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EAN : 9782226133960
160 pages
Albin Michel (21/08/2002)
3.9/5   48 notes
Résumé :

Une femme se raconte en sept nuits : de la première alors qu’elle veille sa mère qui va mourir et que lui revient le souvenir de ses 7 ans à Berlin en 1943 quand avec cette mère jeune, belle et intrépide elle traverse la ville en ruines pour rencontrer dans une prison ce père qu’elle ne connaissait pas, à la presque dernière ce sont des nuits nourries par la passion, l’attente ou le désespoir, il... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Les sept nuits de la reine sont une pure merveille, tant sur le fond que par la forme.

Le roman débute par une lettre d'une femme à un ami qui lui a demandé de lui narrer le récit de sa vie. Plutôt que d'encombrer des pages et des pages de faits matériels et d'instants qui sont vides de sens une fois passés, elle s'interroge sur ce qui fait le liant de l'existence, qui transforme en unité chaque moment vécu. Sa conclusion : la nuit. Nuit alambic qui distille hier pour enrichir demain.

Alors elle va se raconter en sept nuits. Bien sûr, chaque nuit s'évase en une tranche de vie plus large. On suit la narratrice de son enfance dans le Berlin en guerre jusqu'à l'âge mûr, avec les grands aléas que réserve à chacun la vie, avec émotion et sobriété, avec des réflexions qui tendent vers une philosophie, voire une spiritualité, de l'existence. Elle amène à réfléchir sur ce qui constitue cette parenthèse entre deux grands abîmes.

Je ne connaissais pas du tout Christiane Singer jusqu'alors, pas même de nom. Une amie s'est essayé à ce roman sans adhérer et, en jetant un coup d'oeil à la quatrième de couverture, je me suis laissée tenter. Grand bien m'en a pris car je suis tombée dès les premières phrases sous le charme d'une écriture éblouissante. L'auteure aime les mots et la chaleur et la delicatesse qu'elle met dans son écriture étincellent sur chaque page.

Petit en taille mais grand en qualité, Les sept nuits de la reine est un livre qui s'installe sans à-coup ni brutalité au coeur du lecteur. Un livre dont chaque relecture, je crois, s'enrichit au fil du temps.
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Christiane Singer nous offre ici un roman très intimiste. le récit de sa vie, à travers ses épisodes douloureux. Son enfance, ses deuils terribles. Elle nous montre le chemin de la résilience à travers l'attachement à la vie. Elle nous fait part de ses doutes, de ses hésitations, dont elle viendra à bout en effectuant le choix de voir la vie du côté plein. Je me souviens d'une citation de Marguerite Yourcenar qui disait "dans la vie, je gagne à tous les coups". C'est ce que Christiane Singer nous démontre. Oui, que vaudrait une vie sans heurts, sans désespoir, sans problème ? D'une écriture sensible, elle sait, avec ce livre, nous montrer le chemin.
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Découvrir l'univers de Christiane SINGER avec ce roman inclassable est une bien belle expérience.
La narratrice s'appelle Livia, elle appartient à un monde privilégié de richesse et de culture, sans doute à une vieille aristocratie un peu désuète. A un ami qui veut la convaincre de raconter sa vie, elle propose plutôt d'évoquer ses nuits, certaines nuits au sens propre et aussi au sens figuré, composés de moments troubles et déterminants dans son évolution.
Elle fait ainsi le récit de sept nuits, commençant par la mort de sa mère, ce qui lui permet d'évoquer son enfance et de se délivrer d'un silence autour de ses origines. On découvre que petite, déjà, Livia avait la conscience du monde et qu'elle protégeait sa mère.
La deuxième nuit dit beaucoup sur la relation à la mère. La petite Livia s'empêche de dormir car elle attend sa mère et elle découvre que cette attente douloureuse en porte d'autres, vécues par une aïeule. Et lorsqu'elle fait cette découverte, elle se délivre de l'attente (qualifiée de plaie d'amour)
La troisième nuit nous met en présence de la jeune fille qui découvre l'amour / passion et la sensualité avec un homme beaucoup plus âgé qu'elle. L'histoire de cet amour n'est pas conventionnelle puisque Ricardo est marié et que son épouse infirme accepte sa relation avec Livia. Cet amour est voué à la séparation.
La quatrième nuit nous plonge dans la perte : la perte de son mari Andreas, renversé par une voiture et la perte de son fils Aurelio, atteint de leucémie.
Livia se sent coupable de la mort d'Andreas auquel elle pense n'avoir pas su transmettre le goût de la vie. Lorsqu'elle apprend la maladie d'Aurélio, elle choisit de partir avec lui en voyage et de profiter de chaque instant de vie.
Avec la cinquième nuit, on est dans le désespoir le plus noir « j'ai été morte au coeur de cette vie, j'ai été morte et je le demeurai longtemps »

Les nuits suivantes ramènent Livia à elle-même et le lecteur en est soulagé.
L'écriture de Christiane Singer est lumineuse, métaphorique et densifiée par des références à la spiritualité.
Je pense que ce livre peut rester sur la table de chevet et être lu et relu, avec chaque fois une nouvelle approche.
Il faut le déguster, s'y arrêter, et le reprendre plus tard si on s'aperçoit que ce n'est pas le moment pour une telle lecture.
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Une femme se raconte en sept nuits comme autant d'épreuves traversées qui touchent au plus intime et au plus profond de l être humain : de la première nuit alors qu'elle a sept ans à Berlin en 1944 et qu'elle rencontre son père pour la première et unique fois aux nuits suivantes où elle découvre la passion amoureuse, l'amour maternel puis la perte intolérable de son enfant, ce sont des pages d'indicible densité où la souffrance, le désir, la passion et le bonheur, hors des ornières du jour creusent un lit souterrain inspiré et puissant.
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un excellent Singer !!
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Si j'avais eu un enfant, me disait-il, avant l'arithmétique et l’orthographe, je lui aurais appris l'art du funambule, du danseur de corde et du jongleur. La vie ne s'apprend que dans l'instabilité et le tangage ! Loin de ces dépravations sordides que sont la sécurité, l'intérêt, l'efficacité et le succès ! Pouah ! Soyons sérieux, le tango a sauvé plus de vie que la pénicilline ! Et sais-tu pourquoi ? Parce-que loin d'ignorer l'irritation, le tango l'intègre ! Construit sur des structures ambivalentes, il rejoint la vraie vie. Alors que les nombres pairs rendent simplets, moralistes, avides de symétrie et d'autorité, la fréquentation de l'impair fait aimer les contradictions et les jeux de l'amour.
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[…] Je me suis demandé quelle est cette force indécelable à l’œil et qui tient ensemble notre vie qui, d’une multitude atomisée d’instants, parvient à faire une unité. De quelle nature est-il cet invisible mortier ?
Je crois le savoir désormais… c’est la nuit, la face cachée aux regards.
Tout ce qui a constitué nos vies et continue de le faire, les formes et les contours du monde mani­festé, les espérances, les attentes, les séparations et les jubilations, tout trouve sa consistance ultime dans le formidable alambic de la nuit[…]

[…] Quand je demande à ceux que je rencontre de me parler d’eux-mêmes, je suis souvent attristée par la pauvreté de ma moisson.
On me répond : je suis médecin, je suis comptable…j’ajoute doucement… vous me comprenez mal : je ne veux pas savoir quel rôle vous est confié cette saison au théâtre mais qui vous êtes, ce qui vous habite, vous réjouit, vous saisit ?
Beaucoup persistent à ne pas me comprendre, habitués qu’ils sont à ne pas attribuer d’importance à la vie qui bouge doucement en eux[…]
[…] Qui sait encore que la vie est une petite musique presque imperceptible qui va casser, se lasser, cesser si on ne se penche pas vers elle ?
Les choses que nos contemporains semblent juger importantes déterminent l’exact périmètre de l’insignifiance : les actualités, les prix, les cours en Bourse, les modes, le bruit de la fureur, les vanités individuelles. Je ne veux savoir des êtres que je rencontre ni l’âge, ni le métier, ni la situa­tion familiale : j’ose prétendre que tout cela m’est clair à la seule manière dont ils ont ôté leur manteau. Ce que je veux savoir, c’est de quelle façon ils ont survécu au désespoir d’être séparés de l’Un par leur naissance, de quelle façon ils comblent le vide entre les grands rendez-vous de l’enfance, de la vieillesse et de la mort, et comment ils supportent de n’être pas tout sur cette terre.

Je ne veux pas les entendre parler de cette part convenue de la réalité, toujours la même, le petit monde interlope et maffieux : ce qu’une époque fait miroiter du ciel dans la flaque graisseuse de ses conventions!
Je veux savoir ce qu’ils perçoivent de l’immensité qui bruit autour d’eux.
Et j’ai souvent peur du refus féroce qui règne aujour­d’hui, à sortir du périmètre assigné, à honorer l’immensité du monde créé.
Mais ce dont j’ai plus peur encore, c’est de ne pas assez aimer, de ne pas assez contaminer de ma passion de vivre ceux que je rencontre.
Vous le savez tout comme moi : ce qui reste d’une existence, ce sont ces moments absents de tout curriculum vitae et qui vivent de leur vie propre ; ces percées de présence sous l’enveloppe factice des biographies

Une odeur

Un appel

Un regard

Et voilà les malles, les valises, les ballots solidement arrimés dans les soutes qui se mettent en mouvement, s’arrachent aux courroies et aux cordages et vont faire chavirer le navire de notre raison quotidienne !
Non qu’à ces moments-là nous devenions fous. Loin de là.
Un instant, à l’enfermement, à l’odeur confinée du fond de navire a succédé le vent du large.
L’illimité pour lequel nous sommes nés se révèle.
De même que les poumons lors du premier inspir se remplissent brusquement d’air et arrachent au nouveau-né un cri, les bannières de mémoire soudain lâchées dans le vent se déploient et claquent.
Le souvenir de sa royauté atteint l’esclave au fond des cales. La conscience passe en un instant de ce qu’on appelle pour un navire les ” oeuvres mortes “, confinées sous la ligne de flottaison, aux ” oeuvres vives” que baignent les embruns et la lumière.[…]

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Quand je demande à ceux que je rencontre de me parler d'eux- mêmes, je suis souvent attristée par la pauvreté de ma moisson.

On me répond: je suis médecin, je suis comptable...j'ajoute doucement: vous me comprenez mal.

Je ne veux pas savoir quel rôle vous est confié cette saison au théâtre mais qui vous êtes, ce qui vous habite, vous réjouit, vous saisit ?

Beaucoup persistent à ne pas me comprendre, habitués qu'ils sont à ne pas attribuer d'importance à la vie qui bouge doucement en eux.

On me dit: je suis médecin ou comptable mais rarement: ce matin, quand j'allais pour écarter le rideau, je n'ai plus reconnu ma main...ou encore: je suis redescendu tout à l'heure reprendre dans la poubelle les vieilles pantoufles que j'y avais jetées la veille; je crois que je les aime encore...ou je ne sais quoi de saugrenu, d'insensé, de vrai, de chaud comme un pain chaud que les enfants rapportent en courant du boulanger.

Qui sait encore que la vie est une petite musique presque imperceptible qui va casser, se lasser, cesser si on ne se penche pas vers elle ?

Les choses que nos contemporains semblent juger importantes déterminent l'exact périmètre de l'insignifiance: les actualités, les prix, les cours de la Bourse, les modes, le bruit de la fureur, les vanités individuelles.

Je ne veux savoir des êtres que je rencontre ni l'âge, ni le métier, ni la situation familiale; j'ose prétendre que tout cela m'est clair à la seule manière dont ils ont ôté leur manteau.

Ce que je veux savoir, c'est de quelle façon ils ont survécu au désespoir d'être séparé de l'Un par leur naissance, de quelle façon ils comblent le vide entre les grands rendez- vous de l'enfance, de la vieillesse et de la mort, et comment ils supportent de n'être pas tout sur cette terre.

Je ne veux pas les entendre parler de cette part convenue de la réalité, toujours la même, le petit monde interlope et mafieux: ce qu'une époque fait miroiter du ciel dans la flaque graisseuse de ses conventions !

Je veux savoir ce qu'ils perçoivent de l'immensité qui bruit autour d'eux.

Et j'ai souvent peur du refus féroce qui règne aujourd'hui, à sortir du périmètre assigné, à honorer l'immensité du monde créé.. Mais ce dont j'ai plus peur encore, c'est de ne pas assez aimer, de ne pas assez contaminer de ma passion de vivre ceux que je rencontre..
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Quand je demande à ceux que je rencontre de me parler d'eux mêmes, je suis souvent attristée par la pauvreté de ma moisson. On me répond: Je suis médecin, je suis comptable... J'ajoute doucement: Vous me comprenez ma. Je ne veux pas savoir quel rôle vous est confié cette saison au théâtre mais qui vous êtes, ce qui vous habite, vous rejouit, vous saisit? Beaucoup persistent à ne pas comprendre, habitués qu'ils sont à ne pas attribuer d'importance à la vie qui bouge doucement en eux. On me dit: Je suis medecin ou comptable mais rarement: Ce matin, quand j'allais pour écarter le rideau, je n'ai plus reconnu ma main... Ou encore: Je suis redescendue tout à l'heure reprendre dans la poubelle les vieilles pantoufles que j'y avais jetées la veille, je crois que je les aime encore... Ou je ne sais quoi de saugrenu, d'insensé, de vrai, de chaud, comme un pain chaud que les enfants rapportent en courant du boulanger. Qui sait encore que la vie est une petite musique presque imperceptible qui va casser, se lasser, cesser si on ne se penche pas vers elle?
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Vous le savez tout comme moi : ce qui reste d'une existence, ce sont ces percées de présence sous l'enveloppe factice des biographies.
Je vous envoie le récit de sept nuits (sans omettre la nébuleuse des jours qu'elles éclairent).
Pourquoi sept nuits ?
Parce que Dieu a créé le monde en sept jours et l'a confié aux hommes, Il a donné aux femmes la garde des nuits. Il faut en comprendre la raison. Les nuits sont trop immenses, trop redoutables pour les hommes. Non, bien sûr, que les femmes soient plus courageuses ; elles sont seulement plus à même de bercer sans se poser de questions ce que la nuit leur donne à bercer : l'inconnaissable.
Nos longues conversations ont porté fruit.
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Vidéo de Christiane Singer
L`écrivain Christiane Singer est décédée le 4 avril dernier. Elle apprend le 1er septembre 2006 qu`il lui reste six mois à vivre et décide d`écrire le journal de son agonie. "Derniers fragments d`un long voyage" a paru le jour même de sa disparition. Jérôme Garcin a choisi de nous lire le moment de l`annonce par le jeune médecin viennois du verdict.
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