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EAN : 9782246772811
336 pages
Grasset (11/01/2012)
4.16/5   227 notes
Résumé :
"A treize ans, je perds toute ma famille en quelques semaines.
Mon grand frère, parti seul à pied vers notre maison de Phnom Penh. Mon beau-frère médecin, exécuté au bord de la route. Mon père, qui décide de ne plus s'alimenter. Ma mère, qui s'allonge à l'hôpital de Mong, dans le lit où vient de mourir une de ses filles. Mes nièces et neveux. Tous emportés par la cruauté et la folie khmères rouges. J'étais sans famille. J'étais sans nom. J'étais sans visage.<... >Voir plus
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1975….Sur l'échelle de l'histoire mondiale, cette date n'est pas si reculée dans le temps, elle n'est pas très éloignée de nous et de notre époque. Cette année-là, Emile Ajar remportait le Prix Goncourt pour « La vie devant soi », Mike Brant se suicidait, Pasolini était assassiné et le groupe « Il était une fois » susurrait « J'ai encore rêvé d'elle »…
Où étions-nous alors ? Où étaient nos parents, nos grands-parents, nos familles, tandis que méthodiquement, au Cambodge, des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards, mouraient sous le joug de la dictature de Pol Pot?
Le 17 avril 1975, les Khmers rouges prennent possession de Phnom Penh et ce sont 1,7 millions de cambodgiens sur les huit qu'en compte le pays qui vont périr sous la torture, la famine, les contraintes, afin que s'illustre, dans toutes ses contradictions, l'idéal révolutionnaire du Kampuchéa démocratique.

Dans la révolution khmère rouge, le peuple est un grand corps qui doit être rassemblé, uni, homogène. L'individu n'existe plus, il doit se fondre dans la grande masse communautaire. Et afin de « construire » cette société agraire égalitaire, la politique devient machine à broyer. Destructrice, exterminatrice, ravageuse.
De grands mouvements de masse sont organisés, les villes sont désertées, les citadins sont déportés dans les campagnes où ils sont rééduqués. Intellectuels, professeurs, médecins, scientifiques, tous ceux qui se distinguent par l'éducation, la culture, le prestige ou le pouvoir, sont méthodiquement brisés, torturés, tués. Ils représentent « le nouveau peuple », le peuple à abattre. Déportation, extermination, dénonciations, persécutions, sévices : une méthodique entreprise de déshumanisation est mise en oeuvre. le maître mot en est « Elimination ».

Le régime idéologique communautaire du Kampuchéa (nouveau nom du Cambodge) va durer quatre ans. Quatre longues années d'enfer pendant lesquelles Rithy Panh, qui a alors treize ans, va perdre l'un après l'autre tous les membres de sa famille et découvrir les mille visages qu'emprunte le Mal dans sa puissance dévastatrice.
De cette époque subsistera un chagrin sans fin, né d'ineffaçables images, de souvenirs traumatisants, d'une mémoire irréversiblement marquée au fer rouge.
Et c'est ainsi que devenu adulte, Rithy Panh a voulu se faire le témoin de cette période sombre de l'histoire cambodgienne. Il est devenu un cinéaste renommé dont les films ont permis de découvrir une réalité bouleversante, terrifiante, monstrueuse : l'ampleur inouïe d'un génocide longtemps passé sous silence. « Les gens de la rizière », « Bophana », « S21 – La machine de mort khmer rouge »…autant de moyens et longs métrages qui ont révélé au monde les atrocités commises par les Khmers rouges au long de ces quatre ans d'un calvaire alliant terreur et dénuement.

Prolongement direct de l'oeuvre cinématographique, le livre-témoignage « L'élimination » va être aussi pour Rithy Panh l'occasion de mettre des mots sur ses propres douleurs, sur ses propres souvenirs de victime. En se confrontant à la figure du Mal la plus emblématique de cette époque, celle de Duch, « le maître des forges de l'enfer », le responsable du centre de torture et d'exécution S21, Rithy Panh libère également sa propre mémoire, laisse émerger les aspects personnels de son douloureux parcours d'enfant-victime, esquisse son propre profil d'homme détruit par le souvenir, s'illustre dans les doutes et les questionnements de l'historien désireux de comprendre les sombres abîmes de l'être humain.

Son travail de cinéaste et son aspiration d'écrivain vont au-delà de la seule dénonciation ou de la simple perpétuation de la mémoire collective et personnelle. C'est avant tout un travail d'analyse et de réflexion sur le Mal, la volonté d'expliquer ses mécanismes afin de le circonscrire et de rendre son humanité, son intelligence et son histoire à un peuple maltraité, acculé, opprimé par une entité totalitaire effarante. Rithy Panh a ainsi mené de longs entretiens avec les gardiens du centre S21, avec les bourreaux, avec les rares survivants.
C'est dans une prison de l'ONU où il attend son procès en appel que l'exécuteur en chef de S21, celui qui a le sang de milliers d'individus sur les mains et s'est plus tard converti au christianisme, l'incompréhensible et redoutable Duch, accorde une série d'entrevues à Rithy Panh. Ce qu'il nous révèle des conditions de détention et des méthodes d'aveux donnent la chair de poule.
Duch est un doctrinaire. Intellectuel se sentant investi d'une mission, il va jusqu'au bout de son délire, de sa ferveur révolutionnaire, de sa folie. Sous ses directives, la torture est méthodiquement structurée, organisée, voire conceptualisée. Déshumanisation du prisonnier et inhibition du bourreau font partie d'un processus mûrement réfléchi. L'on taira la longue liste des sévices infligés. Infinie est l'imagination des hommes en ce domaine !

En interrogeant Duch sur son implication dans le génocide et sur ses motivations profondes, Rithy Panh, avec une sobriété exemplaire, tente de cerner ce concept effroyable du Mal qui s'est affiché avec tant d'horreur au Cambodge mais aussi en Allemagne, plus récemment au Rwanda ou en ex-Yougoslavie, partout où des hommes ont décidé d'éradiquer d'autres hommes en leur reniant leur part d'humanité, au nom d'une race, d'un idéal politique, d'une vision, d'une folie. A ce titre « L'élimination » est un témoignage aussi bouleversant qu'universel sur les méthodes génocidaires. Pourtant, la personnalité de Duch, son caractère foncièrement énigmatique, complexe, troublant, nous reste hermétique, saturé de zones d'ombre, un « silence des bourreaux » qui engendre un sentiment d'impuissance floue souvent déconcertant.
Les souvenirs personnels de Rithy Panh mêlés aux entretiens avec Duch fournissent cependant un document extrêmement poignant sur la noirceur humaine, sur la quête de vérité et de sens, et sur la nécessité de mettre des mots d'apaisement sur les tragédies.
« L'élimination »…un long voyage au bout de l'enfer.
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Dans son documentaire "S21, la machine de mort khmère rouge", Rithy Panh a raconté comment, de 1975 à 1979, 17 000 personnes ont été torturées, interrogées puis exécutées dans le centre S21.
S21 n'est, hélas que l'un des nombreux centres ouverts au Cambodge sous le régime des Khmers rouges.
Sept personnes seulement survécurent aux horreurs de S21 et le cinéaste fit témoigner deux d'entre elles.
Le film est puissant, saisissant, souvent insoutenable, mais je vous le recommande (on peut le trouver sur internet). Il ne s'agit pas de s'adonner au voyeurisme malsain, mais de s'informer et surtout de réfléchir.

La réflexion, couplée au désir de comprendre, est justement le moteur de Rithy Panh.
Quelques années après la sortie de son documentaire, il a souhaité le compléter. Pour schématiser, le film montre et raconte, le livre tente de comprendre l'origine du mal.
De comprendre l'incompréhensible. de trouver des explications, des causes à ce mal absolu qui a permis que des hommes aient pu infliger tant de souffrances à d'autres hommes. Sans états d'âme et d'une façon systématique.
"Qui proteste est un ennemi, qui s'oppose est un cadavre !" : les slogans khmers rouges sont clairs !

On peut légitimement se demander comment un être dit humain peut être à ce point barbare, et faire subir autant d'horreurs à ses semblables.
Eh bien, c'est simple, il suffit de ne pas considérer sa victime comme humaine, de refuser de la voir semblable à soi : "Duch est un idéologue : les ennemis sont des déchets, à traiter puis à détruire. C'est une tâche pratique, qui pose des problèmes d'hygiène, de mécanique et d'organisation."
Ça ne vous rappelle rien cette déshumanisation de ceux qu'on cherche à anéantir ? le nazisme, évidemment ! Les idéologies ont bien des points communs et sont toutes destructrices.
L'auteur en est d'ailleurs bien conscient puisqu'il écrit : "À dix-huit ans, je découvre "Nuit et brouillard" d'Alain Resnais. Je suis surpris. C'est pareil. C'est ailleurs. C'est avant nous. Mais c'est nous."
Trente ans après les faits, Rithy Panh interroge celui qui a été le chef d'un centre de torture et d'exécution et la personnalité de celui-ci est glaçante.

Rithy Panh analyse avec le recul et son intelligence d'adulte les évènements qu'il a vécus enfant et dont sa famille a souffert ; son livre est le fruit de ses réflexions et il est d'une force inouïe.
C'est un ouvrage indispensable pour essayer de comprendre comment une idéologie a pu transformer des gens ordinaires en monstres sans limites, capables des pires atrocités.

[Entre 1975 et 1979, le régime des Khmers rouges a causé la mort de 1,7 millions de Cambodgiens, soit le tiers de la population du pays.]
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J'ai fini hier soir de Rithy Panh - L'élimination -, un livre poignant sur le génocide cambodgien perpétré par les Khmers rouges entre 1975 et 1979.

"À 18 ans, je découvre Nuit et Brouillard d'Alain Resnais. Je suis surpris. C'est pareil. C'est ailleurs. C'est avant nous. Mais c'est nous..."

Ce qui s'est imposé comme une évidence dans cet ouvrage où l'auteur alterne l'horreur qu'il a côtoyé enfant au Cambodge et ses rencontres avec Duch, le bourreau responsable du camp S21, qu'il interviewe en tant que cinéaste trente ans après le génocide, un peu comme l'a fait en son temps Claude Lanzmann, auquel il fait référence, c'est l'universalité du Mal ... banal ou absolu...

Que l'on ouvre des camps de concentration ou d'extermination en Allemagne, en URSS, en Chine, en Corée du Nord, au Cambodge, en Afrique... que les bourreaux soient blancs, noirs, jaunes ou... les prétextes à déshumaniser, emprisonner, torturer, éliminer sont les mêmes.
Les méthodes sont les mêmes.
Et lorsque les bourreaux ont été vaincus et qu'ils doivent répondre de leurs actes, les "réponses" qu'ils donnent sont les mêmes...

Duch aurait pu substituer Eichmann et vice-versa...

Un livre qui fait écho à ceux de Charlotte Delbo, de Victor Klemperer, de Charlotte Beradt, de Soljenitsyne, de Varlam Chalamov, de Dostoïevski de Liao Yiwu, de Blaine Harden, de Claude Lanzmann, d'Hannah Harendt, de Primo Levi etc etc et/mais aussi de George Orwell... qui avait tout compris...

Un livre qui mérite lecture dans ce monde où le Mal est de retour et où l'homme cède de plus en plus le pas aux passions tristes...

PS : j'avais, l'été dernier, fait une courte présentation d'une lecture qui m'avait apporté du réconfort lors d'un passage ambulatoire dans une clinique aux fins d'examens médicaux... et profité de cet exercice pour dire aux quelques babéliens qui me suivaient que c'était là une exception à un état général qui ne m'autorise plus désormais à être dispendieux en énergie... mauvais état de santé oblige.
Il en est de même en ce début d'année.
J'ai voulu témoigner de mon intérêt toujours prégnant pour la lecture et pour tous ceux qui, comme moi, ont l'amour des livres.

J'en profite donc pour souhaiter aux lecteurs de bonne volonté une très bonne année 2024. Qu'elle soit généreuse avec vous, qu'elle vous donne...
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Rithy Panh a subi le Génocide Cambodgien à l'âge de 13 ans. Aujourd'hui, il est cinéaste et se donne comme mission de restituer le plus fidèlement possible ce que fut cet effroyable Génocide, commis par le Parti Communiste du « Kampuchéa Démocratique » (P.C.K.) des Khmers Rouges, dirigé par l'infâme Pol Pot, entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979. Cette entité à caractère Totalitaire était également nommée l'Angkar (l'Organisation). le siège permanent du Comité Central du Parti Communiste était intitulé : le Bureau 870.
Rithy Panh a notamment réalisé deux documentaires essentiels qui sont sortis en 2012 dans un coffret en double D.V.D. : « S21 : La machine de mort Khmère Rouge » qui retrace l'histoire de ce Génocide, et : « Duch, le Maître des Forges de l'Enfer » qui présente, entre autres, une interview unique d'un bourreau encore en vie, issu d'un régime Totalitaire.
Lors de ce Génocide qui a coûté la vie à au moins 1 700 000 victimes sur une population d'environ 7 000 000 de Cambodgiens (soit l'extermination d'environ 25 % de la population), Rithy Panh a perdu dans sa propre famille : ses soeurs, son grand frère, son beau-frère et ses parents !
La seule petite difficulté dans ce formidable ouvrage réside dans l'alternance permanente entre la propre expérience de Rithy Panh et l'interview du bourreau Duch. Cette présentation peut donc éventuellement déstabiliser quelque peu le lecteur, peu informé sur le sujet. En revanche, cela procure une grande densité analytique et Mémorielle à l'ouvrage.
Je suivrai donc, dans ce commentaire, la forme de présentation choisie par l'auteur.

Cet incroyable ouvrage retrace donc le témoignage de Rithy Panh quant à cet effroyable Génocide, mais également la retranscription de moments cruciaux lors de l'interview filmée qu'il a faite de Kaing Guek Eav (alias Douch ou Duch), dans sa prion, en attendant son Procès devant le Tribunal International (le C.E.T.C. : « Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens »). En effet, Duch fut le Responsable, entre autres, du Centre d'interrogatoire et de Torture S-21 (ou Tuol Sleng) situé dans l'ancien lycée de Ponhiear Yat, dans la Capitale Phnom Penh ; et du champ d'exécution Choeung Ek situé à 15 kilomètres de Phnom Penh ; ainsi que de plusieurs autres Centres de torture au Cambodge. J'écris « entre autres » parce qu'avant, entre 1971 et 1975, il fut également le Responsable du Centre de détention, de torture et d'exécution : M-13 (confer l'excellent ouvrage de François Bizot : « le Portail ») situé dans la jungle Cambodgienne. Et durant le régime des Khmers Rouges, Duch fut aussi le Haut-Responsable de la Police Politique, nommée Santebal.
Qui plus est, lors de ses tournages, Rithy Panh a également pu interviewer les bourreaux de S-21 qui torturaient les victimes, sous la Responsabilité de Duch. Et aussi incroyable et terrible que cela puisse paraître, depuis 1979, ces tortionnaires vivent en liberté au Cambodge parmi la population Cambodgienne qui a tant souffert !

Rithy Panh se souvient parfaitement bien de ce 17 avril 1975, lorsque les Khmers Rouges ont envahi Phnom Penh, pour en faire évacuer aussitôt toute la population, en prétextant un risque imminent de bombardement par les B-52 Américains. Ce prétexte était évidemment fallacieux et les Khmers Rouges promirent aux habitants qu'ils pourraient réintégrer la Capitale trois jours plus tard. C'était également une fausse promesse, puisque tragiquement, nombreux sont ceux qui ne revinrent jamais chez eux, ayant été massivement exterminés durant le Génocide (page 49) :
« Aujourd'hui, les historiens pensent que les révolutionnaires ont déversé vers les campagnes près de 40 % de la population totale du pays. En quelques jours. Il n'y avait aucun plan d'ensemble. Aucune organisation. Rien n'était prévu pour guider, nourrir, soigner, héberger ces millions de personnes. Peu à peu, nous avons vu sur les routes des malades, des vieux, de grands invalides, des brancards. Nous avons senti que l'évacuation tournait mal. La peur était palpable. »
Dans le régime Totalitaire Communiste des Khmers Rouges, les victimes étiquettées par le Parti comme des « ennemis de classe » étaient immédiatement déshumanisées et considérées en tant que : Non-êtres ; comme en témoigne la réponse d'un tortionnaire à Rithy Panh (page 12) :
« Les prisonniers ? C'est comme un bout de bois. »
Un autre tortionnaire lui explique que (pages 12 et 13)… :
« Les prisonniers n'ont aucun droit. Ils sont moitié homme, moitié cadavre. Ce ne sont pas des hommes. Ce ne sont pas des cadavres. Ce sont comme des animaux sans âme. On n'a pas peur de leur faire du mal. On n'a pas peur pour notre karma ».
À Duch aussi, je demande s'il cauchemarde, la nuit, d'avoir fait électrocuter, frapper avec des câbles électriques, planter des aiguilles sous les ongles, d'avoir fait manger des excréments, d'avoir consigné des aveux qui sont des mensonges, d'avoir fait égorger ces femmes et ces hommes, les yeux bandés au bord de la fosse, dans le grondement du groupe électrogène. Il réfléchit puis me répond, les yeux baissés : « Non. » Plus tard, je filme son rire. »
Duch est passé de la condition de professeur de mathématiques cultivé et respecté avant les années 1970, à l'état de « Révolutionnaire Communiste » sanguinaire et sans aucune morale humaine. En effet, désormais la seule « morale » qui comptait pour lui, était celle de l'application stricto sensu de…, l'Idéologie Communiste.
En interrogeant ces bourreaux, Rithy Panh cherche donc à comprendre comment des gens simples et ordinaires ont pu se transformer en tortionnaires sanguinaires ; et qui plus est, de répéter un nombre de fois incalculable ces mêmes horreurs d'interrogatoires, de tortures et d'exécutions sommaires d'une très grande sauvagerie.
C'est donc d'abord au Centre M-13, entre 1971 et 1975, que Duch mit en place et peaufina ses « techniques » d'interrogatoires et de tortures (page 23) :
« En 1973, au bureau M13, je recrute des enfants. Je les choisis selon leur classe : paysans de la classe moyenne ou pauvre. Je les mets au travail, je les amène ensuite à S21. Ces enfants sont forgés par le mouvement et par le travail. Je les contrains à garder et à interroger. Les plus jeunes s'occupent des lapins. Garder et interroger passe avant l'alphabétisation. Leur niveau culturel est faible, mais ils sont loyaux envers moi. J'ai confiance en eux ». »
Lors du tournage du documentaire : « S21 – La machine de mort khmère rouge », à la fin des années 1990, Rithy Panh fut confronté physiquement aux menaces des Khmers Rouges toujours en libertés, et qui surveillaient le tournage. Dans ce passionnant documentaire Rithy Panh montre la confrontation morale entre, l'un des rares rescapés de S-21, Vann Nath (confer son terrible témoignage : « Dans l'enfer de Tuol Sleng : L'inquisition khmère rouge en mots et en tableaux ») et des tortionnaires de S-21. Vann Nath n'a eu la vie sauve que parce qu'il était un très bon peintre et que Duch l'avait choisi pour peindre des portraits valorisant de Pol Pot, afin de mettre en place un « Culte de la personnalité » sur les modèles de : Staline, Mao et King Il-sung.
En effet, Duch avait écrit sur le dossier de Vann Nath la mention suivante : « Garder pour utiliser ».

Donc, lorsque Duch a été arrêté afin d'être jugé, Rithy Panh a demandé l'autorisation, aux juges Cambodgiens et Internationaux, d'interviewer et de filmer le chef des bourreaux, pour la postérité, comme lors du Procès des Nazis devant le Tribunal de Nuremberg. À la grande différence, qu'ici, Rithy Panh a pu interviewer Duch en tête-à-tête.
Dès le début du tournage du second documentaire : « Duch, le Maître des Forges de l'Enfer », Duch avoue sa responsabilité en tant que chef de S-21 et semble vouloir « confesser » tous ses crimes. Pourtant, en réalité, comme nous allons pouvoir le constater tout au long de ce commentaire, psychologiquement, ce n'est pas aussi simple pour lui de tout avouer (page 27) :
« Je ne reconnais pas tout ce qui est dit dans votre film, mais j'endosse toute la responsabilité en tant que directeur de S21. » Duch veut croire que la rédemption s'achète avec des mots. Il conteste la vérité historique ; puis il affirme endosser toute la responsabilité. Autrement dit : je nie ce que vous affirmez, mais je porterai le fardeau de votre vérité. »
La voix de Duch est douce et posée. Mais parfois, touché au vif par Rithy Panh, il s'emporte avant de se calmer à nouveau…
Rithy Panh tente alors d'élucider le principe hallucinant des interrogatoires destinés à extirper de faux aveux aux victimes (page 35) :
« Moi : Les dirigeants savent que les aveux sont faux ?
Duch : Je sais ! Je sais ! Cela m'inquiète ! Depuis M13, je veux comparer avec la vérité, mais comment faire ?
Moi : Donc tout le monde sait que les aveux sont faux ?
Duch : Oui, mais personne n'ose le dire ! Monsieur Rithy, j'aime le travail de la police, mais pour chercher la vérité ! Je n'aime pas le faire à la manière des Khmers rouges. »
Dans l'immensité des Archives abandonnées par Duch à S-21, on y trouve, entre autres : des photos des victimes et des dossiers détaillés des interrogatoires. Duch étant minutieux dans son « travail », il supervisait et annotait les dossiers de ses commentaires, à l'encre rouge (page 45) :
« Annotation à l'encre rouge dans le registre de S21, en face du nom de très jeunes enfants : « Réduis-les en poussière ». Signature : « Duch ». Duch reconnaît son écriture. Oui, c'est bien lui qui a écrit cela. Mais il précise : il l'a écrit à la demande de son adjoint, le camarade Hor, le chef de l'unité de sécurité – pour « secouer » le camarade Peng, qui semblait hésiter…
Sur une page de ces registres, il peut y avoir vingt ou trente noms. Pour chaque nom, une mention manuscrite de Duch : « détruire », « garder », « vous pouvez détruire », « photographie nécessaire », comme s'il connaissait chaque cas dans le détail. Minutie de la torture. Minutie du travail de torture. »
Rithy Panh et toute sa famille étaient considérés par les Khmers Rouges comme appartenant au : « nouveau peuple », également nommés : « Les 17 Avril ». En effet, comme pour des millions d'autres Cambodgiens, ces terminologies étaient censées classifier les « ennemis du peuple » ou « ennemis de classe », comprenant : des « bourgeois », des « intellectuels », des « propriétaires », mais aussi les citadins vivant dans les villes, les professeurs et instituteurs, les médecins, etc.. Selon la propre définition de Duch, ces ennemis s'appelaient aussi (page 58)… :
« capitalistes, féodaux, fonctionnaires, classes moyennes, intellectuels, professeurs, étudiants. »
Ces ennemis devaient être rééduqués dans les campagnes ou être exterminés. Mais finalement, comme dans tous les pays Totalitaires Communistes de la planète, c'était TOUTE la population qui était susceptible d'être visée par le régime, d'être persécutée de manière aveugle, soumise : aux maladies, à la famine de masse, aux tortures et exécutions sommaires et arbitraires.
Le reste de la population était nommé : « l'ancien peuple » ou « peuple de base ».
De toute façon, lorsqu'un État Totalitaire, ici l'Angkar des Khmers Rouges, est capable d'exterminer environ 2 000 000 de personnes, soit 25 % de sa propre population, l'ignoble critère de « classe » consistant à déterminer qui doit vivre ou mourir, se trouve donc largement dépassé.
Les Nazis du IIIe Reich utilisaient, eux, le tout aussi monstrueux critère de « race ».
Toute l'organisation sociétale a été détruite au Cambodge durant ces terribles années sous le régime de l' »Angkar » : le système monétaire fut supprimé et la régression sociétale fut totale. le troc et les échanges réapparurent jusqu'à ce qu'il n'y eut plus rien à échanger.
Pour les Communistes Khmers Rouges, il fallait donc déstructurer totalement la Société Civile, dissoudre même le principe de la famille et détruire les traditions politiques, intellectuelles, culturelles et religieuses.

Après une déportation aussi massive des populations des villes vers les campagnes, très rapidement des milliers de morts s'accumulèrent aux bords des routes : les malades, les personnes âgées, les femmes enceintes, les enfants en bas âge et les affamés !

Lorsque Rithy Panh interview Duch, il essaye toujours, par des questions subtiles, de le faire avouer (page 63) :
« L'aveu ne vient jamais de façon claire et directe. C'est un murmure, auquel il faut prêter une oreille extrêmement attentive. Je mets ces deux phrases sous forme logique : « À l'époque, tout le monde a cru que l'ennemi nous affamait, et que si nous l'arrêtions, nous n'aurions plus faim. Ce n'était pas vrai. Ce n'était pas vrai mais nous, les Khmers rouges, nous avons menti. Et nous avons cru à notre mensonge ». À son niveau de responsabilité – il est le chef de la police du régime, comme il le dit lui-même -, Duch ne pouvait pas ignorer ce mensonge. J'insiste sur ce « nous », car Duch dit désormais « ils » pour évoquer les Khmers rouges. « Ils ne pensent pas à la vie des gens. » Ils, ce n'est pas lui. le révolutionnaire, c'est l'autre. »
Rithy Panh et sa famille furent déportés en wagons à bestiaux, à Mong, dans le nord-ouest du Cambodge. Puis, ils subirent d'autres déportations par la suite.

Comme les gigantesques Famines de l'univers Totalitaire Communiste, notamment celles : de 1921-1922 en Russie (U.R.S.S.) sous Lénine, Trotski et Staline faisant 5 000 000 de morts ; sous Staline en Ukraine (Génocide de l'Holodomor) en 1932-1333 ajoutant encore 6 000 000 de victimes ; puis lors de la politique du « Grand Bond en avant » (confer notamment, le formidable travail, très récent, de reconstitution effectué par Yang Jisheng, au péril de sa vie, dans son ouvrage : « Stèles ») sous Mao Zedong entre 1958 et 1961, engendrant la mort de 36 000 000 de victimes, etc.. Pol Pot réutilisa, à nouveau, cette même arme de destruction massive qu'est…, la Famine !

Certains intellectuels pensent que la frontière entre le bourreau et la victime peut être extrêmement ténue, lorsqu'une Société Civile se retrouve sous le joug d'un régime Totalitaire de Terreur de masse (confer le formidable ouvrage de Christopher Browning : « Des hommes ordinaires : le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne »). le sujet est extrêmement complexe puisque l'on convoque ici : la conscience humaine. Dans ce contexte de Terreur, on se pose également souvent la question de savoir si un bourreau est un être humain comme un autre, un être humain « ordinaire », et qu'est-ce qui le fait basculer dans l'horreur de cette condition de tortionnaire ? Ce qu'analyse très bien Primo Lévi dans son extraordinaire ouvrage : « Les Naufragés et les Rescapés : Quarante ans après Auschwitz » sur la notion de « zone grise » ; et également Hannah Arendt avec sa notion de « banalité du mal », développée dans son prodigieux ouvrage concernant le Procès du Nazi Adolf Eichmann, dans : « Eichmann à Jérusalem ».
Mais Rithy Panh n'adhère pas complètement à ce type d'analyse, comme il l'explique en décortiquant l'exemple de Duch (page 79) :
« La question aujourd'hui n'est pas de savoir s'il est humain ou non. Il est humain à chaque instant : c'est pourquoi il peut être jugé et condamné. On ne doit s'autoriser à humaniser ni à déshumaniser personne. Mais nul ne peut se tenir à la place de Duch dans la communauté humaine. Nul ne peut endosser son parcours biographique, intellectuel et psychique. Nul ne peut croire qu'il était un rouage parmi d'autres dans la machine de mort. Je reviendrai sur le sentiment contemporain que nous sommes tous des bourreaux en puissance. Ce fatalisme empreint de complaisance travaille la littérature, le cinéma et certains intellectuels. Après tout, quoi de plus excitant qu'un grand criminel ? Non, une feuille de papier ne sépare pas chacun de nous d'un crime majeur. Pour ma part, je crois aux faits et je regarde le monde. Les victimes sont à leur place. Les bourreaux aussi. »
Je ne pense pas qu'il existe vraiment de réponses précises et uniques à ces terribles questions, car dans ce contexte de persécution, les êtres humains réagissent différemment : à l'oppression, aux ordres, aux menaces de mort, à la propagande Idéologique, etc..
Alors si l'on considère que ces interrogations peuvent être légitimes envers le « simple » bourreau exécutant, il me semble, en revanche, qu'elles le sont nettement moins dans le cas d'un Haut Responsable des bourreaux, puisque-là rentre en compte, dans d'importantes proportions, la notion d'adhésion à l'Idéologie, comme dans le cas de Duch qui a adhéré à l'Idéologie Totalitaire Communiste Marxiste-Léniniste de la Dictature du prolétariat. de plus, le fait que la responsabilité destructrice soit encore plus élevée dans le cas de Hauts Responsables Criminels, cela soulève de manière encore plus prégnante, la question de la responsabilité Morale.
Or, un bourreau peut être particulièrement perfide, car en reprenant le cas du Nazi Eichmann, ce dernier se targuait cyniquement de n'avoir jamais tué un être humain de ses propres mains (c'était en tout cas ce qu'il prétendait !), alors qu'il était l'un des principaux organisateurs et responsables de : « la Solution Finale de la question Juive » ! Il reconnaissait juste avoir : « aidé et encouragé » l'exécution des crimes dont on l'accusait !

P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
Lien : https://communismetotalitari..
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Rithy Panh avait treize ans en 1975 lorsque la révolution khmère se déchaîna au Cambodge sous le gouvernement de Pol Pot. A l'actif des révolutionnaires : persécution des intellectuels qui durent travailler la terre, famine, déplacements contraints de populations, torture, exécutions, négation de l'individu. En face : des innocents mourant de faim, de blessure, de maladie, des personnes terrorisées mettant fin à leurs jours. On estime le nombre de morts à 1,7 millions, soit près du quart de la population.

Entre souvenirs, fragments d'interrogatoires et véritable essai, Rithy Panh raconte dans ce texte "la cruauté et la folie khmères rouges" et réfléchit de manière plus générale sur les totalitarismes et les révolutions : "(...) je crois à l'universalité du crime khmer rouge, de même que les Khmers rouges ont cru à l'universalité de leur utopie." (p. 319). Cinéaste et auteur de documentaires sur cet épisode noir de son pays, il revient pour ce récit auprès de Duch (un des rouages du génocide). Il le filme et le questionne, patiemment, calmement, pour savoir et tenter de comprendre. L'ancien bourreau se réfugie dans le déni, dans le rire : il n'a rien vu, rien entendu, il n'a pas torturé… mais il se contredit aussi, parfois.

Le douloureux travail de Rithy Panh force le respect : en tant que rescapé, il ne semble jamais mu ni par la haine, ni par l'esprit de vengeance, mais il a besoin d'entendre la vérité, des aveux - à défaut de repentir - de la part d'un de ses tortionnaires. Admirable, il ne se départit jamais de son calme, même face au bourreau ricanant.

L'élimination est un témoignage-documentaire intense et bouleversant sur quatre années mal connues et/ou mal interprétées par l'Occident pendant et après. Tout au long de l'ouvrage, j'ai ressenti le besoin d'en savoir plus, non pour légitimer la parole de l'auteur mais pour comprendre notamment le contexte international, la longue inertie des autres nations, l'impuissance de l'ONU... Et bien sûr, j'ai également très envie de voir les films de Rithy Panh.
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critiques presse (5)
NonFiction
12 mars 2012
Avec L’élimination, […] Rithy Panh fait un pas de plus sur le chemin de la connaissance. Il s’impose surtout comme conscience universelle.
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Telerama
01 février 2012
L'Elimination trouve immédiatement place parmi les ouvrages essentiels qui témoignent des immenses tragédies du XXe siècle. Aux côtés notamment de Si c'est un homme, de Primo Levi, de L'Espèce humaine, de Robert Antelme, ou de La Nuit, d'Elie Wiesel.
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Bibliobs
16 janvier 2012
Entre mille autres choses, «l'Elimination» dit comment et pourquoi les mots peuvent tuer, comment et pourquoi ils peuvent apaiser. Cheminement personnel trop intime et complexe pour être un film, mais lumineux dans ce livre qui éclabousse la nuit où tant d'êtres ont été emportés.
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LeMonde
13 janvier 2012
L'abîme, l'absence, le souvenir, il l'écrit. Une anxiété transpire entre les lignes, sans doute celle du sens de ses questions à venir, d'une narration sans fin.
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Lexpress
12 janvier 2012
Cinéaste, Rithy Panh filme Douch. Mais l'écriture lui permet d'aller plus loin. Il interroge, explique sa démarche, nie la possibilité de s'enticher du "silence du bourreau" comme le fit pourtant François Bizot dans son récit de captivité. Il y a là des scènes insoutenables. Mais vraies. L'Elimination est un très grand livre. Un témoignage capital.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (115) Voir plus Ajouter une citation
La question aujourd'hui n'est pas de savoir s'il est humain ou non. Il est humain à chaque instant : c'est pourquoi il peut être jugé et condamné. On ne doit s'autoriser à humaniser ni à déshumaniser personne. Mais nul ne peut se tenir à la place de Duch dans la communauté humaine. nul ne peut endosser son parcours biographique, intellectuel et psychique. nul ne peut croire qu'il était un rouage parmi d'autres dans la machine de mort. je reviendrai sur le sentiment contemporain que nous sommes tous des bourreaux en puissance. Ce fatalisme empreint de complaisance travaille la littérature, le cinéma et certains intellectuels. Après tout quoi de plus excitant qu'un grand criminel ? Non, une feuille de papier ne sépare pas chacun de nous d'un crime majeur. pour ma part, je crois aux faits et je regarde le monde. Les victimes sont à leur place. les bourreaux aussi.
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J'ai mangé des racines de papayer ; du bananier ; et de la peau de vache séchée. Oui, de la peau de vache. Comme le héros de La ruée vers l'or, qui cuit longuement ses chaussures avant de découper lacets et semelles, en évitant les clous. J'ai mâché cette peau immangeable pendant des heures. Je n'en pouvais plus, mes mâchoires devenaient cuir et bois. Mais cette peau grillée, elle sentait bon la vache. Alors je mâchais.
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Je ne comprenais pas pourquoi personne ne venait à notre aide. pourquoi nous étions abandonnés. C'était insupportable, la souffrance, la faim, la mort partout. et le monde se taisait. nous étions seuls(...).
Quand je suis arrivé en France, je me suis souvenu de cet épisode. Je me suis appliqué et j'ai écrit une longue lettre au secrétaire général de l'ONU. Je lui ai raconté ce que j'avais vécu : je concluais en demandant pourquoi rien de sérieux n'avait été entrepris pour le Cambodge. Pourquoi j'avais été si seul, moi l'orphelin et l'enfant. Pourquoi l'inaction était impardonnable. pourquoi nul ne pouvait vivre avec ma mémoire.
Je n'ai jamais reçu de réponse de sa part. Rien. pas même un simple mot officiel. le jeune garçon blessé que j'étais n'a pas accepté ce silence : l'adulte que je suis, moins encore.
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Les révoltés de tous les pays évoquent souvent une société sans monnaie. Est-ce l'argent qui les dégoûte ? Ou le désir de consommation qu'il révèle ? (...) J'ai vécu quatre ans dans une société sans monnaie, et je n'ai jamais senti que cette absence adoucissait l'injustice. Et je ne peux oublier que l'idée même de valeur avait disparu. Plus rien ne pouvait être estimé - j'aime ce mot à double sens, car compter n'est pas forcément mépriser ou détruire - à commencer par la vie humaine. (p. 56)
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Je ne comprenais pas pourquoi personne ne venait à notre aide. Pourquoi nous étions abandonnés. C'était insupportable, la souffrance, la faim, la mort partout. Et le monde se taisait. Nous étions seuls. Il n'y avait ni parachute ni appareil photo, et j'ai pleuré.
Quand je suis arrivé en France, je me suis souvenu de cet épisode. Je me suis appliqué et j'ai écrit une longue lettre au secrétaire général de l'ONU. Je lui ai raconté ce que j'avais vécu : je concluais en demandant pourquoi rien de sérieux n'avait été entrepris pour le Cambodge. Pourquoi j'avais été si seul, moi l'orphelin et l'enfant. Pourquoi l'inaction était impardonnable. Pourquoi nul ne pouvait vivre avec ma mémoire.
Je n'ai jamais reçu de réponse de sa part. Rien. Pas même un simple mot officiel. Le jeune garçon blessé que j'étais n'a pas accepté ce silence : l'adulte que je suis, moins encore.
Qui était secrétaire général de l'ONU en 1979, et depuis 1971 ? Kurt Waldheim, qui fut soldat sous les ordres du "boucher des Balkans", à partir d'octobre 1943, et eut sans doute un rôle dans la sanglante opération Kozara. Sans doute pas un criminel de guerre. Ni un nazi. Mais certainement pas un homme de paix. Alors aujourd'hui, je donne le nom de celui qui fut à ce poste influent, ce nom de compromission et de lâcheté.
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