« le Pleure-Misère » (94, Ombres, 148 p).
Roman en irlandais (à l'origine « An Béal Bocht ») légèrement parodique des chroniques villageoises à la mode. Court texte que l'on peut lire soit dans la petite bibliothèque d'Ombres, mais qu'il est beaucoup plus agréable de lire dans l'édition illustrée (dessins de
Ralph Steadman) dans l'édition reliée du Tout sur le Tout (91). (Pour mémoire, on doit à
Ralph Steadman des éditions illustrées de Léonard de Vinci entre autres ou de la vie aux USA assez étonnantes. A noter aussi que sa signature, prénom et nom, commence en minuscules italiques, bascule en majuscules et se termine en minuscules gribouillées –
Ralph STEADman).
Une description minutieuse de la campagne irlandaise, pauvre (mais on est bien après la période de la Grande Famine (1846-51) en Irlande). Et pourtant ce petit roman commence bien. « O'Coonassa est mon nom gaélique,
Bonaparte mon prénom, et mon pays natal, c'est l'Irlande. » et voilà planté le cadre des mémoires du susdit (ou celles de son grand-père). « Bónapárt Ó Cúnasa », Irlandais, comme son nom insulaire l'indique, tout comme son prénom. Son père, absent d'Irlande, se dénomme Michelangelo. Comme quoi, ce n'est pas parce que l'Irlande est pauvre qu'elle ne doit pas donner à ses enfants des prénoms de riches. Et puis tout se gâte : « L'horreur et le malheur vont venir cette nuit, la chose maudite et le Chat de Mer vont rôder dans les ténèbres » : (c'est cette nuit que
Bonaparte naquit). La vie,
Bonaparte va la partager avec le Vieux Bonhomme Gris, son grand-père, père de Michelangelo, et Ambroise, porcelet fils de Sarah. Cela ne durera qu'un chapitre et Ambroise finira euthanasié par sa propre puanteur. Les enfants de Sarah vont bientôt être habillés d'une culotte de laine grise afin d'être inclus dans le recensement d'un inspecteur (anglais cela va de soi) et de pouvoir bénéficier des aides sociales.
« Arriva un mois nouveau qui s'appelait mars ; il resta chez nous quatre semaines, puis s'en alla. » puis la période de l'initiation pendant laquelle il va trouver des choses étranges (une source de pur whiskey et un sac de pièces d'or) lors de son voyage au Pic de la Faim (ce qui lui vaudra de retrouver son père au cruchon.
On est bien loin des récits plus ou moins compatissants de la pauvreté des campagnes irlandaises. A vrai dire on est plus près d'une satire. Il faut rappeler que l'ouvrage est initialement édité en gaélique (« An Béal Bocht » (41, The Dolmen Press, ) puis traduit en anglais « The Poor Mooth » 32 ans plus tard (73, MacGibbon Ltd) seulement. Beau succès dans les milieux gaélisants, alors que le roman « At
Swim-Two-Birds » paru en 39 a été un succès d'estime uniquement. Satire donc, car parodie d'une autobiographie de Tomás Ó Criomhthain (ou O'Crohan) intitulée « An t-Oileánach » soit en anglais « The Islander ». Ce « pauvre pêcheur-paysan », habitant des iles Blasket, au large de la péninsule de Dingle sur la côte ouest irlandaise « dernière paroisse avant l'Amérique », a par la suite été traduit en français « L'Homme des îles » (03, Petite Bibliothèque Payot, 353 p), et même traduit par
Heinrich Böll, c'est un classique du genre.