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EAN : 9782283026489
960 pages
Buchet-Chastel (31/12/2014)
3.66/5   223 notes
Résumé :

Nouvelle-Zélande, 1866. En pleine ruée vers l’or, l’île voit débarquer sur ses côtes tout ce que la vieille Europe compte d’ambitieux et de désespérés.

Parmi eux, Walter Moody, un jeune britannique ruiné bien décidé à trouver fortune accoste au port d’Hokitika, sur la côte Ouest, après un éprouvant voyage. Mais une étrange assemblée l’attend dans le petit hôtel où il a trouvé refuge.

Là, dans une atmosphère des plus tendues, d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (63) Voir plus Ajouter une critique
3,66

sur 223 notes
J'ai trouvé un jour dans ma boite à lettres, un pavé de 980 pages. Et dès l'ouverture, j'ai trouvé des dessins et des symboles de type zodiacal !
N'étant pas fan d'astrologie je me suis posé quelques questions.
Cependant, ayant obtenu ce livre suite à une proposition de Babelio et des Editions Buchet-Chastel et n'ayant jamais été déçu par les découvertes faites dans les opérations « masse critique » j'ai décidé de me lancer immédiatement dans l'aventure.

Le premier chapitre est un peu lent et tout à coup le rythme s'installe et on entre dans l'histoire d'une façon plus passionnée, sans ne plus lâcher l'ouvrage.

En 1866, en pleine ruée vers l'or dans l'ouest de la Nouvelle Zélande, un certain nombre d'ethnies (Maories, asiatiques, européens) cohabitent avec leur culture et leurs intérêts propres.
Walter Moody, un Anglais qui cherche fortune, arrive en ville et tombe au milieu d'une réunion de notables ce qui le conduit à découvrir une histoire qui occupe l'ensemble de la population :
Crosby Wells a été trouvé mort chez lui, et on y a découvert un trésor en pépites d'or.
Anna Wetherell, une prostituée est trouvée inanimée dans la rue comme si elle s'était suicidée à l'opium. En fait on soupçonne que l'opium aurait pu être empoisonné.
Lydia Wells débarque en ville et prétend qu'elle est mariée à Crosby Wells et réclame l'héritage, et l'annulation de la vente des biens déjà réalisée.
Charlie Frost, courtier, a touché une commission sur la vente qu'il a déjà dépensée.
Anna, avant de se réveiller, en prison, avec une robe « farcie » de pépites avait passé la nuit avec E. Staines, un riche prospecteur, disparu depuis.
Monsieur Souk, le marchand d'opium a reconnu en Francis Carver, capitaine d'un bateau échoué, quelqu'un qu'il s'était juré d'éliminer par vengeance.

L'énigme est posée.
On se trouve entre le polar, le roman historique, le récit d'aventure XIXème siècle et une sorte d'exercice de type oulipo.
L'auteur s'est imposé des contraintes comme une structure en spirale et la taille décroissante des chapitres, les interactions des personnages influencées par les planètes, le zodiaque, voire une sorte de destin.
De plus l'espace temps est sérieusement bousculé.

Ce livre est bien plus complexe qu'il n'y parait, il demande beaucoup de concentration, ne serait-ce que pour bien suivre l'histoire. Il est bâti comme une sorte de scenario, une suite de scènes plutôt visuelles avec des indications de jeux, partant du général et se recentrant vers la vérité.
En fait, on peut passer à côté de bien des choses.
On croit lire une histoire, découvrir une société et on est face à une interrogation philosophique sur les situations de déracinement, l'influence d'un sujet sur un autre, des planètes, du zodiaque sur les humains.
L'auteur a fait tout un travail de recherche sur la position des planètes associées à chacun de ses personnages au moment des faits, autant que sur des conditions de vie, dans ces contrées, à cette époque, sans toutefois se laisser enfermer par un purisme historique.

« Les Luminaires » est un livre fleuve extrêmement documenté même si l'auteur avoue quelques libertés prises avec l'histoire, très bien écrit, passionnant à lire, et dans lequel, l'auteur a voulu, selon elle, se prouver qu'elle pouvait dépasser ses talents reconnus d'écrivain tout en offrant à ses lecteurs une oeuvre consistante.
Qu'elle soit rassurée -s'il en était besoin- Elle nous offre un livre original, étonnant, travaillé, très nouveau, à découvrir impérativement.
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Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel d'avoir pu me faire bénéficier avec d'autres heureux élus de cette lecture en avant-première et de la rencontre avec Eleanor Catton à l'ambassade de Nouvelle-Zélande.
Je partage entièrement les critiques élogieuses qui on été écrites par de brillants Babeliotes sur «Les Luminaires» avant moi sur cet honorable site et serai donc succincte sur le pitch que d'autres ont très bien fait avant moi.
Nous voilà donc en 1866, sur cette belle terre de Nouvelle-Zélande et l'on débute nos aventures par la réunion de douze hommes bientôt rejoint par un treizième au fumoir d'un hôtel suite à une succession d'événements étranges survenus récemment dans leur petite ville d'Hokitika...
Alors oui, je partage l'avis général, c'est, en effet, une prouesse que d'avoir produit cet original opus littéraire placé sous un angle astrologique (dont je ne suis cependant pas vraiment certaine d'avoir pu cerner tout les tenants et aboutissants), dont chaque chapitre décroit de moitié par rapport au précédent (comme si ils suivaient une suite mathématique géométrique). Cela n'est donc pas sans nous donner un premier chapitre très long mais qui permet au rythme de vraiment s'accélérer dans le dernier tiers de nos aventures. Vers la page 400, le héros, Walter Moody fait une sorte de point sur ce qu'il a appris depuis son arrivée à Hokitika et cela nous apparait comme un résumé bienvenu car il est vrai que tant de témoignages, d'hypothèses, de sauts dans le temps, de points de vues différents en fonction des narrateurs peuvent parfois avoir dérouté le lecteur dans le premiers tiers du livre (en tout cas, ce fut mon cas). Tout cela est très bien rendu et certainement volontaire car ce grand tableau un peu flou au départ finit par devenir tout à fait net et l'on tourne les pages de plus en plus vite...
Oui, c'est également un grand roman d'aventures sur fond de ruée vers l'or, de disparitions mystérieuses (d'un homme comme d'une malle), de cupidité, de navires, de fumerie d'opium, de paysages magnifiques, de prostitution et, bien entendu de divers personnages, principalement des hommes.
Nous avons certainement un bon échantillon de l'humanité masculine de l'époque, l'aventurier venu chercher fortune bien sûr mais aussi l'homme de loi, le journaliste, le courtier, le trafiquant, le banquier, l'agent maritime, le proxénète, l'hôtelier, l'homme d'église, l'apothicaire, le maori dont on pille les terres, deux chinois improbables (à propos desquels Eleanor Catton nous a dit avoir pris un peu de liberté romanesque -et tant mieux- car ils n'étaient pas encore vraiment arrivés en Nouvelle-Zélande à ce moment là)...
Les personnages féminins sont en minorité comme cela a du être le cas à ce moment là de l'histoire de la Nouvelle-Zélande.
Il a été dit pendant notre entrevue à l'ambassade que ces femmes -elles sont deux- certes minoritaires, étaient des personnages cependant très forts.
Oui, ce sont des personnages forts dans l'intrigue car leur rôle est fondamental mais je dois dire que j'ai été un peu déçue par leur personnalité.
Eleanor Catton nous a confié qu'elle avait souhaité sortir des rôles classiquement attribués aux femmes dans les romans écrits surtout par les hommes au XIX eme siècle, à savoir des prostitués ou de pauvres femmes qui finissent par se suicider.
Ici, nous avons d'une part Lydia Wells Carver, belle, machiavélique et donc effectivement loin d'être effacée et d'autre part, Anna Wetherell, une prostituée, plutôt victime pour laquelle mon opinion a évolué favorablement vers la fin de l'ouvrage mais qui, à mon humble avis, n'est pas un personnage au caractère affirmé.
C'est mon (tout) petit bémol sur le livre et j'ai conscience de pouvoir apparaitre comme la féministe grincheuse de base en écrivant ces quelques lignes mais j'assume :-) Une héroïne plus conquérante et avec un peu plus d'épaisseur aurait été la bienvenue (Fiona Kidman, une compatriote d'Eleanor Catton a fait vivre un très beau personnage de femme à la même époque dans son «livre des secrets»).

Cette réserve mise à part, le roman reste remarquable et l'on se demande comment une si jeune femme (née en 1985) a pu construire un tel objet littéraire à qui l'on souhaite, bien évidemment, un beau succès de librairie.

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Tout d'abord, je veux remercier Babelio (et plus particulièrement Pierre Krause), les éditions Buchet/Chastel (et plus particulièrement Juliette Ponce) et l'Ambassade de Nouvelle-Zélande pour m'avoir permis de découvrir « Les Luminaires » et de rencontrer Eleanor Catton, son auteure. La liste des critiques et commentaires postés sur Babelio commençant sérieusement à s'allonger, je vais essayer d'être bref s'agissant d'un ouvrage de plus de 900 pages qui a obtenu le Man Booker Prize for Fiction 2013 et qui est aujourd'hui traduit dans une quinzaine de langues, dont le français.

Véritable tour de force par sa taille, ce roman raconte les aventures de Walter Moody, jeune britannique ruiné, décidé à faire fortune comme chercheur d'or en Nouvelle-Zélande au milieu du 19ème siècle. Walter accoste à Hokitika (un port que connait bien l'auteure puisque c'est là que s'est mariée sa soeur) après un voyage éprouvant, mais une étrange assemblée l'attend dans le petit hôtel où il trouve à se loger. Là, dans une atmosphère enfumée et tendue, douze hommes tiennent une réunion secrète pour tenter d'élucider des faits étranges qui agitent la communauté depuis plusieurs semaines : un riche notable a disparu, une prostituée a tenté de mettre fin à ses jours, et on a découvert dans la maison d'un pauvre ivrogne, mort lui aussi, une immense fortune ainsi qu'un testament partiellement signé et à moitié consumé. Walter est bien vite plongé dans un entrelacs d'intrigues et de destins vertigineux, et tente -comme vous- de débrouiller le vrai du faux.

Si vous aimez les structures complexes, vous serez servis : le livre est une suite ininterrompue de strates imbriquées, de rebondissements multiples, d'extorsions, d'usurpations d'identités, d'impostures, de fraudes, de contrebande, de coups et blessures, de complicités, de secrets liant femmes, maitresses, vrais et faux maris, de revirements de situations, de duplicités, de falsifications et de pistes qui aboutissent assez souvent à des impasses. Vous rencontrerez un fantôme sanglant logeant dans la cale d'un trois-mats et vous partirez à la recherche d'une malle contenant des robes dont la doublure contiendrait plusieurs centaines d'onces d'or natif, progressant dans votre enquête grâce à des indices glanés dans ce fumoir, au milieu d'une compagnie individus hétéroclites. Je vous souhaite bon courage car l'histoire est racontée et corrigée au fil des évènements par chacun des protagonistes !

Intrigue dense au rythme insistant, « Les Luminaires » c'est aussi une véritable histoire d'amitiés et d'amour, pleine d'émotions et de poésie (« l'âme après la mort ... » page 467), ainsi qu'à une richesse de détails de toutes sortes (sociaux, géographiques, techniques …), le tout sur fond de réalité historique et de fiction. Les personnages sont riches en couleur, mais, très humains, ils en viennent à douter parfois d'eux-mêmes ; les femmes tiennent une place de choix, l'auteure ayant pris le contre-pied des description traditionnelles de la femme du 19ème siècle. L'auteure fait preuve d'une grande maitrise de la narration et nous livre un écrit de poids, palpitant qui tient le lecteur en haleine jusqu'à la fin, jusqu'à un dénouement formidable d'invention, de calme et de grâce, surtout après le tumulte occasionné par cet amas inextricable d'embrouilles (« ça sent l'embrouille à plein nez » page 714). Trouvailles de l'auteure : Eleanor donne son point de vue, parfois avec malice, faisant faussement l'étonnée ou nous conduit sur une piste incertaine ; Eleanor fait des résumés introductifs à chaque chapitre, chapitres de longueur inégale dans le but de coller à la progression en spirale du récit ; Eleanor utilise des cartes astrologiques construites sous logiciel à partir des dates et lieux de naissance des protagonistes, ce qui confère un destin astral à chacun d'entre eux, à mi-chemin entre le déterminisme total et le libre arbitre ; Eleanor intègre dans son récit la traduction de propos tenus en Cantonnais et en langue Maori.

De ce monde en construction où tout est possible et où la nature est omniprésente (avec souvent les quatre saisons en une seule journée), de ce microcosme où l'homme, livré à lui-même doit rester humble et se lier avec autrui s'il veut survivre et être plus fort, l'auteure extirpe les constats qui suivent : nous sommes tous des êtres en relation les uns avec les autres, et cette relation aide chacun à se construire ; l'argent est une chimère qui empoisonne et emprisonne, la source de notre propre misère (cf. le cas de Mme Wells) ; chacun, quels que soient son parcours et les incidents éventuels qui l'auraient émaillé, a le droit à un (ou des) recommencement(s). Eleanor Catton, née en 1985, surtout connue pour son premier roman (2007) « La Répétition », signe avec « Les Luminaires » un conte merveilleux. Je mets 4 étoiles, et je recommande. Entre parenthèses, vous avez probablement entre les mains le scénario d'un film qui ne manquera pas de sortir dans les salles.
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Hokitika, nouvelle Zélande, 1866, une ville de chercheurs d'or, un climat désastreux, de la pluie et de la boue, une ville de tentes et de cabanes, du trafic d'or et d'opium, des aventuriers, des Maoris, des Asiatiques, une population mélangée, des luttes de pouvoir, de la convoitise et une énigme le 14 janvier : la mort de Crosbie Wells, la disparition d'Emery Staine, Anna retrouvée droguée et blessée sur la route de Christchurch, dans une robe cousue d'or, un bateau racheté dans des conditions louches, une veuve qui fait surface… Hasard, coïncidences, ou bien évènements liés entre eux par on ne sait quoi, de la conjonction des planètes, à des mobiles beaucoup plus terre à terre. L'auteur nous promène un peu dans les aventures et relations de nos personnages avec malice, en intervenant, en prenant le lecteur à témoin, en dilatant le temps : 400 pages de huis clos dans le fumoir d'un hôtel, ou en l'accélérant, en faisant des ellipses, des retours en arrière sur l'année qui précède, en raccourcissant les chapitres, en allongeant les titres.
Le choix d'Eleanor Catton, d'écrire comme un auteur du 19ème siècle, une très belle langue au demeurant, déclenche en nous le réflexe de nous intéresser à la résolution de l'intrigue, d'échafauder nos hypothèses de lecture, dans un récit que l'on suppose construit et linéaire, comme un roman de Jane Austen. Or plus celui-ci se développe dans la précision et les détails, plus il y a de digressions, plus les choses deviennent lointaines et compliquées. Ce qui est sûr, c'est le présent du moment de l'échange et de l'énonciation. C'est de relativité dont il s'agit, alors même que l'auteur joue sur le déterminisme du destin des hommes avec leur thème astral. On pourrait presque y voir aussi une réflexion sur le déracinement, lorsque Walter Moody contemple les cieux à la recherche de repères, car il ne voit pas l'étoile polaire.
Un roman complexe, presque crispant dont l'interprétation est très ouverte, une métaphore en presque mille pages sur l'impossibilité d'accéder à la vérité de ce qui est ou a été, une méditation presque métaphysique sur le sens de la vie, et le temps qui passe. Un roman qui interroge, et qui me laisse totalement pensive à l'heure où j'écris ces lignes. C'est gagné, elle ne m'a pas laissée indifférente, je suis déroutée et bousculée dans mes habitudes de lecture, c'est ce que j'attends d'un bon texte, une belle langue mais aussi un objet littéraire non encore identifié, de l'innovation et de la créativité....

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Surtout, lorsque vous serez face à ce pavé sur les tables des libraires, ne vous laissez pas décourager par son épaisseur, ce serait vraiment dommage. Dommage de passer à côté d'un véritable tour de force dont les pages transpirent le plaisir pris par l'auteure en l'écrivant. Plaisir qui se transmet progressivement au lecteur, de plus en plus heureux au gré de sa progression, alors que l'ingéniosité de la construction narrative provoque une connivence jouissive entre l'auteure et son lecteur.

J'ai eu la chance de découvrir ce livre en avant-première, grâce à une opération menée conjointement par le site Babelio, les éditions Buchet Chastel et l'ambassade de Nouvelle Zélande qui célèbrera en 2015, soixante-dix ans de relations culturelles avec la France. Chance également de rencontrer l'auteure, une jeune femme de 29 ans dont c'est déjà le second roman, couronné par le Man Booker Prize en 2013. La sortie officielle de la version française est prévue le 1er janvier 2015 et sa promotion bat son plein. Et croyez-moi, ce bouquin mérite vraiment de rencontrer un large public.

L'histoire prend place en 1866, en Nouvelle-Zélande, dans la ville de Hokitika, un port en plein développement grâce notamment à la ruée vers l'or. Douze hommes sont réunis au bar d'un hôtel dans lequel vient d'arriver Walter Moody, un jeune britannique venu comme la plupart des habitants de la ville chercher fortune, changer de vie et laisser son passé derrière lui. Ces hommes ne sont pas là par hasard. Deux semaines auparavant, plusieurs événements mystérieux se sont produits - Emery Staines, l'un des prospecteurs les plus chanceux a disparu et Anna Wetherell, une prostituée a été retrouvée inconsciente au beau milieu d'une route - et ils veulent mettre en commun les fragments d'informations détenus par chacun d'entre eux dans le but d'élucider ces mystères. Dans un pays encore neuf où se côtoient des émigrants de tous continents (chinois, français, anglo-saxons...), où chacun a ses secrets, son passé et pas mal de choses à cacher, mettre au jour la vérité ne va pas s'avérer très aisé.

"Messieurs - (le titre rendait, certes, un son étrange, appliqué à la compagnie hétéroclite réunie dans la salle) - j'affirme qu'il n'y a pas de vérité entière, il n'y a que des vérités pertinentes... Or la pertinence, vous en conviendrez, est toujours une affaire de perspective."

Il y a donc ces mystères à élucider, des disparitions en pagaille, de l'or qui se balade entre malles et coutures de robes, une usurpation d'identité, des "retours gagnants", des mensonges, des naufrages, des faux en écriture... Et voilà le lecteur embarqué dans ce qui tient autant de la chasse au trésor que du Cluedo, mâtiné d'astrologie. Chacun des personnages correspond à un élément astral, chacune des parties du livre à une date à laquelle est associée la carte des planètes dans les différents signes. Et l'intrigue avance en fonction des mouvements des planètes... Une façon originale et romantique de parler de destin ou de pré-destination.

Le roman est construit comme une spirale, un tourbillon qui s'affine au fur et à mesure des tours qu'il réalise sur lui-même. Chaque partie a un nombre de pages inférieur de moitié à celui de la précédente pour arriver à la dernière où, sur une simple page, l'ordre des événements de ce fameux 14 janvier 1866 est enfin reconstitué. D'où une impression d'accélération de l'intrigue après les deux-tiers du livre. A ce moment, le lecteur est déjà ferré, avide de connaître le fin mot de l'histoire, totalement accro à ces personnages dont la personnalité évolue sans cesse en fonction de la perspective depuis laquelle on les observe. Tout ceci servi par une belle écriture, dans la veine de celle des romanciers du 19ème siècle, ronde, précise, descriptive.

Plusieurs jours après avoir refermé ce livre, je suis encore sous le charme. Je parlais de tour de force en commençant cette chronique et c'est vraiment l'impression que laisse cette lecture. On est stupéfait autant que conquis par la dextérité de l'auteure. Heureux aussi d'avoir été jugé assez intelligent pour être invité à partager son jeu. Eleanor Catton aime créer. Et visiblement, elle aime ses lecteurs.

Un grand merci à Babelio et aux Editions Buchet Chastel pour cette magnifique découverte et à l'ambassade de Nouvelle Zélande qui nous a accueilli avec beaucoup de chaleur à l'occasion de la rencontre avec l'auteure.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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critiques presse (4)
Telerama
22 juillet 2015
La Néo-Zélandaise Eleanor Catton marie avec brio le roman d'aventures du xixe siècle et la fiction contemporaine expérimentale.
Lire la critique sur le site : Telerama
LActualite
28 janvier 2015
Les luminaires a beau être un vrai chef-d’œuvre, c’est d’abord et avant tout un roman jouissif, où les trouvailles s’accumulent comme autant de pépites qui, fondues ensemble, valent de l’or en barre.
Lire la critique sur le site : LActualite
Liberation
27 janvier 2015
Dans sa première acception, The Luminaries veut dire «les sommités», au sens de ceux qui brillent comme des astres. Tout est ici affaire d’influence, des planètes sur le monde, des gens les uns sur les autres. En astrologie, le titre français, les Luminaires, renvoie au soleil et à la lune, mais ça fait quand même un peu abat-jour. Admettons qu’Eleanor Catton éclaire la rentrée.
Lire la critique sur le site : Liberation
LaPresse
19 janvier 2015
Les Luminaires évite les pièges qu'a posés l'auteure elle-même. Avec moins d'attention et de talent, la forme sophistiquée aurait en effet pu prendre le pas sur le récit, jeter de la poudre aux yeux et se faire pur artifice. Ce n'est pas le cas ici. C'est admirable. Et extrêmement ambitieux.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
page 506 [...] Mme George vint ouvrir. Faisant bien piteuse mine, elle introduisit Nilssen dans la salle à manger et prit la fuite, sans lui laisser le temps de prononcer un seul mot de politesse, rabattant si résolument la porte derrière elle qu'une vague déferla de haut en bas de la cloison de calicot et Nilssen eut fugitivement l'impression d'être retourné en mer.
Le geôlier était installé au haut bout de la table, occupé à enfourner une collation composée de viandes en gelée, de tranches de diverses sortes de bouillie froide de consistance homogène, et d'un pain dense, brunâtre, qui faisait de grosses miettes. Il se tenait très droit en chargeant sa fourchette et n'invita pas Nilssen à s'asseoir.
- Alors, commença -t-il, lorsque la porte fut refermée et qu'il eut avalé sa bouchée. Vous avez parlé à quelqu'un de notre accord ; vous avez manqué à votre parole. A qui avez-vous parlé ?
- Comment ? se récria Nilssen.
Shepard réitéra la question. Nilssen resta d'abord pantois, puis redit sa perplexité, d'une voix qui dérapait vers l'aigu.
- Ne mentez pas, monsieur Nilssen, avertit froidement Shepard. Alistair Lauderback aura demain matin une lettre dans le Times, où il tire sur moi à boulets rouges. Il affirme qu'un pourcentage du magot trouvé chez feu Crosbie Wells a été utilisé pour financer la construction de la prison de Hokitika. J'ignore comment il a obtenu cette information, et je veux le savoir. Tout de suite.
Nilssen hésita. Comment Alistair Lauderback pouvait-il être au courant du sort de sa commission ? L'un des conjurés de la Couronne avait donc violé son serment ! Balfour, peut-être ? Balfour et Lauderback se connaissaient bien, alors que Nilssen n'avait jamais vu aucun des autres en compagnie du politicien. Mais pourquoi Balfour l'aurait-il trahi ? Il n'y avait jamais eu d'animosité entre eux. Ou bien serait-ce Löwenthal ? Peut-être ... puisqu'il allait publier la lettre dans son journal. Pourtant, Nilssen ne pouvait croire Löwenthal capable de manquer à sa parole, pas plus que Balfour. Il regarda Shepard. [...]
- A qui avez-vous parlé ? insista Shepard. Je vous prie de noter que ma patience est à bout ; je ne répèterai plus la question. [...] Nilssen ne savait que répondre. La vérité, bien sûr, c'était qu'il en avait parlé à une bonne douzaine d'hommes : Walter Moody et les onze autres, invités à se réunir au fumoir de la Couronne. Il pouvait difficilement reconnaitre avoir mis douze hommes dans le secret de Shepard ! [...]
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[...] A Hokitika, les pluies n'avaient pas cessé depuis quinze jours. Moody entrevit pour la première fois la ville nouvelle sous la forme d'une trainée fuyante qui avançait et reculait au gré des allers et venues du vent et des brumes. Il n'y avait qu'un mince couloir de plaines entre la côte et les montagnes abruptes, une terre battue par le ressac sans fin qui s'évanouissait en fumée sur la grève ; terre qui paraissait d'autant plus rare et close sur soi du fait du nuage qui coupait les montagnes très bas sur la pente et formait un plafond gris au-dessus de la grappe compacte des toits de l'agglomération. Le port se trouvait au sud, niché dans la bouche tordue d'une rivière, riche en or, qui moussait en rencontrant le bord salé de l'océan. Là, sur la côte, elle coulait morne et boueuse, mais en amont les eaux étaient fraiches et claires, étincelantes même, à ce qu'on racontait. L'embouchure proprement dite était calme, un petit lac hérissé de mâts et des grosses cheminées des vapeurs dans l'attente du beau temps ; ils en savaient trop pour risquer la barre cachée sous la surface de l'eau et qui se déplaçait à chaque marée. Les débris de l'armada de vaisseaux échoués sur ces sables mouvants étaient là, épars, triste mémento du péril en bas. On comptait une bonne trentaine d'épaves en tout, dont certaines récentes. Les carcasses fracassées formaient comme une digue, dont la masse désolée semblait étrangement défendre la ville contre la haute mer. [...]
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Là, le commissionnaire était loin du compte. Les spéculations de Nilssen étaient toujours de la sorte qui renferme elle-même sa propre confirmation : il montrait une prédilection pour les preuves allant le plus dans le sens des principes auxquels ils se flattait d'être fidèle, mais aussi pour les principes qui se prêtaient le mieux à recevoir des preuves. Parlant souvent de la vertu, il passait pour être d'un caractère optimiste et encourageant, mais sa foi en la vertu était engagée à un maître moins polyvalent que l'optimisme. Le bénéfice du doute, comme on dit, est un don accordé au petit bonheur, et Nilssen était trop fier de son intellect pour renoncer à sa liberté de conjecture. Dans son esprit, les formes cristallines de la haute abstraction étaient revêtues d'un vernis protecteur : il aimait à les contempler et à s'émerveiller devant leur éclat, mais il n'avait jamais eu l'idée de les prendre, pour ainsi dire, sur le manteau de la cheminée, de les descendre de leur piédestal en chêne sculpté pour les sentir répondre en souplesse à la pression de ses doigts. Il avait conclu que Pritchard était amoureux simplement parce qu'il trouvait plaisant d'agiter la question, d'analyser le cas de figure, pour en revenir finalement aux convictions qu'il nourrissait depuis le début : que Pritchard était un drôle d'oiseau ; qu'il n'y avait plus de salut pour Anna ; et qu'on était toujours malavisé de donner son amour à une fille.
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- Lorsqu'une société connaît simultanément deux codes de justice, les hommes invoqueront toujours l'autorité de l'un contre l'autre. Prenez l'exemple de celui qui pense bien agir en faisant citer devant le tribunal de police la putain avec qui il a eu commerce... s'attendant tout ensemble à voir la loi appliquée et à y faire lui-même exception. Il sera débouté, peut-être même mis en accusation pour sa fréquentation de la fille ; alors il s'en prendra en même temps à la loi et à la fille. La loi ne peut pas satisfaire son sens immédiat de ce qui est juste, alors il se fera justice à lui-même et la fille finira étranglée. Autrefois, il aurait vidé sa querelle à coups de poing, à chaud... c'était la loi des placers. La putain en serait peut-être morte, ou peut-être pas, en tout cas l'acte de l'homme ne dépendait que de lui. Tandis que maintenant... Maintenant il lui semble que son droit même d'exiger justice a été remis en cause, et c'est cela qui le fait agir. Il est doublement en colère, et sa rage trouve un double exutoire. J'en vois des exemples tous les jours. (...)
- oui, mais si je suis votre raisonnement... Vous ne voulez pourtant pas suggérer qu'il faudrait donner la préférence à la loi des placers ?
- La loi des placers est philistine et vile, répondit posément le gouverneur de la prison. Nous ne sommes pas des sauvages. Nous sommes des hommes policés. Je n'accuse pas un défaut de la loi ; je voudrais seulement appeler votre attention sur ce qui arrive lorsque le sauvage et le policé se rencontrent. Il y a quatre mois, les prisonniers confiés à ma garde étaient des ivrognes et des petits voleurs. Aujourd'hui, j'ai affaire à des ivrognes et à de petits voleurs qui s'indignent et se croient des droits et font la morale, comme s'ils avaient été condamnés à tort. Et ils sont en colère.
- Mais... j'y reviens... si on va jusqu'au bout, insista Nilssen. Une fois la putain étranglée et la fureur du prospecteur apaisée, le monde policé reprend ses droits et la loi condamne le coupable. L'homme est justement puni, n'est-ce pas... au bout du compte ?
- Pas si ses pareils se rallient à lui pour défendre la loi des placers, répondit Shepard. On n'est jamais si fortement attaché à une loi que lorsqu'elle est bafouée, monsieur Nilssen, et rien n'égale la cruauté d'une meute d'hommes en colère. Voilà seize ans que je suis geôlier.
- Oui, concéda Nilssen en se mettant plus à son aise. Je vois ce que vous voulez dire. C'est l'indéfini qui est dangereux, la zone crépusculaire entre le vieux monde et le nouveau. (...)
- Monsieur Shepard, reprit soudain Nilssen, tandis que le geôlier s'apprêtait à le quitter. Ce que vous disiez tout à l'heure... A propos du sauvage et du policé, du vieux monde et du nouveau...
- Oui, fit Shepard, impassible.
- Je serais curieux de savoir comment ces considérations s'appliquent à ce qui nous intéresse... la succession, le retour gagnant, la veuve Wells.
Shepard mit un bon moment à répondre. Lorsqu'il parla enfin, ce fut pou=r dire :
- Un retour gagnant est une chance de faire peau neuve, monsieur Nilssen, de devenir un tout autre homme. Qu'on trouve ici une pépite et on peut s'acheter une existence. Ce sont là des possibilités que le monde policé ne fournit pas.
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Lydia Wells semblait prendre toujours des poses luxurieuses exprès pour pouvoir accueillir en riant l'importun qui viendrait l'en déranger. Au salon du Voyageur, Gascoigne la découvrit étendue sur le canapé, une pantoufle balançant sur le bout d'un orteil, un bras grand ouvert, la tête renversée sur un coussin; elle serrait dans l'autre main un roman en format de poche, comme si le le livre venait d'être la cause d'une syncope. Ses joues rougies et sa mine émoustillée avaient été fabriqués ad hoc dans les instants qui précédèrent l'entrée du visiteur qui, lui, était loin de s'en douter. Il en concluait plutôt, selon l'intention de la belle, que la lecture dans laquelle elle était plongée était des plus licencieuses.
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