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Céline Zins (Traducteur)
EAN : 9782070301133
710 pages
Gallimard (01/07/2003)
3.75/5   58 notes
Résumé :
Immense et ambitieuse saga familiale dont la parcours nous fait traverser tout un siècle, « Les années avec Laura Diaz » donne à Fuentes l’occasion de dresser un tableau assez vertigineux des grands événements qui ont marqués l’époque, au Mexique, en Amérique et en Europe. A travers les hommes de sa vie, Laura est amenée à vivre, dans sa chair, les espoirs, les désillusions et les horreurs qui furent le lot des contemporains du XXe siècle.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Les années avec Laura Diaz, ce sont celles qu'un pays, le Mexique, traverse en un siècle fait de révolution, de guerre civile, d'exaltation culturelle et de détournement des idéaux. Laura naît en 1898 d'une ascendance allemande et canarienne. le grand-père, Philippe Kelsen, tient une hacienda dans les environs de Catemaco. La grand-mère, Cosima, tient déjà du mythe dans ce pays neuf : elle a eu les doigts d'une main coupés par un bandit de grand chemin, lui-même orphelin de l'empereur Maximilien exécuté en 1867. Entourée d'affection par ses grands-parents, sa mère et des trois tantes, Laura fait la connaissance de son frère aîné, Santiago, à l'âge de 12 ans seulement. Elle déménage alors à Veracruz. Puis, se mariant avec Juan Francisco Lopez Greene, un syndicaliste lié à la révolution, elle part à Mexico où se déroulera l'essentiel de sa vie, à l'exception de brefs retours à Xalapa où sa famille est venue vivre après la mort de Santiago ou d'un voyage à Detroit pour accompagner Diego Rivera et Frida Kahlo. Elle met au monde deux enfants, Santiago et Danton, dont l'éducation reviendra pour quelques années à la mère et aux tantes de Laura. Vie familiale chaotique mais amours, sinon heureuses, au moins riches avec Orlando Ximenez, le beau mondain, et Jorge Maura, le républicain espagnol exilé. Après la mort de Juan Francisco dans les années 1950 et le départ de Maura, Laura tombe amoureuse d'Harry Jaffe, un communiste américain qui a été en Espagne, et qui est exilé au Mexique à cause du maccarthysme. Hélas, la mort frappe toujours : Harry et avant lui le deuxième Santiago, artiste peintre, puis le troisième Santiago, petit-fils de Laura, au cours des événements de Tlatelolco en 1968. Laura s'est alors découvert un goût mais aussi un talent pour la photographie. Quant à sa vie, elle est racontée par le quatrième Santiago, son arrière-petit-fils, photographe lui aussi, qui la découvre peinte par Rivera au Detroit Institute of Arts.

Laura Diaz : 1898-1974. Ces bornes chronologiques ne sont pas seulement celles de la vie de Laura, elles représentent aussi une période de convulsions politiques pour le Mexique. La révolution mexicaine et ses guerriers (Pancho Villa, Zapata, Huerta, Obregon) laisse la place à un système non seulement corrompu, mais qui corrompt même la vérité, édictée par le Parti. le massacre de la place des Trois Cultures en 1968 en est l'exemple : les étudiants sont massacrés pour avoir réclamé démocratie, liberté, bonheur, fierté. Mais le roman de Fuentes n'est pas une chronique politique. le titre est ici programme : c'est bien à travers la vie d'une femme, Laura Diaz, que sera dévoilé le vingtième siècle mexicain. Mais, que l'on ne s'y trompe pas : Laura Diaz n'est pas un faire-valoir. Elle est au centre de la narration, au centre du monde. Laura Diaz est un personnage à part de la littérature. C'est une femme libre, à l'égard de la morale et de sa classe sociale : elle aime plusieurs hommes (et ne se marie qu'une seule fois), elle a une préférence très nette pour l'un de ses deux fils, elle n'hésite pas à abandonner ses enfants (qu'elle ne voit pas du tout pendant six ans) pour vivre sa vie mondaine dans les années 1930, c'est une artiste influencée par Frida Kahlo (qui remet en cause les codes de genre, ne serait-ce que par son apparence physique) qui, avec son appareil photographique, plonge au plus profond de l'âme des personnes qu'elle prend.

Puisque c'est une femme, absolument libre de surcroît, qui est au centre du livre, intéressons-nous à ce que les individus disent de ce siècle, à travers leurs paroles, leurs actions, leurs inactions, leurs potentiels. Les histoires personnelles forgent-elles L Histoire ? Il semble que oui et que, par conséquent, L Histoire ne soit que le produit des choix personnels, de l'héroïsme, des traîtrises et des amours. L'héroïsme et la traîtrise : voilà ce qui semble être partagé par les personnages qui entourent Laura Diaz. La première héroïne, c'est Cosima, la grand-mère, qui, par fierté, par une passion amoureuse soudaine aussi pour son bourreau, a les doigts coupés par le beau de Papantla. Suivront Santiago, le frère aîné, qui meurt fusillé à 20 ans par la police de Porfirio Diaz, Juan Francisco qui se présente à Laura auréolé de sa gloire de syndicaliste révolutionnaire, Jorge Maura qui a fait la guerre d'Espagne et a lutté contre les forces franquistes, tout comme Harry Jaffe, lequel a aussi fait face à la commission maccarthyste, Santiago le troisième qui participe aux mouvements estudiantins de 1968. Évidemment, le pendant extrême de l'héroïsme est la trahison. Laura semble, tout au long du roman, tant impressionnée par l'héroïsme des personnages qu'elle aime qu'interrogée par cette notion qui, en réalité, est difficile à définir tant elle est ténue (ne serait-ce que chronologiquement : on est un héros pendant quelques instants, voire quelques années). Si Cosima et les Santiago n'ont rien trahi, ce n'est pas le cas des hommes qui ont aimé Laura : Juan Francisco trahit son idéal révolutionnaire en servant le pouvoir en place et en faisant taire les grèves potentielles ; Harry Jaffe, devant la commission maccarthyste, a livré des noms (bien qu'il ait livré des noms de non communistes ; mais il n'avait pas compris que la commission voulait seulement des noms, que les personnes soient réellement communistes ou non) ; Jorge Maura, lui, semble être plus enclin à une certaine forme de lâcheté en s'exilant à Lanzarote, mais cette lâcheté est aussi une trahison de son idéal.

Héroïsme, trahison : Laura interroge ceux qui habitent son coeur. La déchéance du héros semble inévitable, inhérente à la condition humaine. Mais, plus que l'héroïsme, ce qui semble sauver l'humanité, ou du moins les individus, c'est l'amour. Car Les années avec Laura Diaz est un grand roman d'amour. Paradoxal, dans un siècle comme celui-ci ? Pas tant que cela. A plusieurs reprises, Laura s'interroge : l'amour entre deux êtres peut-il racheter le mal fait par tant d'autres ? Par la place que prend l'amour dans ce roman, Fuentes semble répondre que oui. Laura, figure éminemment libre, nous paraît très forte car elle aime. Elle aime de multiples façons : elle aime passionnément Jorge Maura, elle aime Harry Jaffe en se soumettant (et en se faisant plus misérable que lui, elle le rehausse), elle aime son fils en tâchant de rattraper le temps perdu, elle aime son frère comme un guide romantique (et là est l'amour originel), elle aime Orlando Ximenez qui lui fait découvrir une vie mondaine qu'il prend soin de ridiculiser par sa causticité. Laura aime tant que Carlos Fuentes, à propos d'amour, se fait même un peu bavard. L'amour prend, dans le roman, une place monstrueuse, s'immisçant partout, même au coeur de la guerre d'Espagne (ainsi l'histoire entre Basilio Balthasar et Pilar Mendez, condamnée à mort par son propre père), même au coeur du système politique mexicain corrompu (ainsi Santiago le troisième qui défie son père, Danton, devenu puissant magnat, par amour). Mais l'amour n'est monstre que pour répondre à la monstruosité abominable du siècle, le contrepoids indispensable à ce Mal si présent.

Le vingtième siècle semble être le fossoyeur des idéaux et le crépuscule des héros qui ne résistent point à la vague des événements terrifiants. Oubliée la révolution agraire et le partage des richesses quand le PRI se retrouve définitivement au pouvoir (à ce titre, la réussite de Danton prouve la faillite du projet initial, car c'est le triomphe de la canaille). Oublié l'idéal républicain espagnol, écrasé par le franquisme et les fascismes. Oublié l'idéal communiste, tant vanté par Diego Rivera et Siqueiros, foulé aux pieds par le stalinisme. Les grandes aventures collectives fondées sur le Bien ont échoué ; seule celle fondée sur le Mal, le nazisme, a affreusement réussi. Toutefois, et à l'image de la vie de Laura Diaz, la liberté et le bonheur ne sont pas perdus. Il faut alors chercher, dans le rapport à l'Autorité et, au final, à Dieu, les conditions de l'accès à ceux-ci. Dieu, comme l'Autorité, demande à ses créatures de faire ce qu'Il leur interdit pour mieux les inférioriser, et les contrôler. Là est la faille, et le paradoxe : car c'est en se soumettant à l'Autorité qu'on devient libre, car on brise alors l'interdit (ou on l'outrepasse). La révolte estudiantine de 1968 en est l'application, et au moins pourra-t-on dire que les étudiants sont morts libres. Les années avec Laura Diaz est donc autant l'affirmation du triomphe de la liberté individuelle et de l'amour comme vérité que le triste testament d'un siècle qui se voulait collectif.
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Cela fait vraiment plaisir de lire un livre de cette qualité ! Finalement je n'ai pas si souvent l'occasion de mettre 5 étoiles !
C'est mon premier roman de Fuentes , il rejoint les autres auteurs latino américains que j'ai admirés : Garcia Marquès ,Vargas LLosa ,Alejo Carpentier etc...
Fuentes choisit une femme pour nous conter l'Histoire du Mexique depuis la fin du XIX ème siècle jusqu'à nos jours. .Parfois un peu redondant ,l'auteur insiste ,répète, comme pour mieux enfoncer dans notre mémoire , ne pas laisser tomber dans l'oubli ,l'histoire de ce pays ,de la ville de Mexico , et surtout de ses habitants .L'Histoire du Mexique se mêle aussi à l' histoire de l'Europe ,de la guerre d'Espagne notamment : les républicains vaincus par Franco viendront s'y réfugier ; comme les communistes américains à l'époque du Maccarthysme .
Il n'hésite pas à juger sa Révolution ,ses conséquences ,ses politiques corrompus ou idéalistes , ses artistes aussi grands fussent ils comme Diego Rivera et Frida Kahlo .
J'ai beaucoup regretté de ne pas mieux connaître la ville de Mexico pour repérer les lieux cités ,et comprendre leur évolution .Un roman universel car l'Histoire du Mexique rejoint l'Histoire de l'humanité et chacun peut y retrouver un peu de la sienne .
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CHEF D'OEUVRE TOTAL ET INOUBLIABLE
Il y a 8 ans, j'ai eu le privilège d'écouter Carlos Fuentes à la Bibliothèque François Mitterand. Après la présentation très élogieuse faite de lui, il avait alors refusé d'être qualifié de "monument" car il revendiquait avant tout d'être l'écrivain de la vie. Il l'est indéniablement.
Les années avec Laura Diaz, inoubliable chef d'oeuvre, mon préféré à ce Jour de l'auteur (heureusement je n'ai pas tout lu).
Il raconte l'odyssée du siècle dans une époustouflante saga familiale. Un roman qui m'a fait éprouver bonheur et mélancolie intenses tant il conjugue les aspirations épique, lyrique, réaliste, magique et historique propres à Carlos Fuentes. Il nous offre aussi le magnifique portrait romanesque d'une femme libre, fragile, chaleureuse et artiste - c'est pour moi le plus beau personnage littéraire de féminin de tous les Livres que j'ai lus à ce Jour.
Ce portrait permet de traverser tout le XXe siècle, celui du Mexique d'abord depuis les révolutions de Zapata et Pancho Villa jusqu'au massacre des étudiants sur la place des Trois-Cultures de Mexico à la veille des JO de 1968, mais aussi, par de multiples échappées romanesques, celui des séismes historiques qui ébranlèrent le monde : la guerre d'Espagne, le nazisme, le maccarthysme, le stalinisme... Une ambition littéraire vertigineuse et tenue au fil de ce Roman magistral somme absolue.
"Notre tâche a été de raconter tout ce qui n'avait pas été dit de notre histoire collective, tout le passé silencieux de l'Amérique latine», déclara Fuentes. Cette reconstitution d'une mémoire et d'une culture polyphoniques c'est "Les Années avec Laura Diaz". L'une des plus belles histoires d'amour de la littérature en plus. ... à consommer sans modération.
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Où l'on suit la vie de Laura Diaz, mexicaine, à travers sa vie qui concorde, presque, avec le déroulement du 20ème siècle. L'auteur en profite pour construire un roman qui entremêle (assez habilement) l'histoire (celle avec un "grand" h) et l'histoire d'une femme, de sa famille, ses amours.
Ça donne quelque chose d'assez prenant, une histoire pleine d'émotions, de doutes.
Mais c'est parfois aussi trop long, trop riche, ça tourne même régulièrement à la chronique mondaine, voire à un étalage documentaire peu intéressant.

Mon ressenti reste cependant très positif, j'ai adoré suivre les évènements de la vie de Laura Diaz, ses questionnements, ses réflexions, sur sa vie et sur la société, ainsi que les évènements historiques, au Mexique comme dans le reste du monde.
Mais peut-être que le style très découpé, un peu écrit comme "au fil de l'émotion" s'accorde mal à une telle longueur: on a envie de faire une pause à un moment, d'arrêter le flot incessant d'émotions, de récit entrecoupé de manière peu claire des dialogues (sur 600 pages, c'est long...)
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Qui trop embrasse, mal étreint, c'est un peu la sentence qui vient à l'esprit à la lecture de ce livre dont le projet s'attache à retracer les épisodes saillants du Mouvement social dans le Mexique du 20e siècle, articulé avec le récit biographique d'une de ces habitantes née à la toute fin du siècle précédent.
Il est manifeste qu'une telle ambition nécessitait un format au long cours du type de celui retenu par exemple ,pour Les Thibault de R. Martin du Gard .
Ici l'écueil est évidement d'avoir dans le meme temps insuffisamment caractérisé et développé les personnages et par voie de conséquence trop faiblement incarné les séquences historiques.
Pourtant on aurait aimé s'attarder d'avantage sur la famille atypique de la jeune Laura Diaz, sur Vera Cruz, sur un Mexique du quotidien , mais aussi sur les détails du combat syndicaliste et ouvrier dans un pays déjà miné par une grande instabilité politique.
De belles et passionnantes pages néanmoins sur les echos de la Guerre d'Espagne eu du Maccarthysme et des migrations qu'elles ont entrainées ou le Mexique nous apparait alors, comme un épicentre, un espace de repli plutôt inattendus.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Pourtant, pendant la guerre, le Mexique était devenu une sorte de Lisbonne latino-américaine (une Casablanca avec des figuiers de Barbarie, dirait l'incorrigible Orlando), lieu de refuge pour nombre d'hommes et de femmes fuyant le conflit européen. Deux cent mille républicains espagnols avaient débarqué. Il s'agissait de la fine fleur de l'intelligentsia espagnole, une terrible saignée pour l'ignominieuse dictature franquiste, mais une superbe transfusion pour la vie universitaire, littéraire, artistique et scientifique du Mexique. En échange d'un abri hospitalier, les républicains espagnols apportèrent au Mexique la rénovation culturelle, cet universalisme qui nous protège des virus nationalistes dans la culture.
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Je suis à la foi habité par une foi immense et un doute immense. Je crois que la certitude, c’est la fin de la pensée. Et je crains toujours qu’un système que nous contribuons à bâtir finisse par nous détruire.
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Existait-il une seule vie véritablement achevée, une seule vie qui ne fût promesse inaccomplie, possibilité latente, plus encore… ? Ce n’est pas le passé qui meurt avec chacun de nous. C’est l’avenir.
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Le messianisme hébreu se sublime dans la création, l'art, la science,, la philosophie. Il devient un messianisme créatif parce qu'autrement il est désarmé. Les nazis n'ont aucun talent créatif. Leur génie ne se manifeste que dans un seul domaine: la mort, ils sont les génies de la mort. Mais il faut craindre le jour ou Israel décidera de s'armer et de perdre ainsi son génie créatif au profit du succès militaire.
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Un jour le contact de ses pieds fit que Laura retira involontairement les siens, que les coudes de son mari commencèrent à lui provoquer de la répulsion, elle regardait cette articulation à la peau plissée entre le bras et l’avant-bras et elle voyait tout le corps de son mari comme un énorme coude, une peau relâchée des pieds à la tête.
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Videos de Carlos Fuentes (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Carlos Fuentes
Mercredi 20 octobre 2011, Carlos Fuentes reçoit les insignes de Docteur Honoris Causa.
Biographie: Né en 1928 à Panamá où son père était alors Ambassadeur du Mexique, Carlos Fuentes est un des plus grands écrivains du XXe et du XXIe siècle. Sa pensée et son œuvre romanesque ont largement influencé les écrivains et les intellectuels espagnols et latino-américains contemporains. Catégorie Éducation Licence Licence de paternité Creative Commons (réutilisation autorisée)
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature espagnole et portugaise>Romans, contes, nouvelles (822)
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