Franz-Olivier Giesber présente les années Mitterrand à travers le caractère du personnage mais aussi de son entourage politique. C'est un livre qui décrit et analyse l'homme, son fonctionnement, ses stratégies, ses passions, mais surtout le monde dans lequel tout cela se construit.
La lecture de ce livre est savoureuse, quoi qu'on puisse penser de l'homme, force est de reconnaître que le personnage est vraiment hors du commun. On approuve ou pas, là n'est vraiment pas la question, mais le destin et la dimension du personnage sont quand même hors de l'ordinaire.
Le nombre d'anecdotes donne une lecture du monde politique qui passionne et fait un peu peur. Et qui montre que le pouvoir n'est pas à la portée de n'importe qui.
Lecture très intéressante. Ce livre veut décrire un homme, et je crois qu'il décrit les systèmes qui nous gouvernent, et qui nous dépassent. (Ou dont nous sommes exclus, de toutes façons)
Je n'ai pas modifié mes façons de penser, mais cette lecture m'a quand même beaucoup éclairé.
On en a toujours besoin
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- Zut, dit Georges Wolinski à René Andrieu, le rédacteur en chef de l'Humanité, mon dessin ne colle pas. Il est trop optimiste. Il faut que j'en fasse un autre.
Cet homme a des doigts d'or. Il sort ce qu'il veut. Sitôt dit, sitôt fait. En un tournemain, il fait un nouveau dessin où Giscard, royal flatte du doigt l'oreille de Mitterrand et de Fabre en leur disant : "Je suis content de vous, mes petits gaillards."
René Andrieu rigole. Comme la publication de Wolinski est un acte politique important, il demande évidemment son imprimatur à Roland Leroy, le directeur de l'Humanité, qui participe au sommet de la gauche et qui a profité de la suspension du soir - de 18h30 à 21h30 - pour venir surveiller le "bouclage" de son journal.
Leroy n'hésite pas une seule seconde : i faut passer ce dessin en première page.
On ne se méfie jamais assez des petits détails.
Cette décision es, c'est un aveu ; ce dessin une pièce à conviction.
A 11 heures du soir, le dessin de Wolinski illustrant la rupture tourne sur les rotatives de l'Humanité, alors même que les dirigeants de la gauche négocient, place du Colonel-Fabien, l'actualisation du Programme commun. L'union va se défaire, cette nuit-là, et personne ne le sait. Sauf le PC.
C'est tout un art. Depuis Talleyrand, peu d'hommes politiques français ont su jouer, avec une telle virtuosité, de l'esquive ou de la dérobade.
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Tout le personnage est bâti sur l’ambiguïté. C'est son secret de fabrication. Elle lui tient lieu de génie. Elle lui permet aussi de croire le matin à une vérité, et d'être convaincu le soir du contraire.
C'est ainsi que François Mitterrand est entré dans l'Histoire.
Puis le président ajoute : "Je ne vous autorise à détruire physiquement que deux personnes : Abou Nidal et Carlos."
- Vous poussez le bouchon trop loin, fait Marion. Abou Nidal est dans un camp fortifié en Irak et Carlos dans une forteresse en Tchécoslovaquie. Je déclare forfait.
Ne vous fiez pas à votre ombre, si loin qu'elle s"étende.
(Proverbe allemand - P 129)
C'est le fait du prince. Dans toute démocratie, il est aussi inconcevable qu'incongru de modifier la loi électorale pour désavantager un parti ou conserver quelques députés de plus. Apparemment rien ne s'y oppose en France.
Franz-Olivier Giesbert - Histoire intime de la Ve République. Vol. 3. Tragédie française