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EAN : 9782707315656
189 pages
Editions de Minuit (19/04/1996)
3.88/5   731 notes
Résumé :
Ils sont morts à quelques semaines d'intervalle : d'abord le père, puis la vieille tante de celui-ci, enfin le grand-père maternel. Mais cette série funèbre semble n'avoir fait qu'un seul disparu : le narrateur, dont le vide occupe le centre du récit. C'est à la périphérie et à partir d'infimes indices (un dentier, quelques photos, une image pieuse) que se constitue peu à peu une histoire, qui finira par atteindre, par strates successives, l'horizon de l'Histoire ma... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (85) Voir plus Ajouter une critique
3,88

sur 731 notes
Sublime ! Un Prix Goncourt 1990 mérité ! Il y a des rencontres avec certains auteurs qui s'imprègnent durablement dans la mémoire comme ces « Champs d'Honneur ». Une très belle écriture chargée émotionnellement, des phrases longues d'une douce fluidité, d'une pureté de cristal. La prose de Jean Rouaud à cela d'exceptionnel qu'elle suscite immédiatement des images, on se croirait au cinéma de minuit ! Mais ce qui retient l'attention dès les premières pages, c'est la beauté du style, la minutie des détails qui contribue à nous immerger dans le spectacle qui s'offre à nous.

Et puis la voix du narrateur, celle que l'on entend du plus profond de notre silence intérieur, surement celle de Jean Rouaud, qui raconte les facéties de son grand-père, Alphonse Burgaud avec sa 2CV. Ce couple pittoresque qui devient du coup l'objet d'un conflit avec la grand-mère. Un portrait haut en couleur aussi, celui de la tante Marie, vielle fille à l'image de Mademoiselle Lelonbec de Fernand Raynaud, petite bonne femme, institutrice dans une institution religieuse. Elle possède ses petits rituels pour obtenir les faveurs de certains saints dont elle possède les statuettes. Si par malheur, le saint ayant la charge de réaliser le souhait, manque à sa mission, le saint patron défaillant se retrouve au coin, à regarder le fond de son alcôve ! Qui mieux que Jean Rouaud peut nous parler de la pluie, nous sommes en Loire-Inférieure, aujourd'hui Loire-Atlantique, et elle inspire l'auteur cette pluie : « Et preuve que nul n'en veut à cette pluie, les cheveux dégoulinants, on se regarde en souriant. Ce n'est pas la pluie mais une partie de cache-cache, un jeu du chat et de la souris. D'ailleurs, le temps de reprendre son souffle et le ciel a retrouvé son humeur bleutée. Une éclaircie, vous avez déjà pardonné. »

C'est drôle, ironique, certaines scènes ouvrent les portes de notre mémoire et font ressurgir des scènes cocasses de notre passé. Car c'est aussi l'histoire familiale des anonymes qui ont traversé le XXème siècle avec leurs joies mais aussi leurs peines. Nous pouvons tous nous reconnaître dans ces tableaux surtout si nous avons déjà fait un petit bout de chemin. Les années passant, certains souvenirs revêtent comme un goût de « barbe à papa », une douceur infinie.

C'est nostalgique, tendre, et puis tout doucement, l'air de rien, d'analepse en prolepse, l'auteur nous dévoile les rêves brisés, les familles fracassées. A onze ans, Jean perd son père, Joseph, qui n'a que quarante ans. Alors, Jean nous confie les deuils successifs qui affligent toutes les familles ! C'est un chant d'amour à ceux qui ne sont plus, au vide de l'absence qui nous tourmente. Il nous emmène jusque sur les champs de bataille pendant l'absurde Grande Guerre, et son écriture qui se veut minutieuse, visuelle, ne nous épargne pas. Elle nous montre l'horreur et pose la question du sens.

C'est un livre particulièrement émouvant par ce qu'il touche à l'intimité de chacun de nous. Qui n'a pas eu une tante Marie, un grand-père Joseph, un arrière grand-père dans les tranchées. Ce livre parle à nos coeurs, il se fait passeur de mémoire.

« La mémoire la plus profonde est une mémoire de toute notre destinée – Jean Guiton ».

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Un très beau livre qui retrace fidèlement l'histoire et la mémoire d'une famille. le style est remarquable, Jean Rouaud possède une très belle plume. Ce livre très plaisant à lire est très émouvant dans ses dernières pages qui évoquent des épisodes dramatiques de la guerre de 14 et de ses suites toutes aussi tragiques. Un roman autobiographique que je recommande. Une oeuvre qui a amplement mérité son Prix Goncourt en 1990.
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Combien de familles françaises pourraient se reconnaitre dans cette autobiographie familiale qui évoque les anciens et les disparus de la Grande Guerre ?

En 1990, cette touchante chronique a reçu le prix Goncourt et je viens de la relire pour coller davantage avec l'actualité historique du moment. Mon plaisir a été identique au souvenir de ma première lecture.

Jean Rouaud nous offrait, il y a plus de vingt ans, un premier roman attachant en évoquant sa famille dans un village de l'arrière-pays nantais (que je connais d'ailleurs très bien).
Une famille heureuse mais touchée par des décès récents et rapprochés qu'il a eu à coeur d'évoquer, en les rapprochant subtilement de la disparition de grand-oncles, victimes de la guerre de 14/18.

Comme on pourrait évoquer des histoires et des souvenirs à la veillée, en ressortant les vieilles photos jaunies, le lecteur découvre par petites touches des histoires de vies, des anecdotes, des objets, indices émouvants du souvenir toujours vivace de la perte terrible de jeunes hommes.

La narration se fait en méli-mélo, comme une boite des clichés oubliés et qu'on explique un à un.
On évoque ici peu la guerre. Elle est en filigrane, par images furtives et évocatrices. En se faisant chroniqueur de ses anciens, Jean Rouaud en fait un portrait nostalgique et gentiment ironique pour leurs travers et petites manies.

Les Champs d'Honneur interpellent en devoir de mémoire, mêlant la nostalgie des hommes glorifiés sur les monuments aux morts du village et les pertes familiales plus intimes, qu'on honore en discrétion.

Je n'ai pas lu le cycle romanesque familial que Jean Rouaud consacre à sa famille. Je me promets de réparer cet oubli.

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Au moins, je n'ai pas eu à attendre longtemps mon premier coup de coeur de 2019. Ceci étant dit, je me sens tout vergogneux de ce constat : il m'aura fallu près de trente ans pour découvrir Jean Rouaud. Cela en dit long sur mes priorités de lecture, tristement professionnelles durant tant d'années, et subséquemment sur le retard que j'ai accumulé en matière de bons livres...
L'avantage d'arriver après une bataille est que tout est déjà joué et que l'on n'y changera plus rien. Il est ainsi permis de ne pas s'attarder. Ce roman est donc l'exploration d'une mémoire familiale, à peine transposée de celle de l'auteur lui-même, entre la guerre de 14 et les années 60. S'il y a incontestablement un récit, ce dernier n'obéit pas au sens classique du terme et ne s'oblige pas non plus à respecter la chronologie des faits. le livre se construit par des détours et des digressions, qui n'ont à vrai dire rien de difficile à suivre tant les personnages sont à la fois peu nombreux et bien campés. C'est un livre qui touche son lecteur au plus profond parce que cette histoire, somme toute, est celle de chacun d'entre nous. Toute famille possède son fonds d'histoires tristes et de décès soudains, son lot d'épisodes cocasses ou ses entrelacs complexes de grands renoncements et de petits ressentiments. Lire Les Champs d'honneur, c'est se condamner à ranimer cette mémoire-là, et ce peut être douloureux de s'apercevoir qu'il y a des questions que l'on n'a jamais osé poser et qui ne se poseront plus.
Le talent De Rouaud tient à la délicatesse extrême avec laquelle il aborde son sujet. Son livre aurait pu être un gros mélodrame. Or c'est au contraire quelque chose de très aérien, un texte habité d'amour et de malice, pétri d'humour et parfois tout simplement désopilant, y compris au coeur même de la tragédie. Il n'y a pas une page où l'on ne sente chez le narrateur cette tendresse viscérale pour tous ceux qui l'ont précédé, et qui en un mot ont fait de lui ce qu'il est. Si l'affection est parfois moqueuse, c'est par pudeur, et peut-être aussi parce qu'il ne faut pas donner l'air de se plaindre. Se plaindre serait d'ailleurs bien inutile : pourquoi faudrait-il s'infliger cette nouvelle épreuve ?
Il en ressort, en fin de compte, que la mémoire d'une famille se construit avec des morts et ne s'entretient que par le récit toujours fragile des vivants. C'est une évidence toute simple, bien sûr, mais dont Rouaud tire une lumière qui continue de brûler longtemps après la dernière page de son livre.
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C'est un peu après la guerre, en Loire inférieure, un jeune garçon nous décrit sa famille endeuillée à plusieurs reprises. Jean Rouaud en parle avec tendresse et humour dans ce roman autobiographique.

On n'est pas prêt d'oublier son grand-père en train de conduire sa 2 CV, cigarette aux lèvres, sa tante, une vieille fille institutrice, petite souris grise toujours active, veillant sur la famille avec ses médailles pieuses, et l'on s'attache à toute une galerie de personnages. Sous le crachin persistant, les souvenirs s'entassent, images pieuses, dentiers et alliances des morts de la famille, la vie continue. C'est la vie de gens simples dans laquelle bien des personnes se retrouveront…

Jean Rouaud fait revivre toute une époque, son album de famille s'anime sous sa plume élégante et la fin du roman donne encore plus de force au récit, prouvant une fois encore que les secousses de la guerre poursuivent les hommes bien longtemps après l'armistice, comme les répliques après un séisme majeur continuent leurs dégâts sur les hommes impuissants….

Prix Goncourt 1990


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Citations et extraits (75) Voir plus Ajouter une citation
La pluie s'annonce à des signes très sûrs : le vent d'ouest, net et frais, les mouettes qui refluent très loin à l'intérieur des terres et se posent comme des balles de coton sur les champs labourés, les hirondelles, l'été, qui rasent les toits des maisons, tournoient, attentives et muettes, dans les jardins, les feuillages qui s'agitent et bruissent au vent, les petites feuilles rondes des trembles affolées, les hommes qui lèvent le nez vers un ciel pommelé, les femmes qui ramassent le linge à brassée (incomparables draps séchés au vent de la mer - cet air homéopathique d'iode et de sel entre les fibres), abandonnant sur le fil les épingles multicolores comme des oiseaux de volière, les enfants qui jouent dans le sable et que les mamans rappellent, les chats à leur toilette qui passent la patte derrière l'oreille, et trois petits coups d'ongle sur le verre bombé du baromètre : l'aiguille qui s'effondre.
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De fait, il (grand-père) fumait bien son champ de tabac à lui seul, allumant chaque cigarette avec le mégot de la précédente, ce qui, quand il conduisait, embarquait la 2CV dans un rodéo improvisé. Le mégot serré entre le pouce et l'index de la main droite, la cigarette nouvelle au coin des lèvres, il fixait attentivement la pointe rougie sans plus se soucier de la route, procédant par touches légères, tirant des petites bouffées méthodiques jusqu'à ce que s'élève au point de contact un mince filet de fumée. Alors la tête rejetée en arrière pour ne pas être aveuglé, bientôt environné d'un nuage dense qu'il balayait d'un revers de la main, il soulevait du coude la vitre inférieure battante de la portière, jetait le mégot d'un geste vif et, toujours sans un regard pour la route, donnait un coup de volant arbitraire qui secouait les passagers en tous sens.

page 10 - J'ai adoré imaginé la scène!
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Avec grand-père, on avait tout de la mouche du coche. On avait beau le mettre en garde, le prévenir en rapprochant les mains l'une vers l'autre que l'obstacle à l'arrière n'était plus qu'à quelques centimètres maintenant, il vous regardait avec lassitude à travers la fumée de sa cigarette et attendait calmement que ses pare-chocs le lui signalent. A ce jeu, la carrosserie [de la 2 CV] était abîmée de partout, les ailes compressées, les portières faussées. La voiture y avait gagné le surnom de Bobosse. Si grand-père l'apprit jamais, il faisait montre de suffisamment d'indifférence pour ne pas s'en émouvoir, et il est vraisemblable que ses pensées nous avaient catalogués une fois pour toutes : petits morveux, ou ce genre. Peut-être s'en moquait-il vraiment.
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Quand le soir tombe, le jeune homme au teint blafard entre en agonie. Cette fois, le médecin major ne laisse plus d'espoir. La jeune promise passe régulièrement dans la pénombre, et doucement, pour ne pas gêner ceux qui dorment, pose un linge frais sur son front, remonte les draps sur sa poitrine, et, quand un accès brutal de toux le fait se dresser dans son lit, elle le prend comme un enfant dans ses bras et lui verse entre les lèvres une cuillerée de sirop.
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- On affirme souvent que « tout le monde peut écrire ».
Jean Rouaud : - Je l’ai moi-même cru longtemps, et j’ai été plutôt enclin
à inciter à écrire tous ceux qui en manifestaient le désir. On est tous,
tout le temps dans l’écriture – d’un rapport, d’une carte postale, pour
laquelle on essaie de trouver une tournure un peu fine, un peu drôle.
Et on est tenté de se dire qu’il suffirait d’allonger la phrase pour lui
faire porter une histoire, et que, ma foi, de la carte postale au roman,
il n’y aurait qu’une question de temps et d’énergie.
En fait, je crois de plus en plus que ce saut de la carte postale au livre,
c’est l’engagement de toute une vie. Ce n’est pas quelque chose qui
se fait impunément. Il y a un prix très lourd à l’écriture, qui consiste
à abandonner, en fait, quasiment toute ambition sociale."
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