujours la morale des "autres"...

Et dans ce roman il est justement question de morale ou comment l'amoralité est nécessairement source d'immoralité...
Dans un pays qui n'est pas nommé ( je l'ai situé en Hongrie ), à une période qui n'est pas datée – mais l'on déduit très vite que nous sommes vers le milieu de la Seconde Guerre mondiale -, une jeune mère fuyant les bombardements de la ville préfère se séparer temporairement de ses deux fils jumeaux d'à peine dix ans, et les confier à sa mère qui vit dans un village à la campagne.
Les deux femmes ne s'aiment pas ; elles ne se sont pas vues depuis dix ans.
La mère promet qu'elle écrira régulièrement et enverra de l'argent.
Sa mère recueille "contrainte et forcée" ses deux petits-fils qu'elle ne connaît pas.
La grand-mère surnommée "la Sorcière" depuis qu'elle est soupçonnée d'avoir empoisonné son mari, est laide, méchante, avare, sale, analphabète, vulgaire et totalement dépourvue d'empathie.
Au lieu de les appeler par leurs prénoms, Claus et Lucas, elle ne va cesser de leur donner du "fils de chienne".
Les jumeaux livrés à eux-mêmes vont devoir s'appuyer l'un sur l'autre pour se défendre et survivre dans un univers qui leur est hostile.
Pour cela, il vont s'efforcer de se construire leur propre système de valeurs fondé sur une absence de morale tout à fait involontaire.
Confrontés à la déscolarisation, à la misère, à la faim, au froid, à la violence, à l'hypocrisie, au mensonge, à la délation, à la lâcheté, à l'antisémitisme,à la perversité et à l'absence de tabous transgressés par la guerre, ils vont apporter à l'âpreté de cette vie dans laquelle ils ont été jetés sans qu'on leur demande leur avis, une réponse sous deux formes.
Un grand cahier et des exercices d'endurcissement censés leur apprendre à supporter la souffrance.
La souffrance physique ? Ils vont se donner des coups jusqu'à ne plus rien sentir.
Les insultes, l'humiliation ? Ils vont se traîter l'un l'autre avec les pires mots jusqu'à devenir indifférents à ces mots avilissants.
La faim ? Ils y répondent par la pratique régulière du jeûne.
La cruauté ? Ils commencent par égorger un poulet...et ce n'est qu'un début...
Ainsi en va-t-il de même pour le vol, le chantage, la mendicité, la cécité, la surdité, le silence etc...
Le "grand cahier" est le complément "théorique" de leurs exercices pratiques.
" Pour décider si c'est "Bien" ou "Pas bien", nous avons une règle très simple : la composition doit être vraie, Nous devons décrire ce qui est, ce que nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous faisons.
Par exemple, il est interdit d'écrire : "Grand-Mère ressemble à une sorcière" ; mais il est permis d'écrire : "Les gens appellent Grand-Mère la Sorcière."
Il est interdit d'écrire : "La Petite Ville est belle", car la Petite Ville peut être belle pour nous et laide pour quelqu'un d'autre.
Nous écrivons : "Nous mangeons beaucoup de noix", et non pas : "Nous aimons les noix", car le mot "aimer" n'est pas un mot sûr, il manque de précision et d'objectivité."aimer les noix" et "aimer notre Mère", cela ne peut pas vouloir dire la même chose. La première formule désigne un goût agréable dans la bouche, et la deuxième un sentiment.
Les mots qui définissent les sentiments sont très vagues ; il vaut mieux éviter leur emploi et s'en tenir à la description des objets, des êtres humains et de soi-même, c'est-à-dire à la description fidèle des faits."
Pour compléter leur apprentissage, ils ont un dictionnaire et la Bible. Bible qu'ils apprennent par coeur, non pas que la foi leur a été révélée... ils ne croient que ce qu'ils voient... le dictionnaire vient de leur père, la Bible, ils l'ont trouvée chez leur grand-mère.
"La Sorcière" héberge un officier et son ordonnance. Quelquefois l'officier reçoit son "ami".
À côté de la maison de leur grand-mère vivent une mère aveugle et sa fille affectée d'un bec-de-lièvre et qu'on appelle Bec-de-Lièvre.
Bec-de-lièvre est une gamine privée d'amour. Elle dit : "il n'y a que les animaux qui m'aiment"...
Elle et sa mère sont miséreuses. Pour survivre, la jeune fille emprunte contre caresses de l'argent au curé ou vend sa bouche à ceux qui ne sont pas trop regardants.
Chez le curé, il y a une servante très "serviable".
Alors entre un officier homosexuel masochiste et fétichiste, une gamine que n'aiment que les animaux et une servante prête à servir deux angelots mineurs, les jumeaux vont découvrir la zoophilie, le masochisme, l'ondinisme, la pédophilie.
Se focaliser sur ces moments-là du roman est à mon sens une grave erreur de lecture.
C'est la guerre, et dans la guerre il n'y a plus de tabous.
Comment des parents ont-ils pu s'offusquer et parler d'apologie de la pornographie quand dans ce roman on torture, on déporte, on assassine, que les charniers s'amoncellent et qu'un régime que l'on suppose être celui des nazis va être remplacé par son frère jumeau que l'on se représente comme étant stalinien ?

Comme je l'ai dit pour commencer, ce roman est un très grand roman.
C'est le roman du NOUS contre le monde entier.
C'est un roman sur l'enfance dans la guerre... sur ce que la guerre peut faire des enfants de la guerre.
Les sortir de l'enfance pour en faire...
Glaçant par les faits évoqués, glaçant par le choix d'une écriture glacée, - le grand cahier – est ue histoire bouleversante en cela qu'elle montre comment deux jeunes enfants beaux, sains, intelligents, jetés dans la tourmente de la guerre peuvent à leur corps et à leur âme défendant devenir l'image de la guerre.
C'est bouleversant, dérangeant, intrigant, questionnant, envoûtant...
C'est un livre terrible et magnifique !
PS: j'ai commandé les deux derniers volets de - La trilogie des jumeaux -...

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Dans un pays en guerre, une femme décide de confier ses deux jeunes garçons, des jumeaux, à leur grand-mère qui vit à la campagne et qu'ils n'ont encore jamais vue. La vieille femme, surnommée par les villageois « la Sorcière » voit d'un mauvais oeil l'arrivée de ces deux nouvelles bouches à nourrir et ne se prive pas pour leur mener la vie dure. Brimades, punitions corporelles, injures, tout est bon pour leur apprendre l'âpreté de la vie. Très vite, les jumeaux, dotés d'une intelligence exceptionnelle, comprennent qu'ils vont devoir travailler pour remplir leur assiette et s'endurcir pour s'adapter à la violence du monde.


Dans un grand cahier, ils consignent leurs journées avec leurs rencontres, leurs observations et leur apprentissage personnel. Ils s'imposent à chacun des exercices extrêmement durs pour renforcer leur résistance à la douleur, au froid et à la faim. Les notions d'amour et de tendresse, jugées parfaitement subjectives et inutiles, sont très vite oubliées au profit du pragmatisme. Pour survivre à la violence quotidienne, les jumeaux vont devoir se créer leurs propres codes. La débrouille et la nécessité l'emportent alors sur la morale…


Quel choc ! Je ne m'attendais vraiment pas à lire un récit sur l'enfance aussi dur et violent ! D'ailleurs, c'est la description de cette enfance qui n'en est pas une qui perturbe autant. le récit, qui prend la forme d'un cahier, est toujours raconté à la première personne du pluriel. Les enfants, bien qu'étant deux, ne forment qu'une seule et même entité et s'expriment exclusivement par ce « nous » omniprésent. On ne connaît ni leur âge, ni leur nom (à moins de lire la quatrième de couverture…), mais on les devine très jeunes (peut-être 8 ou 9 ans) et très en avance sur leur âge. Enfants de la débrouille, ils jugent ce qui les entoure avec un regard particulièrement acéré, qui peut faire froid dans le dos. Leurs actes sont principalement poussés par la nécessité, mais une certaine cruauté demeure, liée à cette absence de morale et au désir de ne plus souffrir et donc de se couper de leurs émotions.


L'horreur est racontée avec beaucoup de froideur, de distance et d'objectivité, comme on décrirait un évènement anodin, ce qui tend à la rendre encore plus sordide. Scènes de zoophilie, de pédophilie, de masochisme et de tortures composent ce grand cahier. le dégoût et la révolte se mêlent à une fascination morbide et un désir de savoir comment les deux enfants vont grandir dans cet univers violent et malsain. Les chapitres sont très courts et se dévorent avec une avidité mêlée de malaise. L'écriture d'Agota Kristof est hypnotique, incisive, fascinante, addictive. On y prend goût, à tel point qu'une fois le premier tome de cette trilogie refermé, on a qu'une envie : se procurer la suite ! Un roman bouleversant, perturbant qui nous livre l'histoire d'une enfance brisée et d'une innocence perdue.
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Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
Pour décider si c'est «Bien» ou «Pas bien», nous avons une règle très simple: la composition doit être vraie. Nous devons décrire ce qui est, ce que nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous faisons.
Par exemple, il est interdit d'écrire: «Grand-Mère ressemble à une sorcière»; mais il est permis d'écrire: «Les gens appellent Grand-Mère la Sorcière.»
Il est interdit d'écrire: «La Petite Ville est belle», car la Petite Ville peut être belle pour nous et laide pour quelqu'un d'autre.
De même, si nous écrivons: «L'ordonnance est gentil», cela n'est pas une vérité, parce que l'ordonnance est peut-être capable de méchancetés que nous ignorons. Nous écrirons simplement «L'ordonnance nous donne des couvertures».
Nous écrivons: «Nous mangeons beaucoup de noix», et non pas: «Nous aimons les noix», car le mot «aimer» n'est pas un mot sûr, il manque de précision et d'objectivité. «Aimer les noix» et «aimer notre Mère», cela ne peut pas vouloir dire la même chose. La première formule désigne un goût agréable dans la bouche, et la deuxième un sentiment.
Les mots qui définissent les sentiments sont très vagues; il vaut mieux éviter leur emploi et s'en tenir à la description des objets, des êtres humains et de soi-même, c'est-à-dire la description fidèle des faits.
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Voici comment se passe une leçon de composition :
Nous sommes assis à la table de la cuisine avec nos feuilles quadrillées, nos crayons, et le grand cahier. Nous sommes seuls.
L’un de nous dit:
- Le titre de ta composition est : "L’arrivée chez Grand-mère"
L’autre dit :
- Le titre de ta composition est "Nos travaux".
Nous nous mettons à écrire. Nous avons deux heures pour traiter le sujet et deux feuilles de papier à notre disposition.
Au bout de deux heures, nous échangeons nos feuilles, chacun de nous corrige les fautes d’orthographes de l’autre à l’aide du dictionnaire et, en bas de page, écrit : "Bien" ou "Pas bien". Si c’est "Pas bien", nous jetons la composition dans le feu et nous essayons de traiter le même sujet à la leçon suivante. Si c’est "Bien", nous pouvons recopier la composition dans le Grand Cahier.
Pour décider si c’est "Bien" ou "Pas bien", nous avons une règle très simple : la composition doit être vraie. Nous devons décrire ce qui est, ce que nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous faisons..
Par exemple, il est interdit d’écrire : "Grand-mère ressemble à une sorcière"; mais il est permis d’écrire "Les gens appellent Grand-mère la Sorcière".
Il est interdit d’écrire : "La Petite Ville est belle", car la Petite Ville peut être belle pour nous et laide pour quelqu’un d’autre.
De même, si nous écrivons : "L’ordonnance est gentil", cela n’est pas une vérité, parce que l’ordonnance est peut-être capable de méchancetés que nous ignorons. Nous écrirons donc simplement "L’ordonnance nous donne des couvertures".
Nous écrirons : "Nous mangeons beaucoup de noix"; et non pas "Nous aimons les noix", car le mot "aimer" n’est pas un mot sûr, il manque de précision et d’objectivité. "Aimer les noix" et "aimer notre mère", cela ne peut pas vouloir dire la même chose. La première formule désigne un goût agréable dans la bouche, et la deuxième un sentiment.
Les mots qui définissent les sentiments sont très vagues, il vaut mieux éviter leur emploi et s’en tenir à la description des objets, des êtres humains et de soi-même, c’est à dire la description fidèle des faits. (p 33-34)
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Nous demandons :
- Vous désirez vraiment mourir ?
- Qu'est-ce que je pourrais désirer d'autre ? Si vous voulez faire quelque chose pour moi, mettez donc le feu à la maison. Je ne veux pas qu'on nous trouve comme ça.
Nous disons :
- Mais vous allez atrocement souffrir.
- Ne vous occupez pas de ça. Mettez le feu, c'est tout, si vous en êtes capables.
- Oui, madame, nous en sommes capables. Vous pouvez compter sur nous.
Nous lui tranchons la gorge d'un coup de rasoir, puis nous allons pomper l'essence d'un véhicule de l'armée. Nous arrosons d'essence les deux corps et les murs de la masure.. Nous y mettons le feu et nous rentrons.
Le matin, Grand-Mère nous dit :
- La maison de la voisine a brûlé. Elles y sont restées, sa fille et elle. La fille a dû oublier quelque chose sur le feu, folle qu'elle est.
Nous y retournons pour prendre les poules et les lapins, mais d'autres voisins les ont déjà pris pendant la nuit. (P145)
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Exercice d'endurcissement de l'esprit.

Grand-mère nous dit :
- Fils de chienne !
Les gens nous disent :
- Fils de Sorcière ! Fils de pute !
D'autres disent :
- Imbéciles ! Voyous ! Morveux ! Ânes ! Gorets ! Pourceaux ! Canailles ! Charognes ! Petits merdeux ! Gibier de potence ! Graines d'assassin !
Quand nous entendons ces mots, notre visage devient rouge, nos oreilles bourdonnent, nos yeux piquent, nos genoux tremblent.
Nous ne voulons plus rougir ni trembler, nous voulons nous habituer aux injures, aux mots qui blessent.
Nous nous installons à la table de la cuisine l'un en face de l'autre et, en nous regardant dans les yeux, nous disons des mots de plus en plus atroces.
L'un :
- Fumier ! Trou du cul !
L'autre :
- Enculé ! Salopard !
Nous continuons ainsi jusqu'à ce que les mots n'entrent plus dans notre cerveau, n'entrent même plus dans nos oreilles.
Nous nous exerçons de cette façon une demi-heure environ par jour, puis nous allons nous promener dans les rues.
Nous nous arrangeons pour que les gens nous insultent, et nous constatons qu'enfin nous réussissons à rester indifférents.
Mais il y a les mots anciens.
Notre Mère nous disait :
-Mes chéris ! Mes amours ! Mon bonheur ! Mes petits bébés adorés !
Quand nous nous rappelons ces mots, nos yeux se remplissent de larmes.
Ces mots, nous devons les oublier, parce que, à présent, personne ne nous dit des mots semblables et parce que le souvenir que nous en avons est une charge trop lourde à porter.
Alors, nous recommençons notre exercice d'une autre façon.
Nous disons :
- Mes chéris ! Mes amours ! Je vous aime... Je ne vous quitterai jamais... Je n'aimerai que vous... Toujours... Vous êtes toute ma vie...
À force d'être répétés, les mots perdent peu à peu leur signification et la douleur qu'ils portent en eux s'atténue.
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Mais il y a les mots anciens.
Notre Mère nous disait :
-Mes chéris ! Mes amours ! Mon bonheur ! Mes petits bébés adorés !
Quand nous nous rappelons ces mots, nos yeux se remplissent de larmes.
Ces mots, nous devons les oublier, parce que, à présent, personne ne nous dit des mots semblables et parce que le souvenir que nous en avons est une charge trop lourde à porter. (p.27)
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Quelle romancière hongroise et suisse mais qui écrivait en français est l'auteure d'un roman magistral qui montre que les enfants en péril deviennent bien souvent pervers ?
« le grand cahier » d'Agota Kristof, c'est à lire en poche chez Points.
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