Je suis bien content d'avoir réussi à lire cette nouvelle qui vient agréablement compléter le roman Royaume de vent et de colères. C'est mon premier écrit lu avec une appli numérique. Champagne !
Jean-Laurent del Socorro se concentre ici sur la compagnie de mercenaires dite « du Chariot » et autrefois commandée par Axelle, l'une des narratrices du roman principal. Un an est passé et la compagnie accompagne les armées d'Henri IV dans la reconquête totale de son royaume. le nouveau commandant du Chariot, N'a-qu'un-oeil (j'adore les noms évocateurs des mercenaires), raconte le siège d'Amiens (1597) de son point de vue. La Grande Histoire est absolument respectée : on retrouve toutes les phases du siège contées dans la nouvelle, par exemple sur Wikipedia. L'auteur introduit une histoire annexe – l'arrivée de la chroniqueuse du roi, Fatima, d'origine espagnole et musulmane, joignant la compagnie pour sa protection et dont N'a-qu'un-oeil tombera amoureux – qui vient remplir les blancs de l'Histoire et même la réinterpréter.
Oh certains éléments m'ont un peu gêné. Je trouve par exemple que N'a-qu'un-oeil est beaucoup trop bien informé des complots qui se trament autour de la personne d'Henri IV (les manoeuvres du maréchal de Biron par exemple, qui commande le siège d'Amiens et trahira effectivement le roi quelques années plus tard) alors qu'il est trop loin dans la chaine de commandement pour avoir accès aux secrets des dieux. Il est aussi trop tendre pour un mercenaire dont la compagnie doit surtout vivre de combats et de pillages. Je ne le vois pas écrire « on ne tue pas des gens juste parce qu'ils ont la tête dans les étoiles et qu'ils dessinent ». Même Axelle paraissait moins empathique.
Mais la peinture des horreurs que les hommes de l'époque étaient capables de réaliser pour des questions de religion est impeccable. C'est un regard moderne, dégoûté, que porte Jean-Laurent de Socorro sur cela. Je suis persuadé qu'il pense aussi que les hommes d'aujourd'hui n'ont guère changé et sont aussi inventifs pour tuer qui ne partage pas leurs croyances ; les infos nous le montrent tous les jours.
La fantasy est encore plus légère que dans le roman. Elle passe à la vitesse d'une balle de mousquet. Qu'importe !
Même si on voit venir la conclusion, je trouve la réinterprétation de l'origine de l'édit de Nantes, telle que je l'ai comprise, ATTENTION ÉNORME SPOIL pour moi c'est la mort horrible de Fatima qui va décider Henri IV à publier l'édit tout simplement parfaite. Dune élégance somptueuse. Malheureusement l'Histoire nous apprend que le pouvoir d'éternité de la couleur verte n'est pas si puissant, puisqu'en 1685 cet édit sera révoqué par Louis XIV.
Je remercie Nadou38 qui m'a appris comment je pouvais lire cette nouvelle. C'est vrai que les e-livres ont bien des avantages : annotations, surlignages… plus besoin de prendre des notes sur un carnet.
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Cette nouvelle était beaucoup trop courte ! Mais ô combien percutante et touchante est-elle! Toujours aussi belle plume. L'univers de ce premier roman est de loin mon préféré dans la bibliographe de Socorro.
Si jamais d'autres nouvelles venaient à paraître, ce serait avec plaisir que je les lirais.
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Les fresques colorées des maîtres italiens montrent les rois dans leurs jolies armures scintillantes. Les peintres n’ont pas dû souvent venir sur les champs de bataille. Les seules choses qui y brillent, ce sont les yeux embués de larmes des soldats empalés sur les piques ou de ceux qui cherchent à tâtons leur membre arraché par un boulet. La guerre est sale. Ce n’est pas l’avenir qui va la nettoyer.
On ne tue pas des gens juste parce qu’ils ont la tête dans les étoiles et qu’ils dessinent. Ou alors, il faudrait tuer tous les enfants du monde.
« Et la cire du cachet, capitaine ? Pourquoi elle est verte et pas jaune comme sur les autres avis qui sont affichés d’habitude ?
— Jaune, ça veut dire que c’est éphémère.
— Et vert, ça veut dire que c’est pour toujours ? C’est ça, capitaine ? »
Je hoche la tête. Je n’ai pas la force de me retenir de pleurer.
Marion de la librairie le Divan partage ses lectures.
Notre mot sur , écrit par Jean-Laurent del Socorro et publié aux éditions École des loisirs : https://www.librairie-ledivan.com/livre/9782211333658
Tous nos conseils de lecture : https://www.librairie-ledivan.com/