Seuls de piteux novices, animés par un sens de la justice qui leur fait certes honneur, s’acharnent à défendre leur point de vue lors d’une discussion conjugale, s’exposant ainsi à de cinglantes reparties parfaitement absurdes et hors de propos, assénées avec un aplomb qui ferait vaciller les plus braves.
Car si l’homme est un être de justice, la femme est un être de conviction. Et en premier lieu, elle a la conviction d’avoir toujours raison. Voilà pourquoi, lorsqu’il est confronté à l’une de ces éprouvantes manifestations de mauvaise foi féminine, le Mari Idéal, soucieux de la paix du ménage, se retire comme un prince.
L’homme a des goûts simples. Il court avec des halètements joyeux après les plaisirs sans prétention de l’existence, de-ci, de-là, heureux de s’ébrouer comme une locomotive dans l’air frais du matin, la truffe alerte et l’œil de velours. L’homme est canin. Alors que la femme est canon. Dans le meilleur des cas. Mais en toutes circonstances, quels que soient son âge, son milieu social ou sa religion, elle garde une sage réserve sur les gens et les choses. Un sourire ambigu flotte en permanence sur ses lèvres pulpeuses et humides. Car la femme, c’est incontestable, a les lèvres humides. Et dès qu’elle les sent un peu sèches, elle s’empresse de les enduire d’une épaisse couche de Dermophil indien ou de gloss à paillettes.
La femme est un être de complexité et d’énigme. Merveilleuse dans sa forme, fascinante dans son fond (nous ne parlons pas de son fond de culotte, vieux, calme-toi !), elle réenchante jour après jour la vie masculine, lui apportant un rythme bienvenu avec des pics de stress, des déferlements d’adrénaline, des cris et de la vaisselle cassée. C’est haletant. Parfois épuisant. Certains hommes – les vrais – s’en réjouissent, persuadés qu’ils prendront autant de plaisir à vivre auprès de Madame qu’à dompter un mustang sauvage dans la pampa anatolienne.
On dit que la femme accorde moins d’importance au physique que nous autres les hommes, si formidablement esthètes et épris de beauté, toujours en quête de la courbe affolante, du modelé pneumatique, du petit déhanché suggestif… C’est vrai. Avec son grand cœur généreux, la femme est prête à accepter un mari approximatif équipé d’une bedaine, d’épaules étriquées et d’un regard ahuri.
La femme est incroyablement difficile. Elle-même issue d’une mise au point laborieuse, née comme on le sait d’une côte d’Adam – ce qui vaut tout de même mieux que d’une côte de porc, ha, ha ! –, elle garde en elle, depuis les temps glaciaires, quelque chose d’insatisfait qui la rend bougonne plus souvent qu’à son tour. Alors qu’elle a pour compagnon ce que la grande chaîne du vivant a produit de plus admirable, Madame chipote, récrimine et veut toujours plus !
Michel-Ange .Jean-Louis Festjens et Pierre Antilogus présentent une toile de Gervais, extraite du livre "Chefs d'oeuvres et vieilles croutes" aux éditions Fetjaine.