La violette double double
La violette doublera
Pourquoi cette rengaine qui date de la maternelle me poursuit-elle, chaque fois que je lis
Pierre Magnan ? L'association des noms, bien sûr, mais aussi cette impression que, chez Magnan, il y a toujours quelque chose de fleuri, d'odorant, quelque chose de terrien, qui nous ramène à nos origines. le commissaire Laviolette, (bien qu'il ne soit pas de Toulouse), fait partie de ces gens du terroir qui sont imprégnés de la culture locale, de l'histoire de ces garrigues et de ces campagnes, de la mentalité de ces gens du pays, paysans ou bourgeois. de roman en roman, à travers de solides histoires (policières ou pas), c'est comme une ethnographie de son pays natal que nous livre l'auteur, souriante autant que profonde.
«
Les Courriers de la mort », publié en 1986, en est une fois de plus l'illustration. Une histoire qui date du siècle précédent, des lettres aussi mystérieuses qu'anonymes, un étrange tueur à mobylette, des villageois au comportement plus que bizarre, voilà pour le juge Chabrand et le commissaire Laviolette l'occasion d'unir leurs efforts dans une histoire plutôt ardue…
Lire Magnan, c'est être assuré de deux choses : une bonne intrigue policière, bien ficelée, « à l'ancienne » dirait-on, et une étude ou en tous cas une description du pays, de sa nature, de ses habitants, faite d'humour bonhomme, mais aussi de finesse, et parfois même de cruauté, tant ici comme ailleurs, la nature humaine prend ses aises. Magnan, qu'on a comparé (peut-être abusivement) à
Giono, parce qu'ils décrivent le même pays, est un auteur de terroir qui fait dans le policier, et qui gagne sur les deux tableaux.
Pourtant, si Magnan n'est pas
Giono, il n'est pas non plus
Simenon, il est excellent, juste à sa place, juste derrière ces géants : les intrigues policières, de livre en livre se ressemblent un peu et finissent parfois par tourner en rond, les analyses psychologiques ne sont guère poussées, n'ayant pas d'autre but que de donner au lecteur une idée des personnages, mais il y a quand même une présence, celle du pays, de ses sources et de ses arbres, de ses vielles pierres, et celle, profondément ancrée, de ces hommes et femmes du pays, frustes et fiers, comme chez
Giono, pleins de contradictions et de forts sentiments comme chez
Simenon, tellement inscrits dans leur décor.
Et puis il y a cette langue, chaude et colorée, qui vous plonge directement dans le vif du sujet. Elle colle parfaitement aux remous de l'histoire, sait se faire drôle, gaillarde même, et à d'autres moments, sombre ou inquiétante, et souvent pathétique et compatissante, on sent que l'auteur est proche de ses personnages, on a vraiment l'impression (contrairement à d'autres auteurs) qu'il fait lui-même partie de ce décor et de ce monde.
Il faut lire
Pierre Magnan, non pas pour l'histoire policière, non pas pour la description d'un pays magnifique, non pas pour le regard souriant et lucide sur nos frères humains – bien que tout ça figure à profusion dans l'oeuvre de cet auteur – il faut lire
Pierre Magnan « pour le plaisir ». Et je vous garantis que vous ne serez pas déçus.
13/04/2023