Ne pas trop se fier à ce titre « Panoptique » qui ne manquera pas d'attirer l'oeil des lecteurs de Foucault. Ce recueil d'essais n'est pas une glose supplémentaire de « Surveiller et punir », pas plus qu'une interprétation de l'oeuvre de Jeremy Bentham. Il faudrait plutôt prendre le mot au sens du mot « encyclopédique » pour ce que ces deux termes renvoient étymologiquement à la notion de totalité ; tout voir pour le premier, le champ du savoir universel projeté sur un cercle pour le second.
« Panoptique » contient une idée supplémentaire que la notion d'encyclopédisme ne contient pas : il engage le sujet. Faisant référence à la vision, à l'oeil, il implique un sujet voyant tandis que l'encyclopédie se contente de postuler l'existence d'un savoir absolu, indépendant du sujet. le propos n'est pas d'en nier l'existence mais de réhabiliter la faculté critique du sujet. C'est l'esprit général qui préside à ces essais qui touchent à des sujets très divers. C'est certainement aussi l'esprit qui a présidé à toute la vie intellectuelle d'Hans Magnus Enzenberger ; ne pas « se confier au marché plus qu'à ses propres yeux» ; la dimension panoptique du marché - qui ne devrait échapper à personne - ne doit en aucun cas nous faire renoncer à assigner une ambition panoptique pour notre propre conscience.
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C'est d'ailleurs un trait caractéristique des scandales et des révélations : plus on les dévoile et moins sérieuses en sont les conséquences. (...) On le constate pour des choses aussi courantes que les ententes de cartels, les financements biaisés de partis, les scandales aux subventions, le blanchiment d'argent, la corruption et le trafic d'armes. Chaque mention de ce genre d'activités est reçue sans ciller puis oubliée de la même façon.
Les scènes de torture dans l'enceinte d'Abou Ghraib, visibles en permanence sur YouTube, ont seulement conduit à ce que les soldats directement impliqués soient condamnés à des peines de prison -six mois ferme pour la photographe par exemple- sans que l'on inquiète les huiles du Pentagone.
On peut craindre que bon nombre de personnes, en fait, détestent le travail qui les requiert, jour après jour, durant des décennies. Nul ne sait le nombre de ceux qui n'aiment pas leur emploi. Aucune statistique ne prend en compte ni n'exprime ce que ressentent les salariés. (...) Seule chose certaine : beaucoup de boulots - il y aurait quelque exagération à parler de profession -, peut-être même la plupart des boulots sont mortellement ennuyeux, répétitifs, dépourvus de perspectives.
Pour que l'institution des services secrets se perpétue, il va sans dire qu'elle a besoin d'invoquer les dangers et autres complots ourdis à l'extérieur, chez les ennemis. Chaque attentat réussi par l'adversaire prouve que l'on ne saurait se passer des services secrets. Si aucun danger ne menace, on peut au besoin y remédier en engageant un agent provocateur.
A la suite d'Andy Warhol, on pourrait (..) tirer la conclusion froidement lapidaire: art is what you can get away, l'art est tout ce que l'on peut faire passer pour tel. Mais aujourd'hui comme alors, il faut ne pas se laisser abuser et ne pas oublier cette autre maxime: la vraie faute, c'est de se confier au marché plus qu'à ses propres yeux.
Hammerstein ou l'intransigeance
Marque-page 26-02-2010