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EAN : 9782070277742
81 pages
Gallimard (24/02/1971)
4/5   53 notes
Résumé :
Foucault, dans un mouvement qui scande la globalité de son œuvre, n'a de cesse d'examiner les positivités dans leur rapports aux autorités. Comment tout discours s'articule toujours en rapport avec un pouvoir, ce dernier lui conférant à la fois sa norme et sa permissibilité. Dès la première hypothèse de L'ordre du discours, il nous l'explique...
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« L'ordre du discours », c'est marrant, c'est le nom que Foucault donne à l'introduction de sa leçon inaugurale au Collège de France en 1970. Il va faire là un truc qui ressemble à une mise en abîme : dans son discours, causer de ce que c'est que le discours, et pourquoi c'est pas innocent comme on y croit. Quand on est en manque de sujet d'étude pour causer intellectuel, il faut chercher l'inspiration là où elle se cache.


Pour donner du piquant à son sujet, Foucault nous dit que le discours n'est jamais si libre qu'on veut bien le faire croire. Un peu comme moi quand j'écris cette chiée dans l'écart réservé sur Babelio. Même si on essaie de varier, on se rendra bien compte qu'il y a des murs un peu partout. Et pourtant, c'est pas qu'on n'essaie pas de les casser, mais au bout d'un moment ça fatigue, on se dit qu'il vaut mieux pas trop tirer sur la corde et même à les casser une fois, les murs, si on veut recommencer on se rend compte qu'on entre à notre tour dans l'ère de la technique, et on a honte. Entre nous, on appelle « commentaire » ce qui se publie sur Babelio en guise de récapitulatif de lecture. C'est marrant encore, Foucault parle justement du commentaire dans son discours comme étant une des modalités internes du contrôle du discours. Avait-il prévu que je parlerais de lui de la sorte ? Sans doute pas, il est trop malin pour ça.


« le commentaire conjure le hasard du discours en lui faisant la part : il permet bien de dire autre chose que le texte même, mais à condition que ce soit ce texte même qui soit dit et en quelque sorte accompli. La multiplicité ouverte, l'aléa sont transférés, par le principe du commentaire, de ce qui risquerait d'être dit, sur le nombre, la forme, le masque, la circonstance de la répétition. le nouveau n'est pas dans ce qui est dit, mais dans l'événement de son retour. »


Autant dire qu'il faudrait s'arrêter de causer aussi sec avec Foucault, sauf à faire ce qu'il fait, toujours réinterroger les machins qu'on se croit sûrs, mais bon on a changé d'époque. C'est peut-être le fait d'avoir pas connu les années 70 mais il était sans doute bien salutaire en ce temps-là de remuer les paquets de merde figée pour les interroger sur leur nature existentielle dans leur vie antérieure. Maintenant, je sais pas trop à quoi ça servirait, reste-t-il encore des choses qui peuvent être creusées, raclées, perforées, défenestrées ? On se la joue carte du pessimisme.


Et pourtant, Foucault fait bien genre qu'il ne déconnait pas. Il était tellement sérieux qu'il a établi un programme qu'en détails, il ne s'emmerda pas à suivre strictement. C'est déjà là un bon signe de jugeotte. Voici donc les grandes lignes de son projet général :
- Remettre en question notre volonté de vérité.
- Restituer au discours son caractère d'événement.
- Lever la souveraineté du signifiant.


On n'y comprend rien, mais c'est le but. Et ce qui accompagne les objectifs, quatre exigences de méthode :
- Principe de renversement : "là où, selon la tradition, on croit reconnaître la source des discours, le principe de leur foisonnement et de leur continuité, dans ces figures qui semblent jouer un rôle positif, comme celle de l'auteur, de la discipline, de la volonté de vérité, il faut plutôt reconnaître le jeu négatif d'une découpe et d'une raréfaction du discours."
- Principe de discontinuité : "Les discours doivent être traités comme des pratiques discontinues, qui se croisent, se jouxtent parfois, mais aussi bien s'ignorent ou s'excluent. »
- Principe de spécificité : "Il faut concevoir le discours comme une violence que nous faisons aux choses, en tout cas comme une pratique que nous leur opposons ; et c'est dans cette pratique que les événements du discours trouvent le principe de leur régularité."
- Principe d'extériorité : "Ne pas aller du discours vers son noyau intérieur et caché, vers le coeur d'une pensée ou d'une signification qui se manifesteraient en lui ; mais, à partir du discours lui-même, de son apparition et de sa régularité, aller vers ses conditions externes de possibilité, vers ce qui donne lieu à la série aléatoire de ces événements et qui en fixe les bornes.


C'est plutôt cool l'idée de faire du discours un événement. C'est ce qu'a réalisé Foucault et j'imagine que ça ne pouvait l'être qu'une fois. Bravo à lui d'avoir créé ce qui, du même coup, était voué à ne plus pouvoir être répété. C'est là le copyright ultime.


Ce qui est certain à propos du discours, si on n'en sait rien d'autre des jeux de pouvoir et de savoir qu'il engrange, c'est que ça reste une lutte éternelle, un truc qui permet de mesurer le calibrage de ceux qui en ont une, alors que souvent, ceux qui écoutent, justement, n'écoutent pas. O triste ironie du sort.

Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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L'Ordre du Discours est la leçon inaugurale de Michel Foucault au Collège de France, et elle est tout à fait passionnante. Dans cette leçon, Foucault étudie les conditions de production d'un discours, les met en perspective, pense leurs modifications dans l'histoire, les rituels qui donne sa légitimité au discours, les rapports entre la forme et le fond du discours, étudiant son sujet de fond en comble, sous tous les angles. Lorsque l'on a lu cette passionnante démonstration, notre vision des différents discours que l'on tient autour de nous n'est plus du tout la même.
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L'Ordre du discours est la leçon inaugurale de Michel Foucault au Collège de France, prononcée le 2 décembre 1970. 
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Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
Depuis le fond du Moyen Age le fou est celui dont le discours ne peut pas circuler comme celui des autres: il arrive que sa parole soit tenue pour nulle et non avenue, n'ayant ni vérité ni importance, ne pouvant pas faire foi en justice, ne pouvant pas authentifier un acte ou un contrat, ne pouvant pas même, dans le sacrifice de la messe, permettre la transsubstantiation et faire du pain un corps ; il arrive aussi en revanche qu'on lui prête, par opposition à toute autre, d'étranges pouvoirs, celui de dire une vérité cachée, celui de prononcer l'avenir, celui de voir en toute naïveté ce que la sagesse des autres ne peut pas percevoir. Il est curieux de constater que pendant des siècles en Europe la parole du fou ou bien n'était pas entendue, ou bien, si elle l'était, était écoutée comme une parole de vérité. Ou bien elle tombait dans le néant - rejetée aussitôt que proférée ; ou bien on y déchiffrait une raison naïve ou rusée, une raison plus raisonnable que celle des gens raisonnables. De toute façon, exclue ou secrètement investie par la raison, au sens strict, elle n'existait pas. C'était à travers ses paroles qu'on reconnaissait la folie du fou ; elles étaient bien le lieu où s'exerçait le partage ; mais elles n'étaient jamais recueillies ni écoutées. Jamais, avant la fin du XVIIIe siècle, un médecin n'avait eu l'idée de savoir ce qui était dit (comment c'était dit, pourquoi c'était dit) dans cette parole qui pourtant faisait la différence. Tout cet immense discours du fou retournait au bruit ; et on ne lui donnait la parole que symboliquement, sur le théâtre où il s'avançait, désarmé et réconcilié, puisqu'il y jouait le rôle de la vérité au masque.
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Mais échapper réellement à Hegel suppose d'apprécier exactement ce qu'il en coûte de se détacher de lui ; cela suppose de savoir jusqu'où Hegel, insidieusement peut-être, s'est approché de nous ; cela suppose de savoir, dans ce qui nous permet de penser contre Hegel, ce qui est encore hégélien ; et de mesurer en quoi notre recours contre lui est encore peut-être une ruse qu'il nous oppose et au terme de laquelle il nous attend, immobile et ailleurs.
Or, si nous sommes plus d'un à être en dette à l'égard de J. Hyppolite, c'est qu'infatigablement il a parcouru pour nous et avant nous ce chemin par lequel on s'écarte de Hegel, on prend distance, et par lequel on se trouve ramené à lui mais autrement, puis contraint à le quitter à nouveau.

D'abord J. Hyppolite avait pris soin de donner une présence à cette grande ombre un peu fantomatique de Hegel qui rôdait depuis le XIXe siècle et avec laquelle obscurément on se battait. C'est par une traduction, celle de la Phénoménologie de l'esprit, qu'il avait donné à Hegel cette présence ; et que Hegel lui-même est bien présent en ce texte français, la preuve en est qu'il est arrivé aux Allemands de le consulter pour mieux comprendre ce qui, un instant au moins, en devenait la version allemande.
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Il faudra bien aussi, un jour, étudier le rôle que joue Freud dans le savoir psychanalytique, fort différent à coup sûr de celui de Newton en physique (et de tous les fondateurs de discipline), fort différent aussi de celui que peut jouer un auteur dans le champ du discours philosophique (fût-il comme Kant à l'origine d'une autre manière de philosopher).
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dans l'ordre du discours scientifique, l'attribution à un auteur était, au Moyen Age, indispensable, car c'était un index de vérité. Une proposition était considérée comme détenant de son auteur même sa valeur scientifique. Depuis le XVIIe siècle, cette fonction n'a cessé de s'effacer, dans le discours scientifique : il ne fonctionne plus guère que pour donner un nom à un théorème, à un effet, à un exemple, à un syndrome. En revanche, dans l'ordre du discours littéraire, et à partir de la même époque, la fonction de l'auteur n'a pas cessé de se renforcer: tous ces récits, tous ces poèmes, tous ces drames ou comédies qu'on laissait circuler au Moyen Age dans un anonymat au moins relatif, voilà que, maintenant, on leur demande (et on exige d'eux qu'ils disent) d'où ils viennent, qui les a écrits ; on demande que l'auteur rende compte de l'unité du texte qu'on met sous son nom ; on lui demande de révéler, ou du moins de porter par-devers lui, le sens caché qui les traverse ; on lui demande de les articuler, sur sa vie personnelle et sur ses expériences vécues, sur l'histoire réelle qui les a vus naître. L'auteur est ce qui donne à l'inquiétant langage de la fiction, ses unités, ses nœuds de cohérence, son insertion dans le réel.
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Pour l'instant je voudrais me borner à indiquer que, dans ce qu'on appelle globalement un commentaire, le décalage entre texte premier et texte second joue deux rôles qui sont solidaires. D'une part, il permet de construire (et indéfiniment) des discours nouveaux : le surplomb du texte premier, sa permanence, son statut de discours toujours réactualisable, le sens multiple ou caché dont il passe pour être détenteur, la réticence et la richesse essentielles qu'on lui prête, tout cela fonde une possibilité ouverte de parler. Mais, d'autre part, le commentaire n'a pour rôle, quelles que soient les techniques mises en œuvre, que de dire enfin ce qui était articulé silencieusement là-bas. Il doit, selon un paradoxe qu'il déplace toujours mais auquel il n'échappe jamais, dire pour la première fois ce qui cependant avait été déjà dit et répéter inlassablement ce qui pourtant n'avait jamais été dit. Le moutonnement indéfini des commentaires est travaillé de l'intérieur par le rêve d'une répétition masquée : à son horizon, il n'y a peut-être rien d'autre que ce qui était à son point de départ, la simple récitation. Le commentaire conjure le hasard du discours en lui faisant la part : il permet bien de dire autre chose que le texte même, mais à condition que ce soit ce texte même qui soit dit et en quelque sorte accompli. La multiplicité ouverte, l'aléa sont transférés, par le principe du commentaire, de ce qui risquerait d'être dit, sur le nombre, la forme, le masque, la circonstance de la répétition. Le nouveau n'est pas dans ce qui est dit, mais dans l'événement de son retour.
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Videos de Michel Foucault (73) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Foucault
Michel Foucault affirmait que « dans son versant critique, la philosophie est ce qui remet en question tous les phénomènes de domination ». Cette analyse des rapports de pouvoir demeure au coeur de tout un pan de la tradition philosophique et s'incarne dans un questionnement qui passe par le rapport au terrain. Comprendre les effets de domination – et tenter de les contrer – c'est aller là où ils s'exercent, c'est-à-dire là où ceux et celles qui les subissent peuvent en devenir, par leur expérience même, des expert·e·s. En franchissant le seuil d'une prison ou d'un camp de réfugié·e·s, en enquêtant sur les expérimentations autogestionnaires et écologiques au travail, chacun·e des philosophes invité·e·s façonne un discours critique qui engage un autre rapport au réel et à la philosophie. La réflexion critique se forge ainsi par les entretiens comme par le travail sur les sources et les archives, rendant présente autrement la puissance d'un terrain passé.
Retrouvez sur notre webmagazine Balises, les articles en lien avec la rencontre : "Philosophie de terrain et sciences sociales : rapprochement, hybridation ou dissolution de la philosophie ?" et "L"entretien en philosophie de terrain" https://balises.bpi.fr/philosophie-de-terrain/ https://balises.bpi.fr/entretien-philosophie-de-terrain/
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