Lui, c'est l'empereur Akhar , descendant de Gengis Khan par sa mère et de Tamerlan par son père, c'est dire. Il hérite d'un empire qu'il s'occupe à garder et agrandir par ses guerres continuelles. Oui, c'est un guerrier, Akbar, il n'arrête pas, le sang coule, les cadavres s'accumulent, les crânes se pyramident. Un homme, un vrai.
Il est le contemporain d'Henri IV, qui mourra 5 ans après lui ( mais cela n'a aucun rapport, ne croyez pas à un complot oriental, j'ai bien cherché, non). Les guerres de religion semblent faire des petits, car Akbar comme notre Henri essaient d'unifier les différents entre religions. La tache d'Akbar est plus ardue : il est musulman, dans un pays traditionnellement hindou, et puis il y a les jains, les autres musulmans, les chrétiens venus du Portugal par Goa, et les autres, chacun pétri de sa propre croyance, prêt à anéantir tout ce qui bouge et ne pense pas pareil : les uns haïssent les autres qui pratiquent la sati, l'immolation consentie des veuves qui se précipitent malgré leur plein gré dans les flammes, vêtues de leurs beaux saris et parées de leurs bijoux ; les autres haïssent ceux qui brûlent leurs ennemis sur les bûchers de l ‘inquisition après torture et extorsion de culpabilité. Les musulmans préfèrent lapider.
Bref, la tâche n'est pas simple, et pourquoi donc Akbar ne continue t il pas tout simplement à monter son éléphant noir et à chasser le tigre ?
Pourquoi ?
Un enfant bichnoi lui apporte un jour un petit agneau, et l'empereur a une vision de l'Etre un, d'une lumière, de Dieu en un seul mot.
Ces visions au cours de sa vie lui réapparaitront, et l'aideront à cesser la guerre avec son demi frère ( Une des grandes constantes de la lignée timouride : se haïr entre frères, les tuer si possible, essayer de tuer son père, aussi.).Et à ouvrir une Maison de la Fraternité, où tous les représentants des différentes religions devraient, auraient dû, auraient pu , dialoguer.
Il a le pouvoir, il tient bon, cependant il semblerait qu'une unification des religions en Inde était un voeu pieux.
Les bischnoi, ah oui, ce sont des végétariens depuis des siècles, qui ne pratiquent pas la crémation pour économiser le bois, qui aujourd'hui encore ont l'autorisation exceptionnelle de fumer de l'opium. Ils vivent en communauté, nourrissent les animaux sauvages, ne coupent jamais les arbres, nettoient la ville de Jodpur saisissante de propreté inattendue, font des conférences, sont ingénieurs hydrauliques, juristes, partisans avant l'heure du recyclage des déchets.
Mais s'ils ont influencé Akbar avec le beau petit agneau, ils n'ont pas eu plus de place que celle d'une secte dans ce grand empire.
Et ce livre,
Les ravissements du grand Moghol, est une ravissante coulée parmi les villes ( Fatephur Sikri) , la famille, les femmes( ben , non, on n'en parle pas, des femmes, il y en a tellement, entassées dans le fonds du harem, soit fruit de prises de guerre soit de cadeaux diplomatiques et surtout ça n'a pas l'air d'être sa tasse de thé à l'Empereur) et le fils, son ennemi, comme je vous l'avais dit plus haut : c'est de famille de se haïr en famille .
Non seulement on voyage avec détails des lieux et des coutumes au XVI siècle et en Asie du Sud, mais on pourrait aussi extrapoler à notre époque et se demander si ce n'est pas un peu futile de s'en tenir à sa propre croyance et de prétendre la croire universelle (comme les chrétiens de Goa, persuadés de pouvoir convertir le musulman Akbar.)
Au delà de ces croyances et de l'essai d'Akbar de les aplanir,
Catherine Clément nous livre les illuminations de l'Empereur, son destin inattendu et donc encore plus impactant d'homme mystique, en proie à des révélations divines, à des « ravissements ». Ravi, complètement enthousiaste, et ravi par instants de ce monde pour gagner l'autre monde du divin.