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EAN : 9782221129531
276 pages
Robert Laffont (09/02/2012)
4.02/5   201 notes
Résumé :
Turc grandi en Belgique, Evren achève à Cologne de brillantes études de comptabilité. Hébergé chez son oncle, ce garçon de vingt et un ans, encore chaste et au visage ingrat, s'éprend de sa cousine, la belle et sensuelle Derya. Rentré en Belgique, Evren fait part aux siens de sa décision : il va épouser Derya. Une délégation familiale se rend donc en Allemagne pour demander la main de la jeune fille. Mais les choses ne tournent pas exactement comme prévu : Derya éco... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (51) Voir plus Ajouter une critique
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« le SEXE : le mot, bien sûr, ils le prononçaient moins que le nom de Dieu lui-même, ils le vénéraient en secret. Ils l'honoraient, non comme une partie de ma personne, mais comme une divinité qui ne m'appartenait pas, qui n'était qu'un dépôt chez moi, le saint des saints aux hommes seuls réservé, qui échoirait à l'un d'entre eux le jour venu. Ils prétendaient m'empêcher de considérer mon corps tout entier comme mon bien propre, simple, bon, naturel. Ils m'avaient confisqué la part qui les fascinait et ils lui vouaient un culte ignoble.
Un porte-sexe, voilà ce que j'étais, juste un porte-sexe. »

Voilà ce que pense Derya, la jeune Turque Allemande. Elle en a marre de cette conception des hommes de sa communauté qui enferme les femmes, qui les voile, qui les brime.
Nue dans sa salle de bain, elle s'interdit tout mouvement de pudeur lorsqu'elle entend entrer son cousin, non par obscénité, mais par « naturel ».
C'est cette attitude qui déclenche toute l'histoire. Evren, le cousin en question, un Turc Belge, en tombe amoureux (enfin, amoureux de son corps), la demande en mariage, elle refuse, et c'est l'engrenage : les familles s'en mêlent, il en va de leur Honneur etc. etc. Entre Fribourg et Liège, quelques coups de téléphone et quelques lettres scellent le destin de la jeune fille. le voisin belge, un croque-mort, est même mêlé à l'histoire, lui qui est encore empêtré dans les souvenirs de son ancien amour. Il y a même un meurtre !

Armel Job ne nous narre plus ici une histoire typiquement belge (non, ce n'est pas une blague...). Les narrateurs changent suivant les chapitres, ce qui nous donne une vision ...cosmopolite de l'amour, du mariage, de la condition de la femme.
Il excelle dans l'art de raconter les imbroglios, les incertitudes, les mensonges, les revirements et les blessures de l'âme. Chaque phrase porte à conséquence, chaque mot est en route vers son destin.
Armel Job nous entraine, nous et ses personnages, dans un engrenage diabolique. Difficile de s'en sortir !
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Ça commence par un bête accident de corbillard sans gravité (ou plutôt avec une gravité à retardement) sur la route entre Bruxelles et les Ardennes belges, et ça se termine par une virée/cavale à Fribourg, même si le premier de ces événements est en réalité la conséquence du second. Et entre les deux, on nous raconte quelles ont été les causes qui ont mené à cette conséquence.
Or donc, nous avons Evren, jeune homme vivant à la Tannerie, quartier turc d'une petite ville belge. Aujourd'hui, Evren se marie, mais pas de gaieté de coeur, avec sa cousine Yasemin, qui vient de débarquer de son village d'Anatolie. Un mariage arrangé par la famille, Yasemin est ravie, Evren se désintéresse de l'affaire, anesthésié par son amour déçu pour son autre cousine, Derya. Derya, née en Allemagne, dans une famille turque très traditionaliste, qu'Evren a demandée en mariage, et qui a été éconduit par la belle, laquelle a ensuite changé d'avis, mais trop tard. Pourquoi ce revirement inattendu ? Pour une question d'honneur de la famille, honneur qu'il conviendra de sauver ou de laver à tout prix, y compris dans le sang.
"Loin des mosquées" est une incursion dans la communauté turque immigrée, qui oscille entre, d'une part, traditions et honneur à protéger, et d'autre part volonté d'intégration et de liberté, une situation complexe qui conduit parfois au drame. Ce roman nous est raconté à quatre voix. A celles d'Evren, de Yasemin et de Derya s'ajoute celle de René, croque-mort (le conducteur du corbillard susmentionné) et regard extérieur à ces traditions qui le dépassent, mais embringué malgré lui dans des tourments familiaux qui basculent vers le thriller.
J'ai lu ce texte quasiment d'une traite. Cette histoire tragi-comique est drôlement bien construite, avec l'alternance des points de vue et les questionnements et comportements des uns et des autres, qui m'ont tous semblé très crédibles et réalistes. L'histoire serait presque rocambolesque s'il n'y avait pas ce triste contexte du sort peu enviable de ces (jeunes) femmes coincées dans un carcan patriarcal d'interdits ancestraux et intangibles.
"Loin des mosquées" est mon premier roman d'Armel Job, et je dois cette découverte aux nombreux avis positifs lus sur Babelio (merci les ami.e.s !). Premier, mais donc pas dernier :-)
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Mon prénom est René. J'ai 49 ans. Ma petite société de pompes funèbres marche bien. J'y travaille « seul » avec Marcel, mon associé, un cerveau de petit enfant dans un grand corps d'adulte, le fils de l'ancien patron et le frère de la femme de ma vie… Qui est partie un jour avec son entraîneur de natation et n'a jamais donné signe de vie ! Je fais du jogging deux fois par semaine et je tiens la forme.
Mon voisin, Altan, un petit entrepreneur turc, qui a épousé Sandra une belge, ce voisin avec qui je n'avais aucun rapport particulier m'a demandé de lui rendre un service : loger chez moi deux oncles venus de Turquie pour le mariage de son frère Evren. Si seulement j'avais su dans quoi je mettais les pieds, je m'en serais abstenu…

C'est moi, Evren, ancien gardien de but du Sporting local. J'habite en Belgique mais je travaille au Luxembourg. Une belle situation. Je vais me marier. Un mariage arrangé. J'ai deux mains gauches mais j'ai fait de bonnes études de comptabilité. J'ai été en Erasmus à Cologne, hébergé par mon oncle, Murat. Une espèce d'intégriste. Ses fils ne valent pas mieux. C'est là que j'ai rencontré Derya. Derya, le trésor de mon oncle Murat. Derya d'une beauté à couper le souffle ! Elle est aussi belle que moi je suis laid ! le jour où je l'ai vue nue, j'en suis tombé fou amoureux. Je veux l'épouser…

Je m'appelle Derya. J'ai 17 ans. Mon père Murat semble beaucoup m'aimer. Il est très à cheval sur les vieilles traditions venues d'Anatolie et ne plaisante pas avec ce qu'il appelle l'honneur familial. Il est très religieux. Ma famille a accueilli Evren lors de son séjour en Erasmus, à Cologne. C'est un gentil garçon. Très poli. Il ne m'a jamais adressé la parole. Il est amoureux de moi. Il veut m'épouser. Moi, je ne l'aime pas. Je veux poursuivre mes études et décider de ma vie. Je suis une bonne élève et j'essaie d'être une bonne fille…

Yasemin, tel est mon prénom. Je suis la petite dernière d'une famille nombreuse et peut-être celle qu'on a gâtée. Mon père, Kaan est un éleveur de bétail et de chevaux akhal-teke. Comme je suis la dernière de la famille à vivre sous le toit paternel, mon père m'a appris à m'occuper des chevaux, sa passion. La vie en Anatolie est rude. Bien qu'étant une élève douée, j'ai dû me contenter des seules études disponibles dans la région : je suis capable de vous confectionner n'importe quelle robe. Quand j'avais dix ans, j'ai brièvement rencontré mon cousin Evren venu passer des vacances en Turquie avec sa maman, ma tante. J'en suis tombé amoureuse. Très amoureuse. Malgré sa gaucherie, et sa tête carrée, il est très respectueux et gentil. Sa famille a demandé ma main à la mienne. Je suis folle de joie !


Critique :

Voilà le genre de livre que plusieurs personnes vous recommandent de lire, que vous finissez par acheter. Puis, en sortant de la librairie chargé de bouquins pour prendre le bus, vous vous dites : « Je vais commencer à lire le plus fin du lot en attendant d'arriver chez moi ».
« Loin des Mosquées », drôle de titre ! Une histoire de djihadistes, sans doute ! Bizarre ! le récit commence par un certain René, croque-mort qui nous fait part de ses pensées philosophiques sur les morts, son gagne-pain. Intéressant le bonhomme ! Ah, tiens ! Changement de personnage ! Evren ! Qu'est-ce qu'il nous veut celui-là ? Super ! Il nous raconte ses maladresses ! Vraiment pas doué le bonhomme. Et moche en plus !
Derya ! Voilà une charmante jeune fille que je serais ravi de connaître !...

Et voilà, c'est foutu ! Sans vous en rendre compte, vous êtes alpagué par ce roman à quatre voix ! Ce livre, vous n'allez plus vouloir le quitter avant d'être arrivé à la dernière page car en plus d'être un roman de moeurs qui retrace la vie d'un clan turc issu de l'Anatolie profonde et qui a essaimé en Allemagne et en Belgique, il prend peu à peu la forme d'un thriller…

Je suis ravi d'avoir enfin découvert cette oeuvre d'Armel Job… Qui me donne envie d'en découvrir d'autres de cet excellent auteur qui décrit si bien les sentiments humains.
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"Voilà ce qu'il en est de l'amour. le tennisman aurait-il pu croire, du temps que sa groupie s'extasiait sur son revers, qu'un jour elle tenterait de le tromper avec son croque-mort ?" p.126
L'amour, la mort, le destin.


"Nous faisions le ramadan, à peu près correctement, à cause des voisins et pour le plaisir de faire des extras le soir." p.72
La tradition, l'honneur, l'exil.


Ces éléments de tragédie chantée à quatre voix, celles de René, d'Evren, de Derya et de Yasemin, s'entremêlent comme dans une polyphonie de Roland de Lassus, tout en nuance. Loin de ... la caricature, Armel Job nous invite à nous interroger entre autres sur le mariage et le poids des traditions, sur la filiation et la place de la femme, sur l'amour aussi. Ce roman policier soulève ce tapis nommé honneur pour révéler les bassesses et la haine qu'il ne manque jamais de recouvrir complaisamment.


La prose est limpide, la complexité psychologique des personnages dévoilée peu à peu. C'est loin des mosquées, c'est proche de Simenon.


Et puis l'humour noir (là je suppose qu'on peut encore utiliser cet adjectif) : commencer par un bucolique accident de corbillard, est-ce que cela n'a pas un accent de Pierre Tombal ?
J'ai adoré cet Armel Job, fin, spirituel, surréaliste : Belge !
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Malgré son titre, ce livre n'est ni un livre sur la religion, ni sur les Islamistes...
Quatre narrateurs nous dévoilent l'histoire :
-- René, belge, devenu croque-mort par hasard
-- Evren, un jeune turc vivant en Belgique, éduqué, assez maladroit
-- Darya, belle et sensuelle jeune turque vivant en Allemagne. Evren habitera chez ses parents lors d'un Erasmus en Allemagne et la découvrira un jour nue dans sa salle de bain. Cette vision le bouleverse, et il presse ses parents de demander Darya en mariage pour lui. Draya refuse.
-- Yasmine, jeune fille que les parents d'Evren choisiront pour épouse pour lui, Yasmine débarque de Turquie pour le mariage.
Tous ces personnages nous font découvrir les différences de culture entre la Turquie et nos pays, le tabou du sexe, la condition des femmes, la virginité obligatoire qui leur est imposée avant le mariage, les mariages arrangés, les crimes d'honneur si la jeune fille déshonore sa famille.
Cela n'a rien toutefois d'une étude anthropologique, il y a une vraie trame, nous découvrons ces différences de culture au travers du récit.
Les protagonistes principaux sont attachants.
Le récit est mené judicieusement, avec de nombreuses touches d'humour, et nous permet de de comprendre l'histoire d'après les points de vue de ces quatre personnages..
La lecture est aisée, le style vivant.
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Citations et extraits (57) Voir plus Ajouter une citation
Je me suis longtemps demandé ce qu'Altan avait bien pu lui trouver. Tout bien pesé, je pense que c'était sa docilité. Elle ne quittait jamais sa maison, elle le traitait comme un pacha. Ce soir-là, elle s'était à peine assise. Elle n'abandonnait ses fourneaux que pour nous servir, passait derrière nous, frôlait à chaque fois Altan - qu'elle n'appelait qu'Altani - , se posait un instant à un coin de la table pour picorer, l'œil sur nos assiettes, sans se mêler à la conversation autrement que pour rire des plaisanteries de son homme. En fait, elle était plus turque que n'importe quelle Turque.
C'est cela, je crois, qu'Altan recherchait. A la Tannerie [quartier turc d'une ville belge], il n'avait repéré aucune fille qui pourrait lui être soumise à ce point. Rien qu'à voir Sandra, son corps évasé comme une bouteille de Coca-Cola, sans aucune aspérité du menton jusqu'aux pieds, ses yeux d'otarie, il avait deviné qu'elle ferait son affaire. Et elle, après tout, elle n'avait peut-être pas envie d'être une femme occidentale, libérée, obligée de passer par une cure d'amaigrissement, d'être caissière ou standardiste, de se tordre les pieds sur des hauts talons. Son idéal, inavouable chez les siens, elle le réalisait dans sa dévotion à Altan. Auprès des vraies femmes occidentales, il n'aurait pas eu plus de chance que moi.
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Je ne sais pas si la fiancée d'Evren a pleuré le samedi soir. Je ne crois pas. Il m'a suffi le lendemain de rencontrer son regard pour la première fois pour comprendre que ce n'était pas son genre. Je pense qu'elle est restée bien droite sur sa chaise, ses paumes teintées de rouge percées de leur cible blanche reposant sur ses cuisses, le visage tendu, sauvage, comme toujours. Elle a laissé les autres se lamenter sans ciller, devinant fort bien qu'elles pleuraient sur elles-mêmes au souvenir de tout ce qu'elles avaient perdu avant de plier l'échine sous le joug du mariage. Cette affliction, elle s'était juré, j'en suis sûr, de ne jamais la connaître. Le mariage était arrangé sans doute, mais ce qui brillait dans ses yeux ne ferait jamais l'objet d'aucun arrangement.
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Elle aussi voulait rester discrète. Ma profession, comme de juste, l'intriguait. Comment cela s'appelait-il en francais ? Je ne voulais pas lui répondre "croque-mort". Cette morsure mystérieuse m'embarassait. Alors, j'ai dit "passeur".
"Passeur ?
-- Oui, je fais passer les morts d'un monde à l'autre. Comme Charon. Tu connais Charon ?
-- Oui.
-- Tu l'as remarqué sur le mur du salon funéraire ? Eh bien, tu vois, je fais comme lui, j'emmène les gens vers une autre vie, pas forcément pire que celle-ci. Ce n'est pas un mauvais métier."
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Au premier coup d’oeil [lors de ma naissance], mes parents ont décidé que je ne ferais jamais dans la dentelle. Un destin de bousilleur s’ouvrait devant moi.
Les enfants comprennent vite ce qu’on attend d’eux. Pour se faire aimer, ils sentent qu’il ne faut pas contrarier l’infaillible intuition des parents. « Mon petit brise-tout ! », disait ma mère en me câlinant, les yeux débordant d’indulgence. Je ne pouvais pas la décevoir. Je suis devenu l’empoté de la nichée. Il en fallait un.
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Ma mère était opprimée, mais elle ne savait pas si elle devait se ranger avec moi dans le camp des opprimés.
Quoi qu'on en pense, même pour les persécutés, le camp le plus séduisant, c'est celui du plus fort.
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Vidéo de Armel Job
Interview d'Armel Job, principalement à propos de son roman "Une drôle de fille". Il répond également à quelques questions sur son processus d'écriture.
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