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EAN : 9782718605395
44 pages
Galilée (03/02/2000)
3.62/5   12 notes
Résumé :
« Dès le moment où l’on me dit qu’il fallait me greffer, tous les signes pouvaient vaciller, tous les repères se retourner. Sans réflexion, bien sûr, et même sans identification d’aucun acte, ni d’aucune permutation. Simplement, la sensation physique d’un vide déjà ouvert dans la poitrine, avec une sorte d’apnée où rien, strictement rien, aujourd’hui encore, ne pourrait démêler pour moi l’organique, le symbolique, l’imaginaire, ni démêler le continu de l’interrompu ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Bien que très court de par sa longueur, le contenu reste néanmoins dense de réflexions.

En 44 pages, on assiste à un narrateur (je préfère garder ce terme bien que cette oeuvre est indiscutablement autobiographique) qui raconte les sensations ressenties avant, pendant et après avoir subi une greffe cardiaque. On le suit donc dans ses pensées sur la mort et la maladie.
Les mots "intrus", "étranger", "étrangeté", "étrangèreté" planent tout au long de ce récit philosophique pour marquer la scission entre le Moi et le corps étranger qui s'intruse et qui pourtant permet une prolongation de vie.

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Opuscule très intime et interpellant sur l'identité, la sensation résiduelle d'être soi même, à l'issue d'une greffe de coeur, vécue comme une intrusion permanente. Superbement écrit, très soigné et réellement stimulant.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ce fut toujours plus ou moins la vie des malades et des vieillards : mais précisément, je ne suis exactement ni l’un ni l’autre. C’est ce qui me guérit qui m’affecte ou qui m’infecte, c’est ce qui me fait vivre qui me vieillit prématurément. Mon cœur a vingt ans de moins que moi, et le reste de mon corps en a une douzaine (au moins) de plus que moi. Ainsi rajeuni et vieilli à la fois, je n’ai plus d’âge propre et je n’ai plus proprement d’âge. De même n’ai-je plus proprement de métier, sans être à la retraite. De même ne suis-je rien de ce que j’ai à être (mari, père, grand-père, ami) sans l’être sous cette condition très générale de l’intrus, des divers intrus qui peuvent à chaque instant prendre ma place dans le rapport ou dans la représentation d’autrui.
 
D’un même mouvement, le « je » le plus absolument propre s’éloigne à une distance infinie (où passe-t-il ? en quel point fuyant d’où proférer encore que ceci serait mon corps ?) et s’enfonce dans une intimité plus profonde que toute intériorité (la niche inexpugnable d’où je dis « je », mais que je sais aussi béante qu’une poitrine ouverte sur un vide ou que le glissement dans l’inconscience morphinique de la douleur et de la peur mêlées dans l’abandon). Corpus meum et interior intimo meo, les deux ensemble pour dire très exactement, dans une configuration complète de la mort de dieu, que la vérité du sujet est son extériorité et son excessivité : son exposition infinie. L’intrus m’expose excessivement. Il m’extrude, il m’exporte, il m’exproprie. Je suis la maladie et la médecine, je suis la cellule cancéreuse et l’organe greffé, je suis les agents immuno-dépresseurs et leurs palliatifs, je suis les bouts de fil de fer qui tiennent mon sternum et je suis ce site d’injection cousu en permanence sous ma clavicule, tout comme j’étais déjà, d’ailleurs, ces vis dans ma hanche et cette plaque dans mon aine. Je deviens comme un androïde de science-fiction, ou bien un mort-vivant, comme le dit un jour mon dernier fils.
 
Nous sommes, avec tous mes semblables de plus en plus nombreux, les commencements d’une mutation, en effet : l’homme recommence à passer infiniment l’homme (c’est ce qu’a toujours voulu dire la « mort de dieu », en tous ses sens possibles). Il devient ce qu’il est : le plus terrifiant et le plus troublant technicien, comme Sophocle l’a désigné depuis vingt-cinq siècles, celui qui dénature et refait la nature, qui recrée la création, qui la ressort de rien et qui, peut-être, la reconduit à rien. Celui qui est capable de l’origine et de la fin.
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Quel étrange moi !

Ce n’est pas qu’on m’ait ouvert, béant, pour changer de cœur. C’est que cette béance ne peut pas être refermée. (D’ailleurs, chaque radiographie le montre, le sternum est recousu avec des bouts de fil de fer tordus.) Je suis ouvert fermé. Il y a là une ouverture par où passe un flux incessant d’étrangeté : les médicaments immuno-dépresseurs, les autres médicaments chargés de combattre certains effets dits secondaires, les effets qu’on ne sait pas combattre (comme la dégradation des reins), les contrôles renouvelés, toute l’existence mise sur un nouveau registre, balayée de part en part. La vie scannée et reportée sur de multiples registres dont chacun inscrit d’autres possibilités de mort.

C’est donc ainsi moi-même qui deviens mon intrus, de toutes ces manières accumulées et opposées.

Je le sens bien, c’est beaucoup plus fort qu’une sensation : jamais l’étrangeté de ma propre identité, qui me fut pourtant toujours si vive, ne m’a touché avec cette acuité. « Je » est devenu clairement l’index formel d’un enchaînement invérifiable et impalpable. Entre moi et moi, il y eut toujours de l’espace-temps : mais à présent il y a l’ouverture d’une incision, et l’irréconciliable d’une immunité contrariée.
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Dès le moment où l'on me dit qu'il fallait me greffer, tous les signes pouvaient vaciller, tous les repères se retourner. Sans réflexion, bien sûr, et même sans identification d'aucun acte, ni d'aucune permutation. Simplement, la sensation physique d'un vide déjà ouvert dans la poitrine, avec une sorte d'apnée où rien, strictement rien, aujourd'hui encore, ne pourrait démêler pour moi l'organique, le symbolique, l'imaginaire, ni démêler le continu de l'interrompu : ce fut comme un même souffle, désormais poussé à travers une étrange caverne déjà imperceptiblement entr'ouverte, et comme une même représentation, de passer par-dessus bord en restant sur le pont.
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L’intrus n’est pas un autre que moi-même et l’homme lui-même. Pas un autre que le même qui n’en finit pas de s’altérer, à la fois aiguisé et épuisé, dénudé et suréquipé, intrus dans le monde aussi bien qu’en soi-même, inquiétante poussée de l’étrange, conatus d’une infinité excroissante.
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