A la mort de ses parents, Portia une jeune fille de 16 ans, est recueillie, sans enthousiasme par Thomas et Anna, son demi-frère et sa belle-soeur. Nous sommes en 1937 à Londres: On boit du thé à toutes les pages. C'est l'occasion d'observer par le trou de la serrure les petites discussions sans importance qui masquent mal les petits drames de la vie ordinaire.
Quand le roman débute Anna a découvert le
journal intime de Portia, elle s'en ouvre à un ami. Elle n'aime pas ce qu'elle y apprend d'elle-même. Ce
journal sera le fil conducteur tout au long des trois parties du roman, jusqu'au dénouement final... qui n'en ai pas vraiment un.
En mode je vous vends l'article, je dirai: Portia, une jeune orpheline est séduite par Eddie, un jeune homme d'origine modeste. Eddie pourrait réussir dans la société Londonienne des années 30 s'il était un peu moins auto-destructeur et provocateur. Avec Portia cependant il semble s'apaiser. La fraicheur et la sincérité de la jeune fille triompheront-elles de ses mauvais penchants? Rien n'est moins sûr, surtout s l'on sait qu'Eddie entretient des relations pour le moins ambigüe avec Anna. Anna lui a notamment permis de sortir d'une mauvaise passe en le faisant engager par Thomas dans son agence. Autour de cette intrigue centrale gravite une dizaines de personnages secondaires, tous plus intéressants les uns que les autres.
Mais bien sûr,
Elizabeth Bowen ne peut être caricaturée ainsi. Les personnages son dépeints avec une grande acuité psychologique, sans caricature, la "happy end" n'est pas garantie donc. On a accès aux perceptions d'un personnage puis d'un autre puis de l'auteur comme au travers un kaléidoscope émotionnel.
J'ai particulièrement aimé la description des lieux: les maisons, les meubles, les objets, les saisons et les paysages prennent vie sous les mots comme s'ils étaient eux-mêmes des personnages. Il est difficile de dire dans quelle mesure l'état d'esprit de l'observateur se projette sur la description de ce qui l'entoure et dans quelle mesure les émotions de l'observateur sont influencées par son environnement. Ce qui est certain, c'est que le thème de la maison et du foyer traverse tout le roman. Ceux qui ont "leur cher eux" sont enfermés dans ses limites, et ceux qui en sont privés, errent dans les hôtels.
Un petit bémol cependant, le style d'
Elizabeth Bowen n'est pas toujours facile à lire. Mais je ne sais pas quelle est la part de l'auteur et quelle est la part de la traduction. Cette dernière semble un peu trop littérale parfois. On lit par exemples des "grâce à ", alors que des "à cause de" conviendrait mieux. Ce qui oblige à s'arrêter un instant sur le sens du texte. On peut lire parfois des phrases du genre "Ici, dans tous les sens du mot, la littérature était en fâcheuse odeur". Je connais l'expression "en fâcheuse posture", mais "fâcheuse odeur"? Et je dois lui trouver plusieurs sens en plus?
Ceci étant si vous aimez
Barbara Pym,
Katherine Mansfield ou
Elizabeth Taylor, je vous conseille
les coeurs détruits et
Elizabeth Bowen en général.