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EAN : 9782757838501
256 pages
Points (15/05/2014)
3.58/5   31 notes
Résumé :
À la veille du référendum de 1988 ? Oui ou Non à Pinochet ?, le peuple chilien est en ébullition. Après quinze années de censure, l’opposition se voit offrir quinze minutes à la télévision. Adrián Bettini, publicitaire blacklisté par les autorités, accepte de mener la bataille du NON. Grâce à l’imagination, l’humour et la musique, cette campagne pourrait peut-être bouleverser le destin du Chili.


Prix Planeta - Casa de América 2011
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Challence ABC 2016-2017

« Erano i giorni dell'arcobaleno,
finito l'inverno tornava il sereno » (Nicola di Bari)

Quinze minutes de tribune électorale, c'est le cadeau « généreusement » accordé par la junte militaire chilienne – de plus en plus isolée sur la scène internationale – à l'opposition démocratique, quelques semaines avant le referendum du « oui ou non à Pinochet », qui sera organisé le 5 octobre 1988, après quinze ans de dictature et de terreur.
Un spot de campagne de quinze minutes pour faire gagner le « non », c'est la tâche – le miracle – qui est demandée à Adrian Bettini, le meilleur publicitaire du pays, censuré par le régime depuis quinze ans.
Un peu malgré lui, Bettini endosse la mission mais, blasé et méfiant, il ne croit guère à la victoire, convaincu que les Chiliens, écrasés depuis trop longtemps, n'oseront pas relever la tête, et/ou que le referendum sera truqué et/ou annulé en dernière minute par la junte. A court d'idées et pressé par le temps, il accepte à contre coeur d'intégrer au spot une chanson écrite sur l'air du Beau Danube Bleu, qu'il juge naïve et ridicule. Et comme emblème symbolisant l'union des seize partis d'opposition, il ne trouve pas mieux qu'un arc-en-ciel... Ridicule et naïf, pense-t-il, persuadé qu'une campagne basée sur la simple idée du retour à la joie ne convaincra personne. Il a tellement honte de lui, de son manque de créativité et de professionnalisme, il a tellement l'impression que l'avenir du Chili tient au fil de ce qui est sorti de son imagination, qu'au moment de la diffusion télévisée du spot électoral, il préfère errer au hasard des rues de Santiago, espérant presque être foudroyé par une crise cardiaque.
Et pourtant... Loin d'être perçue comme ringarde ou candide, la chanson du « No ! » fait un tabac, jusque dans les urnes, puisque ce sera finalement « non à Pinochet », à 53% des votes.

J'ai vu le film « No ! » de Pablo Larrain il y a quelques années et je l'avais beaucoup aimé. La lecture du livre m'a un peu déconcertée au début, parce que là où le film est centré sur la création et le tournage du spot électoral, le livre n'en détaille presque rien et développe davantage les états d'âme de Bettini, ses mauvais souvenirs de la dictature, sa méfiance et ses craintes de représailles. Plus largement, on ressent la différence de perception entre les générations, celle, désabusée, du publicitaire, qui a connu la dictature dans sa chair et qui est toujours sous l'emprise de la peur, et la génération suivante, celle des étudiants qui brûlent d'en découdre avec la vie ou de quitter ce pays sans avenir, et qui soudain se mettent à espérer. On comprend aussi le paradoxe et la difficulté de cette campagne dans laquelle un « NO » est censé représenter quelque chose de positif, l'espoir du retour de la liberté et de la joie.
Mission accomplie, le cadeau de ces quinze minutes d'expression accordé à l'opposition se révèle empoisonné... pour Pinochet.
« Pinochet a bombardé le pays de publicité pendant quinze ans, et à moi, on ne m'octroie que quinze minutes à la télé. C'est le combat de David contre Goliath.
- Adrian ?
- Oui ?
- Qui a gagné ?
- Qui a gagné quoi ?
- La bataille de David contre Goliath. »

Simple et sans fioritures, un livre utile et touchant.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Livre choisi un peu hasard. Mais qui s'est révélé très intéressant.
Nous sommes en 1988 à Santiago du Chili où l'on suit, d'une part, un lycéen dont le père, prof de philo, a été arrêté et, d'autre part, l'homme qui mène la campagne pour le non à Pinochet.
C'est très rythmé, on ne s'ennuie pas. On a l'impression d'être vraiment immergé dans ce moment de l'histoir et on y suit les personnages dans leur quotidien qui, même perturbé par ces événements, doit continuer.
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Chili. Déjà 15 ans de dictature. Pinochet organise alors un plébiscite et il autorise le parti adverse à diffuser un spot publicitaire pour dire « non », non à huit ans de plus avec Pinochet au pouvoir. Non à huit années de plus de détenu-disparu ou de disparu tout court, de média aux ordres du pouvoir. Il faut dire que le monde regarde, que des correspondants étrangers sont présents, alors il faut bien faire croire à la démocratie, non ?
S'il est un mot qui convient pour désigner les chiliens, c'est « résignation ». Aller voter pour le non ? Et s'ils leur arrivaient quelque chose dans le bureau de vote, ou après ? Que risquent réellement ceux qui s'opposeront à la dictature ? Oui, je ne peux m'empêcher d'ajouter qu'en France nous ne risquons rien en allant voter, et que nous oublions que d'autres n'ont pas la chance – de voter tout court. Puis, si l'on ne fait pas trop de vague, pourquoi ne pas laisser le pays en l'état ? A force de ne plus connaître que la dictature, à force d'oubli, on n'a plus le courage de vouloir vivre autre chose. Seuls les proches des disparus semblent déterminés.
Des personnages forts émergent de ce roman. Nico, d'abord, le narrateur, dont le père a été arrêté en pleine classe devant ses élèves. Une chance : sa disparition ne peut être niée. Nico était paré à cette éventualité, son père et lui avaient mis au point plusieurs stratégies, plusieurs contacts au cas où – et c'est arrivé. Patricia est son amie, son amoureuse. Pour elle, l'avenir n'est pas au Chili, mais ailleurs, elle a hâte de partir. Son père est un grand publicitaire, le plus grand peut-être du pays, c'est pour cette raison qu'il est sans travail, trop doué, trop opposé à ce qui se passe au Chili. C'est pourtant à don Adrian Bettini que l'on propose deux campagnes, celle pour le oui, d'abord, puis celle pour le non, que tous ou presque lui demandent de refuser, que lui-même n'a pas vraiment envie d'accepter, la seule qui le pousse à le faire, c'est sa femme :
– J'admets que ton argument est bon. Malgré tout, il y aurait encore une autre raison de ne pas accepter.
– Dis-moi ?
– Pinochet a bombardé le pays de publicité pendant quinze ans, et à moi, on ne m'octroie que quinze minutes à la télé. C'est le combat de David contre Goliath.
– Adrian ?
– Oui ?
– Qui a gagné ?
– Qui a gagné quoi ?
– La bataille de David contre Goliath.
Nous connaissons la fin, pas ceux qui ont vécu cet événement. La vie ne s'arrête pas au Chili, la mort non plus, les surveillances tout sauf discrètes, les enlèvements, les tortures. Créer un spot de quinze minutes pour promouvoir le « non », toucher les indécis ou les peureux n'est pas simple. Ce qui distingue le camp du oui du camp du non ? Les certitudes. Adrian Bettini ne sait pas s'il parviendra à ses fins, il ne saura qu'après la diffusion du spot – et encore. le camp du oui est sûr jusqu'au bout, et presque au-delà. Et ce sont des destins qui se jouent.
C'était le couronnement de toute sa vie.
Que quelqu'un d'autre s'occupe de l'avenir. Lui, lui seul voulait maintenant savourer le présent.
Un beau roman rempli d'espoir et de douleurs.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Chili, 1988. le dictateur Pinochet décide d'organiser un plébiscite avec le double objectif de rester au pouvoir et d'orner enfin son régime d'un vernis démocratique. C'est une facette de la campagne du « non » à Pinochet qui nous est racontée là : nous avons droit aux affres vécues par le publicitaire en charge de cette campagne et par ceux qui le soutiennent.
Le récit est mené avec vivacité, gravité, parfois même drôlerie et sous différents angles, mettant en évidence la vie du Chili d'alors, encore sous la botte du régime issu du coup d'État de septembre 1973, un pays et sa jeunesse néanmoins pleins d'espoir. Ils gagneront.
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Antonio Skármeta ne verse ni dans la fable moralisatrice, ni dans l'essai politique, ni dans le traité historique : le texte est très humain, et oscille entre différentes émotions. le tragique de la situation au Chili est contrebalancé par l'espoir qui prend chacun aux tripes à l'idée que Pinochet pourrait bientôt être renversé. À cela s'ajoute la gaieté des petits instants volés à la dictature, la désolation devant la terrible réalité quotidienne, le désespoir et la lassitude profonds du peuple et de l'opposition.
Tragique, poétique, sensible, émouvant, le texte est simple, mais porteur d'un message lumineux et, malgré tout, c'est avec le sourire aux lèvres et plein d'énergie que l'on en ressort. Une réussite !
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
[Le Ministre de l'Intérieur à Adrian Bettini, qui vient de refuser de diriger la campagne électorale du "oui à Pinochet":]
- Mais votre conduite, maintenant, n'a rien de moral. Il n'est pas déontologique de repousser une offre en raison de divergences politiques. Imaginez un médecin qui refuse de soigner un malade parce qu'il est son ennemi politique. Diriez-vous qu'il agit selon les codes de la déontologie?
- Si le malade s'appelle Pinochet, franchement oui, monsieur.
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En revanche, pour [Laura], Aristote et Shakespeare ne valent pas un clou. La seule chose qui lui plaît chez Hamlet c'est quand Polonius lui demande ce qu'il lit et que le prince lui répond : «des mots, des mots, des mots». Pour Laura, toute la culture universelle s'exprime en mots, et les mots ne sont que des chèques sans provisions. Selon elle, tout le monde n'a que le mot démocratie à la bouche, or elle dit qu'il suffit de regarder ce qui se passe au Chili. Sa philosophie : vivre intensément le moment présent, parce que de toute façon, ils n'hésiteront pas à vous tuer. Conclusion, elle veut dès maintenant quitter le lycée et se mettre à travailler.
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- Il règne au Chili un mécontentement et une colère contre Pinochet, et cette grogne est majoritaire. Mais le problème est que ce sont les indécis d'aujourd'hui qui seront la clé de ce plébiscite.
- Il y a encore des indécis au Chili, après quinze ans de terrorisme?
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Dans quelques minutes, les cartes seront distribuées. Le sort en est jeté ; Adrián Bettini. Ce dont a accouché ton esprit créatif sera accessible à tout le Chili. Ne sois pas négatif. Pense que les gens qui voteront pour le non sont nombreux. Presque la moitié du pays. Ceux-là sont convaincus. Ils ne bougeront pas de leur position. Que tu aies fait la campagne du oui ou la campagne du non, ils s'en fichent. Ce qui te concerne, ce sont les gens qui ont peur qu'on les filme à l'intérieur des urnes, ceux qui ont peur qu'on les poignarde en train de remplir leurs bulletins de vote, les indécis qui craignent le chaos et le désordre si les militaires se retiraient. C'est pourquoi, Adrián Bettini, tu dois primo les encourager à aller voter, secundo à voter non. Ne les renvoie pas au passé. Le passé est lourd pour tout le monde. Fais-leur envisager un avenir, donne-leur un air pur. Fais-leur voir quel sera le visage du Chili sans le dictateur à sa tête. Sans la terreur de mourir. Un pays sans égorgements.
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Il ressentait une telle aversion devant l'apathie politique des Chiliens qu'il se demandait si le suicide du président Allende avait eu un sens dans un pays aussi pusillanime. Que restait-il de l'énergie des années soixante-dix ? Des tonnes de scepticisme, un poids mort qui empêchait de s'envoler.
À la télé, il n'y avait que des émissions de jeux, des variétés avec des muses sur le retour, des boléros dégénérés à paillettes, et des nouvelles annoncées d'une voix guindée, comme l'asphaltage d'une rue de la commune de Ñuñoa.
Et de la pub.
Jusqu'au vertige. Résidences, soutiens-gorge, jeans, crayons pour les lèvres, lait chocolaté, parfums, crédits bancaires, oreillers, supermarchés, lunettes, cartons de vins, billets pour Cancún, écoles privées supérieures. Les spots publicitaires étaient de loin bien meilleurs que les feuilletons télévisés et les numéros de chanteurs en vogue.
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