AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782757810590
200 pages
Points (30/11/-1)
3.91/5   16 notes
Résumé :
Quand Lorsa Lopez tue sa femme, personne ne fait rien. A Valancia, la cité déchue, on se contente d'attendre la police...qui ne vient pas. Seule Estina Bronzario a l'audace de braver le destin. Elle organise les femmes, les mène au combat contre la honte et le déshonneur.
Sous couvert d'une fable pleine de bruit, de fureur et de drôlerie, Sony Labou Tansi interroge " le silence de l'Histoire " et rend hommage avec force au courage des femmes africaines.
Que lire après Les sept solitudes de Lorsa LopezVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

Le titre , déjà, donne une idée du jeu subtil grammatical de Sony Labou Tansi, cité dans « de purs hommes » par Mohamed Mbougar Sarr, et encensé par Alain Mabanckou. Des mots nouveaux naissent, on les comprend, je vais en parsemer ce billet.
C'est une rumeur, dans un village au nom inventé divisé en deux parties ennemies, avec des noms propres plus espagnols que congolais. Non, plus lusophones-angolais qu'espagnols.
La rumeur nous appartient, nous savons des choses, nous devinons que Lorsa Lopez va tuer sa femme, et ça ne loupe pas, pourtant, nous avons tous jugé que le crime annoncé et perpétré, un vrai démasclage, pour ne pas dire carnage, reposait sur un incident futile, car quelques jours avant, ils s'embrassaient sous le nopal avec un air de nitouche.
Nous avons annoncé d'autres meurtres, les uns après les autres, en pensant que la police allait intervenir, pour mettre un peu d'ordre, mais non, figurez vous, elle est venue et repartie, sans que nous puissions comprendre pourquoi.
Alors Lorsa Lopez l'assassin attend, avec nous ; son perroquet n'arrête pas de rabâcher que sa femme lui avait communiqué des poux d'un autre homme….. jusqu'à ce que la justice intervienne et condamne après procès…. le perroquet , ça lui apprendra. (je ne peux m'empêcher de penser à Pastoureau : Une histoire symbolique du Moyen Age, où un cochon perd son procès ).
Il y a procès, mise à mort du perroquet, mais la police ne vient toujours pas.
Elle mettra quarante-sept ans à venir.
Pendant ce temps, les rumeurs, nos rumeurs enflent, nous rechampissont notre misère, alors l'une d'entre nous décide d'imposer à toutes la grève du sexe, et nous avons dû, comme des pélobates, obéir, elle nous a pignochés. Mais il faut savoir que « l'âge de la femme broutée est révolu, un homme n'a plus le droit de prendre ses femmes pour des objets ou des ustensiles de sexualisation ».
Cette grève ne va pas durer longtemps.
Car nos rumeurs recouvrent notre vérité et si nous nous appelons « commères » nous ne divulguons pas des potins, des ragots de bas étage. Nous savons, c'est différent. Parfois nous nous trompons de plusieurs années dans ce que nous affirmons, peu importe, autour de nous, une société s'est identifiée, et nous luttons tout de même contre le pouvoir, le maire qui tremble pour sa nomination et qui pitoyablement essaie, à chaque venue de l'extérieur d'escamoter les os de la première défunte, qui n'a pas pu être enterrée avant que la police n'arrive, la fameuse police, parlons-en, et le juge, pas tripette.
Subversives, nous sommes, nous les commères.

Notre choeur de rumeurs prédictives finit par nous donner tous les pouvoirs, y compris d'assassiner la vérité. « Nous lui enfonçons toute la lame de notre impuissance. Mais elle nous montre ses dents et sa limpidité, Noua agissons comme si nous étions capables de négocier notre destin. »


Mélange de poésie pure, d'humour ubuesque, de réflexion sur ce que sont et la rumeur et la honte qu'elle déclenche, de changement de perspective quant au centre du monde, comme la capitale qui doit être « décapitalisée » et transportée ailleurs, de chiffres : les 59 épouses de Sarngata Nola, qui elles ne font pas la grève du sexe , le pauvre ! , les sept décapitalisations , le changement 872 ieme fois des restes de la pauvre Estina Benta, les 800 Blancs dans l'ile des Solitudes, les 47 ans d'attente de la police et les sept solitudes de l'assassin, celle de chaque jour, en attente de jugement, pendant tant d' années.

« C'est que, nous dit Sony Labou Tamsi, être poète, de nos jours, c'est vouloir de toutes ses forces, de toute son âme et de toute sa chair, face aux fusils, face à l'argent qui lui aussi devient un fusil, et surtout face à la vérité reçue sur laquelle nous, poètes, avons une autorisation de pisser, qu'aucun visage de la réalité humaine ne soit poussé sous le silence de l'Histoire. »

LC Thématique juillet : un prénom dans le titre
Commenter  J’apprécie          4615
Ce livre étonnant car il part d'une intrigue l'assassinat de lorsa lopez pour décrire un univers où se mêlent deux sociétés , deux natures ; l'une autoritaire, satyrique, arrogante et une autre plus calme, humble, sournoise mais hypocrite et lache donc un univers dont aucune de ces deux sociétés n'est préférable à l'autre et milite donc pour l'existence d'une société à la croisé des chemins du meilleur et des contraires des deux ( libre, courageuse, entreprenante...)

Cette description pourrait s'assimiler à l'afrique et à l'occident , au clan possédant le pouvoir et à celui qui est dominé: l'afrique ne se rebèlle pas, prend pas sa vie en main et continue de se faire "femme" pour l'occident , le clan dominé ne se rebelle pas suffisamment.

Ce livre invite donc à l'afrique de ne plus être une femme qui se tait sans rien dire mais d'être une femme plus entreprenante
Commenter  J’apprécie          60
Je ne me souviens plus exactement de ce livre, seulement des sentiments éprouvés lors de sa lecture. Sony Labou Tansi c'est à mon goût le Ionesco africain. Un grand surréaliste. Et ce livre est plein de vérité, de douleurs au milieu d'un monde complètement absurdes où l'on cherche continuellement à se débarrasser de Lorsa Lopez qui n'en finit de mourir.
Je me souviens vaguement de cette citation au début du livre. C'était quelque chose du genre :
"On dit souvent que l'Afrique est le continent de la Parole. Je crois au contraire que c'est la civilisation du silence".
Les non-dits, les mensonges, l'hypocrisie sont au coeur de cette ouvrage.
Commenter  J’apprécie          60

Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Nous venons au monde pour nommer : gare à qui nommera sa perte ou sa honte. Je pense au temps où lui et moi étions nous. L’ardeur de nos peaux. Le souffle d’amour. L’odeur magnifique du monde fortement collé aux choses. Les chairs allumées au feu d’une commune folie, posées sur un commun espoir. Maladroitement. Et le temps qui lèche le tout .
Commenter  J’apprécie          190
Mon amour,

Qui saura jamais ce qu'est le corps ? Le mien pourtant, je le devine agréable à toutes les folies du monde, bâti à la seule mesure de la démesure. Par Dieu hélas ! Mon corps simple qui a voulu fêter le tien !
Corps de turbulences, avec ses dômes, flèches, corniches, labyrinthes, mâchicoulis, minarets...Et pour danser avec Dieu, il prend d'assaut le ciel insipide de l'âme par l'instant d'amour qui fait du corps de tous les jours un mystère. Devant l'amour, Dieu ne peut que nous acquitter. Amour de la chair, me direz-vous ? C'est justement la chair qui, en disant « je », change l'univers en un inépuisable chant de triomphe. Je vous aime. Dans ces mots simples est l'espoir. L'univers murmuré. L'espoir porté comme une peur. Quel amour n'est pas une dépravation ? Celui du Christ ? Alors pourquoi en est-il mort ? Mon Père ! Quel corps n'est pas une mystique ? Je te fais cadeau du mien de la même manière que le Christ nous fit cadeau du sien sur la croix...
Commenter  J’apprécie          20
Un malheur ne vient jamais seul : nous n’avions pas vendu nos ananas cette année-là, notre président ayant insulté l’Amérique à la seizième conférence de Paris sur les prix des matières premières. Pour se venger, les Américains refusaient de manger nos ananas, et, avec eux, les Français refusaient par pudeur, les Belges par compréhension, les Russes par timidité, les Anglais par compétence, les Allemands par pure et simple tête dure, l’Afrique du Sud par intuition, le Japon par honneur… Enfin, pour une raison ou pour une autre, le monde entier refusait nos ananas. Les autorités, au lieu d’abdiquer, avaient passé une loi, obligeant les résidents étrangers à manger d’impossibles quantités d’ananas, matin, midi et soir : soit trois kilos par jour et par tête ! « C’est bien fait pour leurs gueules », disait la population.
Commenter  J’apprécie          20
Le monstre avait sept têtes couronnées d’une crête en laiton, douze bras de longueur excentrique, une jambe en forme de colonne, striée, terminée par une sorte de patte d’éléphant, treize défenses fortement poilues et dentelées, avec treize orifices dont quatre en forme de trompe, terminés par une manière de parapluie en calcaire compact, et qui se cassaient comme des serpents de verre quand on les touchait. On disait que ces quatre derniers orifices jouaient les yeux, les narines et les oreilles. Une longue barre, de calcaire également, en forme de tuyère, placée à la racine de la jambe fourchue, jouait le sexe, du moins c’était là l’avis de Lorsa Manuel Yeba, oncle maternel du monstre. Le sexe et trou d’éjection. Quand le bébé se mettait à pleurer, la Côte se bouchait les oreilles. Sa mère, à cause de nos plaintes, avait essayé de le noyer à l’estuaire, du côté de la baie des Lotes, mais à plusieurs reprises Yogo Lobotolo Yambi avait traversé Valancia en pleurant son pleur infernal et regagné le gîte maternel, au cou la grosse barre de fer qui devait le maintenir au fond de l’océan. Malgré les protestations des populaces, et malgré la position des autorités qui pensaient qu’un tel monstre pouvait aisément s’emparer du pouvoir et le confisquer pendant des siècles (et qui proposaient qu’on le jetât dans la fosse de feu de Porta Indiano ou dans le rectangle de la mort), le père Bona de la Sacristie, au juste nom de Jésus, éleva l’enfant jusqu’à l’âge de seize ans, époque à laquelle il quitta l’ombre du Seigneur et la messe de cinq heures pour plonger dans l’océan, du côté de la baie Afonso, en laissant sur son passage des empreintes de deux mètres de diamètre sur une profondeur qui, selon les terres, variait de douze à cinquante centimètres.
Commenter  J’apprécie          00
Il convient de savoir que tout compte fait, nous sommes seuls au monde. Et la grande réalité de l’homme, c’est sa solitude infinie, jusqu’au tombeau. … Peut-être ne venons-nous au monde que pour accepter l’inacceptable. La vérité nous hait. Nous n’avons rien à voir avec elle, Et pourtant, juste en face de nous, la beauté profonde des choses.
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Sony Labou Tansi (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sony Labou Tansi
Extrait de «Je, soussigné cardiaque», de Sony Labou Tansi (Congo)
Metteure en scène : Catherine Boskowitz. Lu par Marcel Mankita, Eddie Chignara, Mireille Roussel, François Raffenaud, Gustave Akakpo, Bertrand Amiel (artiste bruiteur).
Extrait issus des lectures RFI «Ça va, ça va, le Monde !», du 16 au 21 juillet, de 11h30 à 12h30, dans le jardin du gymnase du lycée Saint-Joseph à Avignon. Un cycle de lecture coordonné par Pascal Paradou, dirigé par Catherine Boskowitz, avec le soutien de la SACD.
autres livres classés : littérature africaineVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (74) Voir plus




{* *}