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EAN : 9782080810472
366 pages
Flammarion (14/02/1997)
3.92/5   72 notes
Résumé :
Le Moyen Age exerce une fascination sans cesse renouvelée sur l'esprit contemporain. Mais après avoir été victime des déformations pessimistes de la légende noire, il risque d'être celle des embellissements outranciers de la légende dorée. Jacques Le Goff, ancien élève de l'Ecole normale supérieure, ancien membre de l'Ecole française de Rome, directeur d'études à la sixième section de l'Ecole Pratique des Hautes Études, présente un Moyen Age qu'il veut plus vrai, pl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Un homme important vient de s'éteindre (01/04/2014). Il aura eu la malchance, si j'ose dire, de le faire au même moment qu'une romancière populaire. de ce fait, sa disparition fut à peine évoquée par les médias télévisés, plus friands de points d'audimat que de culture, cela va sans dire. Pourtant, Jacques le Goff révolutionna quelque peu le monde des médiévistes. Offrant au lecteur sa science et ses recherches, il le faisait avec passion et simplicité.

Cher Jacques, vous avez inscrit votre nom dans L Histoire. Qu'il brille désormais au firmament !


*****


"La civilisation de l'Occident médiéval" est le premier livre que j'ai lu de ce grand médiéviste. Ouvrage majeur, il remet en cause la vision des Historiens en s'intéressant surtout au côté intellectuel de cette époque et à la christianisation qui a joué un rôle important. Autrement dit, il ne va pas exploiter ici l'héritage matériel de nos ancêtres mais faire des recherches dans les sources ecclésiastiques afin de montrer le poids des valeurs religieuses. Elles ont façonné l'homme médiéval et sont devenues notre patrimoine immatériel.

Le Goff pointe également du doigt le découpage arbitraire - il faut bien l'avouer - des périodes historiques : le Moyen Âge est-il une continuité ou une rupture avec l'Antiquité ? Question épineuse à laquelle il répond ainsi : "Il semble souvent que la continuité l'a emporté sur la rupture, le point d'arrivée est pourtant si éloigné du point de départ que les gens du Moyen Âge eux-mêmes, dès le VIIIe siècle et jusqu'au XVIe, éprouveront le besoin de retourner à Rome parce qu'ils sentaient qu'ils l'avaient bien quittée. En chaque renaissance médiévale les clercs affirment plus encore la nostalgie du retour à l'Antiquité le sentiment d'être devenus autres. Revenir à Rome, ils n'y songent d'ailleurs jamais sérieusement. Quand ils rêvent d'un retour, c'est à celui qui les ramènerait au sein d'Abraham, au paradis terrestre, à la maison du Père". (P 54)

Se replonger dans cette époque, la regarder avec une vision médiévale et non moderne, apprendre d'elle pour comprendre ce qui nous relie à cette dernière, voilà ce qu'a voulu faire le Goff. Cet ouvrage est une mine d'or pour celui qui cherche à en savoir plus sur cette période qui, soudain, devient plus proche, dénuée de ses clichés.

Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Voilà une sacrée somme de savoir sur le Moyen Age condensée dans un livre somme toute assez petit ; un savoir compacté dans la petitesse de la fonte utilisée pour le texte et dans l'étroitesse des interlignes, mais un savoir si dense qu'il fuit à travers les joints des pages. Et certaines parcelles sont parvenues à atteindre mon cerveau ébahi.

Cela avait mal commencé pourtant, car dès le début Jacques le Goff fracasse sans pitié la période romaine précédente – et là, moi, spontanément, je crie à l'assassin. « Rome paralysie de l'Occident », « exploite sans créer », « économie alimentée par le pillage », les qualificatifs négatifs se bousculent, les bons côtés sont négligés. Ok, je conçois qu'on cherche à mettre en lumière son sujet en dénigrant un peu le canevas général (la Renaissance en prend aussi un peu pour son grade), mais j'en ai encore les dents qui crissent.

Mais bah ! Tout ça est rapidement oublié quand on entre dans le vif du sujet (oubli grandement aidé par le fait que les quelques échos de la période romaine qui paraissent le long du récit sont nettement moins à charge) et que l'on comprend que l'auteur domine incontestablement son sujet (je le savais déjà mais ça explose vraiment dans le récit). Jacques le Goff ignore – ou évacue – l'exposé de la chronologie factuelle, préférant bâtir son édifice à coup de petites briques thématiques décorées d'exemples. Il taille lentement les facettes de son diamant, focalisant le regard sur tel ou tel aspect de la période. Et quasiment tous les aspects passent par son tamis ; j'emploie le mot délibérément car Jacques le Goff n'assène pas les faits, il les interprète, les digère et les propose dans l'écrin de sa vision affûtée.

Je l'avoue, ma mémoire fuyante n'a pas tout retenu, mais ce n'est pas si grave vu que je sais où retrouver l'information si besoin (l'absence d'un index est très dommageable à cette utilisation du livre d'ailleurs). Je peux quand même déposer pêle-mêle quelques éléments qui m'ont marqué, lorsqu'au-delà des mots l'information prend une forme plus émotionnelle, ressentie dans les tripes.

- La symbiose profonde qui unit l'Occident avec la Chrétienté. Je suis plutôt cartésien, héritier des Lumières (je me flatte à mort mais je compte sur votre indulgence) et c'est pour moi toujours difficile de comprendre les comportements dominés par la religion. Pourtant ici j'ai pu annihiler pendant quelques temps mon paradigme et percevoir cette fusion, cette manière d'appréhender réalité physique et mystique à travers le seul prisme du catholicisme.

- La dureté de la vie des hommes et femmes des basses classes, des paysans, des serfs, soumis aux maladies, aux guerres, aux famines, au pillage de leur propre seigneur, au mépris des classes « supérieures ». Les quatre cavaliers de l'Apocalypse avaient amené quelques copains pour participer à la fête. Dans ce livre tout cela vous pète à la figure et l'on se demande comment il se fait que ces gens ne se soient pas révoltés plus tôt. Mais bien sûr ils l'ont fait, souvent, et ont été anéantis. La Révolution, en fin de compte, c'est la première révolte qui ait réussi.

- L'aventure que représente le voyage en ces temps-là.
- L'évolution du culte de la Trinité, depuis le Roi/Seigneur le Père et Christ pantocrator jusqu'au Fils souffrant, plus proche de l'humanité.
- L'importance de la mesure du temps, réalisée par les classes supérieures, et surtout l'Eglise, qui s'en sert comme outil de domination. Il faudra attendre le XIVème siècle pour voir les horloges mécaniques laïciser la mesure.
- La scolastique qui propose, pour certains, une approche de Dieu par la raison et place les germes de ce qui deviendra la méthode scientifique.

C'est sans fin. J'arrête. J'ai déjà écrit plus que ce que je comptais. Pour conclure je dirai que si je devais retenir une seule chose, c'est que je n'aurais pas aimé vivre à cette époque autrement plus éprouvante que la nôtre.
Lire ce livre valait vraiment le coup et je remercie mille fois LydiaB dont la critique m'en a donné l'envie.
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Un livre fondateur, un livre culte que tous ceux qui sont épris du Moyen Age se devraient d'avoir. Illustration par l'exemple de l'histoire des mentalités et de la notion de longue durée. Tout ce qu'on dervait savoir sur le Moyen Age : saviez vous, par exemple, que c'est une époque de grandes migrations individuelles, dont le pèlerinage à Saint Jacques n'est qu'un exemple. Du très grand le Goff, facile à lire. Fond de bibliothèque indispensable.
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La densité de ce texte le dispute à son impressionnante richesse. Evidemment, en découvrant son auteur – l'un des plus grands médiévistes au monde –, on n'en attend pas moins.
Aussi bien pour le néophyte que le lecteur un peu plus au fait du Moyen Âge – qui dura 1000 ans –, cet essai se propose d'autopsier une époque propice à tous les fantasmes, qu'ils soient positifs ou négatifs d'ailleurs. Idem pour les idées reçues véhiculées çà et là. Jacques le Goff, en digne successeur de Marc Bloch, multiplie ses sources, les confronte pour en extraire une analyse la plus objective possible.
Ici, il s'agit donc de la civilisation médiévale dans son ensemble, et pas seulement de ces figures qui alimentent les récits, tels Saint Louis, les Templiers ou Jeanne d'Arc. C'est tous les rouages d'une société qui sont décrits, brisant parfois nos illusions : par exemple, les cathédrales gothiques, bien loin de la rigueur architecturale d'un Brunelleschi à Florence, sont peut-être magnifiques mais elles sont loin d'être des perfections architecturales ; il faut sans cesse les consolider et ce, jusqu'à nos jours ! Pareil pour l'apport de l'islam, il est ici revu à la baisse et relèverait, selon l'auteur, plus d'une mode.
Un texte indispensable.
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Une lecture tout à fait passionnante. Quel travail pour arriver à nous dépeindre cet Occident Médiéval au travers de tant de facettes. J'ai eu le sentiment d'avoir faim, de rêver ou de penser avec nos ancêtres et pourtant ce n'est pas du roman, la lecture est d'ailleurs parfois peu fluide (un détail). Grand plaisir aussi d'avoir une vision quasi paneuropéenne du sujet, je suis bien d'accord avec les contemporains de l'époque: nos diversités de langues sont tout à la fois une malédiction ( biblique) et une richesse.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Sans doute les bénéfices tirés, surtout, non du commerce, mais de la location des bateaux et des prêts consentis aux croisés ont-ils permis à certaines villes italiennes - Gênes et Venise surtout - de s'enrichir rapidement; mais que les croisades aient suscité l'éveil et l'essor du commerce de la Chrétienté médiévale, aucun historien sérieux ne le croit plus. Qu'elles aient au contraire contribué à l’appauvrissement de l'Occident, en particulier de la classe chevaleresque, que loin de créer l'unité morale de la Chrétienté elles aient fortement poussé à envenimer les oppositions nationales naissantes..., qu'elles aient creusé un fossé définitif entre Occidentaux et Byzantins..., que loin d'adoucir les mœurs, la rage de la guerre sainte ait conduit les croisés aux pires excès, depuis les pogroms perpétrés sur leur route jusqu'aux massacres et pillages..., que le financement de la croisade ait été le motif ou le prétexte à l'alourdissement de la fiscalité pontificale, à la pratique inconsidérée des indulgences, et que finalement les ordres militaires impuissants à défendre et à conserver la Terre sainte se soient repliés sur l'Occident pour s'y livrer à toutes sortes d'exactions financières ou militaires, voilà en fait le lourd passif de ces expéditions.
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Mais devant ces réalités qui se dérobent, que faire d'autre, sinon se raccrocher aux apparences ? L'Eglise a beau inciter les hommes du Moyen Âge à les négliger et à les mépriser pour rechercher les vraies richesses qui sont cachées, la société médiévale, dans ses comportements et ses attitudes, est une société du paraître.

La première apparence est le corps. Il le faut abaisser. Grégoire le Grand l'a nommé "cet abominable vêtement de l'âme". "Lorsque l'homme meurt, il est guéri de la lèpre du corps", dit Saint Louis à Joinville. Les moines, modèle de l'humanité médiévale, ne cessent d'humilier le corps par les pratiques ascétiques. (P396)
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Mais on sent ce qui se passe de décisif à l'époque carolingienne pour le monde médiéval. Chaque homme désormais va dépendre de plus en plus de son seigneur, et cet horizon proche, ce joug d'autant plus lourd qu'il s'exerce dans un cercle plus étroit seront fondés en droit, la base du pouvoir sera de plus en plus la possession de la terre, et le fondement de la moralité sera la fidélité, la foi qui remplaceront pour longtemps les vertus civiques gréco-romaines. L'homme antique devait être juste et droit, l'homme médiéval devra être fidèle.
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La fuite devant certains métiers, la mobilité de la main d’œuvre rurale avaient amené les empereurs du Bas Empire à rendre obligatoirement héréditaire certaines professions et encouragé les grands propriétaires à attacher à la terre les colons destinés à remplacer les esclaves de moins en moins nombreux. La Chrétienté médiévale fera un péché majeur du désir d'échapper à son état. Tel père, tel fils sera la loi du Moyen Age occidental, héritée du Bas Empire romain. Demeurer s'opposera à changer et surtout à parvenir. L'idéal sera une société de "manants", de "manere", demeurer.
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Ainsi la "nouvelle Chrétienté" médiévale, contrairement à la Chrétienté primitive longtemps constituée surtout de petites gens qui finirent par imposer à l'empereur et à une partie des classes dirigeantes leur foi, était une chrétienté convertie par le haut et par la contrainte. Il ne faut jamais perdre de vue cette mutation du christianisme au Moyen Age. Dans ce monde de violence, la première violence fut la conversion.
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Videos de Jacques Le Goff (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Le Goff
C'est à travers de nouvelles sources, étudiées par une jeune génération de chercheurs, en parties ignorées par Jacques le Goff – enquêtes royales, archives judiciaires, actes de la pratique – qu'une autre histoire de Louis IX s'écrit et qui fera l'objet de ce colloque international.
Pour en savoir plus : https://bit.ly/3r0wCfM
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