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Geneviève Bianquis (Traducteur)
EAN : 9782253063193
852 pages
Le Livre de Poche (01/01/1993)
4.31/5   554 notes
Résumé :
Les Buddenbrook, premier roman de Thomas Mann, devenu l’un des classiques de la littérature allemande, retrace l’effondrement progressif d’une grande famille de la Hanse au XIXe siècle, de Johann, le solide fondateur de la dynastie, à Hanno, le frêle musicien qui s’éteint, quarante ans plus tard, dans un pavillon de la banlieue de Lübeck.
Le style, tout en nuances, où l’émotion se teinte de connivence et d’ironie, d’affinités et de détachement, traduit parfai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (61) Voir plus Ajouter une critique
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Parcourir quarante années d'existence d'une famille allemande, de son apogée à son déclin, est un exercice plutôt plaisant.
D'abord pour l' « effet saga », cette impression de s'immiscer en hôte invisible dans l'intimité de ce que cachent les murs des maisons privées, et à chaque reprise de lecture, de retrouver la lecture en cours comme on se glisse dans une bonne paire de vieux chaussons, confortables par habitude.

Nous sommes donc en Allemagne au milieu du dix-neuvième siècle, les affaires sont prospères pour la famille Buddenbrook, dont l'activité de négociants habiles fait la renommée, au point de s'enorgueillir pour le pater familias du titre de consul. le patriarche règne sur ses descendants et tout est sous contrôle.

Pourtant, on perçoit déjà prémisses d'une chute future, dans la conduite fantasque de l'un des héritiers, et quelques choix trop hasardeux d'unions maritales qui auraient dû contribué à consolider l'image de marque de la famille amorcent le déclin. de tout petits grains de sable dans les rouages, dans un contexte global instable sur le plan économique et politique à haut risque.

Nous avons donc une galerie de portraits, les parents, les enfants mais aussi la famille proche et les pièces rapportées, de personnages nombreux dont l'auteur dresse avec subtilité les portraits, de telle sorte que jamais le lecteur ne sera perdu : une particularité physique, un sourcil blond un peu plus haut que l'autre, une lèvre charnue ou des jambes torses viendront à chaque fois rappeler au lecteur à qui il a affaire. Et ces indices ne manquent pas d'humour.

Le récit est de temps à autre évoqué dans son contexte politique, mais l'accent est mis avant tout sur la psychologie des personnages.

Si le déclin annoncé poursuit inexorablement son travail de sape sur la dynastie Buddenbrook, l'auteur n'accable pas un personnage ou un contexte, c'est le résultat d'une convergence de circonstances, de malchances et parfois d'erreurs. Déclin d'une famille mais aussi déclin d'un modèle économique qui n'en finit pas d'agoniser.

J'ai beaucoup aimé les allusions à la médecine si démunie de cette époque, qui voit se succéder deux praticiens, d'habilité très différente, mais aussi inefficaces l'un que l'autre, tant le manque de moyens thérapeutiques est criant. La description clinique de la typhoïde est un morceau d'anthologie.


Plus de 800 cent pages, mais une lecture plaisante, portrait d'une époque révolue.

Lecture commune de la Caverne des Lecteurs

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Tout comme la Montagne magique que j'ai découvert, il y a quelques mois, les Buddenbrook lu aujourd'hui, ces deux romans sont exceptionnels et leur longueur n'en sont pas effrayantes. Bien au contraire, on aimerait tant que cela n'en finisse pas.

C'est en allant, il y a quelques années à Lübeck, où j'ai visité la maison Buddenbrook, transformé en musée que j'ai eu envie de lire l'histoire de cette famille hors pair que constitue les Buddenbrook.

L'histoire se déroule sur quatre générations mais elle est surtout centrée sur la troisième avec quatre enfants. Les deux frères : Thomas et Cristian, deux soeurs dont l'éclatante Antonie.
Cette famille s'inscrit dans la bourgeoisie, de très riches négociants en grains exerçant dans la ville de Lübeck que Thomas Mann parvient à nous décrire de façon si parfaite, décrivant les moeurs, les codes sociaux de cet type de société bourgeoise.
Les premières, à qui cette bourgeoisie de commerçantsfait offense, ce sont les femmes.
Qu'ont-elles à faire de leur vie sinon à se marier et engendrer des descendants mâles poursuivant la lignée de leurs pères ?
D'où mon attachement sans doute à Antonie, surnommée Tony, jeune, ravissante, elle aspire à une vie pleine de douceurs, peut-être même visant l'aristocratie, malheureusement, son destin est dicté par l'intérêt bourgeois et mercantile de la famille.
Elle se voit " contrainte" d'épouser un commerçant cupide qui fera faillite, ne sauvant son honneur qu'en divorcant et retournant chez les siens. Une deuxième tentative de mariage avec un Munichois échouera lamentablement, c'en est fini d'être " une oie" et toutes ses illusions s'enfoncent dans la morne vie d'une ville qui la rejette.
Que dire des deux frères ? Thomas, l'aîné reprend le flambeau du commerce familial, gagne les honneurs de cette société en devenant consul puis sénateur.
Son frère Cristian lui est tout de suite le vilain petit canard, celui qui ne "fait qu'écouter ses états d'âme".
Thomas Mann reste un grand maître dans l'art de disséquer les coeurs et sonder le tréfonds des âmes. On est fasciné par cette écriture qui cisaille les coeurs de nos héros. Personne ne peut échapper à ce qui vous tiraille, vous pénetre. Même Thomas qui jette l'opprobre sur son frère cadet, est lui aussi atteint du même mal qui les rongent.Celui de ne pas être à sa place, vivre dans les faux-semblants, de ne pas se comprendre.
Thomas Mann nous conduit par le biais de ses personnages à une introspection qui donne à réfléchir sur des thèmes qui lui sont chers.
Une place particulière dans le roman est faite à la musique, par la femme de Thomas qu'elle transmet à son fils Hanno. Thomas Mann nous guide dans cet univers musical qui transforme les coeurs et peut porter au sublime.

Lire l'oeuvre de Thomas Mann, c'est une joie sans faille, une sensibilité exacerbée, un pur moment de bonheur.
Et, j'ai bien de la chance car d'autres titres m'attendent encore.
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Volontairement je ne mentionne le nombre de pages... Oui, c'est un pavé qui m'a effrayé un moment. Et pourtant, une fois les premières pages passées, le plaisir de lecture était au rendez-vous ainsi que l'envie de passer très rapidement à la page suivante Un bon choix finalement d'avoir découvert cet auteur à travers une oeuvre très brève telle que Tonio Kröger puis, après avoir apprécié le style et le contenu de ce roman, de passer au plat principal. La chronologie voudrait l'inverse, de commencer par Les Buddenbrook écrit deux ans avant Tonio Kröger et présentant l'histoire plus ancienne de cette famille bourgeoise allemande dans laquelle l'auteur raconte beaucoup de lui-même.

Paru en 1901, voici une oeuvre classique que je suis ravi d'avoir découvert. Il y a tant de thèmes dans le récit de ces vies successives. Superbe performance de l'auteur de tisser ainsi le fil de ces générations sans perdre le lecteur en route. Les personnages du roman sont très nombreux et je suis admiratif du talent de l'auteur pour ne jamais lasser son lecteur. La division du livre en onze parties et ensuite en petits chapitres à l'intérieur de chaque partie facilite la lecture. C'est une sorte de tourbillon, l'impression d'une succession de nouvelles avec une présentation attirant la curiosité, puis un développement aux descriptions précises, à l'étude psychologique fine, avant une chute surprenant le lecteur à chaque fin de chapitre.

Le style est musical, fait de retours, de leitmotivs. On ne s'ennuie pas à lire cet énorme livre (oui je vais le dire maintenant : 758 pages ...) tant l'auteur trouve d'humour, de dérision, de tournures pour décrire des situations parfois heureuses mais le plus souvent tragiques. Il force le trait, quelquefois jusqu'à une certaine férocité et maintient le lecteur dans cet état de spectateur ébahi, comme au spectacle de théâtre que Christian Buddenbrook puis le jeune Hanno aiment tant. Tout cela dans des contrées où il semble pleuvoir ou neiger continuellement, renforçant l'intensité dramatique.

Naissances, mariages, décès se succèdent, agrémentés par les mesquineries, les jalousies telles que la vie des hommes regorgent bien souvent. Certains passages sont d'une virtuosité absolue et se détachent encore de l'ensemble. La demande en mariage de M. Grünlich à Antonie Buddenbrook, le retour à la maison du fier consul Kröger après « la révolution », la perfidie de Grünlich pour s'enrichir aux dépends de tous, la passion de Hanno Buddenbrook pour la musique, la charge des responsabilités économiques et politiques de Thomas Bruddenbrook, la somptueuse fête de Noël dans un temps révolu, la classe puis l'improvisation au piano de Hanno, les effets de la typhoïde et les moyens médiocres des médecins à cette époque dans les années 1850-1900 face à la maladie. L'énergie dégagée par ces ancêtres, appartenant à une riche bourgeoisie, est colossale et les efforts pour maintenir ce rang tout aussi prodigieux. Et pourtant, tout échappe, tout change dans un avenir de plus en plus imprévisible.

Pourquoi lire 120 ans après sa publication un roman sur l'histoire du déclin d'une famille allemande au dix-neuvième siècle ? Pour plein de raisons dont bien sûr le plaisir de lire une oeuvre magistrale dans sa composition et sa rédaction. Mais pas seulement ! On a là un témoignage historique puissant, d'un auteur qui est issu de cette bourgeoisie ayant connu ce déclin. Il dresse le tableau d'un capitalisme bourgeois cherchant une issue à la concurrence effrénée existant déjà à cette époque, voyant monter les revendications ouvrières, et dont l'issue sera malheureusement, pour résumer en quelques mots, deux épouvantables guerres mondiales et l'enfer du nazisme.

On a pu visiter cet été des châteaux, des maisons bourgeoises, s'imprégner des atmosphères d'époque. Ici, dans ces pages merveilleuses, Thomas Mann donne vie à l'intérieur de ces maisons et fait s'agencer les évènements familiaux, l'histoire et les idées qui ont façonné cette séquence de temps. Toutes raisons qui font qu'ouvrir ce livre peut être une belle et bonne idée. Après avoir terminé, sans beaucoup de pauses, cette saga racontant le déclin d'une famille allemande sur quatre générations, subsistera l'émerveillement de découvrir un peu plus, un écrivain allemand rivalisant de virtuosité littéraire avec des auteurs tels que Balzac ou Zola.

Thomas Mann (1875 – 1955) a mis dans ce roman beaucoup d'éléments de sa jeunesse à Lübeck. Il avait lui-même séjourné à Munich, à 17 ans, à la mort de son père en 1891, un riche négociant en grains dont il devait prendre la suite – Dans Les Buddenbrook, c'est Tony la bouillante soeur de Thomas Buddenbrook qui suit son mari dans ce sud aux coutumes bien différentes de celles de Lübeck –. Au départ, il a écrit sur son milieu, la bourgeoisie allemande, puis sur l'Europe avant que l'histoire ne l'incite à aller plus loin dans l'engagement. Sont exprimées avec force dans ce récit les tensions en rapport avec un père allemand appartenant à l'élite commerçante et politique, et une mère germano-brésilienne plutôt mondaine et artiste. Il a eu le prix Nobel en 1929 pour ce roman ayant connu un grand succès. Exilé aux États-Unis en 1938, il a été la voix au plus haut niveau, avec ses enfants Klaus et Erika, d'une Allemagne refusant le nazisme.

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Retrouvez cette chronique sur mon site Bibliofeel afin de lire en écoutant L'adagio de la sonate N.5 op.24 de Beethoven avec au piano Iyad Sughayer et la merveilleuse Esther Abrami au violon. Version tout à fait en accord pour moi avec un des très beau moment du livre (parmi une multitude d'autres...). P 747 : "On dînait à quatre heure. Gerda Buddenbrook, le petit Johan et Mlle Clémentine étaient seuls. Plus tard, Hanno disposa tout au salon pour y faire de la musique et attendit sa mère au piano. Ils jouèrent la sonate op. 24 de Beethoven. A l'adagio, le violon chantait d'une voix d'ange, mais Gerda éloigna le violon de son menton, le posa d'un air mécontent, le regarda avec méfiance et déclara qu'il était mal accordé. Elle ne voulut plus jouer et monta se reposer."
La belle couverture de cette édition est aussi présentée dans une composition personnelle réalisée au festival des jardins à Chaumont sur Loire...
Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Fin de siècle, fin de race : telle est la prémonition qui traverse cette grande saga crépusculaire, publiée en 1900.
Bien qu'assez austère, à l'image de cette famille de bourgeois trop affairés dans le commerce et la tenue de son rang social pour perdre son temps à cultiver sa richesse d'esprit ou de coeur - cette occupation de manants et de dégénérés - , « les Buddenbrock » est un roman captivant de bout en bout, tant Thomas Mann réussit à transcrire de l'intérieur, en s'appuyant sur son propre vécu, les signaux faibles qui conduiront inéluctablement au déclin.
Sous sa plume sensible et rythmée, on assiste, tout au long de ces 850 pages, à la lente chute de cette famille sur quatre générations, de l'aïeul bâtisseur Johann, solidement ancré dans les valeurs traditionnelles de la bourgeoisie allemande du début du 19ème siècle dans lesquelles son fils le consul continuera de s'inscrire, à son petit-fils Thomas qui poursuivra l'oeuvre familiale mais qui, prenant conscience à l'aube de la cinquantaine qu'il tourne à vide sur des valeurs qui ne sont pas les siennes et engendrera le déclin, jusqu'au dernier né Hanno, l'artiste répugnant aux affaires du monde, indifférent à la déchéance de sa lignée.
Un classique magnifique et instructif.


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Un livre que l'on ne peut lâcher une fois entamé.
Thomas Mann entraîne le lecteur tout au long du XIXè siècle au sein d'une famille de riches négociants d'Allemagne du Nord.
Les turbulences de l'histoire ne sont certes pas oubliées, mais cette oeuvre est avant tout, par le biais d'une histoire familiale, une évocation précise, très documentée et passionnante de Lübeck, capitale de la Ligue Hanséatique.
Porte ouverte vers la Baltique et le commerce avec la Scandinavie et la Russie, cette ville indépendante est dirigée par ses notables, ce qui explique l'importance des familles de commerçants, véritablement maîtres de leur sort et dirigeant la ville, dans laquelle les Buddenbrook tiennent le haut du pavé depuis un siècle !
Ils sont les représentants emblématiques de cette puissante bourgeoisie protestante d'Allemagne du Nord, commerçants ne vivant que par et pour le travail : " travaille, prie, épargne" dit l'un d'eux à son descendant.

Thomas Mann, lui-même issu de cette bourgeoisie, sait de quoi il parle en racontant ce siècle, qui marque l'apogée de la puissance de cette caste, tout en annonçant l'amorce de sa décroissance.
Il le fait en développant une somptueuse mécanique littéraire d'une précision d'orfèvre, qui entraîne le lecteur dans un véritable éblouissement, en lui présentant une galerie de personnages minutieusement campés et superbement évoqués, qu'il s'agisse de Johann Buddenbrook, son épouse Elisabeth, et ses enfants Thomas, Tony et Christian ainsi que le petit Hanno, ultime représentant de cette lignée.

Oh, combien amusant ce médecin qui préconise "une aile de poulet et un échaudé" pour combattre une infection,
et, combien touchante, cette institutrice aimante, la douce Sesemi, qui répète incessamment à ses élèves : "sois hureux, mon bon onfon"

Magnifique, le repas de Noël, auquel le lecteur participe, car, il déployait ses fastes au sein de "la salle tout entière, qu'emplissait l'arôme des branches de sapin surchauffées, rayonnait et scintillait d'innombrables petites flammes", alors, lui, le lecteur croit que tous les fabuleux cadeaux sous l'arbre de Noël,sont à sa portée !

Remarquable, la très longue scène d'agonie de l'un des personnages, dans laquelle le lecteur souffre aux côtés du malade et partage avec lui les affres de la mort proche.

Mais la cohésion familiale va peu à peu se diluer dans les querelles fraternelles et les incompréhensions générationnelles... et le lecteur va appréhender l'inéluctable déliquescence de cette famille et de la caste qu'elle représente !
Tellement brillant que l'on reste sans voix !
Oui, c'est indéniablement un des chefs-d'oeuvres de la littérature du XXè siècle, alors lisez-le !
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Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
Thérèse Weichbrodt était bossue, tellement bossue, qu'elle dépassait à peine la hauteur d'une table. Elle avait quarante et un ans, mais, n'ayant jamais attaché d'importance aux agréments extérieurs, elle allait vêtue comme une dame quasi septuagénaire. Sur ses anglaises grisonnantes, bouffant aux oreilles, était juché un bonnet dont les rubans verts retombaient jusqu'à ses étroites épaules d'enfant, et jamais on n'avait vu sur sa pauvre petite robe noire quelque chose qui ressemblât, même de loin, à une parure, si ce n'est la grande broche ovale où était peint sur porcelaine le portrait de sa mère.
La petite Mlle Weichbrodt avait des yeux marrons fins et aigus, un nez légèrement busqué et des lèvres minces qui, serrées comme elle savait le faire, prenaient une expression d'opiniâtre volonté. Il y avait en général répandue sur sa personne infime et dans tous ses mouvements, une énergie qui, pour être comique, n'en commandait pas moins le respect. Son langage y contribuait grandement. Elle parlait avec des mouvements vifs et saccadés du maxillaire inférieur, un hochement de tête bref et impressionnant ; elle s'exprimait dans une forme châtiée et pure de tout dialecte, avec clarté, précision, en accentuant chaque consonne. Avec cela, elle exagérait à tel point la prononciation des voyelles que les "ou" devenaient des "o" ou même des "a", et que ce n'était pas "Bobby", mais "Babby" qu'elle appelait son enragé jappeur de chien. Quand elle disait à une élève : "Onfont, ne sois pas si satte", tout en frappant sur la table de son index crochu, l'effet produit était indéniable ; et quand Mlle Popinet, la maîtresse de français, sucrait trop copieusement son café, Mlle Weichbrodt vous avez une telle façon de considérer le plafond et de pianoter d'une main sur la nappe, en disant : "Si j'étais que de vôs, je prondrais tout le socrier !" que Mlle Popinet en devenait cramoisie.
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Le consul dit à sa femme ;
- Si je savais que la répugnance de Tony pour ce mariage reposât sur quelque raison grave... Mais c'est une enfant, Bethsy, elle est avide de plaisirs, danse dans les bals, se laisse faire la cour par les jeunes gens et y prend goût,car elle se sait jolie et de bonne famille... Peut-être a-t-elle quelque idée en tête, en secret et inconsciemment ; mais je la connais, elle n'a pas encore, comme on dit, découvert son coeur , il s'en faut... Si on l'interrogeait, elle tournerait la tête de droite et de gauche, réfléchirait... mais il ne lui viendrait aucun nom à l'esprit... C'est une enfant, une tête de linotte, un étourneau... Si elle dit oui, elle sera casée ; elle pourra s'installer gentiment, selon ses goûts, et peu de temps lui suffira pour lui faire aimer son mari... Ce n'est pas un Adonis,non, mon Dieu ! non, ce n'est pas un Adonis... mais il n'en est pas moins extrêmement présentable et l'on ne saurait, en fin de compte, exiger le mouton à cinq pattes, permets-moi cette expression commerciale... Si elle veut attendre de rencontrer quelqu'un qui soit une beauté et, par surcroît, un bon parti... A Dieu ne plaise ! une Tony Buddenbrook ne restera pas pour compte.. Au demeurant, c'est toujours une chance à courir, et, pour employer encore la langue du commerce, la pêche est bien ouverte tous les jours, mais ce n'est pas tous les jours que le poisson mord...
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Un dimanche matin, à neuf heures, le consul était assis dans la petite salle à manger, près de la fenêtre, devant le grand bureau brun dont il avait rejeté en arrière le couvercle bombé, au moyen d'un mécanisme ingénieux. Un épais portefeuille de cuir bourré de papiers était posé devant lui ; penché sur un cahier à couverture gaufrée et à tranche dorée, il s'affairait à écrire, de son écriture mince, précipitée et minuscule, ne s'interrompant que pour tremper sa plume d'oie dans le lourd encrier de métal.
Les deux fenêtres étaient ouvertes et, du jardin où un doux soleil brillait sur les premiers bourgeons, tandis que de frêles voix d'oiseaux se donnaient vivement la réplique, montait l'air printanier chargé d'arômes frais et tendres ; à son haleine, les rideaux, de temps à autre, se soulevaient doucement et sans bruit. En face, sur la table du déjeuner, le soleil ruisselait sur la nappe éblouissante, parsemée de miettes, et se jouait en reflets virevoltants et bondissants sur les ors des tasses en forme de mortier...
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Pourtant la fin était venue. Ce bonheur chantant et scintillant s'était tu, éteint ; il s'était retrouvé chez lui, dans sa chambre, la tête enfiévrée, et s'était aperçu que quelques heures de sommeil dans son lit le séparaient de la grisaille quotidienne. Alors il avait succombé à l'un de ces accès de découragement total qu'il connaissait si bien. Il avait éprouvé à nouveau que la beauté fait mal, senti à quelle profondeur de honte et de nostalgie désespérée, elle nous plonge et comment elle anéantit le courage et la faculté même de vivre l'existence vulgaire. Ce sentiment horrible et désespérant l'avait écrasé comme un bloc massif, et il s'était redit que, en dehors de ses chagrins personnels, un fardeau devait peser sur lui qui, d'emblée, avait alourdi son âme et qui l'étoufferait un jour.
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[...] te rappelles-tu, tu m'as dit :"Il me semble qu'une ère toute nouvelle va s'ouvrir!" C'est comme si je t'entendais encore, et les évènements ont paru te donner raison, car aux élections au Sénat la fortune m'a souri, et, ici, la maison s'élevait à vue d'oeil. Mais la dignité de sénateur et la maison ne sont qu'apparences, et je sais,moi, une chose à laquelle tu n'as pas encore songé; je la tiens de la vie et de l'histoire. Je sais que, souvent, au moment même où éclatent les signes extérieurs, visibles et tangibles, les symptômes de bonheur et de l'essor, tout déjà s'achemine en réalité vers le déclin. L'apparition de ces signes extérieurs demande du temps, comme la clarté d'une de ces étoiles dont ne nous savons pas si elle n'est pas déjà sur le point de s'éteindre, si elle n'est pas déjà éteinte, alors qu'elle rayonne avec le plus de splendeur....
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