Je partage certains avis sur le placement de cet ouvrage en "jeunesse". La lecture de ce livre sans complaisance pourrait sans nul doute profiter à bien des adultes.
Cela dit, pour une fois la 4è de couverture nous renseigne fort bien... Une citation de
Thomas Mann nous prévient: "Le plus beau livre écrit en langue allemande du XXè siècles".
Je ne connais pas assez la littérature allemande, et
l'or de Cajamalca a été écrit en 1923... donc il est possible que quelques ouvrages plus récents soient meilleurs que le récit de
Jakob Wassermann.
Récit sans complaisance, disais-je, d'un épisode connu/méconnu de l'Histoire. La rançon exigée par Pizarro en échange de l'Inca Atahualpa. Je ne pense pas spoiler la fin en disant que Pizarro n'a jamais tenu sa parole. Pire, il s'est acquis le soutien d'une église catholique avide de possessions terrestres. Nous sommes en 1532, quelques années avant la Controverse de Valladolid... autre "grand moment" de la colonisation de l'Amérique du Sud.
Wassermann raconte la duperie de Pizarro, il raconte l'Inca, son statut de dieu, la passivité des armées indiennes largement supérieures en nombre... Mais surtout, il raconte avec pudeur et retenue une mise à mort guidée par la soif de l'or. Dans un registre plus trash, on regardera Aguirre avec Klaus Kinsky...
Jakob Wassermann, procédant par petites touches, nous amène à une réflexion sur le sens de la vie, la place des gens, la société, l'esprit de gain, la compétition à tout craint... car dans la société que vont démonter les Espagnols, il y a l'entraide, le partage, la solidarité. le bien-être d'une société est celui du plus faible, pas du plus riche. Et Wassermann le fait sans moralisme, sans longs discours. Il le fait simplement, dans une langue que l'on devine très belle, ciselée et pudique (mais sans fards quand même) malgré la traduction. A mettre entre toutes les mains.